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Synode sur l’Amazonie. Une situation gravissime pour l’Eglise

publié dans nouvelles de chrétienté le 31 juillet 2019


Correspondance européenne | 370,

Synode sur l’Amazonie: le card. Müller à propos du processus synodal en Allemagne et du Synode sur l’Amazonie

1. La sécularisation de l’Église est la cause de la crise et non son remède

Celui qui croit que « le Christ aussi a aimé l’Eglise, et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier » (Eph 5, 25), ne peut qu’être choqué par la nouvelle la plus récente qui nous vient d’Allemagne, à savoir qu’en 2018 plus de 216.000 catholiques ont abandonné leur patrie spirituelle en quittant explicitement l’Église, tournant ainsi brutalement le dos à leur mère dans la foi. Il se peut bien que les motivations de ces personnes qui sont devenues membres du Corps ecclésial du Christ par leur baptême soient aussi diverses que le sont les êtres humains eux-mêmes. Il est clair, cependant, que la plupart d’entre eux quittent l’Église dans l’état esprit de celui qui annule son adhésion à une organisation séculière ; ou de celui qui se détourne de son parti politique de toujours, pour s’en être détaché ou pour avoir été profondément déçu par celui-ci. Ils ne savent même pas – à moins qu’on ne le leur ait jamais appris – que l’Église, bien que composée d’hommes imparfaits jusque parmi ses plus hauts représentants, est, dans son essence et son mandat, une institution divine. Parce que le Christ a établi son Église comme sacrement du salut du monde, comme « le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, elle se propose de mettre dans une plus vive lumière, pour ses fidèles et pour le monde entier » (Lumen Gentium 1).

L’auteur de la Lettre aux Hébreux est bien conscient de la difficulté pastorale « Car il est impossible que ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste, qui ont été rendus participants de l’Esprit-Saint, qui ont également goûté la bonne parole de Dieu et les vertus du siècle à venir, et qui sont tombés soient renouvelés et ramenés à la pénitence, eux qui crucifient de nouveau pour leur malheur le Fils de Dieu, et le livrent à l’ignominie » (Hebr. 6:4-6).

La principale raison qui les conduit à quitter l’Église sans se rendre compte qu’ils pèchent gravement contre l’amour du Christ notre Rédempteur et mettent ainsi en péril leur salut éternel, est l’idée que l’Église serait une association séculière. Ils ne savent en rien que l’Église pèlerine est nécessaire au salut et qu’elle est indispensable pour tous ceux qui sont venus à la foi catholique. « L’incorporation à l’Église, cependant, n’assurerait pas le salut pour celui qui, faute de persévérer dans la charité, reste bien “de corps” au sein de l’Église, mais pas “de cœur” » (Lumen Gentium 14).

Cette crise qui se traduit par les départs massifs de l’Église et le déclin de la vie de l’Église (faible participation à la messe, peu de baptêmes et de confirmations, séminaires vides, déclin des monastères) ne peut être surmontée à l’aide d’une sécularisation renforcée ainsi que d’une auto-sécularisation de l’Église. Ce n’est pas parce que l’évêque est si bon et encourageant – proche des gens et n’hésitant jamais à exprimer des banalités – que les gens reviennent dans la communauté salvifique du Christ ou participent pieusement à la célébration de la Divine Liturgie et aux sacrements. C’est plutôt parce qu’ils reconnaissent la vraie valeur de la liturgie et des sacrements comme moyens de la grâce. Si l’Eglise devait essayer de se légitimer devant un monde déchristianisé d’une manière séculière en se présentant comme lobby naturalo-religieux du mouvement écologique, ou si elle essayait de se présenter comme une agence d’aide aux migrants en donnant beaucoup d’argent, elle perdrait encore plus son identité de sacrement universel du Salut dans le Christ, et elle ne recevrait absolument pas cette reconnaissance tant souhaitée de la part du courant vert de la gauche.

L’Église ne peut servir les hommes dans leur recherche de Dieu et d’une vie dans la Foi, qu’en proclamant à tous les hommes l’Évangile au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et en les faisant disciples de Jésus par le baptême. Elle est le Corps du Christ, de sorte que Jésus-Christ, sa Tête, demeure présent par elle et en elle, jusqu’à la fin du monde (voir Mt 28,19 et ss). Le Christ nous parle dans les paroles de l’homélie ; Il rend présent son propre Sacrifice sur la Croix dans la sainte Messe ; Il se donne à nous comme nourriture pour la vie éternelle ; Il pardonne les péchés et transmet l’Esprit Saint aux serviteurs de l’Église par lesquels les évêques et prêtres ordonnés – au nom de Jésus Christ, grand prêtre de la Nouvelle Alliance – agissent et le rendent ainsi visible dans la paroisse (Sacrosanctum Concilium 41).

Ce qu’on appelle le parcours synodal de la classe dirigeante de l’Église en Allemagne, cependant, vise à une plus grande sécularisation de l’Église. Au lieu d’un renouveau de l’esprit de l’Evangile, grâce à la catéchèse, à la mission, à la pastorale, à la mystagogie [une explication mystique] des sacrements, on s’appuie plutôt aujourd’hui – et c’est ce qui se fait déjà depuis un demi-siècle – sur d’autres thèmes, espérant ainsi recevoir l’approbation de l’opinion publique du monde occidental et plaire à cette pensée qui réduit l’homme à une image matérialiste.

Par son essence, le chemin synodal vise :

1. La modification du sacrement de l’Ordre en un système professionnel de fonctionnaires bien rémunérés ;

2. Le passage du « pouvoir », considéré comme politique, des évêques et des prêtres aux laïcs, avec cette clause supplémentaire : si les qualifications sont les mêmes, il faudra privilégier les femmes. Ce qui est agaçant pour elles.

3. La disqualification de la morale chrétienne, telle qu’elle découle de la nouvelle vie dans le Christ, parce qu’elle est « contre le corps » et, suppose-t-on, incompatible avec les normes de la science sexuelle moderne.

4. La pierre d’achoppement depuis la Réforme protestante et depuis le naturalisme des Lumières étant bien sûr, le célibat sacerdotal. Mais aussi les conseils évangéliques (pauvreté, chasteté, obéissance) de la vie consacrée avec vœux solennels. Dans une Église qui, en tant que simple institution humaine aux buts purement séculiers, a abandonné son identité de médiatrice du salut dans le Christ, et qui a perdu toute référence transcendante et eschatologique au Seigneur qui vient, le célibat librement choisi « pour le Royaume » (Mt. 19:12), ou, pour pouvoir « s’inquiéter des choses du Seigneur » (1 Cor. 7:32), est maintenant perçu comme une gêne– comme un élément étranger ou un déchet résiduel dont il faut se libérer aussi vite et aussi complètement que possible. Au mieux, ce célibat pourrait être accordé à certains peuples exotiques comme une forme masochiste d’autodétermination extrêmement autonome.

2. Les Allemands et le peuple amazonien dans un seul bateau

Comme ce fut déjà le cas pour les synodes sur la famille, l’« Eglise allemande » revendique son hégémonie sur l’Eglise universelle et se vante avec fierté et arrogance d’être la pionnière d’un christianisme en paix avec la modernité – malgré la lettre du pape François du 29 juin 2019 au peuple pèlerin de Dieu en Allemagne. Cependant, il n’a pas été expliqué – et cela est même difficile à comprendre pour tout observateur intéressé – pourquoi, face à l’état désolant de l’Église (allemande) dans son propre pays, on se sent maintenant appelé à être un modèle pour les autres. On utilise l’expression neutre, et qui sonne bien, d’une « saine décentralisation » (Instrumentum Laboris 126) et d’une dé-Romanisation de l’Église catholique (jadis, on appelait cela l’aversion antiromaine) ; mais ce qui est véritablement mis en avant, c’est la mythologie de l’Amazonie et de la théologie écologique occidentale, élevées au rang de Révélation ; tout comme l’hégémonie de leurs idéologues est portée plus haut que l’autorité spirituelle des apôtres dans leur office apostolique.

Dans l’ecclésiologie catholique, il ne s’agit pas d’un rapport de forces entre le centre et la périphérie, mais plutôt de la responsabilité commune du Pape – qui est assisté par l’Église romaine sous la forme du Collège des cardinaux et de la Curie romaine – ainsi que par les évêques de l’Église universelle, qui consiste en et des églises particulières sous la direction d’un évêque (Lumen Gentium 23).

Ma proposition est la suivante : si l’on veut vraiment faire du bien à l’Église en ce qui concerne les deux éléments, il faut s’abstenir, par exemple, de renvoyer des évêques sans une procédure canonique régulière (qui inclut le droit à la défense) et aussi de fermer des monastères sans même donner de raisons, ou – sous prétexte qu’on n’est pas une filiale de Rome – de compromettre la souveraineté judiciaire et magistrale propres au Pape. Je recommanderais aussi de traiter d’une manière chrétienne les confrères et les employés qui n’ont commis aucune faute – si ce n’est d’avoir défendu une position légitime, dans le cadre d’une pluralité légitime d’opinions et de styles, mais qui s’écartait, cependant, de l’opinion privée de leurs supérieurs.

Le processus synodal dans le cadre de la Conférence épiscopale allemande est désormais lié au synode su l’Amazonie, et ce pour des raisons ecclésiales-politiques, afin de s’en servir comme levier pour la restructuration de l’Église universelle. De plus, dans le cadre de ces deux activités, les protagonistes sont presque identiques, et ils sont même liés financièrement et de manière organisationnelle par l’intermédiaire des organismes d’aide de la Conférence épiscopale allemande. Il ne sera pas facile de contrôler cette avalanche destructrice. Une fois le processus achevé, plus rien ne sera comme avant, et il a été dit qu’alors on ne reconnaîtra même plus l’Église. Ainsi s’exprimait l’un des protagonistes, révélant ainsi le véritable but.

Peut-être s’agit-il d’une erreur de calcul, à l’image de celle du roi Crésus de Lydie (590-541 av. J.-C.). Celui-ci demanda un jour à l’Oracle de Delphes quelles étaient ses chances de victoire s’il attaquait l’Empire persan, mais interpréta mal, ensuite, la réponse prophétique : « Quand vous franchirez l’Halys, vous détruirez un grand empire. » Nos Halys sont la constitution divine de la doctrine, de la vie et du culte de l’Église catholique (Lumen Gentium).

Malheureusement, en Amérique du Sud jadis presque entièrement catholique, les catholiques, tout comme en Allemagne, ont quitté l’Église catholique par millions, sans que l’on se soucie de comprendre les racines de cette catastrophe, ni de faire preuve d’une détermination sincère à favoriser le renouveau en Jésus-Christ. La solution ici n’est pas une « pentecôtisation » de l’Église, c’est-à-dire sa protestantisation libérale à la manière latino-américaine, mais la redécouverte de sa catholicité. Les évêques peuvent désormais, tout comme le « Saint Synode » du Concile Vatican II, « tourner en premier lieu sa pensée vers les catholiques. Appuyé sur la Sainte Écriture et sur la Tradition, il enseigne que cette Église en marche sur la terre est nécessaire au salut. Le Christ est médiateur et voie de salut : or, il nous devient présent en son Corps qui est l’Église. (…) Sont incorporés pleinement à la société qu’est l’Église ceux qui, ayant l’Esprit du Christ, acceptent intégralement son organisation et les moyens de salut qui lui ont été donnés, et qui, en outre, grâce aux liens constitués par la profession de foi, les sacrements, le gouvernement ecclésiastique et la communion. » (Lumen Gentium 14).

La diversité pittoresque d’opinions contradictoires et l’arbitraire dans la décision de conscience ne sont pas catholiques devant la Sainte Volonté de Dieu ; est catholique plutôt l’unité du peuple dans la foi qui nous introduit dans l’union avec le Père et le Fils dans l’Esprit Saint. « Afin que tous soient un, comme vous, Père, êtes en moi, et moi en vous, afin qu’ils soient, eux aussi, un en nous, pour que le monde croie que vous m’avez envoyé » (Jean 17:21). Et c’est pourquoi il nous est dit de prendre à cœur de s’efforcer de « conserver l’unité de l’esprit dans le lien de la paix. Soyez un seul corps et un seul esprit, comme vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. Il y a un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, qui agit par tous, et qui réside en nous tous. » (Eph. 4, 3-6).

L’Instrumentum Laboris et le processus synodal en Allemagne, comme moyen supposé de sortir de la crise de l’Église, reposent tous deux sur une sécularisation plus poussée de l’Église. Lorsque, dans toute l’herméneutique du christianisme, on ne commence pas par l’autorévélation historique de Dieu dans le Christ ; quand on commence par incorporer l’Église et sa liturgie dans une vision mythologique du monde entier ; ou quand on transforme l’Église pour en faire une partie d’un programme écologique pour sauver notre planète, alors la sacramentalité – et surtout la charge ordonnée des évêques et prêtres dans la succession apostolique – devient vagues et indéterminée. Qui voudrait vraiment construire sa vie entière, avec l’exigence d’un dévouement total, sur une base aussi fragile ?

3. Le sacrement de l’Ordre sacré comme point central de la crise

Parce que le Christ a permis leur participation à son ordination et à sa mission (Lumen Gentium 28), les Apôtres et leurs successeurs dans l’office épiscopal – celui-ci représentant également l’unité de l’Église locale avec les prêtres, les diacres et tous les fidèles baptisés – exercent leur autorité au nom et avec l’autorité du Christ (Lumen Gentium 20). Ce n’est pas une puissance politico-sociologique, mais l’autorité donnée par l’Esprit Saint pour sanctifier, enseigner et gouverner le peuple de Dieu. « Ainsi donc, les évêques ont reçu, pour l’exercer avec l’aide des prêtres et des diacres, le ministère de la communauté. Ils président à la place de Dieu le troupeau, dont ils sont les pasteurs, par le magistère doctrinal, le sacerdoce du culte sacré, le ministère du gouvernement » (Lumen Gentium 20). Il ne s’agit pas de trois charges différentes qui auraient été regroupés par un accident de l’histoire, que l’on pourrait démonter ou remonter d’une manière différente.

Il n’est pas non plus opportun de faire une comparaison avec le pouvoir mondain des monarques absolus face auquel on présente à juste titre – en se référant au baron de Montesquieu – le modèle de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). Et ce parce qu’il s’agit ici du service unique du Christ Maître, Pasteur et Prêtre, qui est exercé par les Apôtres et leurs successeurs au nom du Christ et dans la puissance de l’Esprit Saint. Et il ne s’agit pas d’une forme de pouvoir sur les autres, mais plutôt d’un service, pour eux et pour leur salut (Mt 23,11). C’est pourquoi le fait que certains évêques se soient publiquement déclarés prêts à renoncer librement au « pouvoir » n’est pas l’expression de leur modestie, mais plutôt un signe de leur manque de compréhension de ce qu’est un évêque catholique. La forme de « pouvoir » auquel ils veulent aujourd’hui renoncer, il valait mieux qu’ils ne l’eussent jamais eu ; quant à l’autorité spirituelle qu’ils ont reçue du Christ à leur ordination, ils ne peuvent la donner, car elle ne leur appartient pas en propre et ils ne peuvent proposer de la distribuer. Tout au plus ils pourraient-ils demander à être déchargés de la juridiction de leur diocèse, parce qu’ils ne sont plus capables d’assumer leurs responsabilités.

Il est frappant de constater que l’Instrumentum Laboris pour le synode amazonien et le chemin synodal allemand ne part pas de fondements bibliques et ne s’oriente pas ensuite en fonction de l’enseignement de l’Église qui s’est développé par la Tradition et des décisions doctrinales définitives des conciles et du Pape. Au lieu de cela, ils tirent leurs normes et leurs règles des nécessités sociologiques présumées du monde globalisé, ou des formes traditionnelles d’organisation des tribus amazoniennes.

Si l’on ordonne prêtres en Amazonie des hommes d’âge mûr dans des partenariats considérées comme stables (que ce soit dans un mariage canoniquement valide ou non ?), afin de fournir (!) les sacrements à la communauté – même sans formation théologique (IL 129,2) – pourquoi ne serait-ce pas là aussi le levier pour introduire enfin les viri probati en Allemagne, où le célibat n’est plus accepté dans la société et où de nombreux théologiens du mariage seraient disponibles afin de combler, en tant que prêtres, les postes laissés vacants du clergé célibataire ?

On ne peut déduire de l’appel des « sept hommes de bon renom, pleins de l’Esprit-Saint et de sagesse » (Ac 6, 3) au service des tables (Ac 6, 1-7) – que l’on liera plus tard au degré des diacres sacramentellement ordonnés – la conclusion cléricalo-théologique selon laquelle l’Église pourrait créer à n’importe quel moment de nouveaux offices sacramentels, ni même qu’elle est autorisée à le faire a priori. La triple charge sacerdotale est née, d’une part, de la nécessité d’organiser la succession des Apôtres et de leur mandat d’annoncer l’Évangile, de servir sacramentellement de médiateurs de la grâce et de diriger, en bons bergers, le bercail du Christ. De l’autre côté, elle est issue de la formation des Eglises particulières en tant que représentants locaux de l’Eglise universelle. Ici, donc, l’un des prêtres est le Premier parmi le Collège des Presbytres, avec les diacres ; et, à partir du 2e siècle, il est de plus en plus exclusivement appelé évêque (Ignace d’Antioche, Mag. 6,1). Dans l’évêque, l’unité de l’Église locale est représentée sacramentellement, ainsi que l’unité avec les origines apostoliques, dans la mesure où l’ensemble des évêques, avec le Pape en tête, suit le Collège des Apôtres avec saint Pierre à leur tête (Première épître de Clément, 42:44 ; Lumen Gentium 20 ss).

4. Un office sacramentel pour les femmes ?

La triple charge – telle qu’elle est née historiquement de l’apostolat de l’Église primitive institué par le Christ – existe en vertu d’une « institution divine » (Lumen Gentium 20), et elle est exercée par ceux qui, selon la terminologie actuelle, sont « appelés évêques, prêtres, diacres » (Lumen Gentium 28). Dans des temps meilleurs, les évêques allemands s’opposèrent unanimement à la Kulturkampf de Bismarck en déclarant : « La constitution de l’Église est fondée, pour tous les points essentiels, sur l’ordre divin et est exempte de tout arbitraire humain » (DH 3114). Fait partie de cela l’idée que l’évêque, le prêtre et le diacre ne sont que des degrés de l’unique sacrement de l’Ordre. « Nul ne peut douter que la sainte ordination est vraiment et essentiellement l’un des sept sacrements de la Sainte Église – unum ex septem sacramentis. » (Trente, Décret sur le sacrement de l’Ordre : DH 1766 ; 1773). C’est pourquoi il est absurde d’assortir l’« Ordinatio sacerdotalis » (1994) de l’interprétation spécieuse selon laquelle aucune décision n’a été prise sur l’indivisibilité du sacrement de l’Ordre dans son ensemble, mais seulement sur les degrés de l’épiscopat et de la charge de prêtre que seuls les hommes peuvent recevoir.

L’analyse théologique des faits doctrinaux et historico-ecclésiastiques, dans le contexte des déclarations contraignantes concernant le sacrement de l’Ordre, montre très clairement que l’ordination sacramentelle, dans le degré et avec le titre officiel de « diacre », n’est pas et n’a jamais été administrée aux femmes dans l’Eglise catholique.

Il découle de la « constitution divine de l’Église », comme le Pape Jean-Paul II l’a décidé de manière incontestable, que l’Église n’a aucune autorité pour administrer l’ordination sacerdotale aux femmes. Ce n’est pas une conclusion tirée de l’histoire : elle s’enracine plutôt dans la constitution divine de l’Église. Cela s’applique bien sûr aux trois degrés de l’ordre. Il est devenu habituel dans le grand public et dans le vocabulaire actuel de l’Église d’utiliser le mot ouvert « serviteur », dans la version grecque « diakonos », comme terme technique pour désigner le premier des trois degrés de l’ordre. Pour autant, il n’est pas utile aujourd’hui de parler des diacres féminins non sacramentels, établissant ainsi l’illusion qu’il s’agit de faire revivre une institution passée – mais limitée dans le temps et dans l’espace – des diaconesses de l’Église primitive.

Cela contredit aussi l’essence de la charge épiscopale et de la charge sacerdotale, que l’on réduit à la sanctification pour pouvoir ensuite laisser des laïcs – c’est-à-dire des hommes et des femmes dans un service non sacramentel – prononcer l’homélie pendant la messe célébrée par un prêtre ou un évêque. On ferait ainsi des prêtres des « altaristes » [ou des « autellistes »] (« Altaristen » : un mot humiliant pour désigner les prêtres qui célèbrent la messe sans homélie et sans attention pastorale ; c’est un abus que Luther a identifié et utilisé au service de ses polémiques ; G.M.], ce qui à l’époque a déclenché la protestation de la Réforme. La Messe est – en tant que liturgie de la Parole et du Corps et Corps de Notre Seigneur – « un seul acte d’adoration » (Sacrosanctum concilium 56). C’est pourquoi il appartient aux évêques et aux prêtres de prêcher et, tout au plus, de laisser occasionnellement le diacre ordonné prononcer une homélie. Le service dans la Parole et dans le Sacrement a une unité intérieure. L’office le plus important des évêques est la proclamation, d’où découlent aussi de manière cohérente les devoirs sacramentels (Lumen Gentium 25). De même que les Apôtres sont « serviteurs de la Parole » (Lc. 1, 2 ; Ac. 6, 2), la tâche des prêtres (évêques, presbytres) est également définie comme service « de la Parole et de la Doctrine » (1 Tim. 5, 17).

Lors de l’ordination, il n’y a pas de transfert de compétences individuelles particulières sans ordre interne ni interconnexion. C’est un service unique de la Parole, par lequel l’Église est réunie en tant que communauté de foi, où les sacrements de la foi sont célébrés et dans lequel le troupeau de Dieu est gouverné par ses bergers désignés, au nom et sous l’autorité du Christ. Voilà pourquoi les fonctions sacerdotales de la doctrine, du culte et de la gouvernance sont unies à la racine et sont simplement différentes dans leurs aspects théologiques, sous lesquels nous les examinons (Presbyterorum Ordinis 4-6). Dans la première description du rite de la messe à Rome vers l’an 160, le martyr et philosophe Justin dit que pendant la liturgie dominicale, après les lectures tirées des livres bibliques, le président (évêque, presbytre) donne l’homélie, et qu’ensuite il célèbre la Sainte Eucharistie avec offrande, consécration et communion (voir Justin, II. Apologia 65-67).

Les sacrements sont des signes et des instruments de la grâce divine, avec l’aide desquels Dieu édifie le chrétien individuel et l’Église dans son ensemble. C’est pourquoi on ne peut pas s’adresser aux autorités laïques et revendiquer, au nom des droits de l’homme, le droit d’être ordonné (ni en tant qu’homme ni en tant que femme), car les droits de l’homme sont instillés dans la nature de l’homme. En ce qui concerne l’ordre de la grâce et l’ordre de l’Église, l’autorité civile n’a aucune compétence. Seul un catholique du sexe masculin peut être ordonné – s’il est appelé et si l’Église, représentée par l’évêque, reconnaît l’authenticité de cette vocation et ordonne ensuite le candidat approprié selon les conditions canoniques comme évêque, prêtre ou diacre.

Mais ceux qui ont des difficultés avec cette vision des choses considèrent l’Église au mieux comme une institution séculière et ne reconnaissent donc pas l’office ordonné comme une institution divine. De telles personnes ne voient en définitive dans le titulaire d’une charge chrétienne qu’un simple fonctionnaire d’une organisation religieuse-sociale. Comment pourrait-on, dans ce cas, exhorter les fidèles avec ces paroles ? « Obéissez à vos guides et soyez-leur soumis ; car ils veillent, comme devant rendre compte pour vos âmes ; et il faut qu’ils le fassent avec joie, et non en gémissant ; ce qui ne vous serait pas avantageux. » (Héb. 13:17)

Le Magistère du Pape et des évêques n’a aucune autorité sur la substance des sacrements (Trente, Décret sur la communion sous les deux espèces, DH 1728 ; Sacrosanctum Concilium 21). Par conséquent, aucun synode – avec ou sans le Pape – ni aucun concile œcuménique, ni le Pape seul, même s’il parlait ex cathedra, ne pourrait rendre possible l’ordination des femmes comme évêque, prêtre ou diacre. Ils seraient en contradiction avec la doctrine clairement définie de l’Église. Cela serait invalide. Indépendamment de cela, il y a l’égalité de tous les baptisés dans la vie de la grâce et dans la vocation à toutes les charges et fonctions ecclésiales pour lesquelles l’exercice du sacrement de l’Ordre n’est pas nécessaire.

5. Sur ce qui est important à l’égard de l’office sacerdotal

Au cours des 2000 ans d’histoire de l’Eglise, les constellations culturelles et les conditions politico-sociologiques de la vie de l’Eglise ont aussi parfois changé de manière dramatique. Cependant, la fonction sacerdotale a toujours été la même dans ses éléments essentiels, que ce soit dans une société féodale, ou dans le système ecclésiastique germanique, pendant la période des cours et des princes évêques, ou à l’époque de l’Office de Pierre jusqu’en 1870 avec les avantages et les charges des Etats pontificaux. Comme aujourd’hui, il s’est toujours agi du service de la Parole et des Sacrements pour le salut du monde : tel est le devoir du berger qui, comme Jésus, le « berger et évêque de vos âmes » (1 Pierre 2,25), le « Berger suprême », donne sa vie pour les brebis qui lui ont été confiées (1 Pierre 5 1,4). La substance des sacrements n’est pas sujette à l’autorité de l’Église. Et l’on ne peut pas construire un nouveau modèle de sacerdoce, à l’aide d’éléments isolés des Écritures et de la Tradition et en omettant de faire la distinction entre décisions dogmatiquement contraignantes et de développements d’aspects mineurs. Les images sacerdotales développées par les stratèges pastoraux ne sont pas davantage importantes : seule importe l’image unique du Christ, le Grand Prêtre de la Nouvelle Alliance, qui est éternellement imprimée sur l’âme des consacrés et au nom et par la force de laquelle ils sanctifient, enseignent et gouvernent les fidèles (Presbyterorum Ordinis 2:12).

Cependant, les maîtres à penser allemands engagés dans le processus synodal ont dénigré l’affirmation centrale selon laquelle les prêtres agissent – en vertu du caractère qu’ils ont reçu à leur ordination – comme les Apôtres, « in persona Christi » (2 Co 2, 10 ; 2 Co 5, 20), le chef de l’Église (Presbyterorum ordinis 2), en présentant cette affirmation comme cause du cléricalisme et même cause des abus sexuels des jeunes. C’est d’abord une insulte incroyable à tant de pasteurs zélés. Mais plus gravement cela revient à contredire Jésus qui l’a d’abord dit aux douze Apôtres et ensuite aux 72 autres disciples : « Celui qui vous écoute, m’écoute ; celui qui vous méprise, me méprise. Et celui qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé. » (Luc 10,16). Un professeur de liturgie allemand s’est involontairement présenté sous un mauvais jour, et en contradiction ouverte avec le Concile Vatican II, lorsqu’il a affirmé que la célébration quotidienne de l’Eucharistie – dans laquelle le sacrifice de Jésus sur la Croix par amour pour les hommes, devient présent au monde – est à l’origine des abus pédophiles et homophiles de la sexualité. Car que le Concile affirme: « Dans le mystère du sacrifice eucharistique, où les prêtres exercent leur fonction principale, c’est l’œuvre de notre Rédemption qui s’accomplit sans cesse. C’est pourquoi il leur est vivement recommandé de célébrer la messe tous les jours » (Presbyterorum ordinis 13). Si au cours du processus synodal en Allemagne, le thème essentiel de la transmission de la Foi n’est pas abordé, le rythme du déclin s’accélérera encore.

Peut-être sommes-nous en passe de devenir un « petit troupeau ». Mais cette parole de Jésus n’est pas à prendre dans un sens sociologique, et il n’a rien à voir avec les petits ou les grands nombres. Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés, et qu’ils parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tim. 2:4), avec l’aide de l’unique médiateur Jésus Christ, dans la « maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité » (1 Tim. 3:15).

L’Église est le peuple de Dieu au milieu des peuples. Et si, au sein d’une nation, la majorité de la population est catholique, et que donc la société et l’État y sont imprégnés par la culture chrétienne, cela est certainement la volonté de Dieu. Le « petit » troupeau, c’est ce que nous sommes par rapport de la majorité ou dans une diaspora, car être chrétien à la suite du Seigneur Crucifié n’est pas une question d’adaptation à la culture dominante ni de contradiction, mais bien plus une décision personnelle de suivre le Seigneur crucifié et ressuscité.

Il est beau certainement d’être sur les rives du Rhin et de rêver à l’Amazonie. Mais la vue de ces fleuves majestueux ne peut calmer le désir ardent du cœur humain, ni leurs eaux étancher la soif de la vie éternelle. Seule l’eau que Jésus, Verbe incarné de Dieu, nous donne, devient en nous « une source d’eau qui jaillit jusqu’à la vie éternelle » (Jean 4,14).

(© leblogdejeannesmits pour la traduction).

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