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Une page d’histoire de l’Eglise…à l’occasion du 50ème anniversaire de la Fraternité Saint Pie X

publié dans nouvelles de chrétienté le 17 octobre 2020


Mgr Lefebvre et Mgr Charrière avant l’épopée d’Ecône

Une page d’histoire de l’Eglise

Mgr Marcel Lefebvre et Mgr François Charrière avant l’épopée d’Ecône

 

L’érection canonique, dans un cadre régulier, de la Fraternité sacerdotale internationale Saint-Pie X, le 1er novembre 1970, est le fruit d’une longue amitié entre deux évêques, Mgr François Charrière et Mgr Marcel Lefebvre, qui reçurent tous deux l’épiscopat à peu d’années d’intervalle, sous le pontificat du pape Pie XII.

Mgr François Charrière (1893-1976) est l’évêque qui a béni la fondation de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Il a douze ans de plus que Mgr Marcel Lefebvre (1905-1991), mais ils reçurent tous deux l’épiscopat à peu d’années d’intervalle, sous le pontificat du pape Pie XII.

Mgr François Charrière

Gruérien de Cerniat, élève du grand séminaire de Fribourg (1913-1917), l’abbé François Charrière est ordonné prêtre le 15 juillet 1917. Vicaire à la paroisse de Notre-Dame, à Lausanne, il fréquente les Semaines sociales de France et sensibilise les jeunes catholiques à ce qu’on appelle alors la doctrine sociale de l’Eglise 1.

A la mort du curé, survenue au mois de janvier 1920, il est nommé administrateur de la paroisse jusqu’à l’installation du nouveau curé.

Mgr Marius Besson (1876-1945), nouvel évêque du diocèse (23 juin 1920), l’envoie ensuite compléter ses études à l’Angelicum à Rome.

Après avoir obtenu le doctorat en droit canon en 1923, l’abbé François Charrière enseigne la théologie morale, le droit ecclésiastique et la sociologie au grand séminaire de Fribourg.

En 1926, il fonde, avec l’abbé Charles Journet (1891-1975), professeur de théologie dogmatique au séminaire de Fribourg, la revue de culture catholique Nova et Vetera, qui se propose d’éclairer de la lumière de la foi catholique et de la théologie de saint Thomas d’Aquin les grandes questions d’actualité.

En 1927, il crée l’œuvre Saint-Justin, en faveur des étudiants des pays de missions, pour former une élite capable d’agir utilement dans les pays en voie de développement. Il appelle à Fribourg des centaines, des milliers, peut-être, d’étudiants chinois, japonais, africains 2.

Directeur du journal La Liberté (1941-1945), il s’intéresse aux techniques nouvelles de communication (radio, TV) et à leur emploi dans la pastorale.

Il reçoit la consécration épiscopale le 21 novembre 1945 des mains de Mgr Philippe Bernardini (1884-1954), nonce apostolique en Suisse, assisté de Mgr Victor Bieler, évêque de Sion (1881-1952), et de Mgr Olivier Maradan (1899-1975), évêque de Port-Victoria 3.

Mgr Marcel Lefebvre

Marcel Lefebvre naît à Tourcoing, ville industrielle du Nord de la France. Entré au Séminaire français de Rome (1923-1930), il est le disciple fervent du père Henri Le Floch (1862-1950), qui, dans ses conférences spirituelles, dévoile à ses élèves le rôle providentiel des papes au cours de l’histoire de l’Eglise, en particulier la lutte constante des derniers pontifes romains contre les erreurs de leur siècle : le libéralisme, le socialisme, le modernisme.

Le jeune abbé Lefebvre s’enflamme pour le règne social du Christ-Roi tel qu’il est promu par le pape Pie XI dans son encyclique Quas primas (11 décembre 1925). Docteur en philosophe et en théologie de l’université Grégorienne, ordonné prêtre à l’âge d’à peine 24 ans (21 septembre 1929), Marcel Lefebvre débute son ministère comme second vicaire d’une paroisse ouvrière puis, changeant d’orientation, devient religieux missionnaire des Pères du Saint-Esprit (1932).

Spiritain, il est envoyé au Gabon, où il reste treize ans : d’abord directeur du séminaire de Libreville (1932-1938), puis chef de mission (1938-1945).

Les ruines de la guerre le rappellent en France, à la direction du scolasticat spiritain de Mortain (1945-1947), poste qu’il occupe jusqu’à ce que le pape Pie XII le rappelle en Afrique, comme vicaire apostolique 4 de Dakar au Sénégal (12 juin 1947).

Mgr Marcel Lefebvre reçoit l’épiscopat le 18 septembre 1947 des mains du cardinal Achille Liénart (1884-1973), assisté de Mgr Jean-Baptiste Fauret (1902-1984), son ancien supérieur au Gabon, et de Mgr Alfred Ancel (1898-1984), son ancien condisciple du Séminaire français de Rome.

Un même zèle pour les missions

Formés tous deux à Rome, soucieux de la formation des clercs, Mgr Charrière et Mgr Lefebvre partageaient le même zèle pour les missions. En 1953, Mgr Lefebvre vient visiter à Fribourg les Petites Sœurs de Saint-Paul afin de découvrir l’activité missionnaire de cette œuvre pour laquelle il manifeste une très grande bienveillance 5.

Le 23 octobre 1955, à l’occasion du dimanche des missions, à la cathédrale de Fribourg, Mgr Charrière pontifie et le Vicaire apostolique de Dakar, également délégué apostolique pour les Missions de l’Afrique occidentale française 6, assure la prédication : « Mgr Marcel Lefebvre (…) prononça un plaidoyer, émouvant dans sa simplicité, en faveur des missions et spécialement de celle de l’Afrique. Il y montra que les peuples noirs ont soif d’une doctrine religieuse plus élevée et que, se rendant compte de la pauvreté de leur paganisme, attendent celui qui leur apportera une religion monothéiste. Certains se tournent vers la doctrine de Mahomet ou vers le protestantisme, faute d’avoir entendu des missionnaires catholiques. Ceux à qui le message du Fils de Dieu a été apporté deviennent vite des chrétiens fervents, prêts, si le joug communiste – dont la doctrine s’infiltre déjà en Afrique du Nord – devait peser sur eux, à faire le sacrifice de leur vie pour garder leur foi.

(…) Délicatement, le prélat rappelle que son Vicaire général 7 et trois Petites Sœurs de Saint-Paul 8 travaillant dans les territoires soumis à sa juridiction sont d’origine fribourgeoise. » 9

En fin de journée, Mgr Charrière rappelle la nécessité d’avoir une âme vraiment missionnaire : « Cette cause des missions ne doit pas être conçue comme une œuvre entre les autres, mais comme l’œuvre essentielle : on est chrétien et alors on est missionnaire ou l’on n’a pas le droit de revendiquer le titre de chrétien. Tout chrétien doit avoir présente dans le cœur l’invocation du Pater : Adveniat regnum tuum 10. Mais pour que ce règne gagne sans cesse autour de nous, il faut qu’il commence d’abord en nous. » 11

Mgr Charrière au Sénégal

A Fatick (Sénégal) – une mission à 150 kilomètres de Dakar qui compte alors 4’000 catholiques, soit 3’000 baptisés et 1’000 catéchumènes –, une église, dédiée à sainte Jeanne d’Arc, est édifiée selon les plans de l’architecte suisse Strobel, et en bonne partie grâce à la générosité des catholiques suisses. Mgr Lefebvre invite alors Mgr Charrière à venir consacrer lui-même ce nouveau lieu de culte 12.

Le voyage se fait sur plusieurs jours. La consécration de l’église de Fatick a lieu le dimanche 10 mai 1959. Mgr Charrière en profite pour visiter, avec son confrère et ami dans l’épiscopat, l’archidiocèse de Dakar 13 dans lequel les catholiques ne sont encore que 97’000 sur une population d’un million d’habitants :

•  Dakar, ville en plein développement qui dépasse déjà les 300’000 habitants et dans laquelle les églises se multiplient, ainsi que les œuvres sociales, la presse, les écoles, les dispensaires, les hôpitaux.

•  Kaolack, siège de la Préfecture apostolique confiée aux Missionnaires du Sacré-Cœur d’Issoudun 14 qui n’a qu’un peu plus de 4’000 chrétiens sur une population dépassant 500’000 âmes.

•  Ngazobil, la plus ancienne mission des Spiritains au Sénégal.

•  Fadiout avec ses 5’000 catholiques entassés sur une petite île.

•  Thiès, une importante mission de 9’000 chrétiens.

•  Le séminaire de Sebikotane dans une oasis de verdure.

•  Popenguine, une petite chrétienté fervente.

•  Le dispensaire de Diohine où la sœur infirmière n’ayant plus de remède et pas d’argent pour en faire venir, « badigeonne les plaies au mercuro-chrome pour donner aux gens au moins l’illusion d’avoir été soignés ». 15

Le concile Vatican II (1962-1965)

La longue réflexion qui aboutira au texte conciliaire Dignitatis Humanæ sur la liberté religieuse (7 décembre 1965), débute à l’évêché de Fribourg, le 27 décembre 1960. Mgr Charrière et Mgr Emile-Joseph De Smedt (1909-1995), évêque de Bruges, se réunissent en compagnie de deux théologiens : le P. Hamer, dominicain, et le chanoine Bavaud. Ce dernier est en possession d’une notice de quatre pages sur « La liberté de conscience », alors que l’évêque belge apporte un document intitulé « La liberté religieuse » 16

Lors du concile Vatican II, Mgr Charrière se manifeste peu, mais il a une action œcuménique appréciée à Rome (voyage à Moscou, membre du Secrétariat pour l’unité des chrétiens).

De son côté, Mgr Lefebvre, président de la conférence épiscopale de l’Ouest africain, est nommé en 1960 membre de la commission centrale préparatoire au concile Vatican II. Jean XXIII, qui succède en 1958 au pape Pie XII, n’entend pas le langage de Mgr Lefebvre. Il nomme l’archevêque de Dakar à l’humble évêché de Tulle, en France (1962), un diocèse en difficulté dont le séminaire vient de fermer. Mais six mois plus tard, Mgr Lefebvre est élu Supérieur général de la congrégation des Pères du Saint-Esprit.

Au concile Mgr Lefebvre, secondé par deux évêques brésiliens, Mgr Antonio de Castro Mayer (1904-1991) et Mgr Geraldo de Proença Sigaud (1909-1999), aidé par le cardinal Arcadio Larraona (1887-1973), avec l’aide de théologiens amis, usant de moyens de fortune, informe les pères conciliaires de ce qui se trame tout en organisant la riposte. A partir de la deuxième session (1963), se forme un groupe d’environ 250 pères, le Cœtus Internationalis Patrum (groupe international de pères), dont il assure la présidence, pour se lever contre les schémas qui introduisent des nouveautés dans la théologie : collégialité, œcuménisme, liberté religieuse, etc…

Après le concile Vatican II

Un an après le Concile, le 24 juillet 1966, la foi de nombreux fidèles étant tellement ébranlée, le cardinal Ottaviani écrit aux présidents des conférences épiscopales et aux supérieurs généraux d’ordres et de congrégations pour leur demander de répondre à une enquête sur le danger que couraient certaines vérités fondamentales de la foi.

Dans sa réponse du 25 novembre 1966, Mgr Charrière dit : « Je crois pouvoir dire en toute sincérité que prêtres et fidèles, dans notre diocèse, ont résisté jusqu’ici très loyalement aux infiltrations erronées et dangereuses dont parle votre lettre. Non pas que nous prétendions être meilleurs que les autres, mais parce les Suisses sont farouchement attachés à l’esprit d’indépendance et se méfient d’instinct de ce qu’on leur apporte du dehors. Mais cette influence du dehors s’exerce quand même sous la forme de revues, de journaux. Sous la forme aussi de prédicateurs de retraites qui nous viennent pour la plupart de France ou de Belgique. J’ai eu plusieurs fois des plaintes à ce sujet et j’ai demandé que les supérieurs religieux nous renseignent exactement de ce qui se passe. Il m’est arrivé déjà de retirer les pouvoirs à des prêtres trop avancés. Il s’agit généralement de positions inadmissibles concernant le culte de l’Eucharistie et le culte marial. Sur ce dernier point, il est même arrivé que j’aie dû mettre à l’ordre quelques prêtres de chez nous. Mais c’est une infime minorité. » 17

La réponse de Mgr Lefebvre est datée du 20 décembre 1966 : « J’ose dire que le mal actuel me paraît beaucoup plus grave que la négation ou mise en doute d’une vérité de notre foi. (…) Il faut donc, acculé par les faits, conclure que le Concile a favorisé d’une manière inconcevable la diffusion des erreurs libérales. La foi, la morale, la discipline ecclésiastique sont ébranlées dans leurs fondements, selon les prédictions de tous les papes. La destruction de l’Eglise avance à pas rapides. » 18

Vers Ecône…

Lorsque Mgr Charrière érige canoniquement, dans son diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, la Fraternité sacerdotale internationale Saint-Pie X, il se réfère certes au décret Optatam totius (28 octobre 1965) du concile Vatican II relatif à la formation des prêtres.

Mais il fait surtout confiance et encourage « un grand ami et fin connaisseur de Fribourg et des Fribourgeois » 19, qu’il connaît bien pour l’avoir côtoyé tant à Fribourg qu’en Afrique, qui partage son zèle pour les missions, pour la défense de la foi, et qui « a résisté très loyalement aux infiltrations erronées et dangereuses » dont parlait le cardinal Ottaviani.

Le 1er novembre 1970, après l’avoir autorisé volontiers à ouvrir à Fribourg un “convict” pour séminaristes de tous pays, spécialement d’Amérique du Sud (6 juin 1969), Mgr Charrière donne à Mgr Lefebvre les moyens de poursuivre une œuvre d’Eglise à laquelle il croit ! Deo gratias !

abbé Claude Pellouchoud (Rédacteur en chef du « Rocher », revue du district de Suisse de la FSSPX)

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