Affaires de pédophilie dans l’Eglise: « lynchage médiatique ».
publié dans nouvelles de chrétienté le 18 mars 2010
Une lettre de l’évêque de Ratisbonne
Mgr Gerhard Müller dénonce une campagne anti-catholique orchestrée par les medias
Mgr Gerhard Ludwig Müller, l’éveque de Ratisbonne (dont on trouvera la biographie en français sur le site de l’évêché) a publié sur ce même site une lettre consacrée aux affaires de pédophilie en Allemagne.
Le site est vraiment exemplaire, car la lettre a été traduite dans les principales langues.
La version en français est ici.
Dans les paragraphes 7, 8 et 9, l’évêque dénonce clairement une campagne de calomnies orchestrée par la presse.
« L’abus sexuel » et son instrumentalisation anticatholique
———————–
. L’abus sexuel est répréhensible
1. Abuser sexuellement d’enfants ou de jeunes est une violation abjecte de leur dignité humaine. D’un point de vue théologique, il s’agit d’une faute lourde, un péché dont la conséquence résultera dans le fait que les coupables « ne posséderont le royaume de Dieu » (1 Co 6,10). Selon le Code pénal allemand, l’abus sexuel sur mineur est un délit passible d’une peine maximum de prison de dix ans.
2. Concernant la façon de traiter les délinquants et leurs victimes, il faut opérer une distinction très stricte entre les compétences respectives de l’État et celles de l’Église.
3. En tant que citoyen, le délinquant est soumis au droit civil et au droit pénal. Par conséquent, en ce qui concerne le délit à proprement parler, la peine prononcée, l’application de cette condamnation et le contrôle des obligations à remplir en cas de sursis, l’État seul et ses institutions sont responsables et compétents.
4. Si les délinquants sont des personnes travaillant au service de l’Église (des clercs, religieux ou laïcs), la sanction pénale dans l’Église doit suivre les indications et obligations émises par le tribunal civil ; elle doit également être établie sur la base d’une expertise scientifique et thérapeutique. Cette sanction peut aller d’une restriction très large du ministère pastoral à une révocation définitive des services de l’Église.
5. Le coupable doit à sa victime l’expression de son repentir profond, concernant les blessures physiques et morales qu’il a infligées à cette dernière. S’y ajoute l’obligation de satisfaire aux condamnations et mises à l’épreuve prononcées et imposées par le tribunal, comme par exemple le paiement de dommages et intérêts ou bien la prise en charge des coûts d’une thérapie.
6. Si le coupable était employé au service de l’Église, les diocèses ou les institutions ecclésiales compétentes offriront des aides thérapeutiques et pastorales, bénéficiant en cela du soutien des commissions installées à cet effet. Les services du Secours Catholique et la pastorale catholique des jeunes proposeront également leur aide aux victimes d’abus sexuel, indépendamment de l’origine des coupables.
. Des campagnes anticatholiques
7. La couverture du magazine allemand SPIEGEL, intitulée : « Les hypocrites : l’Église catholique et le sexe » a provoqué un nouveau raz-de-marée médiatique anticatholique. Nous sommes ici confrontés à un détournement du délit d’abus sexuel, commis par des personnes isolées, aux seules fins d’une exploitation politique et idéologique. Son seul but étant de présenter l’Église catholique dans son ensemble ainsi que sa morale en matière de sexualité comme un « biotope » dans lequel, par conséquent, l’abus sexuel des jeunes enfants n’a pas d’autre issue que de « s’épanouir ». Le SPIEGEL se rend coupable en portant atteinte à la dignité humaine (cf. art. 1 de la Loi Fondamentale) de tous les prêtres et religieux catholiques. Le fait d’attribuer la faute de l’abus sexuel sur mineur commis par quelques individus – attribution dénuée de toute logique et de toute réalité statistique et empirique – à la morale sexuelle de l’Église et à l’engagement libre dans le célibat consacré au service du Royaume de Dieu (cf. Mt 19 ; 1 Co 7) est une insulte infligée à toute personne pensante et honnête.
8. En nourrissant sans fin des clichés anticatholiques et en réveillant de vieux ressentiments, on cherche à cacher la contradiction existante entre la réalité médiatique virtuelle et la réalité telle quelle, qui est toujours constituée d’un mélange d’ombres et de lumières (legenda negra). Ce faisant, on court le danger que les personnes enclines à « croire » les médias avant tout peuvent avoir l’impression que tout ne peut être faux de ce qu’ « on lit dans les journaux ». Du coup, on n’arrive plus à distinguer une liberté de la presse détournée de son but initial, d’une licence à diffamer qui permet de façon apparemment légale de priver de leur honneur et de leur dignité toutes les personnes et congrégations se refusant à obéir à l’exigence de domination totalitaire du néo-athéisme ou à la dictature du relativisme.
9. Même le quotidien « Süddeutsche Zeitung » évoque dans le contexte de ces campagnes médiatiques récurrentes à l’encontre du célibat et de la morale sexuelle catholique le discours tristement célèbre du maître de l’incitation à la haine, en 1937, à la « Deutschlandhalle » de Berlin. Lors de ce discours, des milliers de prêtres et religieux catholiques ont été systématiquement humiliés et traités de pervers sexuels devant 20 000 partisans nazi fanatisés. On cherchait ainsi à exposer le clergé catholique à la vindicte publique. Le moyen pour y parvenir était la « Sippenhaft » (littéralement : responsabilité du clan, ou de la parenté). Ce n’était pas le vrai coupable ou le coupable accusé à tort, Monsieur XY, qui était responsable de ses faits mais le clergé à part entière auquel le coupable appartenait ou bien aussi l’Église en tant que « système ».
.
Quelques remarques d’ordre théologique et historique
10. Pendant les périodes de conflits culturels et de heurts entre l‘Église et l’État, les chrétiens se souviennent de l’Esprit-Saint en tant que « Consolateur » (Jn 14, 26). Il apporte son aide au discernement des esprits afin de savoir s’ils sont de Dieu. Cependant, la haine manifestée à l’encontre de l’Église révèle également la distinction entre les vrais et les faux prophètes au sein même de l’Église. Car l’esprit de Dieu enseignera tout aux disciples et leur rappellera tout ce que Jésus leur a dit : « Heureux serez-vous, lorsque les hommes vous haïront, lorsqu’ils vous frapperont d’exclusion et qu’ils insulteront et proscriront votre nom comme infâme à cause du Fils de l’homme.(…) car c’est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes (…) Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous, car c’est ainsi qu’agissaient leurs pères à l’égard des faux prophètes! (Lc 6, 22–26).
11. Affichant de la sorte son propre caractère, l’agnosticisme dogmatiste en face de la révélation de Dieu se réfère toujours à la « faiblesse » de la raison, c’est-à-dire de la raison qui est limitée par rapport à la transcendance. Ce faisant, on établit les bases d’une perception de l’homme réduite à un horizon matérialiste immanent. A l’intérieur de ce paralogisme naturaliste, le libre arbitre, la responsabilité morale et la conscience personnelle n’ont pas droit de cité. L’homme ne serait qu’une victime de ses propres passions et pulsions. Il conviendrait alors de les canaliser de façon à ce que la personne soit apte à la vie en société afin de limiter de la manière la plus efficace les dégâts éventuels. Une approche aussi cynique ne permet pas d’avoir une vision positive et optimiste de la corporéité et de la sexualité de l’homme.
12. On oublie alors l’importance de l’intelligence humaine, capable de reconnaître l’éternelle puissance de Dieu ainsi que sa divinité à travers ses œuvres, depuis la création du monde (cf. Rm 1, 20) ; Dieu qui a inscrit les exigences de ses commandements altruistes dans la conscience de tout être humain (cf. Rm 2, 26). Une éthique inspirée par la raison est possible et universelle. Tout en parlant de la faiblesse de la raison, nous devrions garder un certain optimisme : « De même aussi l’Esprit vient en aide à notre faiblesse » (Rm 8,26), tout comme à la faiblesse de la raison du néo-athéisme et à la volonté des hédonistes. Pour eux aussi vaut la citation suivante : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira (Jn 8, 32). »
. L’anthropologie chrétienne et sa vision systémique de la sexualité humaine
13. Réduire les pulsions sexuelles à un déroulement matériel et mécanique, c’est agir en contradiction avec une vision systémique de l’être humain en tant qu’entité personnelle formée de l’esprit, de l’âme et du corps. C’est également une contradiction par rapport à son intégration dans la communauté pour laquelle il assure des responsabilités. Aidé en cela par l’esprit de Dieu, tout homme peut se destiner librement à l’amour personnel, en suivant sa conscience.
14. La morale sexuelle catholique est marquée par une vision de l’homme qui prend en considération l’être entier. Dieu créa l’homme ; il les créa homme et femme. C’est pourquoi l’amour personnel constitue l’aspect marquant de l’union de corps et de vie des époux. Le mariage dans l’ordre de la création, en tant qu’union légitime d’un homme et d’une femme, participe de l’unité sacramentelle du Christ et de l’Église ; il est sa représentation. Le mariage est à l’origine de la famille en tant que communauté du père et de la mère avec leurs filles et leurs fils.
15. Il est possible de renoncer au mariage et de vivre l’abstinence sexuelle, à condition que ce choix de vie résulte du libre arbitre de la personne. Ce célibat consacré et consenti librement doit être vécu et accepté comme une vocation charismatique en raison du service au Royaume de Dieu. Jésus lui-même nous livre l’explication : « Tous ne comprennent pas cette parole, mais ceux à qui cela a été donné … Que celui qui peut comprendre, comprenne ! » (Mt 19, 11s.).
Mgr Gerhard Ludwig Müller
Évêque de Ratisbonne
Lettre puibliée dans http://benoit-et-moi.fr/2009/