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Jean XXIII et le saint Curé d’Ars

Jean XXIII et le saint Curé d’Ars

publié dans la doctrine catholique le 22 mars 2010


Jean XXIII et le saint Curé d’Ars

Le « Bon » pape Jean XXIII adressa à la catholicité, le 1 août 1959, à l’occasion du centenaire de la mort de Saint Jean Marie Vianney, une belle lettre apostolique appelé « Sacerdotii Nostri Primordia » toute consacré au saint Curé.

C’est ce document qui fera l’objet de nos considérations en ce temps qui m’est imparti, dans cette belle collégiale de Mantes-La-Jolie.

 

La place du saint Curé d’Ars dans la vie de Jean XXIII

 

Jean XXIII rappelle tout au début de sa Lettre qu’il recevait la dignité sacerdotale catholique à peine quelques mois avant la déclaration de la béatification du saint Curé par le pape Saint Pie X et que cet événement a marqué durablement son sacerdoce. C’est même son premier paragraphe.

 

Il écrit en effet : « « Les joies pures qui accompagnèrent en abondance les prémices de Notre sacerdoce sont à jamais liées, dans Notre mémoire, à l’émotion profonde que Nous avons ressentie le 8 janvier 1905, en la basilique vaticane, lors de la béatification glorieuse de cet humble prêtre de France que fut Jean-Marie-Baptiste Vianney. Élevé Nous-même au sacerdoce depuis quelques mois à peine, Nous fûmes saisi par l’admirable figure sacerdotale que Notre Prédécesseur saint Pie X, l’ancien curé de Salzano, était si heureux de proposer en exemple à tous les pasteurs d’âmes. Et, à tant d’années de distance, Nous ne pouvons rappeler ce souvenir sans remercier encore Notre divin Rédempteur, comme d’une grâce insigne, de l’élan spirituel ainsi imprimé, dès ses débuts, à Notre vie sacerdotale».

 

On voit quelle heureuse influence peut avoir un saint prêtre sur un confrère…

 

La vie sacerdotale du pape Jean XXIII fut comme marquée, providentiellement, de fait, par la présence du saint Curé puisque il fut élevé au sacerdoce suprême, l’épiscopat, dans l’année où le pape Pie XI canonisait Jean Marie Vianney lui donnant les honneurs de l’autel. Il écrit en effet : « Par une nouvelle disposition providentielle, c’est l’année où Nous recevions la plénitude du sacerdoce que le Pape Pie XI, d’illustre mémoire, procédait, le 31 mai 1925, à la solennelle canonisation du « pauvre Curé d’Ars ». Dans son homélie, le Pontife se plaisait à décrire « la frêle silhouette de Jean-Marie Vianney : cette tête aux longs cheveux blancs qui lui font comme une éclatante couronne ; ce mince visage creusé par les jeûnes, mais sur lequel se reflétaient si bien l’innocence et la sainteté d’un coeur très humble et très doux, ce visage dont le seul aspect suffisait à ramener les foules à de salutaires pensées ».

 

Le pape évoque ces souvenirs, au début de sa lettre, avec, vous le voyez, une grande émotion.

 

Aussi est-il heureux de pouvoir adresser à la Chrétienté, à l’occasion du premier centenaire de la mort du curé d’Ars, cette lettre apostolique.

 

Elle est divisée en deux parties.

 

La première partie est consacrée à la grandeur spirituelle du curé, à sa sainteté. Jean XXIII nous parlera alors de la particulière ascèse du curé d’Ars, son esprit de pénitence, la manière dont il vivait les conseils évangéliques, la pauvreté, la chasteté, l’obéissance. Il s’arrête longtemps sur sa prière, l’importance qu’il donnait à la prière, occasion pour le pape de rappeler que le prêtre est essentiellement l’homme de la prière.

 

La dévotion du saint Curé en l’Eucharistie

 

Mais la plus belle des prières c’est l’Eucharistie. Ce passage est particulièrement intense et émouvant.

 

Ecoutez :

 

« La prière du Curé d’Ars, qui passa pour ainsi dire les trente dernières années de sa vie dans son église où le retenaient ses innombrables pénitents, était surtout une prière eucharistique. Sa dévotion envers Notre Seigneur présent dans le Très Saint Sacrement de l’autel était vraiment extraordinaire. « Il est là, disait-il, Celui qui nous aime tant ; pourquoi ne l’aimerions-nous pas ? » Et, certes, il l’aimait et se sentait comme irrésistiblement attiré vers le tabernacle : « On n’a pas besoin de tant parler pour bien prier, expliquait-il à ses paroissiens. On sait que le bon Dieu est là, dans le saint tabernacle ; on lui ouvre son coeur ; on se complaît en sa sainte présence. C’est la meilleure prière celle-là ».

 

En toutes circonstances, il inculquait aux fidèles le respect et l’amour de la divine présence eucharistique, les invitant à s’approcher fréquemment de la Table sainte ; et lui-même donnait l’exemple de cette profonde piété : « Pour s’en convaincre, rapportèrent les témoins, il suffisait de le voir dire la messe, faire la génuflexion en passant devant le tabernacle… ».

 

 L’exemple admirable du saint Curé d’Ars, en cette matière, garde aujourd’hui encore toute sa valeur .

 

« Rien ne saurait remplacer dans la vie d’un prêtre la prière silencieuse et prolongée devant l’autel. Tour à tour, l’adoration de Jésus, notre Dieu, l’action de grâces, la réparation pour nos propres fautes et celles des hommes, la supplication pour tant d’intentions qui lui sont confiées, élèvent le prêtre à plus d’amour pour le Maître divin à qui il a donné sa foi et pour les hommes qui attendent son ministère sacerdotal »

 

Soyons en certain , nous dit Jean XXIII : « C’est par la pratique d’un tel culte, éclairé et fervent envers l’Eucharistie, qu’un prêtre accroît sa vie spirituelle et que se forgent les énergies missionnaires des plus valeureux apôtres ».

Et faut-il ajouter le bienfait qui en découle pour les fidèles, témoins de cette piété de leurs prêtres et attirés par leur exemple. « Si vous voulez que les fidèles prient avec dévotion, disait Pie XII au clergé de Rome, donnez-leur vous-même d’abord l’exemple, à l’église, faisant oraison en leur présence. Un prêtre agenouillé devant le tabernacle dans une pose digne, dans un profond recueillement, est, pour le peuple un sujet d’édification, un avertissement, une invitation à l’émulation dans la prière ». C’est cité par Jean XXIII, dans son encyclique.

 

« Ce fut par excellence l’arme apostolique du jeune Curé d’Ars ; ne doutons pas de sa valeur en toutes circonstances ».

 

Le pape Jean XXIII, dans son encyclique, parle ensuite de son amour de la sainte Messe, renouvellement du sacrifice du Christ, source de la sainteté sacerdotale.

 

Jean XXIII parlera également de son zèle pastoral, de son zèle dans l’enseignement de la religion, du catéchisme des enfants et surtout de son attitude au confessionnal. Le saint Curé fut l’homme du Confessionnal. Tout cela constitue la deuxième partie de l’encyclique.

Le prêtre et le sacrifice de la Messe

Mais je ne m’arrêterai pas à toutes ces idées aussi merveilleuses les unes que les autres.

Je ne voudrais parler que du Curé d’Ars et de son amour formidable du saint Sacrifice de la Messe.

Je ne voudrais parler que du prêtre comme l’homme du sacrifice, que du prêtre comme l’homme du mystère, le sacrifice de la messe étant par excellence le mystère des mystères. Il est la raison du sacerdoce. Il doit être l’objet de sa prédication.

.

Plus haut nous avons parlé de la dévotion du saint Curé au Saint Sacrement de l’Eucharistie. Mais n’ oublions pas toutefois que le sacrement de l’Eucharistie, la prière eucharistique, au sens plénier du terme, est le saint sacrifice de la messe. Il convient d’insister spécialement sur ce point puisqu’il touche à l’un des aspects essentiels de la vie sacerdotale.

 

Sans doute, notre intention n’est pas ici de reprendre l’exposé de la doctrine traditionnelle de l’Église sur le prêtre et le sacrifice eucharistique. Les papes Pie XI et Pie XII, l’ont rappelé, dans des documents magistraux, avec tant de clarté que nous ne pouvons que vous y renvoyer.

Mais il est bon de montrer en quel sens profond le saint Curé d’Ars, fidèle aux devoirs de son ministère, mérita vraiment d’être proposé sur ce point de doctrine en exemple aux pasteurs d’âmes et proclamé leur céleste patron. S’il est vrai, en effet, que le prêtre a reçu le caractère de l’Ordre pour le service de l’autel et a commencé l’exercice de son sacerdoce avec le sacrifice eucharistique, ce sacrifice ne cessera d’être, tout au cours de sa vie, au principe de son action apostolique et de sa sanctification personnelle.

 

Tel fut bien le cas de saint Jean-Marie Vianney.

 

Qu’est-il donc l’apostolat du prêtre, considéré dans son action essentielle, si ce n’est de réaliser, partout où vit l’Église, le rassemblement autour de l’autel d’un peuple uni dans la foi, régénéré et purifié ?

 

C’est alors que le prêtre, par les pouvoirs qu’il a seul reçus, offre le divin sacrifice où Jésus lui-même renouvelle l’immolation unique accomplie sur le calvaire pour la rédemption du monde et la glorification de son Père.

 

C’est là, à l’autel, que les chrétiens réunis, autour de l’autel,  grâce au prêtre, offrent au Père céleste la divine Victime par les mains  du prêtre et qu’ils apprennent à s’immoler eux-mêmes en  » hosties vivantes, saintes, agréables à Dieu  » (Rm 12, 1). Pie XII, dans « Medaiutor Dei » a fort insisté sur cete idée.

 

C’est là que le peuple de Dieu, éclairé par la prédication de la foi, nourri du corps du Christ, grâce au prêtre, trouve sa vie, sa croissance et, s’il en est besoin, renforce son unité.

 

C’est là, à l’autel, en un mot que, de générations en générations, dans toutes les contrées du monde, se construit dans la charité,  le Corps mystique du Christ, qui est l’Église.

 

À cet égard, le saint Curé d’Ars est notre modèle.

 

Tous les actes de son ministère convergeaient vers l’autel, et une telle existence doit justement être dite éminemment sacerdotale et pastorale.

 

Sans doute, à Ars, les pécheurs affluaient-ils d’eux-mêmes à l’église, attirés par le renom de sainteté du pasteur, alors que nous, nous devons consacrer de longs et laborieux efforts à rassembler le peuple ; certains autres, à la tâche plus missionnaire, en sont-ils encore à la première annonce de la bonne Nouvelle du Sauveur.

 

Mais ces travaux apostoliques si nécessaires et parfois si difficiles ne peuvent nous faire oublier la fin que nous devons poursuivre: rassembler le peuple à l’autel…C’est ce qu’atteignait le Curé d’Ars quand, dans son humble église de campagne, il se consacrait aux tâches essentielles de l’action pastorale.

 

La Messe, source première de la sanctification du prêtre

Il y a plus. C’est toute la sanctification personnelle du prêtre qui doit se modeler sur le sacrifice qu’il célèbre, selon l’invitation du Pontifical romain.  » Considérez l’action que vous accomplissez ; imitez le sacrifice que vous offrez « .

 

Souvenez-vous de ce qu’enseignait Pie XII dans son encyclique sur le sacerdoce : « Menti nostrae : « De même que toute la vie du Sauveur fut ordonnée au sacrifice de lui-même, ainsi toute la vie du prêtre, qui doit reproduire en soi l’image du Christ, doit être avec Lui, par Lui et en Lui, un sacrifice agréable… »

 

Le prêtre ne se contentera pas de célébrer le sacrifice eucharistique, mais il devra le vivre d’une manière très profonde. Ainsi y puisera-t-il la force surnaturelle qui le transformera complètement et le fera participer à la vie expiatrice du Rédempteur lui-même. Et le même Pontife de conclure :  » C’est donc une obligation pour le prêtre de reproduire dans son âme ce qui se produit sur l’autel, et puisque le Christ Jésus s’y immole lui-même, son ministre s’y immolera avec lui ; puisque Jésus expie les péchés des hommes, le prêtre parviendra à sa propre purification et à celle des autres en suivant la voie ardue de l’ascèse chrétienne « .

 

C’est cette haute doctrine que l’Église a en vue quand elle invite ses ministres à une vie d’ascèse et leur recommande de célébrer avec une profonde piété le sacrifice eucharistique. N’est-ce pas faute d’avoir assez bien compris le lien étroit, et comme réciproque, qui unit le don quotidien de soi-même à l’offrande de la messe, que des prêtres en sont venus peu à peu à perdre la ferveur première de leur ordination ?

 

Telle était l’expérience acquise par le Curé d’Ars :  » La cause, disait-il, du relâchement du prêtre, c’est qu’on ne fait pas attention à la messe « . Et le Saint, qui avait lui-même l’héroïque  » habitude de s’offrir en sacrifice pour les pécheurs  » versait d’abondantes larmes  » en pensant au malheur des prêtres qui ne correspondent pas à la sainteté de leur vocation « .

 

Il faut donc s’examiner régulièrement sur la façon dont nous célébrons les saints mystères, et surtout sur les dispositions spirituelles avec lesquelles nous montons à l’autel et sur les fruits que nous pouvons en retirer. Le 150ème anniversaire du « dies natalis » du saint Curé, de ce prêtre admirable, qui puisait dans  » la consolation et le bonheur de célébrer la sainte messe  » le courage de son propre sacrifice, nous y invite : son intercession nous vaudra, nous le croyons, d’abondantes grâces de lumière et de force.

 

Oui ! N’oublions pas l’exemple du saint Curé en ce domaine, n’oublions pas sa dévotion au saint sacrifice de la Croix. Ni vous ni nous.

Voyez agir ce saint Curé.

Le saint Curé est nommé à Ars, près de Lyon, en 1818. Accompagné de « mère » Bibost qui lui servira un petit moment de gouvernante, il part avec un très modeste mobilier.

 

Il est installé en l’Eglise, comme « vicaire chapelain » d’Ars, le dimanche 13 février 1818. Il fut installé par le vieux curé de Misérieux, M. Ducieux. Il vint, entouré du maire, le chercher à son presbytère. Au seuil de l’Eglise, il lui passa l’étole pastorale, symbole de son autorité. Il le conduisit à l’autel dont le jeune prêtre ouvrit le tabernacle, au confessionnal, à la chaire, aux fonts baptismaux. Puis le jeune pasteur célébra sa première grand messe.

 

En ces quelques mots, nous avons là tout le mystère du saint Curé, comme, du reste,  de tout prêtre… Tout son ministère sera centré sur l’autel, sur le tabernacle, sur le confessionnal, sur la prédication, sur la messe.

 

N’oublions pas que parmi toutes les petites chapelles latérales qu’il fit construire,pour agrandir son église, il en dédia une à « l’Ecce Homo », au Christ, Sainte Victime, l’homme des douleurs, l’homme du Sacrifice. Le curé d’Ars eut une dévotion particulière pour la Passion de Christ, pour son chemin de Croix, son Sacrifice, renouvelé sur l’autel de chaque église. C’est bien en effet la contemplation du sacrifice de la Croix  – qui est le sacrifice de la messe – , qui est la raison de la charité que le Curé d’Ars nourrissait envers NSJC : « En ceci nous avons connu l’amour, c’est que Jésus a donné sa vie pour nous…Et nous, nous y avons cru. Dieu est amour et celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu demeure en lui ». (1 Jn 4).

 

Le sacrifice, la rédemption par le sacrifice qui se réalise sur la Croix comme sur l’autel, à la Croix d’une manière sanglante, à l’autel d’une manière non sanglante, sacramentelle… sacrifice contemplé du Christ par le Curé d’Ars …oui …c’ est le principe de la sainteté du Curé d’Ars, sa consommation. C’est la vie du curé d’Ars.

 

C’est enfin en 1845 qu’il construira un autre chœur pour recevoir dignement le maître autel.

 

Vous le voyez ! C’est son église qu’il embellit
C’est son église qu’il aima.
C’est cette église d’Ars que les fidèles aimèrent. Elle est aimée parce qu’elle est le lieu de la gloire de Dieu, parce qu’elle est le lieu du tabernacle, parce qu’elle est le lieu de la Présence Réelle, parce qu’elle est le lieu de la perpétuité du mystère de la Rédemption ; en elle, en cette église, s’accomplit cette rédemption jusqu’à la fin des temps… Alors, on comprend que rien, pour le Curé d’Ars, n’était trop beau pour embellir la sainte église : les nappes, les ornements, les ciboires, les calices, les chandeliers. Il aimait son Seigneur et Maître. Il aimait cette rédemption, ce mystère où éclatait la charité du Christ. Il voulait l’honorer. C’est ainsi qu’il communiqua à ses fidèles l’amour de l’Eglise, du saint Sacrement, du sacrifice de la messe.

 

C’est ainsi qu’il engendrait dans le cœur de ses fidèles, une « vraie piété », fondée sur le mystère d’amour du Seigneur, jamais assez connu, jamais assez aimé. C’est ainsi qu’il créait la vraie piété populaire, celle qui naît d’une belle liturgie qui se déroule dans le recueillement, dans l’adoration. Tout y doit coopérer. Aucun effort n’est superflu : de la chorale à la prédication, de la prédication à l’orgue, de l’orgue aux enfants de chœur, des enfants de chœur aux fidèles contemplants, des enfants de chœur au thuriféraire, du thuriféraire au porte croix, du porte croix aux acolytes.

 

L’amour de la Passion du Christ, l’amour de la charité du Christ qui éclatait en le coeur du saint Curé, voilà ce qui convertit les fidèles et les enfants. Voilà ce qu’aiment les fidèles. Voilà ce qui permet l’adoration et l’adoration l’amour du Maître.

 

Oui, c’est NSJC, son amour, qui est au cœur de la liturgie. La liturgie n’a pas pour but de fêter l’Assemblée. La liturgie a pour but d’honorer le Maître et c’est parce que le Maître est adoré et aimé que l’assemblée des fidèles est dans la joie. Et pas le contraire, bien sûr !

 

Ah ! Quel drame, « cet humanisme moderne » qui se « fête » et qui reste « centré » sur lui-même et qui a pénétré le cœur de certains prêtres…Combien il a fait de mal à la liturgie romaine et latine. Il est temps de se ressaisir comme nous y appelle le pape Benoît XVI. Il le disait, entre autres, dans un discours récent, en 2009, lors de la Fête-Dieu, fête d’obligation en Italie, Il s’écriait à la fin de son homélie : « Aujourd’hui, il existe le risque d’une sécularisation latente également au sein de l’Eglise, qui peut se traduire en un culte eucharistique formel et vide, dans des célébrations, privées de la participation du cœur qui s’exprime dans la vénération et le respect de la liturgie. La tentation est toujours forte de réduire la prière à des moments superficiels et hâtifs, en se laissant submerger par les activités et par les préoccupations terrestres ».

 

Ainsi en imitant le saint curé en sa dévotion en la sainte Eucharistie, en le saint sacrifice de la messe, nous avons toute chance d’éviter cette « sécularisation » dans la célébration de la messe, cet « humanisme froid, replié sur lui-même, oublieux de Dieu, luthérien.

 

Ainsi l’amour de l’autel, l’amour de la liturgie, l’amour du saint Sacrifice de la Croix, l’amour de la sainte Eucharistie sont les moyens qu’utilisa le Curé d’Ars pour sa conversion personnelle et pour la conversion de ses fidèles.

 

Quel beau ministère. Quelle belle raison de vivre !

 

Et c’est en raison de la beauté, de la grandeur de ce ministère sacerdotal que le pape Jean XXIII se permet de lancer, à la fin de son Encyclique, un appel solennel à la jeunesse. Il écrit au § 60 : « c’est vers la jeunesse chrétienne que Nous tournons un regard chargé d’affection et rempli d’espoir.  » La moisson est grande, mais les ouvriers sont peu nombreux  » (Mt 9, 37). En tant de régions, les apôtres, usés par le labeur, attendent avec un vif désir ceux qui assureront la relève ! Des peuples entiers souffrent d’une faim spirituelle plus grave encore que celle du corps ; qui leur portera la nourriture céleste de vérité et de vie ? Nous avons la ferme confiance que la jeunesse de ce siècle ne sera pas moins généreuse à répondre à l’appel du Maître que celle des temps passés. Certes, la condition du prêtre est souvent difficile. Il n’est pas étonnant qu’il soit le premier en butte à la persécution des ennemis de l’Église, car, disait le Curé d’Ars,  » quand on veut détruire la religion, on commence par attaquer le prêtre « . Mais, malgré ces grandes difficultés, que nul ne doute du bonheur profond qui est le partage du prêtre fervent appelé par le Sauveur Jésus à collaborer à la plus sainte des oeuvres, celle de la rédemption des âmes et de la croissance du Corps mystique. Familles chrétiennes, pesez vos responsabilités et donnez vos fils avec joie et gratitude pour le service de l’Église ».

Voila ce que dit Jean XXIII sur ce point.

 

Le sacerdoce et la dévotion mariale.

L’amour de la Croix, l’amour de la sainte messe…Très bien! Mais au pied de la Croix, je vois Notre Dame, les saintes femmes et Saint Jean. Je vois Notre Dame, la femme des douleurs, de toutes les douleurs. Je vois son cœur transpercé par un glaive, glaive qui est la vue de son Fils ainsi cloué sur la Croix. « Un glaive vous transpercera le cœur », lui avait annoncé Siméon. C’est l’heure ! Dès lors je ne pourrais jamais plus dissocier la croix d’avec Notre Dame. Je ne pourrais jamais dissocier le mystère de la Rédemption d’avec Notre Dame. Je ne pourrais jamais dissocier le sacrifice de la croix, le sacrifice de la messe de Notre Dame. Je ne pourrais jamais dissocier la sacerdoce,  qui réalise le sacrifice de la messe, de la Vierge Marie, comme vous ne pouvez aujourd’hui dissocier Notre Seigneur Victime et prêtre de sa Mère au pied de la Croix.

 

Et c’est pourquoi le Saint Curé qui avait un tel amour de la Passion du Christ eut également un grand amour de Notre Dame. Les deux choses sont liées, sont indissociables. Le prêtre, le vrai prêtre, ne peut pas ne pas avoir une grande dévotion à Notre Dame.

 

La dévotion du curé d’Ars à la sainte Vierge est bien connue. Il entreprit, de fait, d’agrandir la chapelle latérale de l’autel de la Sainte Vierge, « selon son cœur ». Les travaux furent menés rondement. Commencés en janvier 1820, ils étaient achevés pour le 6 août, fête patronale. Le saint Curé aimait y prier et chaque samedi, il y célébrait la messe..

 

Cet amour marial fut notable.
Après avoir restauré le clocher de son église, il y fit installé une 2ème cloche qu’il baptisa en l’honneur du saint Rosaire.

 

Quelle joie fut la sienne lors de la définition du dogme de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX en 1854. A cette occasion, le saint Curé manifesta une allégresse extraordinaire, enthousiaste, débordante. En novembre 1854, tandis que Rome s’apprêtait à célébrer magnifiquement la définition du dogme de l’Immaculée Conception, le curé d’Ars préparait son humble paroisse à solenniser ce grand événement. « Quelques jours avant la proclamation de cette vérité de foi, raconte la baronne de Belvey, j’ai entendu le serviteur de Dieu prononcer un discours de circonstance dans lequel il rappela avec des transports de joie tout ce qu’il avait fait pour Marie Immaculée. Un frisson passa dans l’auditoire quand il s’écria en terminant : « Si, pour donner quelque chose encore à la Sainte Vierge, je pouvais me vendre, je me vendrais ». Folie de saint ! Mais folie d’un cœur aimant, passionnement.

 

Ainsi la fête qui se préparait était l’occasion pour le curé de témoigner à Notre Dame, une affection vielle de 60 ans. Il avait aimé Marie dès l’enfance. Prêtre, il aimait travailler de toutes ses forces à l’extension de son culte. Ars, en effet, était devenu une cité « mariale ». Sous chaque toit, il y avait une image de la mère de Dieu, offerte par le curé. En 1844 l’abbé Vianney avait érigé une grande statue de l’Immaculée au fronton de son Eglise. 8 années auparavant, le 1 mai 1836, il avait consacré sa paroisse à Marie conçue sans péché. Le tableau qui perpétue cette consécration est placé à l’entrée de la chapelle de la sainte Vierge. Peu de temps après, il fit faire un cœur en vermeil qui est aujourd’hui encore suspendu au cou de la vierge miraculeuse ; les noms de tous les paroissiens d’Ars, écrits sur un ruban de soie blanche sont enfermés dans ce cœur. Et les jours de fêtes mariales, le saint Curé parlait avec enthousiasme de la sainteté de la puissance, de l’amour de Notre Dame.

Il se surpassa en la journée inoubliable du 8 décembre 1854 où le pape Pie IX définit en vertu de son autorité que la bienheureuse Marie « a été préservée de toute tache du péché original dès le premier instant de sa conception ». Il chanta lui-même la grand messe. Il étrenna avec jubilation un splendide ornement de velours bleu broché d’or. Le chœur et la nef étaient parés de leurs beaux atours.
L’après-midi, toute la paroisse se rendit en procession à l’école des frères et là, le Curé bénit une statue de l’Immaculée, dressée dans le jardin et dont il était le donateur. Tout le village, le soir, fut illuminé. Les cloches sonnaient, sonnaient, si longtemps… qu’on accourut des paroisses voisines pensant que c’était un incendie. Cette fête fut vraiment un des plus beaux jours de sa vie. Il paraissait rajeuni de 20 ans. Jamais enfant ne fut plus heureux de voir triompher sa mère. C’est lui qui avait inspiré et organisé cette immense manifestation de joie toute surnaturelle.

 

Voilà ce que nous rappelle Jean XXIII  dans sa belle encyclique.

 

Mais nous pourrions chercher à élever un peu nos considérations et passer de l’agiographie à la théologie mariale. Et là je vous invite à suivre la pensée du pape Benoît XVI. Il souhaite, qu’en cette année sacerdotale, les prêtres intensifient leur dévotion mariale. Il s’y emploie dans son enseignement.

La dévotion mariale.

La dévotion du prêtre à Marie, Benoît XVI en parle plusieurs fois dans son enseignement. Dans sa lettre d’indiction à l’année sacerdotale, il écrit : « Chers prêtres, la célébration du 150e anniversaire de la mort de saint Jean-Marie Vianney (1859) vient immédiatement après les célébrations achevées il y a peu du 150e anniversaire des apparitions de Lourdes (1858). Déjà en 1959, le bienheureux Pape Jean XXIII l’avait remarqué.  Le Saint Curé rappelait toujours à ses fidèles que « Jésus-Christ, après nous avoir donné tout ce qu’il pouvait nous donner, veut encore nous faire héritiers de ce qu’il y a de plus précieux, c’est-à-dire sa Sainte Mère ».

 

Dans son discours de l’audience générale du 12 août 2009, Benoît XVI cherche à établir le fondement de cette dévotion. Il veut établir le « lien entre la Vierge et le sacerdoce ». « Il s’agit d’un lien profondément enraciné dans le mystère de l’Incarnation. Lorsque Dieu décida de se faire homme dans son Fils, il avait besoin du « oui » libre de l’une de ses créatures. Dieu n’agit pas contre notre liberté. Et une chose véritablement extraordinaire a lieu: Dieu devient dépendant de la liberté, du « oui » de l’une de ses créatures; il attend ce « oui ». Saint Bernard de Clairvaux, dans l’une de ses homélies, a expliqué de façon dramatique ce moment décisif de l’histoire universelle, où le ciel, la terre et Dieu lui-même attendent ce que dira cette créature ».
Le « oui » de Marie est donc la porte à travers laquelle Dieu a pu entrer dans le monde, se faire homme. Ainsi, Marie participe réellement et profondément au mystère de l’incarnation, de notre salut. Et l’incarnation, le fait que le Fils s’est fait homme, était dès le début finalisée au don de soi; au don de soi avec beaucoup d’amour dans la Croix, pour se faire pain pour la vie du monde. Ainsi, sacrifice, sacerdoce et Incarnation vont de pair et Marie est au centre de ce mystère ».

Voilà exprimé le merveilleux fondement théologique de la dévotion mariale. Elle est inhérente à l’état sacerdotal, comme le « Oui » de Marie fut essentiel à la réalisation du Mystère de l’Incarnation dont la fin était la Croix, la rédemption de nos âmes, le sacrifice. Mais c’est dans et par son Incarnation , dont la réalisation dépend du « fiat » de Marie, que le Christ est prêtre, que le Christ est victime. Sans le « fiat », point de prêtre, point de victime, point de sacrifice rédempteur. Mais le sacerdoce ministériel réalise le sacerdoce du Christ. Le prêtre est un alter Christus. Ainsi de même que le Christ,  et tout son mystère, ne peut se comprendre sans sa Mère, ainsi le prêtre ne peut se comprendre sans Marie. Et qui n’aimerait sa mère, celle qui la mise au monde ?

Mais le pape va plus loin encore. Il nous conduit à la Croix et va faire une très belle méditation sur la parole du Christ en Croix s’adressant à Saint Jean : « Voici votre Mère ».

« Allons à présent à la Croix. Avant de mourir, Jésus voit sa Mère au pied de la Croix; et il voit le fils bien-aimé » saint Jean « c’est un exemple, une préfiguration de tous les disciples bien-aimés, de toutes les personnes appelées par le Seigneur à être « le disciple qu’il aimait » et par conséquent, de façon particulière, également des prêtres. Jésus dit à Marie: « Mère, voici ton fils » (Jn 19, 26). Il s’agit d’une sorte de testament: il confie sa Mère au soin du fils, du disciple. Mais il dit également au disciple: « Voici ta mère » (Jn 19, 27). L’Evangile nous dit qu’à partir de ce moment, saint Jean, le fils bien-aimé, accueillit la mère, Marie, « chez lui ». C’est ce que dit la traduction française; mais le texte grec est beaucoup plus profond, beaucoup plus riche. Nous pourrions le traduire de la façon suivante: il prit Marie dans l’intimité de sa vie, de son être, « eis tà ìdia », dans la profondeur de son être. Prendre avec soi Marie, signifie l’introduire dans le dynamisme de son existence tout entière – il ne s’agit pas d’une chose extérieure – et dans tout ce qui constitue l’horizon de son apostolat. Il me semble que l’on comprend donc que le rapport particulier de maternité existant entre Marie et les prêtres constitue la source primaire, le motif fondamental de la prédilection qu’elle nourrit pour chacun d’eux. Marie les aime en effet pour deux raisons: car ils sont davantage semblables à Jésus, amour suprême de son coeur et parce qu’eux aussi, comme Elle, sont engagés dans la mission de proclamer, témoigner et apporter le Christ au monde. – C’est la mission du prêtre – En vertu de son identification et conformation sacramentelle à Jésus, Fils de Dieu et Fils de Marie, chaque prêtre peut et doit se sentir véritablement le fils bien-aimé de cette très noble et très humble Mère ».

Et voilà pourquoi le Souverain Pontife confiait cette Année sacerdotale à la Vierge Sainte, lui demandant de susciter dans l’âme de chaque prêtre « un renouveau généreux » de l’idéal sacerdotal tout centré sur la sainte Eucharistie, sur l’autel, sur le sacrifice, sur notre Dame, toutes choses « qui ont inspiré la pensée et l’action du Saint Curé d’Ars ».

La fervente vie de prière et l’amour passionné de Jésus eucharistie, de Jésus crucifié, de Jésus- prêtre, fils de Marie « ont nourri le don quotidien et sans réserve de Jean-Marie Vianney à Dieu et à l’Église ».  Oh! Prêtres, vivons de cet idéal. Témoignons de ces beautés. Il n’y aura plus de crise des vocations.

Amen!

 

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