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Prédication pour le 10ème dimanche après la Pentecôte

Prédication pour le 10ème dimanche après la Pentecôte

publié dans couvent saint-paul le 8 août 2009


Le saint Curé d’Ars et l’humilité

« Quiconque s’élève sera humilié et quiconque s’humilie sera élevé ».

Paroles du Seigneur !

Ces paroles valent particulièrement pour le saint Curé d’Ars qui sera donné en exemple pour tous les prêtres à la fin de l’année sacerdotale par le pape Benoît XVI. Occasion pour nous, en ce dimanche, de contempler l’humilité du saint Curé. Nous nous inspirerons du livre de Mgr Trochu.
Il consacre tout un chapitre de son livre à cette vertu d’humilité que le saint Curé a pratiquée à l’héroïsme.

Héroïque, il le fut en gardant l’humilité au milieu d’un succès apostolique unique et extraordinaire dans sa paroisse.
C’est ce que disait Mgr de Ségur à la famille des Garets qui lui avait donné l’hospitalité au château lors de sa visite : « elle (son humilité) lui semblait un véritable prodige au milieu de cette affluence extraordinaire qui devait être pour le bon curé une perpétuelle tentation d’amour-propre ». C’est ce que disait aussi l’abbé Raymond, son vicaire, vicaire au jugement sévère : « Une des choses qui m’ont le plus frappé dans le curé d’Ars, avouait-il, c’est qu’il ait pu résister d’une manière aussi admirable à l’enivrement de continuels hommages. Il comprenait très bien, il voyait très bien que c’était lui qu’on venait chercher dans Ars. Or jamais je n’ai surpris un sentiment d’orgueil dans son cœur, une parole d’orgueil sur ses lèvres ».
Un autre que lui aurait perdu la tête, étourdi par une telle gloire. Seul un saint pouvait rester humble dans un pareil triomphe. « Il paraissait indifférent à tout hommage, a dit la baronne de Belvey et il ne songeait qu’à satisfaire aux différentes fonctions de son ministère ».
Bien éclairant de cette disposition d’âme fut son attitude lorsqu’il reçut, pour ses mérites, l’hermine de chanoine et la légion d’honneur.

L’hermine de chanoine :

Lorsque Mgr Chalandon reçut en partage le diocèse de Bellay, le 25 juillet 1852, une de ses premières résolutions fut de donner le camail au Curé d’Ars, le prêtre le plus méritant de son diocèse. Trois mois, jour pour jour, après son accession au siège de Bellay, le lundi 25 octobre, le jeune prélat, encadré de son vicaire général, Monsieur Poncet et du comte Prosper des Garets, se présentait sur le seuil de l’église d’Ars. L’abbé Raymond, prévenu de la visite, était là qui attendait. Quant à M Vianney, il confessait à la sacristie. On lui annonce la venue de sa grandeur. Revêtu de son surplis à manches étroites, il s’empresse, à travers la foule des pénitents, d’aller offrir l’eau bénite au prélat, selon le rite liturgique. Et même, puisque c’est la première fois qu’il le salue comme évêque de Belley, il croit de son devoir de lui adresser une courte harangue…Mais Mgr cache quelque chose sous sa mosette. D’un geste rapide, le prélat a retiré l’objet mystérieux : des plis de soie noire et de soie rouge chatoient, agrémentés de blanche hermine. Le Curé d’Ars a compris. « Non, Mgr, proteste-t-il, donnez cela à mon vicaire. Il le portera mieux que moi ». Réclamation inutile ! Aidé de M Poncet et de M Raymond, l’évêque impose à M Vianney le camail de chanoine honoraire ; le camail tombe de travers et, comme l’intéressé cherche à s’en débarrasser encore, c’est tout juste si Mgr peut le boutonner à hauteur des épaules. D’ailleurs pendant ce temps, il a entonné le Veni creator. Une dernière protestation du chanoine Vianney est couverte par les paroles de l’hymne et le prélat pénètre dans l’église.
Notre pauvre curé, rapporte la châtelaine du pays, ressemblait à un supplicié que l’on mène à l’échafaud la corde au cou. Il se réfugia dans la sacristie. Mais M des Garets l’y suivit et le trouva occupé à arracher de son dos le malheureux camail. Le maire ne put le déterminer à le garder qu’en lui représentant que s’en dépouiller serait faire injure à Mgr.
Alors au lieu de se mettre à sa place ordinaire, il se retira dans l’embrasure de la porte de la sacristie, tout honteux, comme s’il eût voulu se cacher. « Je vins lui souffler à l’oreille, dit le frère Athanase : « Je vous en prie, M le Curé, ne restez pas là ; vous êtes dans le courant d’air. – je suis bien ici » me répondit-il.
Il y eut à l’église une courte cérémonie, pendant laquelle, le nouvel évêque de Belley adressa la parole à l’assistance. Naturellement il annonça à cette foule la promotion du saint curé au canonicat d’honneur. Le nouveau dignitaire s’en montra tellement décontenancé qu’il ne songeait même pas à redresser son camail, de plus en plus de travers. « On aurait dit que M le curé avait des épines sur le dos ». Quand il lui fallut rentrer à la cure en cet équipage, aux côtés de Mgr, une de ses pénitentes qui s’en doute n’était pas au courant, « ne le reconnut pas » à l’en croire « il avait l’air d’un condamné à mort ». C’était la scène la plus amusante qui se puisse imaginer ».

Le prélat reparti et l’émotion passée, le chanoine Vianney songea que sa Grandeur venait de lui faire un joli cadeau. Tout de suite, il essaya d’en tirer des ressources pour ses œuvres et il chercha un acquéreur.
« Je revenais de Villefranche, a raconté Melle Marie Ricotier, et je rendais compte à M le Curé d’une commission dont il m’avait chargé. « Vous arrivez bien à propos, me dit-il ; je veux vous vendre mon camail. Je l’ai déjà offert à M le curé d’Ambérieux, l’abbé Dorjon, qui a refusé de m’en donner 12 francs ; vous, vous m’en donnerez bien 15
-Mais il vaut plus que cela !
-20 francs ?
Je lui versai 25 francs dans les mains, en ajoutant : « ce n’est pas encore sa vraie valeur. Mais je m’informerai ». J’appris que le camail avait été confectionné au noviciat des Sœurs de Saint Joseph, à Bourg et qu’il avait coûté 50 francs. J’en versai donc 25 encore, en ajoutant : Pour votre camail de chanoine, oui, il est à moi, mais je vous en laisse la jouissance ». La dessus, M le Curé fut si content qu’il s’écria : Oh ! Que Mgr m’en donne un autre j’en ferai de l’argent ». Il voulut cependant me voir emporter mon acquisition. « Si Mgr, m’expliqua-t-il, exige que je revête mon camail, eh, bien je le trouverai chez vous »

Et la conscience tranquille, il écrivait dix jours après à son évêque pour lui faire part de son bonheur : « Mgr, le camail que vous avez eu la grande charité de me donner m’a fait un grand plaisir ; car, ne pouvant achever de compléter une fondation, je l’ai vendu 50 francs. Avec ce prix j’ai été content ».
Jamais dans la suite, malgré les plus pressentes sollicitations, M Vianney ne voulut reparaître en chanoine même en présence de son évêque. L’abbé Toccanier lui ayant demandé un jour : « Mais M le Curé pourquoi ne portez-vous pas votre camail ? – O mon ami, répondit-il en souriant, voyez, je suis plus malin qu’on ne le pense : on se préparait à se moquer de moi en me le voyant sur les épaules. Je les ai tous bien attrapés
-cependant vous devriez le prendre par égard pour Mgr. Vous êtes le seul que notre nouvel évêque ait voulu honorer : après vous, il n’a plus nommé aucun autre chanoine.
– Ah ! Répartit l’humble prêtre, c’est que Mgr a eu la main malheureuse la première fois ; il n’a pas voulu y revenir ».

La légion d’honneur.

Alors qu’on allait la lui remettre, il eut pour toute réponse ce que saint Benoît disait à cet écuyer du roi Totila qui l’abordait revêtu de la pourpre de son maître : « Enlevez ces insignes d’une dignité à laquelle vous n’avez pas droit ».
Ayant refusé qu’on l’épinglât à sa soutane, il ne devait porter qu’une seule fois sa croix de chevalier : sur son cercueil.

Vraiment le curé d’Ars pratiqua cette vertu, une véritable humilité, qui fut un don de Dieu. Il était absolument effrayé de sa misère. Il le dit un jour au frère Athanase : « je fus tellement effrayé de connaître ma misère que j’implorai aussitôt la grâce de l’oublier Dieu m’a entendu, mais il m’a laissé assez de lumière sur mon néant pour me faire comprendre que je ne suis capable de rien ».

Vous connaissez les « fugues », à deux reprises, que fit le curé de sa paroisse pour aller, dit-il, « pleurer ses péchés », preuve de son humilité.

M Vianney n’ignorait pas tout le bien qui se faisait par son ministère, mais se considérant comme un instrument, il en reportait toute la gloire au Bon Dieu : « Je suis comme un rabot entre les mains du Bon Dieu, disait-il un jour au frère Athanase…O mon ami, s’Il avait trouvé un prêtre plus ignorant, plus indigne que moi, il l’aurait mis à ma place pour montrer la grandeur de sa miséricorde envers les pauvres pécheurs »
De telles phrases sont éloquentes sur l’humilité du saint Curé. Comme celle-ci encore : « Je suis le dernier des hommes, gémissait-il, si Dieu ne m’avait épargné, que serai-je devenu ? »

Et ce n’était pas une humilité recherchée, « cultivée ». Il était humble avec tact et discrétion. Lorsque des compliments lui étaient adressés dans les conversations, il ne les repoussait pas directement. Il se contentait de les faire oublier par une répartie peine d’à-propos. Quelqu’un prenant congé lui dit en le quittant : « je n’ai jamais vu Dieu de si près. En effet répondit le saint : Dieu n’est pas loin ». Et il montrait le tabernacle.

Le samedi 3 mai 1845, le Père Lacordaire, qui depuis plusieurs années désirait connaître le saint Curé, arriva in cognito, de Lyon dans le saint village. Il fut reçu au Château. Le lendemain, il se rendit à l’église de bon matin. Le curé témoigna d’une grande joie en le voyant, puis il se mit à chercher le plus beau des calices pour sa messe. Puis à 10h00 l’illustre dominicain assista à la messe paroissiale. Il prêcha l’après midi, le curé d’Ars présent. Le lendemain, à l’abbé Raymond, son vicaire, il lui dit : « Vous savez le dicton : les deux extrêmes se touchent. Eh bien il s’est réalisé hier dans la chaire d’Ars où l’on a vu l’extrême science et l’extrême ignorance ».

L’humilité fut bien la vertu chérie de notre saint. « Il en avait une telle estime, rappelle le Frère Athanase, qu’il en parlait constamment, surtout dans ses instructions : « Restez humbles, restez simples, plus vous le serez, plus vous ferez du bien ».
Il se plaisait à raconter cette histoire : « Le diable apparut un jour à saint Macaire : « Tout ce que tu fais, je le fais. Tu jeunes, Moi je ne mange jamais. Tu veilles, Moi jamais je ne dors. Il n’y a qu’une chose que tu fais et que je ne peux faire ;
-Eh quoi donc ?
-M’humilier.
L’humilité, disait-il, est aux vertus ce que la chaîne est au chapelet : enlevez la chaîne et tous les grains s’échappent ; ôtez l’humilité et toutes les vertus disparaissent ».

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