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Entraide et Tradition

Les obsèques de Ted Kennedy, par Raymond Arroyo

publié dans flash infos le 3 septembre 2009


 

 

Dans le blog de Daniel Hamiche , on peut lire en date du mercredi 2 septembre 2009, ce texte de Raymond Arroyo (EWTN) dénonçant  le “show” des obsèques de Ted Kennedy et les connivences ecclésiales

On n’a décidément pas fini de parler aux États-Unis de ce « show » politico-médiatique que furent les obsèques catholiques du sénateur Edward Kennedy, tant il est emblématique de la perte du sens commun catholique en Amérique dans une grande partie de l’Église et de la tentative de brouiller aux yeux du public la notion même de ce que c’est que d’être catholique. C’est extrêmement grave. Aux États-Unis… comme en France.
Il est donc heureux que des voix orthodoxes se soient fait entendre avant et après les obsèques du « patriarche » du clan Kennedy, pour remettre les choses à l’endroit.
Le dernier a l’avoir fait est le journaliste Raymond Arroyo (photo), très connu aux États-Unis puisqu’il est le “présentateur-vedette” et directeur de l’information d’Eternal Word Television Network (EWTN) dont la très populaire émission, « The World Over », est regardée par plus de 100 millions de foyers dans le monde… Arroyo est un homme qui fait honneur au journalisme catholique.
Dans une excellente contribution intitulée « L’héritage catholique et les lettres » (voir ici), et publié le 31 août sur le site d’EWTN, Raymond Arroyo nous livre une réflexion de première qualité sur les obsèques de Ted Kennedy. En voici l’essentiel traduit pour vous.

« Sur la tombe (1 )du sénateur Edward Kennedy ce samedi [29 août] le cardinal Theodore McCarrick, l’ancien archevêque de New York, a rendu publique une lettre privée (2) que le défunt sénateur avait écrite au pape. Le cardinal a également lu ce qu’il a qualifié de réponse du Souverain Pontife. Cet extraordinaire morceau de dramaturgie politique (comme le fut l’essentiel des funérailles du sénateur Kennedy), ne devait pas échapper à notre attention. Cet événement particulier en dit beaucoup.

Avant tout, on devra rappeler que le cardinal McCarrick a un passé plutôt malheureux pour ce qui est de la distribution du courrier, en particulier celui d’un certain officiel du Vatican connu sous le nom de Ratzinger. En 2004, alors que les évêques des États-Unis étaient angoissés quant à savoir s’il fallait ou non donner la Communion aux politiciens catholiques défendant les lois sur l’avortement, le cardinal McCarrick [alors président de la Conférence des évêques américains] cacha à ses frères évêques, une lettre reçue. Cette missive venait du chef de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dirigée alors par le cardinal (aujourd’hui pape) Joseph Ratzinger. Si les évêques avaient eu connaissance de cette lettre pour les aider dans leurs discussions, les choses auraient pu prendre un cours différent. Le contenu de cette lettre est toujours d’actualité, et tout spécialement aujourd’hui alors que des catholiques dissidents ont fait de grandioses déclarations sur ce que c’est qu’être catholique dans la vie publique.

[Arroyo donne de larges extraits de cette lettre, dont j’extrais ce qui suit :]
“On peut légitimement avoir des divergences d’opinion sur l’entrée en guerre ou l’application de la peine de mort, mais cependant pas sur l’avortement ou l’euthanasie (…)” La décision de refuser la Communion sacramentelle écrit le cardinal Ratzinger “n’est pas, à proprement parler, une sanction ou une peine. Elle n’est pas davantage un jugement du ministre de la Sainte Communion sur la culpabilité subjective d’une personne, mais plutôt une réaction à l’indignité publique de la personne de recevoir la Sainte Communion en raison d’une situation objective de péché”. »
Arroyo poursuit : « Cette dernière ligne est fondamentale : “une situation objective de péché”. C’est pourquoi, me semble-t-il, j’ai reçu des centaines de courriels au cours des derniers jours de catholiques perplexes ou scandalisés. Ils prennent leur foi au sérieux, et loin de juger si le sénateur Kennedy s’est ou ne s’est pas confessé dans ses ultimes jours, ou s’il s’est ou non repenti, ils ont VU “une situation objective de péché” dans toutes les lois qu’il a votées et dans ses déclarations publiques. Ils ont aussi vu une incohérence fondamentale entre sa foi professée et certaines positions dont il s’est fait le champion (…) Le problème ici est celui du témoignage et des manifestations publiques : l’exemple corrupteur de la “situation objective de péché”. Même si le sénateur Kennedy s’est confessé de son soutien constant à l’avortement et à la manipulation des cellules souches embryonnaires, ne méritait-il pas du public et de ses frères catholiques – les membres de sa famille qui ont encore des responsabilités politiques – une sorte de correction ? N’aurait-il pas pu leur offrir une sorte d’ultime admonestation capable de les remettre sur le bon chemin, à supposer qu’il l’ait trouvé à la toute fin de sa vie ?
Le jugement demeure la prérogative exclusive de Dieu et personne ne peut présumer savoir quelle est la destination éternelle du sénateur Kennedy. Et personne ne peut davantage en faire l’exemple de ce que c’est que d’être un homme politique catholique. »
Arroyo cite ensuite des extraits de la lettre de Kennedy à Benoît XVI, et notamment cette phrase : “Je veux que vous sachiez, Votre Sainteté, que pendant mes presque cinquante années de carrière publique élective, j’ai fait de mon mieux pour être le champion des droits des pauvres et pour permettre l’accès aux chances économiques. J’ai travaillé pour accueillir l’immigré, pour lutter contre la discrimination et pour étendre l’accès aux soins et à l’éducation. Je me suis opposé à la peine de mort et pour mettre fin à la guerre (…) J’œuvre pour développer un système global et national de santé qui garantisse les soins médicaux pour tous. J’ai toujours essayé d’être un catholique fidèle, Votre Sainteté, et même si j’ai subi les défauts de l’humaine nature, je n’ai jamais manqué de croire et de respecter les enseignements fondamentaux de ma foi”.

Ce n’est pas sans tristesse qu’il faut admettre qu’en dépit du bien qu’il a fait (et je connais des gens qui ont éprouvé personnellement sa générosité), le sénateur Kennedy a au moins manqué publiquement au respect “des enseignements fondamentaux de [sa] foi”, essentiellement en ce qui touche à l’universalité du droit à la vie, ce don de Dieu, que nous avons tous l’obligation de défendre.
La prière d’intercession à la messe d’obsèques, les éloges funèbres qui n’en finissaient pas, l’image d’un cardinal archevêque de Boston lisant les prières, et, pour finir, le cardinal McCarrick enterrant la dépouille, tout cela envoie un message incontesté : on peut défier l’enseignement de l’Église, détourner publiquement le prochain [du bon chemin], priver l’innocent de sa vie ou de ses droits, et continuer à apparaître comme un bon catholique, et même comme un catholique exemplaire. L’observateur moyen est induit à penser que le catholicisme est devenu une Église extérieure où les points de doctrine fondamentaux et les enseignements essentiels sont aussi plastiques que dans la plus voisine des communautés protestantes. Ou, pis encore, que tout cela n’est qu’un tissu de faussetés.
Dans une tentative désespérée d’apposer le sceau de l’imprimatur du pape sur les cérémonies funéraires, le cardinal McCarrick a lu ce qu’il a appelé la “réponse du pape” au sénateur Kennedy. En fait, ce n’était qu’un message, très probablement de la Secrétairerie d’État. C’est cette sorte de choses que reçoit n’importe quel laïc quand il adresse une demande de prière ou une carte de Noël au pape. Le cardinal McCarrick l’a transformé en quelque chose ayant le poids d’une encyclique (…). C’était une lettre affectueuse adressée au sénateur. Elle n’était pas destinée au public. Le pape n’a adressé aucune déclaration publique sur la mort de Ted Kennedy. Il n’a pas davantage rendu publique une lettre à sa famille comme il le fit, de manière appropriée, lors du décès de la sœur de Kennedy, la très pro-vie Eunice Kennedy-Shriver, voici à peine quelques semaines. Le quotidien du Vatican [L’Osservatore Romano] a signalé le décès de Ted Kennedy notant, avec déplaisir, son soutien aux droits à l’avortement. À tout le moins, un officiel du Vatican a été cité pour avoir dit au cours de ce week-end : “Ici, à Rome, Ted Kennedy n’est rien. Il n’est une légende que dans sa circonscription électorale. S’il a pu avoir quelque influence dans le passé ce ne fut que dans l’archidiocèse de Boston, et cette influence a également fini par disparaître”.
Ce que la plupart dans les médias ont été incapable de reconnaître c’est que tout ce spectacle – les pièges de ces obsèques catholiques et cette couverture médiatique incessante – n’était qu’en partie consacré à Ted Kennedy. Il s’agissait véritablement de cimenter l’impression, en vérité de catéchiser les fidèles, qu’on peut être un homme politique catholique et qu’autant que vous proclamez vous soucier des pauvres, vous pouvez licitement ignorer la cause de la vie. L’argument du “terrain d’entente” a été renforcé ce week-end – l’idée que soutenir une foule d’initiatives de “justice sociale” abolit quelque part ou l’emporte sur le mal “grave” et “intrinsèque” de l’avortement ou sur l’engagement catholique quant aux questions de vie. Comme le pape l’a dit dans sa lettre de 2004 [aux évêques américains], et d’autres fois ultérieurement, c’est une position insoutenable quel que soit le nombre des catholiques “pro-choix” à droite ou à gauche qui tentent de le soutenir.
Pour ceux qui trouveraient que ce que je viens de dire est difficile à croire, qu’ils s’adressent au cardinal McCarrick. Il a la lettre originale. »

1. Au cimetière d’Arlington près de ses frères John et Robert.
2. Remise en main propre par Obama à Benoît XVI lors de l’audience d’État au Vatican du 10 juillet dernier.

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