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Entraide et Tradition

Jacques Delors, Vatican II et l’Episcopat Français

publié dans flash infos le 1 mars 2012


Il incarne les options du concile Vatican II  

(2ème article)

Dans la très surprenante affaire politico-religieuse de l’exemplarité ecclésiastiquement décernée au politicien socialiste Jacques Delors, toute la surprise a finalement été pour moi.

J’avais eu la naïveté de supposer que le simple rappel des faits entraînerait une avalanche de commentaires indignés et de protestations très argumentées. C’était dans Présent du 27 janvier. Trois semaines ont passé. Il y a eu un bref écho dans deux ou trois blogs et, que je sache, rien dans la presse imprimée.

Mais aucune rectification non plus n’est venue, aucun remords, aucune repentance des responsables : ni du Cardinal, ni du Recteur, ni de La Documentation catholique.

Au risque de manifester une naïveté plus grande encore, j’imagine que cette atonie générale vient d’une explication insuffisamment explicite. Il faudrait donc expliquer davantage, et mieux, ce que révèle et ce qu’implique le fait d’avoir adoubé Jacques Delors en ces termes définitifs :

« Vous incarnez les options prises par l’Eglise catholique au concile Vatican II. »

C’est la première fois, depuis cinquante ans, qu’une personnalité politique ou religieuse nous est désignée comme étant une telle incarnation.

Et pendant cinquante ans, on nous l’avait caché ! Mais on n’en pensait pas moins…

L’événement a été volontairement solennel, puisque ce fut « lors de la séance solennelle de rentrée de l’Institut catholique ». Cette séance était présidée ès qualités par l’évêque du lieu, le cardinal-archevêque de Paris, mais tout autant sinon davantage ès qualités de président du Conseil permanent [c’est-à-dire gouvernance] de l’épiscopat français. La parole officielle était celle du Recteur de l’Institut catholique de Paris, chargé de prononcer la laudatio, autrement dit le panégyrique. C’était le 24 novembre dernier. Je n’y assistais pas, ni personne, semble-t-il, de la presse. Mais le 15 janvier, La Documentation catholique employait treize de ses pages à rendre publique la promotion de la personnalité incarnant les options de Vatican II, « figure remarquable d’un homme et d’un chrétien » que, dit le Recteur, « nous présentons à nos étudiants ». Pauvres étudiants, les voilà bien instruits et fameusement éduqués. C’est la future élite d’appellation contrôlée, la future élite du laïcat et du clergé, qui est ainsi formatée au socialisme.

Il est précisé par La Documentation catholique qu’il s’agit bien de l’homme politique « rattaché à l’origine à la famille de pensée démocrate-chrétienne », devenu militant du syndicalisme « non-confessionnel », puis membre du « Parti socialiste unifié (PSU) », qui finalement, « en 1974, adhère au Parti socialiste ».

Jacques Delors a fait une longue carrière politique. Il aura 87 ans en juillet prochain. Depuis plus de quarante années il est, pour le Conseil permanent de gouvernance de l’épiscopat, le consultant politique, le laïc conseiller pour le temporel. Cela se savait plus ou moins, ne se cachait pas tout à fait, et n’en faisait pas une montagne. Qu’on aille maintenant jusqu’à nous l’imposer comme la plus lumineuse intelligence politico-religieuse du dernier demi-siècle, au nom du Concile, il y a de quoi en rester pantois.

L’épiscopat n’a donc pas, dans l’actuelle campagne présidentielle, besoin de nous donner des consignes de vote, ni même des conseils : le clergé démocrate-chrétien est invité depuis longtemps à l’imitation du socialiste exemplaire Jacques Delors. Il est exemplaire, c’est vrai, pour le grand passage : le passage de la démocratie-chrétienne au socialisme laïque. Il y a un siècle maintenant (et un an et demi) que saint Pie X avait averti la démocratie-chrétienne de Marc Sangnier : elle « convoie, disait-il, le socialisme, l’œil fixé sur une chimère ». A force de convoyer, elle est passée de la Contre-Révolution, qui était celle de l’Eglise, à la Révolution, et à l’imitation de Jacques Delors qui « incarne les options prises par l’Eglise catholique au concile Vatican II ».

Peut-être pour éviter toute référence douteuse à cette démocratie-chrétienne-là, Christine Boutin a fondé – nuance ! – un parti chrétien démocrate, qui est plutôt centriste.

Mais par comparaison avec le delorisme militant du Cardinal et du Recteur, Christine Boutin risque désormais de passer pour d’extrême droite.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 7542
du Vendredi 17 février 2012
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Il inspire les projets et il guide l’action (3ème article)

Le solennel adoubement ecclésiastique du politicien socialiste Jacques Delors comme incarnation des options de Vatican II n’aura pas clarifié seulement ce qu’est en France la politique de l’Eglise. En préface aux festivités et débats annoncés pour le 50e anniversaire, cet automne, de l’ouverture du Concile, un tel adoubement de Jacques Delors apporte aussi une clarification sur ce que la gouvernance de l’épiscopat en France trouve essentiel dans le domaine religieux.

C’est donc dans une perspective proprement religieuse qu’il faut maintenant relire ce que le Recteur de l’Institut catholique de Paris, sous la présidence du Cardinal-Archevêque, a solennellement déclaré à Jacques Delors :

« Vous incarnez les options prises par l’Eglise catholique au concile Vatican II. »

Il lui a dit aussi, mais cela allait de soi après la révélation d’une telle incarnation :

« Une fois éteintes les lumières de cette soirée [d’adoubement] vous continuerez de guider notre action et d’inspirer nos projets. »

Oui, relisons attentivement, relisons exactement, il a bien dit : « Vous continuerez de guider notre action et d’inspirer nos projets. »

Il faut observer que le Recteur ne parle pas spécifiquement des options de Gaudium et Spes, la constitution pastorale concernant la « doctrine sociale » (en fait la politique). L’incarnation deloriste n’est pas limitée à ces questions-là. Le politicien socialiste incarne globalement « les options prises par l’Eglise catholique au concile Vatican II ». C’est donc que, pour la gouvernance épiscopale française, Gaudium et Spes est l’essentiel du Concile, la finalité principale de l’ensemble étant le passage au socialisme et le reste étant tout ce qui va avec.

On ne le savait apparemment pas à Rome. On ne pourra plus l’ignorer après l’éclat et la solennité de l’adoubement, où l’autorité canonique et mondaine du Cardinal-Archevêque, présidant la cérémonie, était appuyée par la haute autorité intellectuelle et fonctionnelle du Recteur de l’ICP, le plus célèbre des instituts catholiques, l’Institut catholique de Paris.

Nos doutes, nos questions sur ce qui se passe dans l’Eglise, sur ce que nous y vivons depuis cinquante années et davantage, obtiennent en général des admonitions impérieusement répétées d’adhérer au Concile. On nous demande une adhésion pure et simple. A quoi nous répondons :

— En France, le Concile c’est Delors, c’est le socialisme ex-démocrate-chrétien. C’est clair, la réponse est non. Non au socialisme laïque, non à sa religion démocratique.

Ailleurs, on pourra utilement parler de débats théologiques sur l’œcuménisme, la liberté religieuse, la collégialité du Concile et de son esprit. Mais dans toute la zone ecclésiastique religieusement dirigée par le président du Conseil permanent de gouvernance, dans toute la zone doctement enseignée par le Recteur de l’IPC, il n’y a pas débat, il n’y a pas photo, c’est non à Delors, on ne veut pas, on ne peut pas y adhérer.

Il y eut un temps où l’on voulait faire admettre à Mgr Marcel Lefebvre que Vatican II avait autant d’autorité et plus d’importance que le concile de Nicée. Ce n’était évidemment pas possible. Il semble que cette prétention ait fini par s’évanouir toute seule, néanmoins sans avoir été rétractée. C’est regrettable, car elle était encore plus dangereuse que le socialisme deloriste : l’« autorité » et l’« importance » d’un concile comparées à celles d’un autre, il n’est pas toujours facile au simple fidèle d’en juger. Tandis que l’incarnation du Concile dans la personne de Jacques Delors, qui « continuera de guider l’action et d’inspirer les projets », cela parle au premier venu.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 7543
du Samedi 18 février 2012

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