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Entraide et Tradition

« Antimoderne, encore et toujours »

publié dans regards sur le monde le 4 décembre 2012


Le monde et l’Eglise

Antimoderne
Encore et Toujours

Le groupe Montfort a tenu son congrès annuel cette année, fin juillet 2012, à Sao Paulo. Le thème du Congrès était « le monde contre l’Eglise ». J’y ai donné la première communication, la communication introductive. En voici le texte

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement en Dieu.
Tout par lui a été fait, et sans lui n’a été fait rien de ce qui existe.
En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes,
Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.

La lumière, la vraie, celle qui éclaire tout homme, venait dans le monde.
Il (le Verbe) était dans le monde, et le monde par lui a été fait, et le monde ne l’a pas connu.
Il vint chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu.

« Le monde contre l’Eglise ».

Tel est le sujet que vous proposez à notre réflexion.

Tout d’abord, le monde :

J’essayerai d’en donner les caractéristiques. Avec Saint Pie X, et son Encyclique « E Supremi Apostolatus » écrite en 1903, je dirai que l’apostasie en est la principale caractéristique. Mais quelles en sont donc les raisons? Le laïcisme républicain en est la première raison, la « philosophie des Lumières », la seconde avec le naturalisme rationaliste, troisième raison. Ces trois raisons composeront notre première partie. Nous pourrons ainsi donner une définition du monde moderne.

L’Eglise s’est dressée contre ce mal moderne, l’a défini et l’a combattu et ce, jusqu’à Pie XII. Nous étudierons plus particulièrement la pensée de Saint Pie X. Nous découvrirons une pensée contre-révolutionnaire, une pensée que l’on pourrait appeler, avec Jacques Maritain, « antimoderne ». Ce sera notre deuxième partie

Avec Jean XXIII, l’attitude de l’Eglise change. D’une condamnation franche du monde moderne, elle passe à une attitude d’ouverture, de « dialogue », de non condamnation. Ce sera l’attitude essentielle de l’Eglise « conciliaire ». On parlera alors entre l’Eglise et la société humaine de « rencontre », de « connaissance » et « d’amour réciproque ». Ce sont les termes mêmes de Paul VI dans son Encyclique « Eccleiam suam ». Ce sera notre 3ème partie C’est pourquoi il fallait que les couvents contemplatifs s’ouvrent au monde…

Mais ce mal moderne qu’est l’apostasie ne peut que croître, « Quand je reviendrai, trouverais-je encore la foi » ? Au milieu de ce mal croissant, la doctrine apostolique nous demande de garder l’espérance. E sera ma conclusion

Voilà les idées que je voudrais aborder dans cet exposé sur le « monde face à l’Eglise.

Ière partie : le « monde », sa définition

§-1 Le monde et son apostasie.

Dans sa Ière Encyclique, « E Supremi Apostalatus » de 1903, Saint Pie X parle de la « maladie » du monde moderne. Il écrit : « Peut-on ignorer la maladie si profonde et si grave qui travaille, en ce moment bien plus que par le passé, la société humaine et qui, s’aggravant de jour en jour et la rongeant jusqu’aux moelles, l’entraîne à sa ruine ? Cette maladie, Vénérables Frères, vous la connaissez, c’est à l’égard de Dieu l’abandon et l’apostasie ; et rien sans nul doute qui mène plus sûrement à la ruine, selon cette parole du prophète : « Voici que ceux qui s’éloignent de vous périront » »
Pour saint Pie X, la grande maladie de notre époque, du début du 20ème siècle « c’est à l’égard de Dieu, l’abandon et l’apostasie ». C’est plus vrai que jamais. Plus vrai dans les pays de la vielle Europe que du Nouveau Continent. Mais vrai aussi ici de ce continent, rongé qu’il est par les sectes « maçonniques ».

Mais qu’est-ce que l’apostasie ?
Ce nom (apostasia) vient du grec. Il dérive du verbe aphistêmi, qui signifie littéralement « s’éloigner de » ; il a le sens de « désertion », « d’abandon » (Ac 21:21). En grec classique, on l’employait pour parler des défections politiques, et c’est vraisemblablement dans ce sens que le verbe est employé dans les Actes des Apôtres (5:37) à propos de Judas le Galiléen qui « a entraîné » (apéstêsé, une forme d’aphistêmi) des partisans à sa suite. Dans les Septantes, ce mot se retrouve dans la Genèse 14 4 au sujet d’un autre cas de rébellion. Toutefois, dans les Écritures grecques chrétiennes, il est utilisé essentiellement à propos de défections religieuses, pour parler de quelqu’un qui cesse d’adorer et de servir Dieu, et qui, par conséquent, renie ce qu’il professait auparavant et abandonne totalement ses principes ou sa foi. Un exemple fameux : les chefs religieux de Jérusalem accusèrent Paul d’une telle apostasie envers la Loi de Moïse.
Retenons : Apostat : celui qui abandonne Dieu, qui renonce aux principes de sa foi

§-2 : Abandon de Dieu. Apostasie.

Voilà ce que constate Saint Pie X, en 1903.
Voilà ce que constate aussi avec effroi Jean-Paul II, quelques années plus tard, dans son exhortation apostolique « Ecclesia in Europa ». Il parle lui aussi d’apostasie, il ajoute le mot « silencieux », il parlait d’« apostasie silencieuse ».
Si le remède que ces deux papes apportèrent à la guérison du mal moderne fut différent, nous le verrons, l’analyse qu’ils en firent, était identique.

Jean Paul II développe en effet son idée dans les § 7 et 9 de son Exhortation :
Il parle d’une « époque d’égarement » : « Le temps que nous vivons, avec les défis qui lui sont propres, apparaît comme une époque d’égarement ». Il mentionne « la perte de la mémoire et de l’héritage chrétien, accompagnés d’une sorte d’agnosticisme pratique et d’indifférentisme religieux, qui fait que beaucoup d’Européens donnent l’impression de vivre sans terreau spirituel et comme des héritiers qui ont dilapidé le patrimoine qui leur a été légué par l’Histoire ». Cette Europe, jadis chrétienne, « exclut son héritage religieux, en particulier son âme profondément chrétienne, fondant les droits des peuples qui la composent sans les greffer sur le tronc irrigué par la sève vitale du Christianisme ». C’est bien parler d’apostasie !

Dans le contexte religieux (le plus courant), l’apostasie signifie le renoncement par un individu adulte et responsable, à faire partie d’une organisation religieuse.
« Les prestigieux symboles de la présence chrétienne » ne manquent pas dans le continent européen, poursuit-il, « mais avec l’expansion lente et progressive de la sécularisation », ils risquent de devenir un pur vestige du passé. Beaucoup n’arrivent plus à intégrer le message évangélique dans l’expérience quotidienne ; il est de plus en plus difficile de vivre la foi en Jésus dans un contexte social et culturel où le projet chrétien de vie est continuellement mis au défi et menacé ; dans de nombreux milieux de vie, il est plus facile de se dire athée que croyant ; on a l’impression que la non-croyance va de soi tandis que la croyance a besoin d’une légitimation sociale qui n’est ni évidente, ni escomptée »

Le Pape dresse donc le constat pour l’Europe « d’une perte de la mémoire chrétienne » qui va aussi avec « une perte du sens de la vie » et avec le développement de « l’attitude égocentrique qui enferme les personnes et les groupes sur eux-mêmes, la croissance d’une indifférence éthique générale et de la crispation excessive sur ses propres intérêts et privilèges. »
C’est ainsi que se développe « une anthropologie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de penser a conduit à considérer l’homme comme « le centre absolu de la réalité, lui faisant occuper faussement la place de Dieu. On oublie alors que ce n’est pas l’homme qui fait Dieu, mais Dieu qui fait l’homme. L’oubli de Dieu a conduit à l’abandon de l’homme », et c’est pourquoi, « dans ce contexte, il n’est pas surprenant que se soient largement développés le nihilisme en philosophie, le relativisme en gnoséologie et en morale, et le pragmatisme, voire un hédonisme cynique, dans la manière d’aborder la vie quotidienne ». La culture européenne donne l’impression, conclut-il, d’une « apostasie silencieuse » de la part de l’homme comblé qui vit comme si Dieu n’existait pas.
Et cette apostasie entraîne « l’apparition d’une nouvelle culture » caractérisée par « un agnosticisme religieux toujours plus répandu », « lié à un relativisme moral et juridique plus profond, qui prend racine dans la perte de la vérité de l’homme comme fondement des droits inaliénables de chacun », prélude « de ce que l’on peut appeler une « culture de mort ».

Apostasie des Nations ! Certes. Mais quelles en sont les causes ?

§-3 : le « laïcisme républicain » en est certainement une première cause. Il en sera du moins le fer de lance.

« De la laïcité républicaine ».
Je parle de la « laïcité républicaine » pour la distinguer de la laïcité tout court qui peut être une bonne chose dans le gouvernement des hommes puisqu’il consiste à distinguer les pouvoirs, le pouvoir temporel du pouvoir spirituel selon l’axiome évangélique : rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Cela est juste et bon, dira Pie XII. Cela est une bonne laïcité. Rien n’est plus périlleux pour l’homme que la confusion des pouvoirs. Cela entraîne au totalitarisme comme dans l’Islam.
Mais je connais un courant de pensée, très actuel, très influent sur beaucoup, courant de pensée qui a pris résolument le parti de mépriser Dieu et qui le hait très franchement et qui a accéléré cette apostasie moderne. Je veux parler du « laïcisme » ou, si vous préférez, de la « laïcité républicaine ». Cette « laïcité » a choisi. Elle le dit. Elle l’affirme. Elle a choisi la haine de Dieu. « Nul ne peut choisir deux maîtres, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre ».
La laïcité républicaine, durant tout le cours du XXe siècle, et avant même au 19ème siècle, s’est dressée, s’est attaquée, avec tout son cortège de lois contre les Congrégations religieuses et les écoles catholiques, s’est attaquée à la religion de Notre-Seigneur Jésus-Christ parce qu’elle aspirait à en être une autre, « supérieure », « meilleure ». Ce fut l’enjeu des grandes batailles, de 1880 à 1905-1906, qui ont tellement secoué notre pays de France et qui aujourd’hui encore, avec l’argent de l’UNESCO, s’active à déchristianiser les nations chrétiennes en contribuant au développement d’un enseignement laïc, raison de l’apostasie des générations. Forte de ses victoires, la Laïcité républicaine s’établissait en notre pays comme une sorte de religion d’Etat, excluant le Christianisme de tout l’espace public et réduisant le culte catholique à une affaire privée, à « une croyance subjective et muette », comme le dit très justement Jean Madiran dans son livre La laïcité dans l’Eglise (p. 3). C’est de l’ordre divin qu’elle s’est détachée. C’est cette vérité divine qu’elle a laissée, en revendiquant l’indépendance absolue, en rompant avec Dieu et en rompant avec l’être. C’est bien l’apostasie de la Nation.
C’est bien cela.
La laïcité républicaine, c’est bien le dogme d’une religion d’Etat qui, non seulement s’oppose à l’Eglise par haine de Dieu, mais a même réussi à intégrer l’Eglise pour essayer de la corrompre. Jean Madiran parlera alors d’« un entrisme de la laïcité républicaine dans l’Eglise ». J’en donnerai la preuve un peu plus loin.
Mais au préalable, permettez-moi de rappeler ce qu’est le laïcisme ou la laïcité républicaine. Littré et Renan nous en donneront les principes. Je m’inspire là encore de Jean Madiran.

Littré, d’abord.

Il nous dit : « C’est la conception politique et sociale impliquant la séparation de la religion et de la société civile ». « …impliquant la séparation de la religion et de la société civile ». Pour l’Eglise, ces deux pouvoirs, le spirituel et le temporel, sont distincts, l’un n’est pas l’autre, ce qui ressort clairement de l’enseignement de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Mais s’ils sont « distincts », ils ne sont pas « séparés », ni « opposés ». Ils doivent être invités, au contraire, à « coopérer ».
Mais Littré, lui, lorsqu’il parle de la laïcité, de la « laïcité républicaine », parle d’une conception politique et sociale qui implique « la séparation de la religion et de la société civile ».
Vous remarquerez que Littré parle non pas du « pouvoir temporel ». Mais il utilise l’expression « société civile ». Ce terme est très large. Il ne se limite pas au seul pouvoir politique. Il s’étend à tout ce qui n’est pas la société ecclésiastique. Et donc pour Littré, « séparer la religion de la société civile », c’est séparer l’Eglise de l’Etat, mais plus encore, c’est séparer la religion de toute l’étendue de la vie publique, la réduire à rester enfermée dans la vie privée. Dieu ne peut plus posséder la moindre parcelle de son propre domaine. Rien ne relève plus de Lui. Le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir administratif, le pouvoir éducatif, ne relèvent plus de Dieu. Ils ne relèvent que de l’Etat qui ne relève que de sa propre raison, raison qui, par principe, refuse Dieu et sa Lumière, refuse tout « absolu », « toutes certitudes ». Le laïcisme, c’est pour s’exprimer comme Jacques Chirac, alors qu’il recevait à l’Elysée, les Francs-Maçons de tous horizons, à l’occasion du 275ème anniversaire de sa fondation, « le refus des certitudes… »
Le laïcisme ne relève que de l’idéologie rationaliste, que « du libre débat » et du « consensus social ». Le seul dogme que reconnaît la laïcité républicaine, c’est qu’il n’y a rien d’antérieur et de supérieur à l’humain et à sa propre pensée. (C’est le naturalisme rationaliste dans son expression la plus parfaite). Dieu n’a pas son mot à dire. Tout relève de l’homme. « Il n’y a pas de loi morale antérieure à la loi civile », disait Jacques Chirac, alors Président de la République Française. La vie publique, les mœurs publiques ou privées ne relèvent plus en rien du domaine divin. Ils sont autonomes et propres. C’est donc l’affirmation du « refus de quoi que ce soit qui soit supérieur à l’arbitraire humain ». Le laïcisme ne vous demande pas d’abjurer publiquement la foi en Dieu, comme au temps du pouvoir romain impérial. Il vous demande et vous impose de la garder en silence. « Dieu est interdit en public », il est interdit en politique. Il est interdit dans les problèmes de société. Il est interdit dans « la démocratie des mœurs ».
« Démocratie des mœurs », qu’est-ce à dire ? Autrefois, la démocratie, c’était le régime politique où le suffrage universel permettait la nomination du personnel politique. Aujourd’hui, ce n’est plus seulement cela. La « démocratie des mœurs », c’est la démocratie dans laquelle la « règle ne peut naître que du libre débat » et qui veut que « toute référence à un principe soit elle-même soumise à la discussion », au seul consensus populaire. C’est donc, par principe, l’exclusion de toute référence aux lois éternelles du Décalogue divin. Ce n’est pas nécessairement son exclusion, mais c’est la libre discussion des principes divins. Aucune autorité supérieure à l’humain n’est admissible, Dieu compris. La laïcité républicaine, c’est le refus laïque ou la libre discussion jusqu’à l’exclusion de toute loi religieuse ou naturelle supérieure à l’homme. La haine de Dieu et de l’Eglise est totale. C’est un anthropocentrisme absolu qui refuse toute lumière divine. C’est pourquoi ce régime ne peut qu’engendrer, in fine, l’anarchie mentale et sociale et le nihilisme intellectuel puisque sa philosophie, la seule qu’il admette, c’est de se libérer de tout dogme et du Décalogue. Le laïcisme est l’anti-dogmatisme absolu. Jacques Chirac le disait en s’adressant toujours aux mêmes groupes maçonniques qui ont tant fait pour l’extension du laïcisme : « l’idéal maçonnique, celui d’Isaac Newton, rêvait de substituer aux dogmatismes le débat sur le progrès scientifique, de desserrer l’étreinte, de casser les rigidités, pour instaurer un espace de liberté, hors des tabous et des index de l’époque… » Se substituer aux « dogmatismes », c’est-à-dire aux dogmes catholiques, « desserrer les étreintes », « casser les rigidités », « instaurer un espace de libertés, hors des tabous et des index de l’époque »… c’est affirmer vouloir se « dégager » de tout surnaturel, de toute « Révélation », de toutes affirmations révélées, qui sont autant de « rigidités », de « tabous », autant « d’index. » inspirés de la Révélation chrétienne. Et c’est pourquoi le laïcisme est capable de faire la promotion, par exemple, de choses tellement contre nature : l’avortement, par exemple, l’homosexualité, autre exemple… ce qui est le signe d’une rupture totale avec le Dieu créateur et les lois de sa Création. Il engendre, de soi, l’anarchie le plus absolu
NB : Cet esprit s’est manifesté d’une manière particulièrement vive lors des révolutions de mai 68 en France.

Et Renan,

Dans son discours pour la réception de Pasteur à l’Académie, le 27 avril 1882, Renan parlait bien lui aussi au sujet de la laïcité républicaine de « neutralité » et de « tolérance » envers les religions, mais il ajoutait un point fondamental : C’est le régime qui force l’Eglise à lui obéir sur ce point capital. Ce point est capital, en effet. Avec la laïcité, il ne peut y avoir un pouvoir « confessionnel ». Nous l’avons vu plus haut. Mais la laïcité veut plus. Elle ne se contente pas d’avoir un Etat séparé de l’Eglise, neutre et tolérant. Elle veut que cet Etat, au nom de la tolérance et de la neutralité « force l’Eglise à lui obéir » et donc, l’oblige à reconnaître cette séparation du temporel d’avec Dieu, qu’elle le confesse même en doctrine, qu’elle reconnaisse que le pouvoir temporel est autonome, qu’il n’a pas à être soumis à une loi morale qui lui soit supérieure. Et parce que la laïcité républicaine veut que l’Eglise se taise et lui obéisse sur ce point, elle exige de l’Eglise qu’elle accepte et reconnaisse la supériorité de la loi civile sur l’ordre moral chrétien.

Le temps passa… Et le Président de l’Episcopat français, le 30 janvier 2004, c’était alors le Cardinal Ricard, donna un grand entretien au Figaro, et dans cette entretien, déclara : « Toutes les composantes religieuses doivent avoir droit de cité (dans l’Etat), publiquement, à condition de savoir aussi donner leur place aux autres et de ne pas se mettre en contradiction avec les grands principes de la République ».
On croit rêver ! Et voilà que Mgr Ricard se met à reconnaître la légitimité « des composantes religieuses », y compris l’Eglise catholique, dans la fidèle docilité « aux grands principes de la République ». Relisons, dit finement Jean Madiran. Conditions pour qu’une religion ait droit à l’existence dans la République française : ne pas se mettre en contradiction avec « les grands principes de la République ». Mais ces grands principes… ce sont les droits de l’homme sans Dieu et parmi eux, c’est le droit à l’avortement, c’est l’éducation morale des enfants arrachés aux familles. Demain, peut-être parmi ces grands principes, on verra figurer le droit de l’euthanasie, le mariage homosexuel et Dieu sait quoi encore ! Plus fondamentalement encore, quelles que soient les suites de l’évolution fantaisiste des « grands principes de la République », le droit de cité de l’Eglise catholique ne peut dépendre de la conformité à une loi politique, fut-ce constitutionnelle. La seule légitimité de l’Eglise, c’est la mission qu’elle reçut de son Maître Jésus : « Allez enseigner toutes les nations ».

Et Jean Madiran de conclure dans son livre La laïcité dans l’Eglise : « Et ce fut un jour sombre, annonciateur de grands malheurs, ce jour du 30 janvier 2004 où le Président de l’Episcopat français situa la légitimité de l’Eglise ailleurs que dans sa mission divine » (p. 80).

Après cet exposé, il est clair que l’apostasie des Nations est le fruit de la laïcité républicaine. Elle refuse Dieu et ses lois, lois naturelles et lois surnaturelles. Elle veut soumettre l’Eglise à ses propres valeurs républicaines …
Mais « cela » vient de loin. « Cela », c’est-à-dire, cet esprit, cette insubordination de l’esprit humain d’avec Dieu, « cela » vient de loin. Cela vient de la Révolution dite française. Cela vient de la « Déclaration de droits de l’homme » sans Dieu, de 1789.

§-4 : La Révolution.

(Sur ce sujet voir le livre de Jean Ousset, Pour qu’il règne (PQR), surtout son chapitre 2, les pages 119 à 173)
Mgr Gaume est celui qui définit le mieux la Révolution ;
PQR p. 122 : « Si arrachant son masque, vous lui demandez qui es-tu ? Elle vous dira : je ne suis pas ce que l’on croit. Beaucoup parlent de moi et bien peu me connaissent. Je ne suis ni le carbonarisme… ni l’émeute… ni le changement de la monarchie en république, ni la substitution d’une dynastie en une autre, ni le trouble momentané de l’ordre public. Je ne suis ni les hurlements des Jacobins, ni les fureurs de la Montagne, ni le combat des barricades, ni le pillage, ni l’incendie, ni la loi agraire, ni la guillotine, ni les noyades. Je ne suis ni Marat, ni Robespierre, ni Babeuf, ni Mazzini, ni Kossuth. Ces hommes sont mes fils, ils ne sont pas moi. Ces choses sont mes œuvres, elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces choses sont des faits passagers et moi je suis un état permanent. Je suis la haine de tout ordre que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble. Je suis la proclamation des droits de l’homme sans souci des droits de Dieu. Je suis la fondation de l’état religieux et social sur la volonté de l’homme au lieu de la volonté de Dieu. Je suis Dieu détrôné et l’homme a sa place (l’homme devenant à lui-même sa fin). Voilà pourquoi je m’appelle Révolution, c’est-à-dire renversement ».
(N.B. : Je vous conseille de lire également et d’étudier le livre de Mgr Freppel sur la Révolution qu’il écrivit à l’occasion du centenaire de l’anniversaire de la Révolution de 1789. Je vous conseille aussi de lire l’étude du Père de Clorivière sur la Révolution).

Ainsi pour la Révolution, la volonté humaine, libre de toute contrainte, de toute norme, sinon celles qu’elle a librement choisies, est au principe de tout. Elle est maîtresse de tout, elle est la règle ultime de toutes choses. Elle a seule des droits. Il n’existe d’autorité que celle qui naît de la seule volonté ou du « suffrage universel », expression de mon bon vouloir. Loin de fonder les droits de l’homme sur la volonté divine, et la nature humaine créée par Dieu, la philosophie des « Droits de l’homme » les fonde sur « l’arbitraire humain », sur la seule « liberté humaine ». La liberté est alors « le principe suprême et même unique de la vie individuelle et collective ». Mais qui ne voit que l’apostasie est au bout de ce chemin… ?

Il faut y insister.

Le principe de « la philosophie des Lumières » et de la « Déclaration des droits » se trouve dans la liberté de pensée: tout dérive de cette liberté essentielle et fondamentale. Voilà le principe de la civilisation moderne, depuis trois siècles. Voilà pourquoi elle est dite « libérale ». On parle en ce sens de « Libéralisme », de « civilisation libérale » qu’il est faux d’opposer à une civilisation ou pensée « socialiste ». Civilisation libérale, civilisation socialiste, « sunt idem ». Si différence il y a, elle est seulement de l’ordre du « quantum » et non de « l’être ».

L’homme trouvera son bonheur et sa perfection en se « libérant » de tout ce qui prétend s’imposer à sa pensée et à sa conscience et en devenant le maître absolu de sa pensée, de sa conscience, de sa religion. Le dogmatisme est regardé comme l’obstacle majeur au bonheur et à la perfection. Il trouvera cette perfection dès qu’il sera libre. Le premier principe de la doctrine des « Droits de l’homme » est la liberté de pensée : l’homme est maître d’affirmer ou de nier à sa guise, d’adhérer à toute doctrine qui lui convient sans que s’impose à ses jugements aucune vérité qui ne serait pas l’œuvre et la création de son esprit. C’est donc qu’il n’existe pas de vérité antérieure à l’esprit humain qui domine celui-ci. C’est la raison humaine qui, maîtresse souveraine de ses jugements, est la source de toute vérité. Il est facile de comprendre qu’il s’agit d’une véritable divinisation de la raison humaine. Si la raison humaine n’est plus faite pour reconnaître ce qui est et adhérer à une vérité qui s’impose à elle et dont elle n’a pas le choix, si la raison humaine crée à sa guise le vrai et le faux, si elle possède ainsi cette indépendance souveraine du Créateur dont tout dépend et qui ne dépend de rien, elle est pourvue d’attributs véritablement divins. L’homme peut s’adorer lui-même dans le Temple de sa raison divinisée.

S’il en est ainsi, il n’y a plus d’obligation morale. Il n’y a plus de loi morale qui vienne de plus haut que l’homme et le domine. Mais la conscience humaine devient ainsi la seule source de toute loi et de toute morale. Elle devient législatrice et juge souveraine indépendante de toute autorité supérieure à elle-même. L’homme est ainsi son propre maître et s’il embrasse une religion, c’est en considérant Dieu comme un idéal qu’il peut se donner librement ou rejeter selon qu’il lui plaît. L’homme est libre d’être à sa guise croyant ou athée, d’avoir telle religion ou de n’en point avoir. Dieu n’est plus la Réalité suprême dont tout dépend. Mais un idéal librement choisi par ceux que leur conscience y porte, Dieu devient ainsi la propre création de l’esprit humain, esprit humain qui, lui seul, a les attributs créateurs et est le véritable Dieu. Cette liberté absolue engendre donc une véritable religion nouvelle : la religion et l’adoration de la Raison humaine. La raison, dans ce système, se substitue à Dieu, le supplante et le domine. La raison est le seul absolu accepté et exclusif de tout autre, le principe et le centre de tout.

Comme est vrai ce jugement de Jean Madiran, écrivant dans son livre « Les droits de l’homme » : « La déclaration maçonnique de 1789 était donc directement dirigée contre la religion catholique. Michelet eut tout à fait raison de la désigner comme le « credo du nouvel âge » : c’est-à-dire destiné à prendre la place du « Je crois en Dieu ». La liberté de 1789 est celle du « ni Dieu ni maître ». La seule morale, la seule religion éventuellement admissible désormais est celle dont chaque conscience, dans sa créativité souveraine, se forge une idée subjective, valable seulement pour elle-même. On nomme aussi cela l’anti-dogmatisme ». (p. 102-103)

Définition du « monde » moderne :

Après avoir exposé tout cela, si on me demandait de définir « le monde » tel qu’il est après 1789, je dirais volontiers, utilisant l’expression de Marcel de Corte dans son texte fameux « les deux démocraties » : le monde actuel c’est le « régime nouveau où rien ne dépend de la nature et de Dieu, où tout est suspendu à la seule volonté de l’homme » et sa raison. C’est donc l’esprit d’indépendance absolue, qui, en définitive, porte l’homme à revendiquer pour lui-même, nous l’avons dit plus haut, « l’aséité ». C’est l’esprit de la Révolution anti chrétienne. Cet esprit nie l’ordre chrétien et vise à remplacer partout et en tout le culte des Trois Personnes Divines par le culte du Moi humain. C’est ainsi que s’exprime Jacques Maritain dans son livre remarquable « Antimoderne » (p. 198). Le monde moderne, parce que dominé par cet esprit révolutionnaire – il est triomphant au Parlement français – veut écarter Dieu de tout ce qui est centre de pouvoir ou d’autorité dans les peuples.

Et puisqu’il est question ici de définir le monde moderne, on ne peut pas ne pas citer ce magnifique passage de Jacques Maritain dans Antimoderne : « Pendant trois siècles, nous avons assisté à une progressive et universelle dépossession de l’Eglise. Au terme, un monde naturaliste, dédié à une science matérielle, mécanique et violente au service de l’orgueil et du luxe humain, parfaitement configuré dans sa vie économique et politique à la volonté haineuse d’un Maître qui n’est pas Dieu, tellement plein de chair que Jésus, comme jadis dans les hôtelleries de Bethléem, n’y trouve pas la plus petite place pour lui. Sans doute le monde peut descendre plus bas encore. Il semble pourtant que nous puissions marquer ici un point de chute….Dans l’ordre de l’esprit la courbe de l’histoire des trois dernières siècles a une forme semblable. En trois grandes étapes – Luther, Descartes, Kant – l’homme s’isole de la vie surnaturelle et devient sourd à l’enseignement révélé, – il se soustrait à Dieu par anti-théologisme et à l’être par idéalisme – il se replie sur soi, s’enferme comme un tout puissant dans sa propre immanence, fait tourner l’univers autour de sa cervelle, s’adore enfin comme étant l’auteur de la vérité par sa pensée et l’auteur de la loi par sa volonté. La « Science » qu’il construit pour se soumettre l’univers matériel interdit à sa raison l’accès des réalités supérieures » (p.199)

Comme c’est vrai !

Le pouvoir, la législation, l’ « ordre politique » ne viennent plus de Dieu, ils viennent de l’Homme : Omnis Potestas ab Homine. Et Dieu est proscrit de la vie sociale et de la vie intellectuelle, c’est-à-dire de ce qui est proprement humain dans l’homme.

Et l’on comprend alors pourquoi, la Constitution « sur l’Église dans le monde de ce temps », « Gaudium et Spes », formula de façon lapidaire la revendication de l’homo democraticus moderne : « Tout sur terre doit être ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet ». (Ch 1 12) Or on sait, nous dit Marcel de Corte, toujours dans le même texte, que la majorité des Pères repoussa la proposition faite par la minorité d’ajouter à ce texte pour le moins ahurissant, la clausule suivante : « et, par l’homme, à Dieu ». C’est exactement la position de la démocratie moderne – le monde moderne – qui sépare les « Droits de d’Homme » de ses devoirs envers Dieu. C’est exactement le contraire de la Parole inspirée du Psalmiste : « C’est Dieu qui nous a faits et nous lui appartenons ». C’est exactement le contraire du propos définitif que Saint Paul nous adresse : « Vous n’êtes pas à vous-mêmes ».

Définition de la Révolution :

Ce principe étant posé, de la séparation de la raison d’avec Dieu, Mgr Freppel a raison d’écrire, dans son livre sur la Révolution française, que : « La Révolution, c’est la société déchristianisée ; c’est le Christ refoulé au fond de la conscience individuelle, banni de tout ce qui est public, de tout ce qui est social ; banni de l’Etat, qui ne cherche plus dans son autorité la consécration de la sienne propre ; banni des lois , dont sa loi n’est plus la règle souveraine ; banni de la famille, constituée en dehors de sa bénédiction ; banni de l’école, où son enseignement n’est plus l’âme de l’éducation ; banni de la science, où il n’obtient plus pour tout hommage qu’une sorte de neutralité non moins injurieuse que la contradiction ; banni de partout , si ce n’est peut-être d’un coin de l’âme où l’on consent à lui laisser un reste de domination. La révolution, c’est la nation chrétienne débaptisée, répudiant sa foi historique, traditionnelle, et cherchant à se reconstruire en dehors de l’Evangile, sur les bases de la raison pure, devenue la source unique du droit et la seule règle du devoir. Une société n’ayant plus d’autre guide que les lumières naturelles de l’intelligence, isolées de la Révélation, ni d’autre fin que le bien-être de l’homme en ce monde, abstraction faite de ses fins supérieures, divines, voilà dans son idée essentielle, fondamentale, la doctrine de la Révolution ».

Mais tout cela engendre nécessairement l’apostasie des Nations. C’est ce que dit encore Mgr Freppel : «C’est en 1789 qu’en renonçant à la notion de peuple chrétien pour appliquer à l’ordre social le rationalisme déiste ou athée, ses représentants ont donné au monde le lamentable spectacle d’une apostasie nationale jusqu’alors sans exemple dans les pays catholiques »

( Mgr Freppel. La Révolution Française et le christianisme ».
Ch 2. Ed. du Trident. p. 20-30).

C’est alors que « sont corrodées, nous dit Madiran, les autorités morales et religieuses : l’autorité du Créateur sur ses créatures, d’une loi morale universelle et irréformable, d’une Eglise divinement instituée….Comprenons même que la loi morale peut survivre pareillement, si elle ne prétend pas davantage à l’objectivité et à l’universalité, si elle renonce à son caractère d’obligation reçue, et si elle n’est plus que l’expression d’une conscience ne légiférant que pour elle-même. Plus rien ne s’impose à l’homme, plus rien ne lui est imposé d’en haut ; ce qui lui est imposé désormais, et cette fois sans conditions ni rémission, ce sont les décrets qui se présentent comme l’émanation du suffrage universel : contre eux, aucun recours » (p. 62)

Conclusion

Jean Madiran a raison de conclure « Sans une réflexion critique sur la déclaration de « Droits de l’homme » sans Dieu, ceux de 1789 et ceux de 1948, et sans une sévère rectification de leur énoncé, on n’arrivera ni à interrompre ni encore moins à inverser la décadence, la décomposition, le pourrissement du monde moderne »(p. 142), ni son apostasie. « Vaste programme » conclut Jean Madiran.

Saint Pie X dans sa Ière encyclique définissait lui aussi parfaitement le monde moderne par ces mots : « « l’homme, avec une témérité sans nom, a usurpé la place du Créateur en s’élevant « au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu. C’est à tel point que, impuissant à éteindre complètement en soi la notion de Dieu, il secoue cependant le joug de sa majesté, et se dédie à lui-même le monde visible en guise de temple, où il prétend recevoir les adorations de ses semblables. Il siège dans le temple de Dieu, où il se montre comme s’il était Dieu lui-même » (II Thess. II, 2).

C’est une belle analyse des temps présents.

2ème partie : L’Eglise et le monde

Malgré ce combat acharné de la laïcité, de la Révolution des « Lumières » contre Dieu et son ordre, Dieu aura, c’est certain, la victoire.

« Quelle sera l’issue de ce combat livré à Dieu par de faibles mortels, nul esprit sensé ne le peut mettre en doute. Il est loisible assurément, à l’homme qui veut abuser de sa liberté, de violer les droits et l’autorité suprême du Créateur ; mais au Créateur reste toujours la victoire. Et ce n’est pas encore assez dire : la ruine plane de plus près sur l’homme justement quand il se dresse plus audacieux dans l’espoir du triomphe. C’est de quoi Dieu lui-même nous avertit dans les Saintes Ecritures : « Il ferme les yeux », disent-elles, « sur les péchés des hommes », comme oublieux de sa puissance et de sa majesté; mais bientôt, après ce semblant de recul, « se réveillant ainsi qu’un homme dont l’ivresse a grandi la force » « il brise la tête de ses ennemis » afin que tous sachent que « le roi de toute la terre, c’est Dieu » « et que les peuples comprennent qu’ils ne sont que des hommes » (14) ».

§-1 : Le triomphe de Dieu.

La foi nous en donne la certitude.
Ce triomphe de Dieu est certain, la foi nous en donne la certitude : « Tout cela, Vénérables Frères, nous le tenons d’une foi certaine et nous l’attendons ».

Mais nous devons travailler pour hâter ce triomphe, non seulement par la prière, mais aussi par l’action des œuvres : « Mais cette confiance ne nous dispense pas, pour ce qui dépend de nous, de hâter l’œuvre divine, non seulement par une prière persévérante : « Levez-vous, Seigneur, et ne permettez pas que l’homme se prévale de sa force » (15), mais encore, et c’est ce qui importe le plus, par la parole et par les œuvres, au grand jour, en affirmant et en revendiquant pour Dieu la plénitude de son domaine sur les hommes et sur toute créature, de sorte que ses droits et son pouvoir de commander soient reconnus par tous avec vénération et pratiquement respectés ».

§-2 : Le salut par la reconnaissance des droits de Dieu et de son Christ.

Voilà affirmée la ferme résolution du Pape X, son programme : face à « l’agonie et à la mort de la chrétienté », Saint Pie X veut travailler au règne de Dieu par la reconnaissance des droits de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par la confession de sa Royauté.

Pour saint Pie X, il n’est pas question de parler des « droits de l’homme », de parler de « nouvel humanisme », comme le fit Paul VI à la clôture du Concile Vatican II et comme le renouvela JP II dans son discours à l’UNESCO. Nous allons le voir. Non, il s’agit de prêcher Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ. La mission de l’Eglise est de rappeler à la terre le respect du droit chrétien. C’est par ce droit que viendront le salut et la paix. Redonner à Dieu la plénitude de son domaine sur toutes créatures. Que son souverain domaine, son dominium, soit reconnu et confessé par tous, alors la paix règnera.

« Redonner à Dieu son dominium » et le « faire reconnaître par tous » : voilà le devoir qu’il faut accomplir. Et c’est ainsi que l’on contribuera à l’établissement de l’ordre et de la paix : « Chasser Dieu, c’est bannir la justice, et la justice écartée, toute espérance de paix devient une chimère ; la paix, c’est l’œuvre de la justice. Pax opus justitiae ». La paix est l’œuvre de la justice. Et la justice c’est rendre à Dieu son dû. Or son dû, c’est reconnaître son dominium sur toutes choses. C’est donc par la justice que règnera la paix. Rétablissez les droits de Dieu, le Droit chrétien et la paix règnera. Il faut donc travailler à fomenter le parti de l’ordre, c’est-à-dire le parti de la paix, c’est-à-dire le parti de Dieu. Il y a comme une trilogie dans la pensée du pape : Dieu, sa justice, l’ordre, la paix sociale.

« Sans doute, le désir de la paix est dans tous les cœurs, et il n’est personne qui ne l’appelle de tous ses vœux. Mais cette paix, insensé qui la cherche en dehors de Dieu ; car chasser Dieu, c’est bannir la justice ; et la justice écartée, toute espérance de paix devient une chimère. « La paix est l’œuvre de la justice » (16). Il en est, et en grand nombre, Nous ne l’ignorons pas, qui, poussés par l’amour de la paix, c’est-à-dire de la tranquillité de l’ordre, s’associent et se groupent pour former ce qu’ils appellent le parti de l’ordre. Hélas ! Vaines espérances, peines perdues ! De partis d’ordre capables de rétablir la tranquillité au milieu de la perturbation des choses, il n’y en a qu’un : le parti de Dieu. C’est donc celui-là qu’il nous faut promouvoir ; c’est à lui qu’il nous faut amener le plus d’adhérents possible, pour peu que nous ayons à cœur la sécurité publique ».

§-3 : La confession du Christ.

Parce que l’homme moderne s’appuie sur lui-même, parce que « la pierre d’angle » n’est plus le Christ, le remède à cette apostasie « galopante », c’est : nous dit Saint Pie X, de faire le contraire, c’est de « Tout restaurer dans le Christ ». Il écrit : « Nous déclarons que Notre but unique dans l’exercice du suprême Pontificat est de « tout restaurer dans le Christ » afin que « le Christ soit tout et en tout. (Declaramus propositum esse Nobis… Instaurare omnia in Christo (Eph 1 10) ut…sit omnia et in omnibus Christus (Col 3 11)
Tel est le programme de saint Pie X. : « Tout restaurer dans le Christ ».
C’est une chose admirable que cette devise !
C’est le programme, la devise même de saint Paul, ni plus ni moins. Ce fut l’objet de sa prédication. C’est le but principal de l’apostolat de saint Paul : Il a été choisi pour annoncer ce grand mystère du Christ, un mystère qui était caché depuis le début du monde, un mystère extraordinaire : le plan, salvifique du Père : sauver tous les hommes, ce salut étant réalisé en son Fils, le Fils devenant ainsi la pierre angulaire de tout l’édifice : Omnia instaurare in Christo (du mot grec cephalos, tête) Notre-Seigneur Jésus-Christ, de par la volonté de Dieu le Père, est la tête et tout descend de la tête. C’est le grand mystère annoncé par saint Paul aux Gentils. Il est l’objet central de toutes les Epîtres de saint Paul (Col 1 25-27 ;1 Cor 2 7-10 ; Eph 1 8-10) Citons seulement l’Epître aux Ephésiens: C’est à moi, le moindre de tous les saints, qu’a été accordée cette grâce d’annoncer parmi les Gentils la richesse incompréhensible du Christ, et de mettre en lumière, aux yeux de tous, l’économie du mystère qui avait été caché depuis le commencement en Dieu, le Créateur de toutes choses, afin que les principautés et les puissances dans les cieux connaissent aujourd’hui, à la vue de l’Eglise, la sagesse infiniment variée de Dieu, selon le dessein éternel qu’il a réalisé par Jésus-Christ Notre-Seigneur, en qui nous avons, par la foi en lui, la hardiesse de nous approcher de Dieu avec confiance ». (Eph 3 9-11)
Le Christ est incontournable. Face à l’apostasie des Nations chrétiennes, saint Pie X ne veut que prêcher le Christ comme le fit saint Paul. La devise paulinienne est la devise du pape : « Instaurare omnia in Christo » parce qu’il n’y a qu’un Sauveur, qu’une « pierre angulaire », le Christ Jésus.
C’est l’enseignement de saint Pierre dès la Pentecôte.
C’est là une déclaration formelle du Pape Pie X. Il n’a pas d’autre but. Son but n’est nullement temporel. Il le dit et le répète : « Il s’en trouvera sans doute qui, appliquant aux choses divines la courte mesure des choses humaines, chercheront à scruter Nos pensées intimes et à les tourner à leurs vues terrestres et à leurs intérêts de parti. Pour couper court à ces vaines tentatives, Nous affirmons en toute vérité que Nous ne voulons être et que, avec le secours divin, Nous ne serons rien autre, au milieu des sociétés humaines, que le ministre du Dieu qui Nous a revêtu de son autorité.
Ses intérêts sont Nos intérêts ; leur consacrer Nos forces et Notre vie, telle est Notre résolution inébranlable. C’est pourquoi, si l’on Nous demande une devise traduisant le fond même de Notre âme, Nous ne donnerons jamais que celle-ci : Restaurer toutes choses dans le Christ ».
« C’est donc clair, dit Mgr Lefebvre, de la clarté des idées, de la limpidité de la parole. Ici tout est simple ».

On connaît le mal : l’apostasie, l’oubli de Dieu par le naturalisme.
On connaît le remède : le Christ Jésus dans sa gloire de Rédempteur.
Et ce remède est le seul qui permettra le retour à l’ordre :
Ce retour n’adviendra que par Jésus-Christ : « Ce retour des nations au respect de la majesté et de la souveraineté divine, quelques efforts que nous fassions d’ailleurs pour le réaliser, n’adviendra que par Jésus-Christ. L’Apôtre, en effet, nous avertit que « personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé et qui est le Christ Jésus » (17). C’est lui seul « que le Père a sanctifié et envoyé dans ce monde » (18), « splendeur du Père et figure de sa substance » (19), vrai Dieu et vrai homme, sans lequel nul ne peut connaître Dieu comme il faut, car « personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler » (20).

Jésus-Christ est le seul fondement, nous dit l’Apôtre, nous dit saint Pie X, donné aux hommes pour aller à Dieu. L’Apôtre, cité par saint Pie X, nous avertit : personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé et qui est le Christ Jésus. C’est lui seul que le Père a sanctifié et a envoyé en ce monde, splendeur du Père et figure de substance, vrai Dieu et vrai homme, sans lequel nul ne peut connaître Dieu « car personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler » (Mt 11 27).

Dès lors, pour saint Pie X, « tout restaurer dans le Christ » et « ramener les hommes à l’obéissance divine sont une seule et même chose ». Car le Christ est Dieu : « Et Verbum caro factum est ».

« D’où il suit que tout restaurer dans le Christ et ramener les hommes à l’obéissance divine sont une seule et même chose. Et c’est pourquoi le but vers lequel doivent converger tous nos efforts, c’est de ramener le genre humain à l’empire du Christ. Cela fait, l’homme se trouvera, par là même, ramené à Dieu. Non pas, voulons-Nous dire, un Dieu inerte et insoucieux des choses humaines, comme les matérialistes l’ont forgé dans leurs folles rêveries, mais un Dieu vivant et vrai, en trois personnes dans l’unité de nature, auteur du monde, étendant à toute chose son infinie providence, enfin législateur très juste qui punit les coupables et assure aux vertus leur récompense ».

§-4 : Aller à Jésus par l’Eglise.

Alors surgit la question : Mais quel est le moyen pour aller à Jésus-Christ ?

« Or, où est la voie qui nous donne accès auprès de Jésus-Christ ? Elle est sous nos yeux : c’est l’Eglise. Saint Jean Chrysostome nous le dit avec raison : « L’Eglise est ton espérance, l’Eglise est ton salut, l’Eglise est ton refuge » (21).

C’est pour cela que le Christ l’a établie, après l’avoir acquise au prix de son sang, pour cela qu’il lui a confié sa doctrine et les préceptes de sa loi, lui prodiguant en même temps les trésors de la grâce divine pour la sanctification et le salut des hommes ».

Ainsi donc, la paix se réalisera par l’extension de l’Eglise catholique. Il n’y a pas d’autre moyen, et c’est précisément pour cela que nous luttons : nous voulons garder l’Eglise telle qu’elle a toujours été pour donner Notre-Seigneur Jésus-Christ aux âmes.

§-5 : Notre devoir est clair :

Si donc le monde moderne est construit sur la Désobéissance, sur le refus de l’autorité de Dieu et du Christ sur le refus de l’autorité de l’Eglise, vous comprenez le devoir du chrétien : Il convient de tout ramener à l’obéissance de l’Eglise : « Vous voyez donc, Vénérables Frères, quelle œuvre nous est confiée à Nous et à vous. Il s’agit de ramener les sociétés humaines, égarées loin de la sagesse du Christ, à l’obéissance de l’Eglise ; l’Eglise, à son tour, les soumettra au Christ, et le Christ à Dieu. Que s’il Nous est donné, par la grâce divine, d’accomplir cette œuvre, Nous aurons la joie de voir l’iniquité faire place à la justice, et Nous serons heureux d’entendre « une grande voix disant du haut des Cieux : Maintenant, c’est le salut et la vertu, et le royaume de notre Dieu et la puissance de son Christ » (22).

§-6 : Le combat chrétien.

Et si l’on veut obtenir cet heureux résultat, il ne va pas falloir craindre de combattre et de s’opposer à ce « nouvel humanisme » par lequel « l’homme s’est substitué à Dieu », et rappeler les vérités de l’Eglise sur le mariage, sur l’éducation, sur la propriété, sur le pouvoir public, sur la hiérarchie sociale. En un mot, il va falloir nécessairement s’opposer au rationalisme révolutionnaire où l’homme se substitue à Dieu.

« Toutefois, pour que le résultat réponde à Nos vœux, il faut, par tous les moyens et au prix de tous les efforts, déraciner entièrement cette monstrueuse et détestable iniquité propre au temps où nous vivons, et par laquelle l’homme se substitue à Dieu ; rétablir dans leur ancienne dignité les lois très saintes et les conseils de l’Evangile ; proclamer hautement les vérités enseignées par l’Eglise sur la sainteté du mariage, sur l’éducation de l’enfance, sur la possession et l’usage des biens temporels, sur les devoirs de ceux qui administrent la chose publique ; rétablir enfin le juste équilibre entre les diverses classes de la société selon les lois et les institutions chrétiennes.

Tels sont les principes que, pour obéir à la divine Volonté, Nous Nous proposons d’appliquer durant tout le cours de Notre Pontificat et avec toute l’énergie de Notre âme.

Votre rôle, à vous, Vénérables Frères, sera de Nous seconder par votre sainteté, votre science, votre expérience, et surtout votre zèle pour la gloire de Dieu, « ne visant à rien autre qu’à former en tous Jésus-Christ » (23).

Tel est le programme de saint Pie X : Tout instaurer dans le Christ, remettre Dieu dans la société par l’Eglise, remettre de l’ordre dans la société par les institutions chrétiennes que l’Eglise a toujours défendues et enseignées.

§-7 : Former des prêtres

S’il en est ainsi, si telle est la « politique » qu’il faut mener, quel est le devoir qui incombe aux évêques ? Il est tout surnaturel : il faut former de saints prêtres.

« Quels moyens convient-il d’employer pour atteindre un but si élevé ? Il semble superflu de les indiquer, tant ils se présentent d’eux-mêmes à l’esprit. Que vos premiers soins soient de former le Christ dans ceux qui, par le devoir de leur vocation, sont destinés à le former dans les autres. Nous voulons parler des prêtres, Vénérables Frères. Car tous ceux qui sont honorés du sacerdoce doivent savoir qu’ils ont, parmi les peuples avec lesquels ils vivent, la même mission que Paul attestait avoir reçue quand il prononçait ces tendres paroles : « Mes petits enfants, que j’engendre de nouveau jusqu’à ce que le Christ se forme en vous » (24). Or, comment pourront-ils accomplir un tel devoir, s’ils ne sont d’abord eux-mêmes revêtus du Christ ? Et revêtus jusqu’à pouvoir dire avec l’Apôtre : « Je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi » (25). « Pour moi, le Christ est ma vie » (26). Aussi, quoique tous les fidèles doivent aspirer à « l’état d’homme parfait à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ » (27), cette obligation appartient principalement à celui qui exerce le ministère sacerdotal. Il est appelé pour cela un autre Christ ; non seulement parce qu’il participe au pouvoir de Jésus-Christ, mais parce qu’il doit imiter ses œuvres et, par là, reproduire en soi son image ».

Ainsi le premier devoir des évêques est de former de saints prêtres.

Voilà ce que fit Mgr Lefebvre dans la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.

Il faut multiplier les séminaires. Il faut des prêtres. Mais de bons prêtres formés à la scolastique, à l’Ecriture Sainte, aux dogmes, à la morale, avec l’amour de l’Eglise, de la Tradition.

§-8 : Former de saints prêtres.

« S’il en est ainsi, Vénérables Frères, combien grande ne doit pas être votre sollicitude pour former le clergé à la sainteté ! II n’est affaire qui ne doive céder le pas à celle-ci. Et la conséquence, c’est que le meilleur et le principal de votre zèle doit se porter sur vos Séminaires, pour y introduire un tel ordre et leur assurer un tel gouvernement, qu’on y voie fleurir, côte à côte l’intégrité de l’enseignement et la sainteté des mœurs. Faîtes du Séminaire les délices de votre cœur, et ne négligez rien de tout ce que le Concile de Trente a prescrit dans sa haute sagesse pour garantir la prospérité de cette institution. Quand le temps sera venu de promouvoir les jeunes candidats aux saints Ordres, ah ! N’oubliez pas ce qu’écrivait saint Paul à Timothée : « N’impose précipitamment les mains à personne » (28) ; vous persuadant bien que, le plus souvent, tels seront ceux que vous admettrez au sacerdoce, et tels seront aussi dans la suite les fidèles confiés à leur sollicitude. Ne regardez donc aucun intérêt particulier, de quelque nature qu’il soit ; mais ayez uniquement en vue Dieu, l’Eglise, le bonheur éternel des âmes, afin d’éviter, comme nous en avertit l’Apôtre, de participer aux péchés d’autrui » » (29).

Et pour former ce clergé à la sainteté, il n’est rien de plus important que de rappeler la nature même du sacerdoce et sa dignité.

Voilà qui est clair !

3ème partie : Avec le Concile Vatican II et les documents subséquents l’opposition de l’Eglise au monde moderne s’estompe pour ne pas dire plus…

Ce jugement sur le monde moderne, son apostasie, et la réponse nécessaire de l’Eglise : lui prêcher le Christ total, comme le fit de saint Pie X, furent certainement une constante dans l’Eglise. Face au monde, elle prêcha toujours le Christ et sa doctrine.
Avec le Concile Vatican II, avec le discours inaugural de Jean XXIII et le texte de « Gaudium et Spes », avec le discours de clôture de Paul VI, le discours de JP II à l’UNESCO et son jugement exprimé dans « Mémoire et Identité », son livre posthume que j’ai appelé, son « testament politique », (cf. La doctrine politique de Jean Paul II) le changement d’attitude de l’Eglise vis-à-vis du monde est manifeste.

a- Le discours inaugural de Jean XXIII

Certes, Jean XXIII, au début de son discours, rappelle bien la nécessité de confesser le Christ. Il rappelle bien l’opposition dont l’Eglise sera l’objet, puisque le Christ sera un « signe de contradiction » (Luc 2 34). Il rappelle bien aussi le texte où le Christ lui-même dit que : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi » (Lc 11 23). Mais, outre que ces deux textes ne seront plus jamais cités dans les documents conciliaires, comme le fait remarquer Romano Amério, dans son livre Iota Unum, (p. 68), – c’est là tout un symbole – Jean XXIII condamnera dans ce discours très sévèrement et d’une manière très claire, les « prophètes de malheur » qui « dans la situation actuelle de la société ne voient que « ruines et calamités ». Mais plus encore l’Eglise, nous dit le pape, sans abandonner son opposition aux erreurs, « préfère recourir au remède de la miséricorde plutôt que de brandir les armes de la sévérité ». Elle met certes « en valeur les richesses de sa doctrine », mais ne veut « condamner ». On parlera alors entre l’Eglise et la société humaine de « rencontre », de « connaissance » et « d’amour réciproques ». Ce sont les trois mots utilisés par Paul VI, dans son Encyclique « Ecclesiam suam ». Cette annonce du principe de la « miséricorde », comme le fait encore remarquer Romano Amerio, opposée à celui de la « sévérité » néglige le fait que, dans l’Eglise, la condamnation de l’erreur est, elle-même, œuvre de miséricorde, puisqu’en frappant l’erreur, on corrige celui qui errait et on préserve d’erreur les autres »(p. 74). La miséricorde ne peut toucher « l’erreur » mais seulement « l’errant » que l’on secourt en lui présentant la vérité et en réfutant l’erreur.
Enfin, Jean XXIII laisse entendre que l’erreur se reconnaîtrait par elle-même et se corrigerait d’elle-même. Ce principe est clairement démenti par les faits de l’histoire. Les hommes ne se ravisent pas des erreurs mais, bien au contraire, les confirment et vont même jusqu’à leur donner force de loi. Ainsi du divorce, ainsi de l’avortement. Ainsi de toutes les nouvelles unions contres natures. « Comme le dit encore Amerio, « voilà un point où la clairvoyance du pape a été irréfutablement prise à défaut » (p.75)
Voilà une variation importante dans l’attitude de l’Eglise catholique face au monde moderne.

b- Gaudium et Spes

Cette « variation » est celle aussi du document conciliaire « Gaudium et Spes » Le cardinal Ratzinger nous a présenté ce document dans son livre « Les principes de la théologie catholique ». Pour lui, ce texte est comme le « véritable testament » du Concile Vatican II, il est comme « une somme consacrée à l’anthropologie chrétienne et aux problèmes centraux de l’éthique chrétienne ». Et là, nous avons un essai de définition du « monde ». Et c’est ainsi, nous dit le cardinal, que la constitution (n° 2) comprend par « monde » « un vis-à-vis de l’Eglise ». Le texte doit les amener tous les deux dans un rapport positif de coopération dont le but est la construction du « monde ». L’Eglise coopère avec le « monde » pour construire le « monde » – Voilà, dit le cardinal, la vision déterminante du texte. Il faut noter un deuxième élément de base caractéristique du texte conciliaire : « le concept de dialogue comme étant son caractère formel fondamental ». Le Concile, lit-on sous la plume du cardinal, « ne saurait donner une preuve plus parlante de solidarité, de respect et d’amour à l’ensemble de la famille humaine… qu’en dialoguant avec elle… ». Le rapport entre l’Eglise et le monde est donc vu comme un « colloque », comme « un parler ensemble » et comme la recherche en commun de la solution des problèmes, l’Eglise apportant dans le dialogue ses propres possibilités et attendant un progrès grâce à l’échange de ses propres possibilités avec celles des autres. Ainsi serait finie l’attitude de réserve critique à l’égard des forces déterminantes du monde moderne. Cette attitude de réserve devait être effacée par une insertion résolue dans leur mouvement. « L’acquiescement au présent » est désormais de rigueur. Et la pensée du cardinal se termine par ces mots : « Si l’on veut un diagnostic global du texte, on pourrait dire qu’il est (en liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde) une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre Syllabus…Ce texte fut considéré comme « un défi à son siècle. Il a tracé une ligne de séparation devant les forces déterminantes du XIXème siècle : les conceptions scientifiques et politiques du libéralisme »… « Contentons nous ici de constater que le texte (Gaudium et Spes) joue le rôle d’un contre syllabus dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l’Eglise avec le monde tel qu’il était devenu depuis 1789 ».
S’il n’y a pas ici de « rupture » dans la pensée d’avec la position de toujours de l’Eglise, c’est que les mots n’ont plus de sens.
Cette nouvelle attitude face au monde est également celle de JP II.

c- Tout d’abord dans son livre « Mémoire et identité ».

Jean-Paul II, après avoir analysé très justement le monde moderne, ce qui le rapproche tout à fait de Pie X, parle de « dialogue », il propose iterum et iterum l’Evangile, la concertation et « l’aide fraternelle » avec le monde moderne. Il l’exprime très bien au chapitre 18 de son livre « Mémoire et Identité »: « Le souci d’aider l’homme est incomparablement plus important que les polémiques et que les accusations concernant, par exemple, le fond illuministe des grandes catastrophes historiques du XXe siècle. En effet, l’esprit de l’Evangile s’exprime avant tout dans la disponibilité à offrir au prochain une aide fraternelle » (p. 135).

Là, JP II nous livre, entre autres choses, son jugement sur l’attitude qu’il convient d’avoir envers le monde moderne. Il s’inspire de « Gaudium et Spes ».

Face au monde actuel issu de la Révolution française, le Concile avait le choix entre deux attitudes pastorales, écrit Jean Madiran, dans un article de Présent, que Jean-Paul II tient pour également légitimes :

– soit une attitude de contestation polémique et de condamnation doctrinale, ce fut celle de l’Eglise depuis (et contre) la Révolution française. Nous l’avons vu en analysant l’attitude de Saint Pie X

– soit une attitude refusant désormais, à la suite de Jean XXIII, de prononcer des condamnations doctrinales, préférant aller « à la rencontre du monde contemporain » et engager avec lui un « dialogue constructif ».

Selon Jean-Paul II, le Concile a volontairement et clairement choisi son camp, il a adopté la seconde attitude, nous venons de le voir, décrétée plus conforme à « l’esprit de l’Evangile », car l’esprit de l’Evangile s’exprime avant tout dans « la disponibilité à offrir au prochain une aide fraternelle ».

Sur ce point, dit Jean Madiran à qui j’emprunte cette synthèse, il n’y a pas eu continuité, il y a eu rupture délibérée. Amério le disait déjà au sujet de l’attitude de Jean XXIII, nous l’avons vu :

« Je laisserai aux théologiens le soin d’examiner s’il est vrai en théorie que la seconde attitude soit plus « évangélique » que la première et si elle doit obligatoirement l’exclure (comme si l’on ne pouvait admettre que la première concerne les doctrines, les institutions, les lois et que, simultanément, la seconde concerne les personnes ». C’est la position d’Amerio dans Iota Unum, nous venons de le voir).

Mais il y a aussi les faits : le monde issu de la Révolution française refuse le « dialogue constructif » ou plutôt, c’est encore plus grave, il ne feint de l’accepter que par tromperie.

A l’offre d’une « aide fraternelle », ce monde contemporain répond en imposant l’avortement, la promotion de l’homosexualité, le métissage des religions, l’égalitarisme suppresseur de toutes les discriminations, la supériorité de la loi politique sur la loi religieuse et, par-dessus tout, le diabolique enseignement obligatoire, dans les écoles, des dépravations sexuelles aux plus jeunes enfants.

Ainsi le Concile Vatican II, par un aveuglement sur les « signes des temps », a commis une capitale erreur pastorale. Au nom d’une attitude supposée « plus évangélique », mais radicalement inappropriée aux circonstances, il a exclu la contestation des erreurs, la dénonciation des lois injustes, la condamnation des abominations subversives, il a intellectuellement désarmé les fidèles, le clergé, et sa hiérarchie.

Dans le regard personnel que Jean-Paul II portait à la fin de sa vie sur le Concile, il apparaît donc que l’erreur décisive sur l’appréciation des « signes des temps » n’a pas été une dérive post-conciliaire, elle n’a pas été seulement le fait d’un faux « esprit du Concile », elle a bien été une faute du Concile lui-même. Jean XXIII l’avait convoqué pour cela : exclure désormais toute condamnation des lois et des mœurs contre nature, disqualifier comme « prophètes de malheur » ceux qui restaient réfractaires à une telle rupture. Et le malheur s’est aggravé.

Les tactiques pastorales, par définition, sont discutables et elles n’ont qu’un temps. Quelquefois un temps insupportablement long, quand la réactivité intellectuelle est endormie par l’abrutissement médiatique. (Jean Madiran Article extrait du n° 7314 de Présent du Vendredi 25 mars 2011)

d- Cette rupture est également celle du discoursde Jean Paul II à l’Unesco prononcé le 2 juin 1980

Ce discours a été prononcé à l’occasion de son voyage apostolique en France à Paris-Lisieux, en 1980. Quelle différence avec la parole de saint Pie X.

Dans le paragraphe 4 du discours, il ne craint pas de dire :

« 4. Il y quand même – et je l’ai souligné dans mon discours à l’ONU en me référant à la Déclaration Universelle des Droits de l’homme – une dimension fondamentale, qui est capable de bouleverser jusque dans leurs fondements, les systèmes qui structurent l’ensemble de l’humanité et de libérer l’existence humaine, individuelle et collective, des menaces qui pèsent sur elle. Cette dimension fondamentale, c’est l’homme, l’homme dans son intégralité, l’homme qui vit en même temps dans la sphère des valeurs matérielles et dans celle des valeurs spirituelles. Le respect des droits inaliénables de la personne humaine est à la base de tout »

Saint Pie X, au sujet des menaces qui pèsent sur l’humanité, disait qu’il faut revenir à Dieu ; Jean-Paul II, lui, dit qu’il faut revenir à l’homme.

On voit la différence qui existe dans la pensée de ces deux papes. Pour l’un, pour Jean-Paul II, c’est l’homme et l’humanisme qui est à la base de tout. Pour l’autre, le pape saint Pie X, c’est Dieu, revenir à Dieu et au respect des droits de Dieu.

JP II en appelle à « la conscience humaine ». Il dit que le grand moyen pour réaliser la paix dans le monde, c’est de donner sa place à la conscience, de « faire prendre conscience » aux gens du danger que court le monde si on ne fait pas d’efforts pour rétablir la paix :

« 5. A l’origine de l’UNESCO, comme aussi à la base de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, se trouvent donc ces premières nobles impulsions de la conscience humaine, de l’intelligence et de la volonté. J’en appelle à cette origine, à ce commencement, à ces prémisses et à ces premiers principes. C’est en leur nom que je viens aujourd’hui à Paris, au siège de votre Organisation – (dans sa première encyclique, saint Pie X invoquait expressément le nom de Dieu, voulait développer le parti de Dieu) – et avec une prière : qu’au terme d’une étape de plus de trente ans de vos activités, vous vouliez vous unir encore davantage autour de ces idéaux et des principes qui se trouvèrent au commencement. C’est en leur nom aussi que je me permettrai maintenant de vous proposer quelques considérations vraiment fondamentales, car c’est seulement à leur lumière que resplendit pleinement la signification de cette institution qui a pour nom UNESCO, Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture ».

Et dans les considérations qui suivent, sur plus de vingt paragraphes, Jean-Paul II ne parlera pas une seule fois de Dieu et de son Christ.

Et en conclusion, il en appelle de nouveau à la « conscience humaine » comme moyen de sauver la paix. C’est vraiment son leit-motif. Saint Pie X, lui, en appelait à Dieu. La différence est nette, elle est abyssale :

« 22. Mesdames et Messieurs, le monde ne pourra pas poursuivre longtemps sur cette voie. A l’homme qui a pris conscience de la situation et de l’enjeu, qui s’inspire aussi du sens élémentaire des responsabilités qui incombent à chacun, une conviction s’impose, qui est en même temps un impératif moral : il faut mobiliser les consciences ! Il faut augmenter les efforts des consciences humaines à la mesure de la tension entre le bien et le mal à laquelle sont soumis les hommes à la fin du vingtième siècle. Il faut se convaincre de la priorité de l’éthique sur la technique, du primat de la personne sur les choses, de la supériorité de l’esprit sur la matière . La cause de l’homme sera servie si la science s’allie à la conscience ».

C’est vraiment désolant.

Il rappellera une seule fois « le sens de la transcendance de l’homme sur le monde et de Dieu sur l’homme »

Ainsi, saisissant l’occasion de ma présence aujourd’hui au siège de l’UNESCO, moi, fils de l’humanité et Évêque de Rome, je m’adresse directement à vous, hommes de science, à vous qui êtes réunis ici… Tous ensembles, vous êtes une puissance énorme : la puissance des intelligences et des consciences !

Montrez-vous plus puissants que les plus puissants de notre monde contemporain ! Décidez-vous à faire preuve de la plus noble solidarité avec l’humanité : celle qui est fondée sur la dignité de la personne humaine. Construisez la paix en commençant par le fondement : le respect de tous les droits de l’homme, ceux qui sont liés à sa dimension matérielle et économique, comme ceux qui sont liés à la dimension spirituelle et intérieure de son existence en ce monde.

23. Il m’a été donné de réaliser aujourd’hui un des désirs les plus vifs de mon cœur … Il m’a été donné de vous dire à tous, à vous…: Oui ! L’avenir de l’homme dépend de la culture ! Oui ! La paix du monde dépend de la primauté de l’Esprit ! Oui ! L’avenir pacifique de l’humanité dépend de l’amour. Ma parole finale est celle-ci : Ne cessez pas. Continuez. Continuez toujours ».

Vous le constatez, Jean-Paul II en appelle à la « conscience humaine » comme moyen de sauver la paix. Saint Pie X, lui, en appelait à Dieu. La différence est nette. Saint Pie X parlait, lui, du « retour des nations au respect de la majesté et de la souveraineté divine ».

O quel abîme ! Quelle variation ! Un discours complètement aux antipodes du cri de l’Apôtre des Gentils et de saint Pie X. Pie X, lui, avait le culte de Dieu et, au monde moderne, prêchait le Christ et son mystère sauveur.
JP II, dans ce discours exprime le culte de l’homme.

N.B. – Sur l’UNESCO et sa « philosophie », il faut lire le chapitre XXII du livre, Epiphanius : Maçonnerie et sectes secrètes : Le côté caché de l’histoire » (pp. 305-313).

e- Il retrouve la pensée de Paul VI qui, lui, dans son discours de clôture, le 7 décembre 1965, parlait du « culte de l’homme ». Un conflit avec l’Eglise eut pu avoir lieu. Une condamnation eut pu être portée par l’Eglise comme jadis. Rien de tout cela n’eut lieu car l’Eglise s’est ouvert au culte de l’homme. « Nous avons, nous aussi, le culte de l’homme » : « L’humanisme laïque profane – s’exclama Paul VI – est enfin apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile. La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. »

L’analyse est juste. Nous l’avons vu Paul VI poursuit :

« Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver, mais cela n’a pas eu lieu…(…). Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme ».

Nous ! Fuyons ce culte de l’homme et gardons le culte de Dieu et par conséquent l’esprit contre-révolutionnaire. Sous ce rapport, soyons « antimoderne.

4ème partie : Ce mal du monde se dressant contre l’Eglise ne peut aller qu’en croissant

Relisons ici les Ecritures qui prophétisent l’apostasie générale :
« En ce qui concerne l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ et notre réunion avec lui, nous vous prions, frères, de ne pas vous laisser ébranler facilement dans vos sentiments, ni alarmer, soit par quelque esprit, soit par quelque parole ou lettre supposées venir de nous, comme si le jour
du Seigneur était imminent. Que personne ne vous égare d’aucune manière; car auparavant viendra l’apostasie, et se manifestera l’homme de péché, le fils de la perdition, l’adversaire qui s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu ou honoré d’un culte, jusqu’à s’asseoir dans le sanctuaire de Dieu, et à se présenter comme s’il était Dieu. Ne vous souvenez-vous pas que je vous disais ces choses, lorsque j’étais encore chez vous?
Et maintenant vous savez ce qui le retient, pour qu’il se manifeste en son temps. Car le mystère d’iniquité s’opère déjà, mais seulement jusqu’à ce que celui qui le retient encore paraisse au grand jour.
Et alors se découvrira l’impie, que le Seigneur (Jésus) exterminera par le souffle de sa bouche, et anéantira par l’éclat de son avènement.
Dans son apparition cet impie sera, par la puissance de Satan, accompagné de toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, avec toutes les séductions de l’iniquité, pour ceux qui se perdent, parce qu’ils n’ont pas ouvert leur cœur à l’amour de la vérité qui les eût sauvés. C’est pourquoi Dieu leur envoie des illusions puissantes qui les feront croire au mensonge, en sorte qu’ils tombent sous son jugement tous ceux qui ont refusé leur foi à la vérité, et ont au contraire pris plaisir à l’injustice » (2 Th 1-12).
Saint Mathieu avait déjà tracé des derniers jours un tableau aussi dramatique, quoique moins explicite sur certains points : « Comme Jésus, sorti du temple s’en allait, ses disciples s’approchèrent pour lui faire remarquer les constructions du temple. Prenant la parole, il leur dit :  » Vous voyez tout cela, n’est-ce pas? Je vous le dis en vérité, il n’y sera pas laissé pierre sur pierre qui ne soit renversée.
Lorsqu’il se fut assis sur la montagne des Oliviers, ses disciples s’approchèrent de lui, à part, et dirent :  » Dites-nous quand ces choses arriveront, et quel sera le signe de votre avènement et de la fin du monde?  »
Jésus leur répondit :  » Prenez garde que nul ne vous induise en erreur. Car beaucoup viendront sous mon nom, disant :  » C’est moi qui suis le Christ, et
ils en induiront un grand nombre en erreur. Vous aurez à entendre parler de guerres et de bruits de guerre : voyez ! n’en soyez pas troublés, car il faut que tout arrive; mais ce n’est pas encore la fin. En effet on se dressera nation contre nation, royaume contre royaume, et il y aura des pestes, des famines et des tremblements de terre par endroits : tout cela est le commencement des douleurs. Alors on vous livrera à la torture et on vous fera mourir, et vous serez en haine à toutes les nations, à cause de mon nom. Alors aussi beaucoup failliront; ils se trahiront les uns les autres et se haïront les uns les autres. Et il s’élèvera plusieurs faux prophètes qui en induiront un grand nombre en erreur.
Et à cause des progrès croissants de l’iniquité, la charité d’un grand nombre
se refroidira. Mais qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. Et cet évangile du royaume sera proclamé dans le monde entier, en témoignage pour toutes les nations; et alors viendra la fin. Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, dressée en un lieu saint, — que celui qui lit comprenne ! — alors, que ceux (qui seront) dans la Judée s’enfuient dans les montagnes; que celui (qui sera) sur la terrasse ne descende pas prendre ce qu’il y a dans sa maison; et que celui (qui sera) dans les champs ne revienne pas en arrière pour prendre son manteau. Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Priez pour que votre fuite n’arrive pas en hiver, ni un jour de sabbat; car il y aura alors une grande tribulation, telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura plus. Et si ces jours n’avaient été abrégés, nul vivant n’échapperait; mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés.
Alors, si quelqu’un vous dit :  » Voici le Christ ici !  » ou  » là !  » ne le croyez point. Car il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes, et ils feront de grands
miracles et des prodiges jusqu’à induire en erreur, s’il se pouvait, les élus mêmes. Voilà que je vous l’ai prédit. Si donc on vous dit :  » Voici qu’il est dans le désert !  » ne partez point;  » Voici qu’il est dans le cellier ! « , ne le croyez point.
Car, comme l’éclair part de l’orient et apparaît jusqu’à l’occident, ainsi sera
l’avènement du Fils de l’homme. Où que soit le cadavre, là se rassembleront les aigles.
Aussitôt après la tribulation de ces jours, le soleil s’obscurcira, la lune ne
donnera pas sa clarté, les astres tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées.
Alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme, et alors toutes les
tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec grande puissance et gloire.
Et il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront
ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre » Mt 24 4-28).

Gardons l’espérance !

Car, même dans ces années qui nous sont difficilement imaginables, le Seigneur tiendra toutes choses en ses mains. Une des preuves les plus palpables, c’est qu’il ne permettra pas que les ténèbres de la grande apostasie couvrent le monde avant que la lumière de l’Evangile n’ait brillé sur tous les peuples (Mt 24 14). D’autre part la grande apostasie ne l’empêchera pas de délivrer le peuple juif de son aveuglement millénaire et de la ramener à l’unité de l’Eglise : Rm 11.
La démesure du scandale dans les derniers jours du monde ne diminuera pas la puissance du Seigneur de sorte que pour les chrétiens qui vivront alors il n’y aura pas de vrai motif de perdre courage.
Il faut garder en mémoire ces textes de l’Ecriture : Mt 10 28-31 « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme ; mais craignez plutôt celui qui peut perdre l’âme et le corps dans l’enfer… », et de Luc 21 17-19 « Vous serez haïs de tout le monde à cause de mon nom. Cependant il ne se perdra pas un cheveu de votre tête. C’est par votre patience que vous posséderez vos âmes ».
Le Père Calmel a, sur ce sujet de la croissance du mal, un très beau passage dans sa petite œuvre intitulée « les derniers jours du monde » :

« Nous trouverons force et consolation dans la foi et les paroles de la foi. Consolamnini invicem in verbis istis (1 Th 4 18) C’est dans les paroles de Dieu lui-même que nous puiserons le réconfort. Quant aux paroles seulement humaines, elles nous irriteraient plutôt, surtout lorsqu’on veut nous persuader que notre siècle n’est pas plus mauvais que d’autres. Cela est faux. Il existe une nouveauté dans le mal et un progrès. Les forces de l’enfer ne furent pas toujours déchaînées avec une puissance aussi étendues, aussi féroces. Ce n’est pas de tout temps, par exemple, c’est seulement de notre temps que l’athéisme a été imposé à des pays catholiques et peuplés en majeure partie de baptisés ; c’est seulement de notre temps que l’absence de Dieu et de son Christ, cette absence qui est pire que l’idolâtrie, a été le signe satanique imprimant sa marque sur les institutions et le mode de vivre. Si vous voulez nous dire des paroles de réconfort et d’espérance, rappelez-nous plutôt que ce monde organisé pour rendre Dieu absent ne peut quand même pas empêcher que des messes ne soient célébrées et que la doctrine de vérité ne soit toujours enseignée par des docteurs fidèles ; montrez nous les signes certains que les portes de l’enfer n’arrivent pas à pré valoir et que le Seigneur ne cesse de venir, mais n’essayer pas de nous faire voir rose ou gris ce qui est noir comme de l’encre. Nous ne pouvons soutenir contre l’évidence des faits que les deux bêtes n’ont pas augmenté leur pouvoir depuis Celse ou Marc-Aurèle, depuis Calvin ou la grande Elisabeth. Ce qui est vrai, c’est que leur force, certainement accrue, est en définitive comme rien par comparaison avec la toute puissance de l’Agneau, en face des remparts de la sainte Cité » ( p277 Le sel de la Terre n° 12 bis)

On ne peut faire que les paroles de l’Apôtre annonçant les derniers temps ne se réalisent. Ces textes de saint Paul ne sont pas des figures de style ni seulement des allégories. Ils annoncent des événements tout à fait réels et déterminés : apostasie générale et venue de l’Antéchrist.
Mais pourquoi les choses doivent-elles en venir à cette extrémité et pourquoi nous l’avoir fait savoir ? N’avait-il pas un danger de nous exposer à des vaines inquiétudes ?
Non point Et même cette révélation nous est fort salutaire.

Ces révélations arrêtent net les rêveries du messianisme « charnel ». Comme le dit le Père Calmel : « Ayant lu ces textes dans la foi, il nous devient impossible d’imaginer que l’extension de l’Evangile aboutirait peu à peu à supprimer les persécutions de l’Eglise venues de l’extérieur et les trahisons machinées du dedans. Les deux bêtes ne désarmeront jamais ici-bas ; bien au contraire elles perfectionnent leurs armes et développent leur tactique à mesure que l’histoire s’écoule et se rapproche du terme. Dès lors nous ne pouvons plus regarder du côté des siècles (ou peut être seulement des années) qui doivent encore venir, pour y trouver repos et consolation. Bien plutôt la pensée du futur, si du moins nous prenons garde à ce qui nous est prédit, nous amène naturellement à nous souvenir de l’éternel, à tourner notre espérance vers la patrie céleste et le roi immortel des siècles, à redire avec une fermeté plus grande le dernier article du Credo de la Messe : Exspecto resurrectionem mortuorum et vitam venuri saeculi » (Id. p. 279)

Ainsi donc valait-il mieux, pour nous amener à vivre au niveau du ciel, que le Seigneur nous instruisit sur la manière dont le monde devait finir et à quel point il serait possédé du diable.

Mais attention !
Le monde sera possédé du diable
– parce que le diable disposera d’une puissance d’égarement jamais obtenue jusque là, mais nullement parce qu’il sera capable d’annuler les effets de la rédemption et de supprimer l’action de l’Eglise.
– parce qu’il aura réussi à pervertir dans l’esprit de nombreux fidèles les vérités de foi, mais non parce qu’il aura renversé le siège de Pierre, aboli toute prédication orthodoxe
– parce qu’il aura permission de nuire jusqu’à l’extrême, non parce qu’il cessera d’être enchaîné par le Christ vainqueur

Il demeure impuissant à jamais sur « ceux qui ont renoncé à l’amour de la vie, jusqu’à souffrir la mort » (Ap 12 11)

Les derniers jours du monde pour dangereux qu’ils soient sont encore des jours de rédemption. Ces jours demeurent inclus dans « la plénitude des temps ». Or « cette plénitude des temps » est au Christ qui règne dans sa charité et sa lumière dans la toute puissance de son gouvernement ; Jésus-Christ ne cessera jamais plus de faire sentir sa souveraineté plénière pour le bien des élus, même en ces jours d’apostasie. Les termes mêmes utilisés dans l’Ecriture nous le laissent entrevoir :
Par exemple, il est écrit : « L’affliction de ce temps là sera si grande qu’il n’y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu’à présent et qu’il n’y en aura jamais. Et si ces jours n’avaient pas été abrégés, nul home ne sera sauvé ; mais ces jours seront abrégés en faveur des élus » (Mt 24 21-22)
Ou encore : « Vous serez hais de tout le monde à cause de mon nom. Cependant il ne se perdra pas un cheveu de votre tête. C’est par votre patience que vous posséderez vos âmes » (Lc 21 17-19)
Remarquons ainsi l’extrême sollicitude avec laquelle Dieu entoure ces élus en ces périodes dures. Aussi c’est bien en ces périodes que se vérifieront les paroles de saint Paul : « Qui donc nous séparera de la charité du Christ….Car je suis persuadé que ni la mort ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances…ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ Notre Seigneur (Rm 8 35-49)

De plus, ces périodes terribles seront pour la foi, l’espérance et la charité des élus des stimulants : en effet la foi est obligée de devenir plus forte lorsqu’elle doit s’exercer dans la nuit et malgré toutes sortes d’apparences contraires. De même notre attachement au Christ est obligé de devenir plus aimant et plus vigoureux lorsque la puissance divine n’est pas éclatante, lorsque les deux bêtes paraissent dominer le présent et tenir en main le futur. Ainsi donc il convient mieux pour la pureté de la foi, de l’espérance et de la charité que les éléments négatifs ne soient pas éliminés de notre longue histoire, de sorte que dans la conduite de l’humanité comme dans la sanctification de chacun de nous, notre Dieu mérite vraiment le nom de Dieu caché Et le fait qu’il se cache est le signe d’un plus grand amour puisqu’il nous invite par là à le chercher avec plus d’empressement, d’humilité et de confiance.

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