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Bergoglio, le « pape noir » vêtu de blanc

publié dans nouvelles de chrétienté le 20 juin 2013


Bergoglio, le « pape noir » vêtu de blanc

par Sandro Magister

Le 13 juin 2013 – E. S. M. – Il ne manquait plus qu’un gourou de McKinsey pour élaborer cette réforme de la curie que tout le monde attend du pape François. Eh bien il est arrivé.

Il s’appelle Thomas von Mitschke-Collande, il est allemand et il a dirigé la filiale munichoise de la société de conseil en management la plus connue et la plus mystérieuse du monde.

En matière d’Église, il connaît bien son affaire. L’année dernière, il a publié un livre au titre peu rassurant : « L’Église veut-elle se supprimer ? Les faits et les analyses d’un consultant en entreprise ». Le diocèse de Berlin s’est adressé à lui pour remettre ses comptes d’aplomb et la conférence des évêques d’Allemagne lui a demandé un plan destiné à réduire les coûts et le nombre de personnes employées.

L’idée de le faire également travailler à la réforme de la curie romaine est venue à Reinhard Marx, l’archevêque de Munich, l’un des huit cardinaux auxquels le pape Jorge Mario Bergoglio a fait appel pour lui servir de conseillers.

La proposition a été adressée à l’intéressé, qui l’a accueillie avec enthousiasme, par le père Hans Langerdörfer, jésuite, qui est le puissant secrétaire de la conférence des évêques d’Allemagne.

Bergoglio est lui aussi un jésuite et, en voyant comment il agit, on comprend maintenant qu’il entend appliquer à la papauté les méthodes de gouvernement caractéristiques de la Compagnie de Jésus. Or le préposé général de celle-ci, qui est surnommé le « pape noir », dispose de pouvoirs qui sont pratiquement absolus.

Sa réticence à s’attribuer le nom de pape et sa préférence pour l’appellation d’ »évêque de Rome » ont fait exulter les paladins de la démocratisation de l’Église.

Mais ils sont dans l’erreur. Lorsque le pape François a nommé, le 13 avril, huit cardinaux « pour le conseiller en ce qui concerne le gouvernement de l’Église universelle et pour étudier un projet de révision de la curie romaine », il les avait choisis tout seul.

S’il avait suivi les suggestions formulées lors du pré-conclave, il aurait trouvé ce « conseil de la couronne » déjà tout prêt. Il lui aurait suffi d’appeler autour de lui les douze cardinaux, trois par continent, qui sont élus au terme de chaque synode et donc aussi du dernier, qui a eu lieu au mois d’octobre 2012. Ils ont été élus lors d’un vote secret et ils sont représentatifs de l’élite de l’épiscopat mondial ; on trouve parmi eux presque tous les noms importants du dernier conclave : les cardinaux Timothy Dolan de New-York, Odilo Scherer de São Paulo, Christoph Schönborn de Vienne, Peter Erdö de Budapest, Luis Antonio Gokim Tagle de Manille.

Mais ce n’est pas ce qu’il a fait. Ses huit conseillers, le pape Francesco a voulu qu’ils soient choisis par lui seul, pas par d’autres. Il a voulu qu’ils n’aient à répondre qu’à lui et pas, de surcroît, à une assemblée élue.

Il en a voulu un pour chaque zone géographique : Reinhard Marx pour l’Europe, Sean Patrick O’Malley pour l’Amérique du Nord, Oscar Andrés Rodríguez Maradiaga pour l’Amérique centrale, Francisco Javier Errázuriz Ossa pour l’Amérique du Sud, Laurent Monsengwo Pasinya pour l’Afrique, Oswald Gracias pour l’Asie, George Pell pour l’Océanie, plus un cardinal de Rome, rattaché non pas à la curie proprement dite, mais à l’État de la Cité du Vatican dont il est le gouverneur, Giuseppe Bertello.

Presque tous ceux qui ont été choisis exercent ou ont exercé des fonctions de direction dans des organismes ecclésiastiques continentaux.

Mais c’est précisément de cette manière que les choses se passent au sein de la Compagnie de Jésus. Bergoglio en a été supérieur provincial et il en a assimilé le style. Au sommet de la Compagnie, les assistants qui entourent le général, nommés par lui, représentent chacun une zone géographique. Les décisions ne sont pas prises collégialement. Seul le général décide, avec des pouvoirs directs et immédiats. Les assistants ne doivent pas se mettre d’accord entre eux et avec lui, ils conseillent le général un à un, dans la plus grande liberté.

Un effet de ce système sur la réforme de la curie romaine annoncée par le pape François est qu’aucune commission d’experts n’a été mise en place pour élaborer un projet unitaire et achevé.

Les huit cardinaux sont en train de demander, chacun de son côté, leur contribution à des gens en qui ils ont confiance et qui présentent les profils les plus disparates. En plus de l’homme de McKinsey qui a été recruté par le cardinal Marx, il y en a au moins une douzaine d’autres, provenant divers pays, qui ont été interrogés.

D’autres se sont présentés de leur propre initiative, comme par exemple le cardinal Francesco Coccopalmerio, président du conseil pontifical pour les textes législatifs, auteur d’un projet de réforme ayant en son centre un « moderator curiæ » chargé de s’occuper du fonctionnement de la machine.

Au début du mois d’octobre, les huit prélats se retrouveront autour du pape. Ils lui remettront un ensemble de propositions. C’est lui qui décidera. Tout seul.

***

Cette note est parue dans « L’Espresso » n° 24 de 2013, en vente en kiosque à partir du 14 juin, à la page d’opinion intitulée « Settimo cielo », confiée à Sandro Magister.

Voici la liste de toutes les précédentes notes ► « L’Espresso » au septième ciel

Le 6 juin, le pape François a reçu six représentants de la Confédération des Religieux et Religieuses d’Amérique Latine et des Caraïbes (CLAR). Ils se sont assis en cercle autour de lui et il a discuté avec eux pendant une heure (photo).

Le blog chilien Reflexión y Liberación a publié un ample compte-rendu de cette conversation ►Papa Francisco diáloga como un hermano más con la CLAR

Au cours de cet entretien, le pape Bergoglio aurait déclaré, à propos de la curie romaine et du groupe de cardinaux qu’il a chargés de la réformer :

« Eh oui, c’est difficile. À la curie, il y a des gens qui sont des saints, vraiment des saints. Mais il y a aussi un courant de corruption, il existe, c’est vrai… On parle du ‘lobby gay’ et c’est vrai, il est là. Il faut étudier ce que l’on peut faire.

« La réforme de la curie romaine, nous l’avons pratiquement tous demandée, nous les cardinaux, lors des congrégations qui ont précédé le conclave. Moi aussi, je l’ai demandée. Cette réforme, je ne peux pas la faire, moi, avec tous ces problèmes de gestion… Je suis très désorganisé, je n’ai jamais été fort dans ce domaine. Mais les cardinaux de la commission vont la faire avancer. Parmi eux il y a Rodríguez Maradiaga, qui est latino-américain et qui en est le chef. Il y a aussi Errázuriz ; ils sont tous les deux très déterminés. L’archevêque de Munich est très déterminé, lui aussi. Ils vont faire avancer cette réforme ».

Tenus par le pape François, ces propos ont fait sensation. Le « lobby gay » du Vatican dont « on parle » est en substance un réseau d’amitiés et de soutien réciproque constitué de prélats de curie homosexuels et qui a pour but d’obtenir et de conserver des postes importants. Et l’on pense que c’est l’un des sujets traités dans le rapport secret concernant la curie qui a été remis à Benoît XVI – et par celui-ci à son successeur – par les cardinaux Julián Herranz, Jozef Tomko et Salvatore De Giorgi.

Le père Federico Lombardi, directeur du bureau de presse du Saint-Siège, interrogé à propos de la publication du compte-rendu de l’audience accordée à la CLAR, a déclaré : « C’était une rencontre à caractère privé. Je n’ai donc aucune déclaration à faire quant au contenu de la conversation ».

Pour sa part, la présidence de la CLAR a déploré la publication non autorisée de notes qui « étaient destinées à la mémoire personnelle des participants » ► Declaración de la Presidencia de la CLAR

À propos de McKinsey, Ettore Gotti Tedeschi, l’avant-dernier président de l’Institut pour les Œuvres de Religion (IOR), la « banque » du Vatican, y a lui aussi effectué une partie de sa carrière professionnelle, de 1980 à 1984, dans les bureaux de Milan et de Londres.

Un autre homme a travaillé chez McKinsey, de 1987 à 1989 : le banquier Alessandro Profumo, actuel président de [la banque] Monte dei Paschi di Siena et ancien administrateur délégué d’Unicredit. Ami de Gotti Tedeschi, il est l’auteur de la préface du livre « Spiriti animali. La concorrenza giusta » [L’Esprit animal – La juste compétition], que celui-ci a écrit en collaboration avec Alberto Mingardi et qui a été édité par l’Université Bocconi en 2007.

Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.

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