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Les deux synodes, le vrai et celui des médias!

publié dans nouvelles de chrétienté le 28 février 2014


Les deux synodes, le vrai et celui des médias

Le synode qui va bientôt être consacré à la famille est en train d’être marqué par le même phénomène qui avait caractérisé le concile Vatican II. Mais, cette fois, le doublon apparaît voulu, avec tous les risques que cela comporte

par Sandro Magister

(Source WWW. Chiesa)


ROME, le 26 février 2014 – À l’occasion du premier consistoire de son pontificat, Jorge Mario Bergoglio ne s’est pas montré tendre avec la caste des cardinaux.

En ouverture de cette assemblée, il leur a reproché « des rivalités, des manifestations d’envie, des factions ». Et dans son homélie de clôture, il a évoqué « des intrigues, des bavardages, des coalitions, des favoritismes, des préférences ».

Et pourtant c’est à ce collège cardinalice pour lequel il montre peu d’estime que François a confié le premier débat important et de haut niveau à propos du thème du prochain synode des évêques, la famille, à une époque comme la nôtre – a dit le pape – où celle-ci « est méprisée, où elle est maltraitée ».

Le synode consacré à la famille a été le point focal des rencontres qui ont eu lieu au Vatican ces jours derniers. Le collège cardinalice tout entier y a consacré deux journées, les 20 et 21 février. Et pendant deux autres jours, les 24 et 25, c’est le conseil du secrétariat général du synode, qui est un peu l’aristocratie élective de la hiérarchie catholique mondiale, qui y a travaillé.

Ces deux réunions se sont déroulées à huis clos, ce qui, en soi, n’est pas surprenant. Mais ce que l’on a entrevu de cette préparation du synode suffit à rendre encore plus palpables les nouveautés et les inconnues introduites par le pape François.

*

Le débat des cardinaux a été ouvert par un rapport du cardinal Walter Kasper dont la communication a duré deux bonnes heures. Pour sa part, le conseil du synode a examiné les réponses données au questionnaire que le Vatican avait adressé au mois d’octobre à toutes les conférences épiscopales.

Le rapport de Kasper n’a pas été rendu public ; le père Federico Lombardi en a seulement donné à la presse un résumé très succinct.

La décision du pape Bergoglio de confier à Kasper le rapport d’introduction a été interprétée comme le signe d’un éventuel changement de la pratique de l’Église en ce qui concerne un point névralgique, l’interdiction de donner la communion aux divorcés remariés.

Dans les années 90, en effet, Kasper s’était déjà fait remarquer en tant que partisan d’un changement, de même que d’autres cardinaux et évêques allemands. Mais tout avait été arrêté par celui qui était alors le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, Joseph Ratzinger.

Cette fois-ci – d’après les indications données par le père Lombardi – Kasper n’a pas proposé à nouveau de manière explicite un changement. Mais il a fait comprendre qu’il s’attendait à ce que cela se produise, en particulier lorsqu’il a expliqué que « la voie du sacrement de pénitence pourrait être un bon moyen de résoudre le problème ».

Il apparaît en outre que, sur les soixante-neuf cardinaux qui ont pris la parole à la suite de son intervention, plusieurs ont ouvertement appelé de leurs vœux des innovations dans ce domaine, comme cela avait d’ailleurs déjà été le cas à l’occasion de diverses interviews et déclarations de cardinaux et d’évêques, au cours de ces derniers mois.

Le pape François lui-même avait donné un signal dans cette direction lorsque, au mois de juillet dernier, dans l’avion qui le ramenait du Brésil, il s’était exprimé en ces termes sibyllins :

« Une parenthèse : les orthodoxes ont une pratique différente. Ils suivent la théologie de l’économie, comme ils l’appellent, et ils donnent une seconde possibilité [de mariage], ils le permettent. Mais je crois que ce problème – je ferme la parenthèse – doit être étudié dans le cadre de la pastorale du mariage ».

Ultérieurement, le pape a également souhaité la publication d’une note rédigée par l’actuel préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, Gerhard L. Müller, dans laquelle le caractère intangible de l’indissolubilité du mariage est rappelé de manière très ferme.

Mais voici que, maintenant, François a de nouveau donné des signes d’ouverture au changement, en chargeant Kasper de l’introduction au débat des cardinaux et en lui adressant de chaleureux compliments au terme de la communication de son rapport.

*

Les réponses au questionnaire pré-synodal qui ont été rendues publiques jusqu’à maintenant se sont également exprimées – de manière quasi plébiscitaire – en faveur de la suppression de l’interdiction de donner la communion aux divorcés remariés.

Les résultats du questionnaire qui ont été rendus publics l’ont été par les conférences des évêques d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse. Celles-ci ont par là même transgressé l’obligation de réserve qui leur avait été imposée, ce qui leur a valu une légère réprimande de la part du secrétaire général du synode, le nouveau cardinal Lorenzo Baldisseri.

Techniquement, le questionnaire ne se prête pas à une présentation sous forme de données statistiques fiables. N’importe qui pouvait y répondre et cela sous les formes les plus variées. Et il est évident que ceux qui se sont occupés d’y répondre et de faire de la publicité à leurs réponses ont été presque uniquement des partisans du changement, que ce soit en tant qu’individus ou en tant que groupes.

Lorsque le secrétaire spécial du synode, l’archevêque Bruno Forte, a présenté le questionnaire à la presse, le 5 novembre dernier, il a déclaré que le synode « ne doit pas prendre de décisions à la majorité ni suivre l’opinion publique », mais il a également ajouté que « ce serait une erreur de ne pas tenir compte du fait qu’une part assez importante de l’opinion publique a certaines attentes ».

Toutefois ceux qui sont partisans d’accueillir les demandes de la « base » font appel, pour soutenir leur point de vue, à  deux expressions qui reviennent fréquemment dans la prédication du pape François.

La première expression, c’est que les pasteurs de l’Église doivent avoir « l’odeur de leurs brebis ».

La seconde, plus explicite, est que les pasteurs doivent savoir marcher non seulement au-devant et au milieu de leur troupeau, mais également derrière, « parce que le troupeau lui-même sait sentir où se trouve le bon chemin ».

*

Tout cela montre qu’il y a un développement des attentes de l’opinion publique, dans l’Église et au-dehors. Des attentes de changement de la doctrine et de la pratique catholiques non seulement en ce qui concerne la question des divorcés remariés mais également à propos d’autres aspects qui sont aujourd’hui à l’ordre du jour, tels que les unions d’homosexuels, les façons d’engendrer des enfants ou d’en adopter, etc.

On peut prévoir que ces attentes de l’opinion publique vont se faire encore plus fortes et plus pressantes lorsque le synode se réunira au mois d’octobre pour sa première session. Sa seule tâche, à ce moment-là, sera de recueillir des propositions, la formulation des choix opérationnels à présenter au pape pour décision finale étant renvoyée à la seconde session, qui aura lieu en 2015.

Il arrive donc à ce synode, comme si c’était un choix volontaire du pape et des hautes hiérarchies de l’Église, ce qui était déjà arrivé de manière imprévue au concile Vatican II : c’est-à-dire qu’à celui-ci est venu s’ajouter un second concile « externe », très actif sur les médias et répondant à d’autres critères, capable d’influer de manière déterminante sur le véritable concile.

Il y a un an, dans l’un de ses tout derniers discours en tant que pape, après l’annonce de sa démission, Benoît XVI a évoqué en termes tout à fait clairs ces deux conciles parallèles, qu’il a personnellement vécus de manière dramatique.

Il a notamment affirmé :

« Il y avait le concile des Pères – le vrai concile – mais il y avait aussi le concile des médias. C’était presque un concile en soi et le monde a perçu le concile à travers eux, à travers les médias.

« Donc le concile immédiatement efficace qui est arrivé au peuple a été celui des médias, pas celui des Pères.

« Le concile des journalistes ne s’est pas réalisé, bien évidemment, à l’intérieur de la foi, mais à l’intérieur des catégories des médias d’aujourd’hui, c’est-à-dire hors de la foi, avec une herméneutique différente.

« C’était une herméneutique politique. Pour les médias, le concile était une lutte politique, une lutte pour le pouvoir entre différents courants au sein de l’Église. Il était évident que les médias prendraient position en faveur de la tendance qui leur paraissait la plus conforme à leur monde.

« Nous savons que ce concile des médias était accessible à tout le monde. C’était donc le concile dominant, plus efficace, et il a créé beaucoup de calamités, beaucoup de problèmes, vraiment beaucoup de malheurs : séminaires fermés, couvents fermés, liturgie banalisée… Et le vrai concile a eu du mal à se concrétiser, à se réaliser. Le concile virtuel était plus fort que le concile réel ».

*

Ce paradigme « externe », produit pour le monde et en raison du monde, est ainsi devenu un véritable schéma de reconstitution et d’interprétation du concile Vatican II : la même chose risque d’arriver au synode consacré à la famille qui a été décidé par le pape François.

C’est un paradigme qui est en train de modifier également la présence de l’Église sur la scène publique, là précisément où la famille est soumise aux défis les plus cruciaux.

On en trouve un symptôme dans un article publié dans le dernier numéro de « La Civiltà Cattolica », la revue des jésuites de Rome qui a vu se développer, sous le pontificat du pape jésuite, son rôle de porte-parole officieux du sommet de l’Église.

L’auteur de cet article, le père GianPaolo Salvini – ancien directeur de la revue et grand ami de feu le cardinal Carlo Maria Martini – a repêché un document rédigé il y a un an par une commission de la conférence des évêques de France et l’a présenté comme un modèle de présence de l’Église sur la scène publique plus en harmonie avec notre époque.

Certes, ce n’est pas la même vision chrétienne du mariage qui s’impose aujourd’hui dans les différents pays. Mais, d’après « La Civiltà Cattolica », cela ne doit pas être pour l’Église un point de départ pour une « polémique féroce » ou pour une condamnation :

« Nous ne devons pas avoir peur que nos modes de vie n’entrent en contradiction avec les normes en vogue dans la société actuelle. L’important est que notre témoignage apparaisse non pas comme un jugement porté sur les autres, mais comme une manifestation de cohérence entre notre foi et nos actes. De cette façon, il sera possible de fournir un apport constructif même à la société dans son intégralité ».

Pendant une courte période, les évêques de France, lorsqu’ils avaient pour président André Vingt-Trois, l’archevêque de Paris, s’étaient engagés avec vigueur dans le combat contre la révolution sexuelle voulue par le président François Hollande. Et Benoît XVI leur avait apporté son plein appui dans le discours incisif par lequel il avait, pour la dernière fois, présenté ses vœux à la curie romaine, le 21 décembre 2012.

Mais ensuite, une fois que le mariage homosexuel est devenu légal, les évêques français se sont retirés de la scène publique, en dépit du fait que les rues continuent à être pleines de gens, catholiques, juifs, musulmans, agnostiques, qui sont opposés à cette loi et à d’autres du même genre.

Les évêques de France ont remplacé la mentalité de minorité créative et combative par une mentalité de minorité de pur témoignage, satisfaite des « éléments positifs contenus dans les raisons des autres » et étrangère aux condamnations : « Qui suis-je pour juger ? ».

Voilà pourquoi ils ont reçu les applaudissements des jésuites de Rome, qui les ont choisis comme modèle pour l’Église universelle, avec l’imprimatur des autorités vaticanes et, en définitive, du pape.

Avec le risque, si l’on s’en tient à ce modèle, de voir s’instaurer entre l’Église et les pouvoirs mondains un rapport non pas de dialogue mais de soumission, comme c’est le cas pour les « dhimmis » dans une société musulmane.

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