Première lettre pastorale de Mgr de Germay, évêque d’Ajaccio
publié dans nouvelles de chrétienté le 26 mars 2014
Une communauté de frères et soeurs qui évangélise
L’Evêque d’Ajaccio vient de publier sa première lettre pastorale appelant les communautés paroissiales à être de vrais instruments missionnaires. Le manque de prêtres ne peut se limiter à un redécoupage administratif : là où il y a une paroisse, là doit se trouver un prêtre…quand les effectifs le permettent. Le manque de prêtres nous invite à un retour aux sources des missions fondamentales des communautés paroissiales et en premier lieu à l’impératif d’évangélisation.
Le Code de droit canonique montre que la paroisse n’est pas d’abord constituée par un territoire mais par une communauté de fidèles. Et cette communauté (communitas christifidelium) est appelée à s’inspirer du modèle donné dans le livre des Actes des Apôtres : « Ils étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42). On le voit, il ne s’agissait pas de quelques individus acceptant d’être les uns à côté des autres le temps d’une messe ! Il s’agissait d’une communauté de frères et de sœurs dont on disait : « Voyez comme ils s’aiment » et qui « avaient tout en commun » (Ac 2,44).
Former une communauté authentiquement chrétienne
On comprend alors la recommandation du concile Vatican II : « la fonction de pasteur ne se limite pas à la sollicitude pour les fidèles pris individuellement, elle implique aussi comme tâche propre de former une communauté authentiquement chrétienne ». Ce même Décret parlant également de la nécessité de « développer l’esprit communautaire ».
La communauté paroissiale, en tant que telle, évangélise de bien des façons :
* Elle est tout d’abord un témoignage car elle donne à voir un ensemble de personnes d’âges, de sensibilités, de cultures, d’options politiques, de milieux sociaux différents, et qui pourtant se connaissent, s’aiment et sont heureux de se retrouver. Elle donne à voir une communauté dont les membres sont animés par une Joie qui leur vient de Celui qui les rassemble, une communauté ouverte sur le monde et attentive à ceux qui sont dans le besoin, qu’ils soient chrétiens ou pas.
* * La communauté paroissiale est également missionnaire dans la mesure où elle exerce une fonction maternelle. Ainsi s’exprime, à ce sujet, le Concile Vatican II : « par la charité, la prière, l’exemple et les œuvres de pénitence, la communauté ecclésiale exerce une véritable maternité à l’égard des âmes à conduire au Christ ».
Au-delà des enfants du catéchisme
Ce thème a été repris dans le Texte national d’orientation pour la catéchèse qui déclare en particulier : « les différentes facettes de la vie ecclésiale forment comme un ‘milieu nourricier où s’enracine l’expérience de foi’. » Il est évident que cela ne concerne pas seulement les enfants du catéchisme. Nous avons la chance de constater aujourd’hui que de nombreuses personnes sont en recherche et se sentent attirées par le Christ.
C’est le cas en particulier des catéchumènes. Des rencontres en salle pour approfondir la foi chrétienne sont indispensables mais totalement insuffisantes pour permettre à ces personnes d’être initiées à la vie chrétienne. Elles ont besoin d’être incorporées dans l’Eglise Corps du Christ, ce qui suppose de se sentir accueilli dans une communauté de frères et de sœurs. C’est portées et stimulées par cette communauté locale concrète, que ces personnes vont pouvoir peu à peu découvrir les différentes facettes de la vie chrétienne, et persévérer à la suite du Christ.
* * * La communauté paroissiale évangélise également par sa capacité à être « en sortie, en partance », pour reprendre l’expression du Pape François. Si ses membres ont expérimenté pour eux-mêmes la miséricorde de Dieu, alors « la communauté évangélisatrice (…) sait aller de l’avant, elle sait prendre l’initiative sans crainte, aller à la rencontre, chercher ceux qui sont loin et arriver aux croisées des chemins pour inviter les exclus ». Dans notre société tentée par le repli sur soi ou le communautarisme, le témoignage d’une communauté qui s’intéresse et s’implique dans ce qui se vit à l’extérieur d’elle-même, est particulièrement important.
La formation d’une telle communauté ne résulte pas d’une simple organisation humaine, elle se fonde sur l’eucharistie : « aucune communauté chrétienne ne s’édifie si elle n’a pas sa racine et son centre dans la célébration de la très sainte eucharistie, à partir de laquelle doit commencer toute formation à l’esprit communautaire. »
Cela ne dispense pas bien entendu de prendre des moyens concrets pour développer l’esprit communautaire. Les exemples indiqués ci-dessous ne prétendant évidemment pas constituer une liste exhaustive, je fais confiance en l’esprit d’initiative des pasteurs pour la compléter.
Créer des occasions pour que les fidèles se rencontrent, échangent, se connaissent :
– Moments de convivialité, initiatives communes, actions caritatives comme les « tables ouvertes paroissiales », etc. Nous ne pouvons pas nous résigner à des communautés composées de personnes qui s’ignorent, et encore moins qui se querellent.
Mettons donc en pratique cette recommandation du Pape François : « Je désire demander spécialement aux chrétiens de toutes les communautés du monde un témoignage de communion fraternelle qui devienne attrayant et lumineux. Que tous puissent admirer comment vous prenez soin les uns des autres, comment vous vous encouragez mutuellement et comment vous vous accompagnez : ‘à ceci tous reconnaitront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres’ (Jn13,35) ».
– Sensibiliser les fidèles à leur responsabilité missionnaire en tant que communauté.
Nous devons en effet nous demander : Quel témoignage donnons-nous à ceux qui viennent à nos célébrations de façon ponctuelle ? Avons-nous le souci de ceux qui sont en recherche et/ou s’adressent à l’Eglise pour un « service religieux » (catéchisme, mariage, confirmation, etc.) ? Des initiatives existent déjà pour mettre en contact toutes ces personnes avec la communauté : présentation des enfants baptisés, messes auxquelles sont invités les fiancés, etc. Mais parfois cela ne porte que peu de fruits car la communauté n’a pas suffisamment perçu le rôle qu’elle avait à jouer. C’est ainsi que des pratiquants réguliers désertent ces célébrations (je m’en rends compte en particulier lors des confirmations de jeunes) parce qu’ils craignent de bousculer leurs habitudes…
Pour éviter cela, il faut responsabiliser, et je dirais même missionner, les fidèles. On peut mettre par exemple en place des systèmes de parrainage pour accompagner par la prière (mais pas seulement) les enfants du catéchisme, les fiancés, etc. Quel beau témoignage par exemple si vous invitez les fiancés de l’année à une messe dominicale suivie d’un repas paroissial préparé par les membres habituels de la communauté ! Bien sûr, nous devons accepter que tous les fidèles n’aient pas la même disponibilité pour entrer dans ce souci missionnaire et porter solidairement la mission d’évangélisation de la paroisse, mais il est indispensable qu’une majorité de fidèles entrent dans cette logique d’une communauté évangélisatrice.
– Fidéliser les paroissiens à leur communauté.
Marqués par l’individualisme mais aussi par certaines habitudes, des pratiquants réguliers pratiquent volontiers le « zapping paroissial ». Ils passent d’une paroisse à l’autre (en ville surtout) ou vont d’une fête patronale à l’autre. Il faut aider ces personnes à saisir l’importance de la fidélité à la communauté pour pouvoir répondre aux défis de la nouvelle évangélisation. En allant à la messe dominicale, nous retrouvons non seulement le Christ, mais aussi notre communauté, qui devrait être comme une famille