SOURCE – Fideliter – propos recueillis par André Cagnon – mise en ligne par La Porte Latine – janvier-février 1991
A l’occasion du vingtième anniversaire de la fondation de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X,Monseigneur Lefebvre a bien voulu répondre aux questions que nous lui avons posées. « Ce n’est plus seulement une question de liturgie, aussi importante soit-elle, qui nous sépare de Rome, mais une question de Foi ». On retiendra aussi comment le prélat ruine les calomnies qui ont été formulées contre lui à propos des documents conciliaires sur la liberté religieuse et « L’Eglise dans le monde de ce temps ».
FIDELITER – Depuis les sacres il n’y a plus de contacts avec Rome ; cependant comme vous l’avez raconté, le cardinal Oddi vous a téléphoné vous disant : « II faut que les choses s’arrangent. Demandez un petit pardon au Pape et il est prêt à vous accueillir ». Alors pourquoi ne pas tenter cette ultime démarche et pourquoi vous paraît-elle impossible ?
Monseigneur Lefebvre – C’est absolument impossible dans le climat actuel de Rome qui devient de plus en plus mauvais. Il ne faut pas se faire d’illusions. Les principes qui dirigent maintenant l’Eglise conciliaire sont de plus en plus ouvertement contraires à la doctrine catholique.
Devant la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, le cardinal Casaroli a récemment déclaré : « Je désire m’attarder quelque peu sur un aspect spécifique de la liberté fondamentale de pensée et d’agir selon sa conscience, donc la liberté de religion… L’Eglise catholique et son Pasteur suprême, qui a fait des droits de l’homme l’un des grands thèmes de sa prédication, n’ont pas manqué de rappeler que, dans un monde fait par l’homme et pour l’homme, toute l’organisation de la société n’a de sens que dans la mesure où elle fait de la dimension humaine une préoccupation centrale ». Entendre cela dans la bouche d’un cardinal ! De Dieu il n’en parle pas !
De son côté le cardinal Ratzinger, en présentant un document fleuve sur les relations entre le Magistère et les théologiens, affirme dit-il « pour la première fois avec clarté » que « des décisions du Magistère ne peuvent être le dernier mot sur la matière en tant que telle » mais « une espèce de disposition provisoire… Le noyau reste stable mais les aspects particuliers sur lesquels ont une influence les circonstances du temps peuvent avoir besoin de rectifications ultérieures. A cet égard on peut signaler les déclarations des papes du siècle dernier. Les décisions antimodernistes ont rendu un grand service mais elles sont maintenant dépassées ». Et voila, la page du modernisme est tournée ! Ces réflexions sont absolument insensées.
Enfin le Pape est plus œcuméniste que jamais. Toutes les idées fausses du Concile continuent de se développer, d’être réaffirmées avec toujours davantage de clarté. Ils se cachent de moins en moins. Il est donc absolument inconcevable que l’on puisse accepter de collaborer avec une hiérarchie semblable.
FIDELITER – Pensez-vous que la situation se soit encore dégradée depuis que vous aviez – avant les sacres – engagé des conversations qui avaient abouti à la rédaction du protocole du 5 mai 1988 ?
Monseigneur – Oh oui ! Par exemple le fait de la profession de foi qui est maintenant réclamée par le cardinal Ratzinger depuis le début de l’année 1989. C’est un fait très grave. Car il demande à tous ceux qui les ont ralliés ou qui pourraient le faire de faire une profession de foi dans les documents du Concile et dans les réformes post-conciliaires. Pour nous c’est impossible.
Il faudra encore attendre avant d’envisager une perspective d’accord. Pour ma part je crois que seul le Bon Dieu peut intervenir, car humainement on ne voit pas de possibilités pour Rome de redresser le courant.
Pendant quinze ans on a dialogué pour essayer de remettre la Tradition en honneur, à la place qui lui est due dans l’Eglise. Nous nous sommes heurtés à un refus continuel. Ce que Rome accorde a présent en faveur de la tradition, n’est qu’un geste purement politique, diplomatique pour forcer les ralliements. Mais ce n’est pas une conviction dans les bienfaits de la tradition.
FIDELITER – Quand on voit que Dom Gérard et la Fraternité Saint-Pierre ont obtenu de conserver la liturgie et le catéchisme, sans – disent-ils – n’avoir rien concédé, certains qui sont troublés de se trouver en situation difficile avec Rome, peuvent être tentés à la longue de se rallier a leur tour par lassitude. « Ils arrivent bien, disent-ils, à s’entendre avec Rome sans n’avoir rien lâché ».
Monseigneur – Quand ils disent qu’ils n’ont rien lâché, c’est faux. Ils ont lâché la possibilité de contrer Rome. Ils ne peuvent plus rien dire. Ils doivent se taire étant données les faveurs qui leur ont été accordées. Il leur est maintenant impossible de dénoncer les erreurs de l’Eglise conciliaire. Tout doucement ils adhèrent, ne serait-ce que par la profession de foi qui est demandée par le cardinal Ratzinger. Je crois que Dom Gérard est en passe de faire paraître un petit livre rédigé par l’un de ses moines, sur la liberté religieuse et qui va essayer de la justifier.
Du point de vue des idées. Ils virent tout doucement et finissent par admettre les idées fausses du Concile, parce que Rome leur a accordé quelques faveurs pour la Tradition. C’est une situation très dangereuse.
Au cours de l’audience qu’il a accordée à Dom Gérard et à une délégation des moines du Barroux, le Pape a exprimé le désir de les voir évoluer toujours davantage. Il ne s’en est pas caché. Il faut qu’ils se soumettent encore plus à l’archevêque et qu’ils prennent garde de ne pas faire en sorte que les réformes conciliaires soient sous-estimées parce qu’on leur a accordé des exceptions à la règle liturgique du Conçue. Il faudrait aussi qu’ils fassent un effort pour ramener tous ceux qui ne sont pas encore dans l’obéissance au Saint-Père.
Ce sont des invitations pressantes qui leur sont faites et c’est bien là le but des privilèges qui leur ont été accordés.
C’est pourquoi Dom Gérard a écrit à la Mère Anne-Marie Simoulin, au Père Innocent-Marie, aux Capucins de Morgon et à d’autres personnes pour essayer même de me toucher. A son retour de Rome il a lancé cette offensive pour tenter de convaincre tous ceux qui ne le suivent pas d’emprunter son sillage et de se rallier à Rome.
Tout ce qui leur a été accordé, ne leur a été consenti que dans le but de faire en sorte que tous ceux qui adhèrent ou sont liés à la Fraternité s’en détachent et se soumettent à Rome.
FIDELITER – Dom Gérard reprend ainsi le rôle qui avait été dévolu à Mgr Perl.
Monseigneur – J’ai eu l’occasion de voir au moins trois lettres que Mgr Perl a envoyées en réponse à des personnes qui lui avaient écrit. C’est toujours la même chose. Il faut absolument faire un effort auprès de ceux qui n’ont pas compris la nécessité de se rallier au Pape et au Concile. C’est dommage, écrit-il, de constater qu’il n’y a pas eu plus de ralliements.
FIDELITER – Vous avez dit en désignant Dom Gérard et les autres : « Ils nous trahissent. Ils donnent maintenant la main à ceux qui démolissent l’Eglise, aux libéraux, aux modernistes ». N’est-ce pas un peu sévère ?
Monseigneur – Mais non. Ils ont fait appel à moi pendant quinze ans. Ce n’est pas moi qui suis allé les chercher. Ce sont eux-mêmes qui sont venus vers moi pour me demander des appuis, de faire des ordinations, l’amitié de nos prêtres en même temps que l’ouverture de tous nos prieurés pour les aider financièrement. Ils se sont tous servis de nous tant qu’ils ont pu. On l’a fait de bon cœur et même généreusement. J’ai été heureux de faire ces ordinations, d’ouvrir nos maisons pour qu’ils puissent profiter de la générosité de nos bienfaiteurs… Et puis, tout à coup, on me téléphone . on n’a plus besoin de vous, c’est terminé. Nous irons chez l’archevêque d Avignon. On est maintenant d’accord avec Rome. Nous avons signé un protocole.
Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous avons eu des difficultés avec Rome Ce n’est pas par plaisir que nous avons dû nous battre. Nous l’avons fait pour des principes, pour garder la foi catholique. Et ils étaient d accord avec nous. Ils collaboraient avec nous. Et puis tout à coup on abandonne le vrai combat pour s’allier aux démolisseurs sous prétexte qu’on leur accorde quelques privilèges. C’est inadmissible.
Ils ont pratiquement abandonné le combat de la foi. Ils ne peuvent plus attaquer Rome.
C’est ce qu’a fait aussi le Père de Blignières. Il a changé complètement. Lui qui avait écrit tout un volume pour condamner la liberté religieuse, il écrit maintenant en faveur de la liberté religieuse. Ce n’est pas sérieux. On ne peut plus compter sur des hommes comme ceux-là, qui n’ont rien compris à la question doctrinale.
J’estime en tout cas qu’ils commettent une grave erreur. Ils ont péché gravement en agissant comme ils l’ont fait, sciemment avec une désinvolture invraisemblable.
J’ai entendu dire que des moines auraient l’intention de quitter le Barroux disant qu’ils ne peuvent plus vivre dans une atmosphère de mensonge. Je me demande comment ils ont pu rester jusqu’à présent dans cette atmosphère.
De même ceux qui sont chez Dom Augustin. Ils étaient encore plus traditionalistes que nous et à présent ils ont complètement versé de l’autre côté. Pour tous les jeunes qui sont là, c’est affreux de penser à un tel renversement. Ils sont entrés au monastère pour être vraiment dans la Tradition. C’était la Tradition la plus sûre, la plus ferme, plus encore que la Fraternité. Ils pensaient être garantis pour toujours. Et puis ils retournent complètement leur veste… et ils restent. C’est inexplicable.
FIDELITER – Le Père de Blignières, l’Abbé de Nantes et Dom Gérard vous ont pratiquement accusé de mensonge quand vous avez assuré ne pas avoir signé deux documents du Concile Dignitatis humanae sur la liberté religieuse et Gaudium et Spes. La revue Sedes sapientiae a reproduit un document tiré des archives du Vatican où figure votre nom écrit de votre main. Qu’en est-il exactement et quel est ce document ?
Monseigneur – Cette idée de l’interprétation des signatures signifiant une approbation des documents conciliaires a germé dans le cerveau mal intentionné du Père de Blignières.
Les approbations ou refus des documents étaient évidemment accomplis pour chaque document en particulier. Le vote était secret, accompli sur des fiches individuelles, et fait avec un crayon spécial qui permettait le calcul électronique des votes. Les fiches étaient ramassées par les secrétaires, de la main de chaque votant.
Les grandes feuilles qui circulaient de main en main parmi les Pères du Concile et où chacun apposait sa signature n’avaient aucun sens de vote pour ou contre, mais signifiaient notre présence à cette séance de votes pour quatre documents.
Il faudrait vraiment prendre les Pères qui ont voté contre les textes pour des girouettes, en faisant croire qu’ils auraient approuvé ce qu’ils ont refusé une demi-heure avant.
On voit ce que l’on peut attendre de l’imagination de ceux qui sont des girouettes et qui adorent ce qu’ils avaient brûlé auparavant, comme le Père de Blignières, Dom Gérard et la girouette par excellence qu’est l’Abbé de Nantes.
FIDELITER – Certains parmi les fidèles sont tentés de garder de bonnes relations avec ceux qui se sont ralliés, voire d’assister à la messe ou aux cérémonies qu’ils célèbrent, pensez-vous qu’il y a là un danger ?
Monseigneur – J’ai toujours mis en garde les fidèles par exemple vis-à-vis des sédévacantistes. Ils disent aussi : la messe est bien, nous y allons.
Oui, il y a la messe. Elle est bien, mais il y a aussi le sermon ; il y a l’ambiance, les conversations, les contacts avant et après, qui font que tout doucement on change d’idées. C’est donc un danger et c’est pourquoi d’une manière générale j’estime que cela fait un tout. On ne va pas seulement à la messe, on fréquente un milieu.
Il y a évidemment des gens qui sont attirés par les belles cérémonies qui vont aussi à Fontgombault, où l’on a repris la messe ancienne. Ils se trouvent dans un climat d’ambiguïté qui à mon sens est dangereux. Dès lors que l’on se trouve dans cette ambiance, soumis au Vatican, soumis en définitive au Concile, on finit par devenir œcuméniste.
FIDELITER – Le Pape est très populaire. Il mobilise les foules, il veut rassembler tous les chrétiens dans l’œcuménisme, dont il a dit qu’il faisait la pierre angulaire de son pontificat. A première vue cela peut paraître une noble pensée de vouloir effectivement rassembler tous les chrétiens.
Monseigneur – Le Pape veut faire l’unité en dehors de la foi. C’est une communion. Une communion à qui ? A quoi ? En quoi ? Ce n’est plus une unité. Celle-ci ne peut se faire que dans l’unité de la foi. C’est ce que l’Eglise a toujours enseigné. C’est pourquoi il y avait les missionnaires, pour convertir à la foi catholique. Maintenant il ne faut plus convertir. L’Eglise n’est plus une société hiérarchique, c’est une communion. Tout est faussé. C’est la destruction de la notion de l’Eglise, du catholicisme. C’est très grave et cela explique que nombreux soient les catholiques qui abandonnent la foi.
Quand on ajoute à cela tous les propos scandaleux qui ont été tenus à l’occasion du synode sur le sacerdoce, les déclarations comme celles des cardinaux Decourtray et Danneels, on se demande comment il peut encore y avoir des catholiques.
Après Assise et après de semblables déclarations, on comprend qu’il y ait beaucoup de gens qui s’en aillent chez les Mormons, chez les Témoins de Jéhovah ou ailleurs. Ils perdent la foi, c’est normal.
FIDELITER – A propos du synode, le cardinal Lorscheider, annonçant que deux Brésiliens mariés avaient été ordonnés prêtres, a demandé que soit étudiée la possibilité d’ordonner des hommes mariés « de vie éprouvée ».
Monseigneur – Tout cela est dirigé contre le célibat des prêtres. Le synode qui va se tenir en Afrique sera probablement une étape vers l’abolition du célibat des prêtres, si toutefois le Bon Dieu n’intervient pas avant.
FIDELITER – On cite en exemple le développement du catholicisme et l’accroissement considérable du nombre des vocations dans les pays d’Afrique, notamment au Zaïre, où l’on compte plusieurs centaines de séminaristes.
Monseigneur – Mais il faut voir comment ils sont formés. Dans ces pays du Tiers-monde il y a beaucoup d’enfants et c’est une promotion sociale que d’être prêtre. Ce n’est malheureusement pas un réel progrès du catholicisme.
Je ne dis pas que tout soit négatif. Mais ce sont tous des séminaristes conciliaires, avec la nouvelle messe, l’introduction du tam-tam, l’inculturation dans la liturgie. Quelle religion vont-ils avoir ? Ce ne sera plus la religion catholique, mais une espèce de syncrétisme religieux avec des manifestations purement extérieures. C’est grave, parce que c’est la démolition de tout le travail accompli par les missionnaires.
FIDELITER – Plus qu’une question de liturgie, dites-vous souvent, c’est maintenant une question de foi qui nous oppose à la Rome actuelle.
Monseigneur – Certainement la question de la liturgie et des sacrements est très importante, mais ce n’est pas la plus importante. La plus importante c’est celle de la foi. Pour nous elle est résolue. Nous avons la foi de toujours, celle du concile de Trente, du catéchisme de saint Pie X, de tous les conciles et de tous les papes d’avant Vatican II.
Pendant des années ils se sont efforcés à Rome de montrer que tout ce qui était dans le Concile était parfaitement conforme à la Tradition. A présent ils se découvrent. Le cardinal Ratzinger ne s’était jamais prononcé avec autant de clarté. Il n’y a pas de Tradition. Il n’y a plus de dépôt à transmettre. La tradition dans l’Eglise, c’est ce que dit le Pape aujourd’hui. Vous devez vous soumettre à ce que le Pape et les évêques disent aujourd’hui. Pour eux voilà la tradition, la fameuse tradition vivante, seul motif de notre condamnation.
Ils ne cherchent plus maintenant à prouver que ce qu’ils disent est conforme à ce qu’a écrit Pie IX, à ce qu’a promulgué le concile de Trente. Non tout cela est fini, c’est dépassé, comme dit le cardinal Ratzinger. C’est clair et ils auraient pu le dire plus tôt. Ce n’était pas la peine de nous faire parler, de discuter. C’est maintenant la tyrannie de l’autorité, parce qu’il n’y a plus de règle. On ne peut plus se référer au passé.
Dans un sens les choses deviennent aujourd’hui plus claires. Elles nous donnent toujours davantage raison. Nous avons affaire à des gens qui ont une autre philosophie que la nôtre, une autre manière de voir, qui sont influencés par tous les philosophes modernes et subjectivistes. Pour eux il n’y a pas de vérité fixe, il n’y a pas de dogme. Tout est en évolution. C’est là une conception tout à fait maçonnique.C’est vraiment la destruction de la foi. Heureusement, nous, nous continuons de nous appuyer sur la Tradition !
FIDELITER – Oui, mais vous êtes seul contre tous.
Monseigneur – Oui, c’est un grand mystère.
FIDELITER – Dans le dernier bulletin « INTROIBO », le Père André note que bien qu’ils disent la nouvelle messe, une dizaine d’évêques fournissent un espoir. Ils sont qualifiés « d’évêques traditionnels » par le « Trombinoscope épiscopal ».
Monseigneur – Oui, mais ils sont tous conciliaires. Il n’y a que Mgr de Castro Mayer et moi qui ayons résisté au Concile et à ses applications, alors que pendant le Concile nous étions 250 à être opposés à ses erreurs.
On me faisait relire récemment la prophétie de Notre-Dame-de-Quito(1), où au début du XVIIe siècle, la Très Sainte Vierge Marie a révélé à une sainte religieuse la dissolution des mœurs et la crise affreuse qui atteint aujourd’hui l’Eglise et son clergé (2), annonçant aussi qu’un prélat se consacrerait à la restauration du sacerdoce.
La Très Sainte Vierge a annoncé cela pour le XXe siècle. C’est un fait. Le Bon Dieu a prévu ce moment dans l’Eglise.
FIDELITER – Vous avez souligné que vous aviez acquis la conviction que l’œuvre que vous avez entreprise est bénie du Bon Dieu, car en plusieurs occasions, elle aurait pu disparaître.
Monseigneur – Oui, c’est vrai. Nous avons toujours subi des attaques, très dures, très pénibles. Souvent des gens qui ont travaillé avec nous, qui ont été nos amis se sont retournés contre nous et sont devenus vraiment des ennemis. C’est très douloureux, mais il n’y a rien à faire. On s’aperçoit au bout de quelque temps que ceux qui nous en veulent et qui essayent de nous détruire, sombrent et que nous, nous continuons, il faut croire tout de même que la ligne de foi et la Tradition telle que nous l’avons adoptée, telle que nous la suivons est impérissable, parce que c’est l’Eglise et que Dieu ne peut pas laisser périr son Eglise.
FIDELITER – Qu’est-ce que vous pouvez dire à ceux. d’entre les fidèles qui espèrent toujours en la possibilité d’un arrangement avec Rome ?
Monseigneur – Nos vrais fidèles, ceux qui ont compris le problème et qui nous ont justement aidés à poursuivre la ligne droite et ferme de la Tradition et de la foi, craignaient les démarches que j’ai faites à Rome. Ils m’ont dit que c’était dangereux et que je perdais mon temps. Oui, bien sûr, j’ai espéré jusqu’à la dernière minute qu’à Rome on témoignerait d’un petit peu de loyauté. On ne peut pas me reprocher de ne pas avoir fait le maximum. Aussi maintenant, à ceux qui viennent me dire : il faut vous entendre avec Rome, je crois pouvoir dire que je suis allé plus loin même que je n’aurais dû aller.
FIDELITER – Vous répondez : vous n’avez pas à craindre, parce que nous sommes avec la Tradition, avec les conciles d’avant Vatican II, avec tout ce que les papes qui l’ont précédé ont déclaré…
Monseigneur – Oui, c’est évident, si nous inventions quelque chose on pourrait craindre que notre invention ne subsiste pas. Mais nous ne faisons rien de nouveau.
Il y a peu de temps je voyais un évêque, un de mes amis avec lequel nous avons travaillé pendant le Concile et qui était tout à fait d’accord avec moi à ce moment là. Et il me disait : « C’est malheureux que vous soyez en difficulté avec Rome ».
Comment, lui ai-je répondu, vous qui avez lutté au Concile pour les mêmes motifs que moi, pouvez-vous maintenant vous étonner ? Nous avons fait des réunions continuelles ensemble et avec d’autres pour essayer de maintenir la ligne de la Tradition dans le Concile. Et a présent vous avez abandonné tout cela. Est-ce que ce que nous faisions était répréhensible ?
Voyez les résultats du Concile. Est-ce que vous pouvez m’en donner qui soient bons, qui soient positifs. Où et dans quel domaine le Concile et les réformes qu’il a engendrées, ont-ils apporté un renouveau extraordinaire dans l’Eglise ?
Il n’a pas pu répondre. Il n’y a rien. Tout est négatif.
FIDELITER – Et le charismatisme ?
Monseigneur – C’est encore négatif. C’est le diable, puisque des charismatiques viennent nous demander de les exorciser. Il faut croire qu’ils sont possédés par le diable.
Ils appellent l’Esprit. Quel esprit ? Qu’il y en ait parmi eux qui soient de bonne volonté, sans doute, qui s’efforcent de prier, de faire des adorations sans doute, mais le démon est malin. Il attire d’un côté, de l’autre il récupère.
Nous n’avons pas fini de lutter. Moi disparu, mes successeurs auront encore à combattre.
Mais le Bon Dieu peut tout. Au plan politique il aurait été difficile de prévoir il y a un ou deux ans ce qui se passe actuellement. On n imaginait pas que le rideau de fer serait levé, que l’Allemagne se réunifierait. Maintenant on dit que l’éclatement de l’empire soviétique est proche.
J’ai reçu une lettre d’un évêque ukrainien qui voulait prendre contact avec nous, pour qu’on l’aide à éditer un catéchisme, parce qu’ils n ont plus rien. Il a fait plus de quinze ans de prison soviétique avec d’autres. Un certain nombre d’entre eux sont maintenant libérés.
Il a retrouvé son diocèse dans un état épouvantable, parce que tout appartient désormais à l’Eglise orthodoxe. Ils ont tout pris. Alors, ils essayent de récupérer ce qu’ils peuvent, mais ils ont contre eux le Vatican, qui est empoisonné par cette affaire. Le retour de ces évêques et de ces prêtres qui veulent faire revivre l’Eglise catholique en Ukraine gêne le Vatican, qui ne veut surtout pas avoir d’histoires avec le Kremlin et avec les orthodoxes. Ce renouveau catholique en Ukraine les gêne. C’est ce que m’écrit cet évêque : « II y a vraiment un mystère qui plane pour nous en ce qui concerne l’attitude de Rome. »
Pour nous ce n’est pas un mystère!
FIDELITER – Quel bilan peut-on dresser de la Fraternité après vingt ans d’existence ?
Monseigneur – Le Bon Dieu a voulu la Tradition. Je suis intimement convaincu que la Fraternité représente le moyen que le Bon Dieu a voulu pour garder et maintenir la foi, la vérité de l’Eglise et ce qui peut être encore sauvé dans l’Eglise. Grâce aussi aux évêques qui entourent le Supérieur général de la Fraternité, qui remplissent leur rôle indispensable de mainteneurs de la foi, de prédicateurs de la foi, et qui communiquent les grâces du sacerdoce et de la confirmation, la Tradition demeure inchangée et toujours source féconde de la vie divine.
Tout cela est vraiment très consolant et je pense que nous devons remercier le Bon Dieu et continuer à garder fidèlement les trésors de l’Eglise, en espérant qu’un jour ces trésors reprendront la place qui leur est due à Rome et qu’ils n’auraient jamais dû perdre.
Propos recueillis par André CAGNON
Source : Fideliter n° 79 de janvier-février 1991
—–
Notes
(1) Note de LPL : extrait du sermon des sacres du 30 juin 1988 : « Dernièrement, notre prêtre qui est chargé du prieuré de Bogota, en Colombie, m’a apporté un livre fait sur les apparitions de Bon Successo – du Bon Succès – qui a une église, grande église en Equateur, à Quito, capitale de l’Equateur – et des apparitions qui ont eu lieu à une religieuse d’un couvent de Quito et cela peu de temps après le concile de Trente. C’est donc à plusieurs siècles, comme vous le voyez. Eh bien, la Très Sainte Vierge a dit à cette religieuse – cela a été consigné, cette apparition a été reconnue par Rome, par les autorités ecclésiastiques puisqu’on a construit une magnifique église pour la Vierge dont, d’ailleurs, disent les historiens, le visage de la Vierge aurait été terminé, le sculpteur était en train de terminer le visage de la Vierge lorsqu’il a trouvé le visage de la Vierge fait miraculeusement, cette Vierge miraculeuse est donc là honorée avec beaucoup de dévotion par les fidèles de l’Équateur – et cette Vierge a prophétisé pour le XXe siècle, elle a dit explicitement : « Pendant le XIXe siècle et la plus grande partie du XXe siècle, des erreurs se propageront de plus en plus fortement dans la Sainte Église, mettront l’Église dans une situation de catastrophe absolue, de catastrophe, et les mœurs se corrompront, et la Foi disparaîtra. » Il semble que nous ne pouvons pas ne pas constater et, je m’excuse de continuer ce récit de cette apparition, mais elle parle d’un prélat qui s’opposera absolument à cette vague d’apostasie et à cette vague d’impiété en préservant le sacerdoce, en faisant des bons prêtres. Vous ferez l’application si vous voulez ; moi je ne veux pas la faire, je ne puis pas. J’ai été moi-même stupéfait en lisant ces lignes, je ne peux pas le nier, c’est comme cela, c’est inscrit, c’est imprimé, c’est consigné dans les archives de cette apparition.
(2) Cf FIDELITER N’ 66 – Nov. – Dec. 1988.