Le Christ crucifié, scandale pour les musulmans et folie pour les laïcistes
publié dans regards sur le monde le 27 janvier 2015
Source: Correspondance européenne | 296, Islam
Marche contre la Terreur : c’est le titre par lequel “Le Monde”, le “Corriere della Sera” et les principaux journaux occidentaux ont présenté le grand défilé laïciste du 11 janvier. Jamais aucun slogan n’a été plus hypocrite, imposé par les mass media en réaction au massacre de Paris du 7 janvier.
Quel sens y a-t-il en effet à parler de Terreur sans ajouter au substantif l’adjectif “islamique” ? L’attaque de la rédaction du “Charlie Hebdo” a été perpétré au cri de « Allah akbar ! » pour venger Mahomet offensé par les caricatures et derrière les kalashnikof des terroristes il y a une vision du monde précise : la vision musulmane. C’est seulement maintenant que les services secrets occidentaux commencent à prendre au sérieux les menaces de Abu Muhamad al Adnani, contenues dans un communiqué en plusieurs langues diffusé le 21 septembre 2014 par le quotidien online “The Long War Journal”. «Nous conquerrons Rome, nous briserons ses croix, nous ferons de ses femmes des esclaves avec la permission d’Allah, le très-Haut », a déclaré à ses adeptes le porte-voix de “l’Etat islamique”, qui n’a pas simplement répété qu’il fallait exterminer les “infidèles”, où qu’ils se trouvent, mais leur a indiqué également les modalités : « Placez de l’explosif sur leurs routes. Attaquez leurs bases, faites irruption dans leurs maisons. Tranchez-leur la tête. Qu’ils ne se sentent en sécurité nulle part ! Si vous ne pouvez trouver de l’explosif ou des munitions, isolez les américains infidèles, les français infidèles ou n’importe lequel de leurs alliés : brisez-leur le crâne à coups de pierre, tuez-les à coup de couteau, renversez-les avec vos voitures, jetez-les dans le vide, étouffez-les ou empoisonnez-les ».
On s’illusionne en pensant que la guerre en présence n’est pas celle qu’a déclaré l’Islam à l’Occident, mais une guerre qui se livre en interne dans le monde musulman et que l’unique moyen pour se sauver est d’aider l’Islam modéré à vaincre l’Islam fondamentaliste, comme l’a écrit sur le “Corriere della Sera” du 11 janvier Sergio Romano, un observateur qui passe même pour intelligent. En France, un des slogans les plus repris est celui d’éviter l’“amalgame”, c’est-à-dire l’identification entre l’Islam modéré et l’Islam radical. Mais le but commun de l’Islam tout entier est la conquête de l’Occident et du monde. Qui ne partage pas cet objectif n’est pas un modéré, il n’est simplement pas un bon musulman. Les divergences, au contraire, ne portent pas sur la fin, mais sur les moyens : les musulmans d’Al Qaïda et de l’Isis ont embrassé la voie léniniste de l’action violente, tandis que les Frères Musulmans utilisent l’arme gramscienne (ndt. de Antonio Gramsci) de l’hégémonie intellectuelle. Les mosquées sont le centre de propulsion de cette guerre culturelle que Bat Ye’or définit comme le soft-jihad, tandis que par le terme hard-jihad, il définit la guerre militaire pour terroriser et éliminer l’ennemi. On peut discuter, et on discute certainement en interne dans l’Islam, sur le choix des moyens, mais on se rejoint sur l’objectif final, l’expansion dans le monde de la sharia’a, la loi coranique.
En tous les cas, le mot Islam est un substantif verbal que l’on peut traduire en “soumission”. La soumission pour éviter la Terreur, le scénario de l’avenir européen imaginé par le romancier Michel Houellebecq dans son dernier livre, précipitamment retiré des librairies françaises. Non à la Terreur signifie pour nos hommes politiques non à la soumission violente des djihadistes, oui à une soumission pacifique, qui mène doucement l’Occident à une condition de dhimmitude.
L’Occident se dit disposé à accepter un Islam “à visage humain”. En réalité, ce qu’il refuse dans l’Islam n’est pas seulement la violence, mais aussi son absolutisme religieux. Pour l’Occident il y a liberté de tuer au nom du relativisme moral, mais pas au nom des valeurs absolues. Et pourtant l’avortement est systématiquement pratiqué dans tous les pays occidentaux et aucun des chefs d’Etat qui ont défilé à Paris contre la Terreur ne l’a jamais condamné. Mais qu’est-ce que l’avortement sinon la légalisation de la Terreur, la Terreur d’Etat promue, encouragée, justifiée ? Quel droit ont les leaders occidentaux de manifester contre la Terreur ?
Sur “La Repubblica” du 13 janvier 2015, tandis que l’ex-chef de Lotta Continua Adriano Sofri célèbre L’Europe qui renaît sous la Bastille, la philosophe post-moderne Julia Kristeva, chère au cardinal Ravasi, affirme que « la place des Lumières a sauvé l’Europe », et que « face au risque qu’ils couraient, liberté, égalité et fraternité ont cessé d’être des concepts abstraits, en s’incarnant dans des millions de personnes ». Mais qui a inventé la Terreur sinon la France républicaine, qui l’a utilisée pour éliminer tous les opposants de la Révolution française ? L’idéologie et la pratique du terrorisme apparaissent pour la première fois dans l’histoire avec la Révolution française, surtout à partir du 5 septembre 1793, quand la “Terreur” fut mise à l’ordre du jour par la Convention et devint une partie essentielle du système révolutionnaire. Le premier génocide de l’histoire fut perpétré au nom des idéaux républicains de liberté, égalité et fraternité. Le communisme qui prétendit porter à terme le processus de sécularisation inauguré par la Révolution française, réalisa l’extension de la terreur à l’échelle planétaire, provoquant, en moins de soixante-dix ans, plus de 200 millions de morts. Et qu’est-ce que le terrorisme islamique sinon une contamination de la “philosophie du Coran” avec la pratique marx-illuministe importée de l’Occident ?
“Charlie Hebdo” est un jounal dans lequel, depuis sa fondation, la satire a été placée au service d’une phisolophie de vie libertaire, qui prend ses racines dans l’illuminisme anti-chrétien. Le journal satirique français s’est fait connaître par ses caricatures de Mahomet, mais il ne faut pas oublier les dégoûtantes vignettes blasphématoires publiées en 2012 pour revendiquer l’union homosexuelle. Les rédacteurs de “Charlie Hebdo” peuvent être considérés comme une expression extrême mais cohérente de la culture relativiste désormais répandue dans tout l’Occident, tout comme les terroristes qui les ont tués peuvent être considérés comme l’expression extrême mais cohérente de la haine que voue à l’Occident le vaste monde musulman.
Ceux qui revendiquent l’existence d’une Vérité absolue et objective sont assimilés par les néo-illuminstes aux fondamentalistes islamiques. Mais nous, nous assimilons le relativisme à l’islamisme, parce que tous deux ont en commun le fanatisme. Le fanatisme n’est pas l’affirmation de la vérité, mais le déséquilibre intellectuel et émotif qui naît de l’éloignement de la vérité. Et il y a une seule vérité dans laquelle le monde puisse trouver la paix, qui est la tranquillité de l’ordre : Jésus-Christ, Fils de Dieu, à qui toutes choses doivent être ordonnées au Ciel et sur la terre, pour que se réalise la paix du Christ dans le Règne du Christ, citée comme l’idéal de tout chrétien par le Pape Pie XI dans l’encyclique Quas Primas du 11 décembre 1925.
On ne peut combattre l’Islam au nom de l’illuminisme et encore moins du relativisme. On peut y opposée seule la loi naturelle et divine, niée à la racine tant par le relativisme que par l’Islam. C’est pour cela que nous levons haut ce Crucifix que le laïcisme et l’islamisme rejettent et que nous en faisons une bannière de vie et d’action. « Nous – affermait saint Paul – nous prêchons un Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païens » (I Cor 1, 23). Nous pourrions reprendre : « Nous, nous prêchons un Christ crucifié, scandale pour les musulmans et folie pour les laïcistes ». (Roberto de Mattei)