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Entraide et Tradition

Mgr Pozzo et la FSSPX

publié dans regards sur le monde le 29 février 2016


Où en est le dialogue avec les lefebvristes?

SOURCE – Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission pontificale Ecclesia Dei / Luca Marcolivio – Zenit – 25 février 2016

Après la levée de l’excommunication en 2009 , par Benoît XVI , l’ouverture faite par François dans l’Année Sainte est une nouvelle étape vers la reconnaissance canonique.

On a beaucoup parlé ces dernières années du rapprochement de la Fraternité Saint-Pie X, fondée par Mgr Marcel Lefebvre, avec l’Eglise de Rome. La levée de l’excommunication par le pape Benoît XVI n’efface pas encore l’iregularité de la position dans laquelle se trouvent les lefebvristes.

Il leur reste, en effet, à accepter la liturgie Novus Ordo, l’œcuménisme et la liberté religieuse ; mais l’ouverture poussée par François – qui, pour le Jubilé, a sanctionné la validité de la réception des sacrements de la confession et de l’onction des malades administrés par des prêtres lefebvristes – représente une nouvelle étape vers la reconnaissance canonique.

Pour en savoir plus sur la situation actuelle de la Fraternité Saint-Pie X, ZENIT a interviewé Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission pontificale Ecclesia Dei, créé en 1988 par saint Jean-Paul II, dans le but principal d’entamer un dialogue avec les lefebvristes, pour arriver un jour à leur pleine réinsertion.

Excellence, en 2009, le pape Benoît XVI a levé l’excommunication de la Fraternité Saint-Pie X. Cela signifie que maintenant ils sont à nouveau en communion avec Rome?

Avec la levée par Benoît XVI de la censure de l’excommunication des évêques de FSSPX (2009), ils ne sont plus soumis à cette grave peine ecclésiastique. Avec cette mesure, cependant, la FSSPX est encore dans une situation irrégulière, parce qu’elle n’a pas reçu la reconnaissance canonique par le Saint-Siège. Tant que la Société n’a pas de statut canonique dans l’Église, ses ministres n’exercent pas de manière légitime le ministère ni la célébration des sacrements. Selon la formule de celui qui était alors le cardinal Bergoglio de Buenos Aires, et confirmé par François à la Commission pontificale Ecclesia Dei, les membres de la FSSPX sont catholiques dans le chemin vers la pleine communion avec le Saint-Siège. Cette pleine communion viendra quand vous verrez la reconnaissance canonique de la Fraternité.

Quelles mesures ont été prises par le Saint-Siège dans ces sept années pour promouvoir le rapprochement de la Fraternité Saint-Pie X?

Suite à la levée de l’excommunication en 2009, ont commencé une série de réunions entre experts doctrinaux nommés par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui est étroitement liée à la Commission pontificale Ecclesia Dei selon le Motu proprio de Benoît XVI Ecclesiae Unitatem (2009), et d’autre part des experts de la FSSPX, pour discuter et échanger sur les grandes questions doctrinales qui sous-tendent le conflit avec le Saint-Siège: la relation entre la Tradition et le Magistère, la question de l’œcuménisme, le dialogue inter-religieux, la liberté religieuse et de la réforme liturgique, dans le cadre de l’enseignement du Concile Vatican II.
Ces rencontres, qui ont duré environ deux ans, ont permis de clarifier les positions théologiques respectives sur le sujet, pour mettre en évidence les points de convergence et de divergence.
Au cours des années suivantes, les discussions doctrinales ont continué avec quelques initiatives visant à l’approfondissement et la clarification des thèmes en discussion. Dans le même temps des contacts entre les supérieurs de la Commission Ecclesia Dei et les membres supérieurs et d’autres de la FSSPX, ils ont favorisé le développement d’un climat de confiance et de respect mutuel, qui doit être la base d’un processus de rapprochement. Il faut surmonter la méfiance et les raideurs qui sont compréhensibles après tant d’années de fracture, mais qui peuvent être progressivement dissipées si les changements d’attitude mutuelles et si les différences ne sont pas considérés comme des murs insurmontables, mais comme des points de discussion qui méritent d’être approfondis et réglés, dans une clarification utile à toute l’Église. Nous sommes maintenant à un stade que je crois constructif et propre à obtenir la réconciliation souhaitée. Le geste de François, d’accorder aux fidèles catholiques de recevoir valablement et licitement le sacrement de la réconciliation et de l’onction des malades de la part des évêques et des prêtres de la FSSPX au cours de l’Année Sainte de la Miséricorde, est clairement le signe de la volonté du Saint-Père de favoriser le chemin vers la reconnaissance canonique complète et stable.

Quels sont les obstacles qui se dressent encore sur le chemin de la réconciliation finale?

Je distinguerais deux niveaux. Le niveau doctrinal à proprement parler, qui concerne quelques différences sur des sujets individuels proposés par le Concile Vatican II et le magistère post-conciliaire, relatif à l’oecuménisme, la relation entre le christianisme et les religions du monde, la liberté religieuse, en particulier dans la relation entre l’Église et de l’État, certains aspects de la réforme liturgique. Et le niveau de l’attitude mentale et psychologique, ce qui est de passer d’une position de confrontation polémique et antagoniste, à une position d’écoute et de respect mutuel, d’estime et de confiance, comme il se doit entre les membres du même Corps du Christ, qui est l’Église. Nous devons travailler sur ces deux niveaux. Je pense que le rapprochement entrepris a donné des fruits, en particulier pour ce changement d’attitude par les deux parties et il est utile de poursuivre cela.

Même sur la question du Concile Vatican II, je pense que la FSSPX doit réfléchir sur la distinction, que je crois fondamentale et absolument décisive, entre le mens, l’esprit de Vatican II, sondocendi intentio, comme le montrent les Actes officiels du Concile, et ce que j’appellerais le « para-concile », à savoir l’ensemble de lignes directrices théologiques et attitudes pratiques, qui ont accompagné le cours du Concile lui-même, avec la prétention ensuite de se couvrir de son nom, et qui se confondent souvent avec la vraie pensée du Concile dans l’esprit du public, grâce à l’influence des mass médias. Souvent, dans les discussions avec la FSSPX, l’opposition n’est pas au Concile, mais à l’«esprit du Concile», qui utilise certaines expressions ou formulations des documents conciliaires pour ouvrir la voie à des interprétations et des positions qui sont éloignées de la vraie pensée conciliaire et qui parfois abusent d’elle. Ainsi en ce qui concerne la critique lefebvriste sur la liberté religieuse, au fond de la discussion me semble que la position de la FSSPX se caractérise par la défense de la doctrine catholique traditionnelle contre la laïcité agnostique de l’Etat et contre la laïcité et le relativisme idéologique et non pas contre le droit qu’a la personne de ne pas être forcée ou empechée obstruée par l’État dans l’exercice de sa profession de foi religieuse. Cependant, ce sont des questions qui seront un sujet de discussion et de clarification, même après la pleine réconciliation. Ce qui semble essentiel est de trouver une convergence complète sur ce qui est nécessaire pour être en pleine communion avec le Siège apostolique, à savoir l’intégrité du Credo catholique, la contrainte des sacrements et l’acceptation du magistère suprême de l’Eglise. Le Magistere, qui n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu écrite et transmise, mais qui la sert, est l’interprète authentique aussi des textes précédents, y compris ceux du Concile Vatican II, à la lumière de la Tradition vivante, qui se développe dans l’Eglise avec l’aide du Saint-Esprit, non pas avec comme une nouveauté contraire (qui refuserait le dogme catholique), mais avec une meilleure compréhension du dépôt de la foi, dans la même doctrine, le même sens et dans le même arrêt (in eodem scilicet dogmate, eodem sensu et eademque sententia, cf. Concile Vatican, Const. dogm. Dei Filius, 4). Je crois que sur ces points une convergence avec la FSSPX est non seulement possible, mais nécessaire. Cela n’a aucune incidence sur la capacité et la légitimité de discuter et d’explorer d’autres questions particulières, je l’ai mentionné ci-dessus, qui ne concernent pas les questions de foi, mais plutôt des lignes directrices pastorales et les jugements prudentiels, et non dogmatiques, sur lesquesl vous pouvez aussi avoir des points de vue différents. Donc, il ne s’agit pas d’ignorer ou de domestiquer les différences sur certains aspects de la vie pastorale de l’Eglise, mais il est s’agit de garder à l’esprit que dans le Concile Vatican II il y a des documents doctrinaux, qui ont l’intention de faire reproposer la vérité déjà définie de la foi ou de la vérité de la doctrine catholique (par exemple, la Constitution dogmatique Dei Verbum, la Constitution dogmatique Lumen Gentium), et il y a des documents qui ont l’intention de proposer des orientations ou des lignes directrices pour l’action pratique, qui est, pour la vie pastorale comme une application de la doctrine (la déclaration Nostra Aetate, le décret Unitatis Redintegratio, la déclaration Dignitatis humanae). L’adhésion aux enseignements du Magistère varie selon le degré d’autorité et de la vérité de leur propre catégorie de documents du Magistère. Il ne me semble pas que la FSSPX a nié les doctrines de la foi ou de la vérité de la doctrine catholique enseignée par le Magistère. Les critiques concernent plutôt les déclarations ou les indications concernant le renouvellement de la pastorale dans les relations œcuméniques avec les autres religions, et certaines questions d’ordre prudenciel dans la relation de l’Eglise et de la société, l’Eglise et de l’Etat. Sur la réforme liturgique, je me borne à citer une déclaration que Mgr Lefebvre a écrit au pape Jean-Paul II dans une lettre datée du 8 Mars 1980: « Quant à la messe du Novus Ordo, en dépit de toutes les réserves qui doivent être faites à son sujet, je n’ai jamais prétendu qu’il serait invalide ou hérétique ». Par conséquent, les réserves envers le Novus Ordo du rite, qui ne doivent évidemment pas être sous-estimées, ne font pas référence à la validité de la célébration du sacrement, ni à la rectitude de la foi catholique. Il conviendra donc de poursuivre la discussion et la clarification de ces réserves.

A l’occasion de la Miséricorde, il y a eu un geste de conciliation par le pape Francis: les fidèles catholiques peuvent aussi recevoir le sacrement de la réconciliation par des prêtres appartenant à la Fraternité. Qu’est-ce que cette mesure? Il croit que ce geste peut effectivement rouvrir un dialogue qui, depuis quelque temps, semblait avoir bloqué?

Comme je l’ai dit plus haut, le dialogue avec la FSSPX n’a jamais échoué. Il a plutôt été décidé qu’il continuerait sous une forme moins officielle et formelle, pour donner l’espace et le temps de la maturation des relations dans une attitude de confiance et de compréhension mutuelle pour favoriser un climat des relations plus appropriés, où on trouverait également le temps de discussions théologiques et doctrinales. Le Saint-Père a encouragé la Commission pontificale Ecclesia Dei, dès le début de son pontificat à poursuivre ce style dans ses rapports avec la FSSPX et sa confrontation avec elle. Dans ce contexte, le geste apaisant et magnanime de François dans la circonstance de l’Année de la Miséricorde a sans aucun doute contribué à calmer encore l’état des relations avec la Fraternité, montrant que le Saint-Siège a le rapprochement et la réconciliation au cœur, qui devra encore avoir également un règlement canonique. J’espère et souhaite que le même sentiment et la même seront également partagés par la FSSPX.

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