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Entraide et Tradition

Mgr Pontier, archevêque de Marseille, exprime sa pensée politique dans une interview au Monde

publié dans regards sur le monde le 14 octobre 2016


 

Il faut bien se tenir au courant… Mais quelle utopie…Jadis on parlait de « collabos »….avec le nazisme ou le communisme. N’en serait-il pas de même aujourd’hui avec l’Islamisme…PA

 

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Président de la Conférence des évêques de France depuis 2013, Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, répond au Monde.Voici quelques extraits. Sur l’islam :

Pour l’Eglise, le vivre-ensemble est possible. Il faut le réussir en favorisant les rencontres et tout ce qu’on peut  » faire  » ensemble. Je crois beaucoup à l’action -commune. Quand on réalise des opérations de solidarité, des -opérations culturelles, on fait des  grands pas. C’est au ras du terrain qu’on va faire avancer les  choses. A Marseille, une quinzaine d’écoles catholiques comptent entre 80 % et 98 % d’élèves musulmans. Nous avons des œuvres de jeunesse, des patronages où cette mixité-là existe aussi. Ce sont des lieux de rencontres, de faire ensemble. Ils font avancer les idées. Ils luttent contre le communautarisme qui nous dresse les uns face aux autres.

Sur l’immigration massive :

Oui, on a du mal à se faire entendre. Cette réalité des réfugiés aussi est instrumentalisée. J’ai un peu honte pour notre pays quand je vois que la petite Jordanie accueille 1,5  million de réfugiés, le Liban autant, quand la Grèce et l’Italie font ce qu’elles peuvent depuis des années. J’ai un peu honte, et pour des chrétiens encore plus s’ils n’arrivent pas à saisir ce devoir d’humanité que nous avons aujourd’hui, et ce devoir de fraternité pour employer le mot de la République, qui est aussi un mot chrétien. Nous ne pouvons pas faire des incantations sur l’Europe, sur  » le pays des droits de l’homme « , et ne pas manifester le minimum d’accueil. Il y a une contradiction entre l’image que nous voulons donner de notre pays et la réalité. Ne décrivons pas chaque réfugié comme un terroriste potentiel ! Ce sont aussi des talents qui nous arrivent.

 

Sur le vote FN :

Il y a des Français qui sont tentés par ce vote, pas seulement des catholiques ! Ces Français, le premier devoir, c’est de les écouter : pourquoi sont-ils tentés ? C’est le reflet d’un mal-être profond, d’une déception par rapport aux partis au pouvoir depuis des décennies, par rapport aux injustices. La peur de l’étranger est aussi là. Et ce qui apparaît comme du  » bon sens  » : on a essayé les autres, on va maintenant essayer ceux-là et on verra bien. Que leur dire ? D’abord, on voit bien qu’au sein du Front national il y a eu une rupture, la conscience que pour accéder au pouvoir, il fallait changer son image. Regardons objectivement les courants au sein du FN qui ont mené à la rupture avec son fondateur. Ensuite, quel est le projet proposé ? On voit bien que c’est un projet qui nous referme, sur notre pays, sur les  » authentiques  » Français, qui nous referme par rapport à l’Europe, aux libertés individuelles. Il y a un gros risque à se laisser embarquer là-dedans. On a besoin d’hommes politiques qui portent le courant de l’ouverture, de la confiance. S’agissant des catholiques, je leur dirais : lisez plus souvent l’Evangile que les textes politiques. Vous y trouverez un souffle qui vous rend accueillant.

Sur la loi Taubira :

Cela fait partie des sujets qui tracassent un certain nombre de Français. Il est donc légitime que certains posent la question aux candidats. Après, comment le situer dans la hiérarchie des préoccupations ? Il faudrait que ceux qui militent dans ce sens ne militent pas que pour cela. S’ils font une fixation sur ce seul point, ils risquent d’obtenir le résultat inverse car ils donnent l’apparence d’une  » militance  » excessive.

 

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« 2017, année électorale : quelques éléments de réflexion »

Publié le 20 juin 2016

La déclaration est téléchargeable en bas de page en PDF

La France va vivre une année électorale importante avec l’élection présidentielle et les élections législatives. À la veille de ce qui doit être un authentique débat démocratique, nous souhaitons appeler nos concitoyens à tenir compte de certains enjeux qui nous paraissent engager notre avenir de façon déterminante. Nous le faisons à la lumière de nos convictions enracinées dans la tradition chrétienne et des textes publiés par le Pape François au cours des années écoulées.

1.     Démocratie et société de violence

La pratique démocratique établit des règles de débat qui permettent de confronter des convictions et de choisir pacifiquement entre différents projets de société. Quand la vie démocratique tombe dans le discrédit ou l’impuissance, les intérêts particuliers et les groupes de pression s’habituent à user de leurs moyens de contrainte pour forcer les responsables politiques à satisfaire leurs demandes. L’excès de lois trop circonstancielles émousse la force de la loi et le respect qui lui est dû. On s’efforce de dénier les procédures démocratiques pour obtenir par la contrainte, ou même la violence, ce que l’on n’a pas obtenu dans les urnes.

Si nous voulons progresser dans les pratiques démocratiques, nous devons promouvoir l’exercice du droit de vote en développant dans la société un véritable débat qui échappe aux postures, aux « petites phrases » et aux ambitions personnelles.

Le jeu médiatique, établi sur la mise en valeur excessive de la polémique et de la dénonciation, focalise l’attention générale sur des conflits de personnes ou des ambitions particulières en négligeant les convictions et les propositions argumentées. Il fait apparaître les projets et les candidats comme un jeu de rôles dans lesquels les enjeux ne sont présentés que comme des prétextes. Il ne favorise pas la confrontation pacifique, mais en développant la violence verbale, il contribue à développer une sorte d’hystérie de la vie publique.

Pour favoriser un véritable débat national, la campagne électorale à venir devra éviter les risques de crispations identitaires tout en faisant droit au fait national : nos racines, notre culture, notre patrie avec son histoire, ses responsabilités et ses atouts, la place et l’importance du fait religieux et des religions.

2.     Pour un projet de société

Le débat démocratique n’est pas une fin en soi. Il est au service de la confrontation entre des opinions et des projets. Il doit donc être une occasion d’expliciter quel projet de société nous voulons soutenir et promouvoir. Trop souvent les critères mis en avant se limitent à envisager et exprimer les données économiques, comme si l’économie était le seul facteur de construction de la qualité de la vie humaine, personnelle et collective.

L’être humain est plus qu’un élément du processus économique. Les progrès technologiques et économiques doivent être au service du bien de tous et non seulement du profit de quelques-uns. C’est donc vers une économie du partage que nous devons avancer, vers un partage plus équitable du travail et des fruits du travail.

La qualité humaine d’une société se juge aussi à la manière dont elle traite les plus faibles de ses membres : ceux qui sont laissés au bord du chemin de la prospérité, personnes âgées, malades, personnes handicapées… Nous ne pouvons être indifférents à aucune victime de notre société. Nous sommes responsables du respect de toute vie de son commencement à sa fin.

3.     Vers un pacte éducatif

Ces progrès de la pratique démocratique vers une vie sociale paisible et plus fraternelle passent, nous le savons tous, par une meilleure qualité de l’éducation des jeunes. Cette amélioration toujours nécessaire repose sur la qualité de la scolarisation qui est trop souvent soumise à des réformes auxquelles on ne donne pas le temps de porter leurs fruits et sur lesquelles on ne fait que trop rarement une véritable évaluation. Mais surtout elle passe par une confiance à rétablir entre les familles et l’école.

Pour le bien des enfants, c’est un véritable pacte éducatif qui doit unir les familles et l’école, non une concurrence, moins encore une méfiance. Toutes les dispositions législatives ou réglementaires qui affaiblissent la stabilité des familles et les moyens d’exercer leurs responsabilités ne peuvent jamais être compensées par une exigence incantatoire envers l’école. La marginalisation d’un nombre croissant de familles, les mesures qui brouillent la filiation, celles qui favorisent les divorces et l’éclatement des familles sont payées très cher par leurs premières victimes : les enfants. On ne peut pas espérer faire progresser la cohésion sociale en négligeant son tissu nourricier qui est la cohésion familiale. Les liens entre l’éclatement des familles, l’échec scolaire, la marginalisation des jeunes, parfois jusqu’à la délinquance, sont avérés, même si nous ne souhaitons pas le reconnaître. Les travaux du synode des évêques sur la famille, repris par le Pape François dans l’Exhortation ApostoliqueAmoris laetitia (La joie de l’amour), rappellent combien une famille unie est une ressource pour l’avenir et une espérance pour le bien de tous.

4.     Solidarité

Une société vivante ne peut pas être la simple addition d’intérêts ou d’accords particuliers. Elle repose nécessairement sur la recherche du bien commun et la mise en œuvre de moyens de solidarité efficace. C’est une des grandes responsabilités de l’État d’organiser cette solidarité, surtout dans les périodes de grandes difficultés économiques. Partager dans les périodes d’opulence peut paraître relativement indolore : il ne s’agit que de distribuer le superflu. Dans les périodes de restriction, il s’agit de partager en prenant sur le nécessaire.

Dans notre société, l’écart entre ceux qui peuvent compter sur la sécurité et ceux qui sont plongés dans la précarité ne cesse de s’accroître. De plus en plus de nos concitoyens ne peuvent plus bénéficier du droit au travail. Il est illusoire de penser que des indemnités financières peuvent compenser cette carence. La fragilité de l’emploi suscite des crispations de la part de ceux qui jouissent d’un emploi garanti et d’avantages sociaux assurés. La défense des droits acquis se substitue à la volonté de partager et d’intégrer de nouveaux bénéficiaires. Les plus jeunes sont les premières victimes d’un système inégalitaire. Pourtant beaucoup d’entre eux attendent d’être appelés pour prendre leur place dans notre société.

Alors que le dynamisme économique suppose des encouragements durables à l’initiative et à la prise de risque, l’État doit gérer positivement la tension entre un libéralisme sans contrôle et la sauvegarde des mécanismes de protection sociale (assurance maladie, retraite, chômage, etc.). Cet objectif doit nécessairement ressortir des projets soumis au vote des citoyens.

5.     Migrants

Dans une époque où les distances et les frontières s’effacent devant la mondialisation économique et culturelle, notre volonté de solidarité ne peut pas s’enfermer dans le cadre restreint de notre pays. Les événements dramatiques qui frappent les populations du Moyen-Orient ou d’Afrique jettent sur les routes et sur la mer des centaines de milliers de réfugiés, véritables naufragés humains. Quand la Jordanie et le Liban reçoivent des millions de réfugiés, comment notre pays pourrait-il reculer devant la perspective d’accueillir et d’intégrer quelques dizaines de milliers de ces victimes ?

Mais plus largement que l’accueil des réfugiés, nous devons nous interroger sur la manière dont nous traitons des migrants arrivés dans notre pays depuis plusieurs années. Est-il aujourd’hui tolérable que des milliers d’hommes de femmes et d’enfants vivent sur notre territoire dans des conditions trop souvent inhumaines ?

Une volonté d’intégration ne peut se réaliser sans accompagnement des ruptures culturelles. La seule recherche de solutions économiques est vouée à l’échec si rien n’est entrepris pour la promotion culturelle, promotion d’une culture enracinée, qui donne ou redonne le sens d’une vie collective nationale.

6.     Europe

Nous sommes bien conscients que la France, à elle seule, ne peut solutionner ces situations dramatiques. Nous ne pouvons contribuer à les soulager que dans le cadre de la solidarité européenne. D’une certaine façon, notre vieille Europe joue son avenir dans la manière dont elle réagit. Soit elle nourrit l’illusion de pouvoir barrer la route à toutes les misères pour protéger sa relative prospérité, soit elle s’engage courageusement dans des politiques d’accueil.

L’accueil serait aussi une illusion s’il ne s’accompagnait pas de véritables programmes de soutien dans les pays d’origine des migrations : soutien économique et soutien politique pour lutter contre la misère endémique et les procédés antidémocratiques de certains gouvernants. Cette lutte doit suivre les engagements internationaux pris pour l’aide au développement et peut conduire à des interventions dans différents pays, comme la France l’a fait au cours des années écoulées.

Mais le projet européen ne peut se poursuivre ni se développer sans une véritable adhésion des peuples d’Europe. Cette adhésion suppose de respecter davantage le fait historique et culturel des nations qui composent le continent. Une véritable pratique de la subsidiarité, telle qu’elle est inscrite dans ses textes fondateurs, serait une nouvelle chance pour l’Europe.

7.     Ecologie

Il y a à peine un an, la tenue en France de la Cop21, nous sensibilisait à notre responsabilité commune envers l’humanité. Le Pape François nous a rappelé gravement cette responsabilité dans l’encyclique Laudato si. L’enjeu écologique n’est pas simplement une vision naturaliste du monde, c’est une prise de conscience morale des risques de déséquilibre climatique et économique que court la planète. Responsables de la « maison commune », il nous faut mieux tenir compte des dégâts que provoque une société tout entière fondée sur l’augmentation de la consommation. Nous avons la charge d’un monde qui a ses limites et nous ne pouvons pas l’épuiser comme s’il était sans limites. La sagesse nous invite à revoir nos modèles de consommation et à inventer un monde moins destructeur et plus juste.

Devant les défis auxquels notre société est confrontée, le risque principal serait de renoncer à lutter pour l’avenir et de céder à la tentation du fatalisme. Trop de nos concitoyens en sont arrivés à croire que la situation est bloquée et que personne n’est capable de la débloquer. Les ressources de notre pays, ressources économiques, humaines, culturelles et spirituelles nous permettent de rejeter ce fatalisme. Elles engagent chacun et chacune à exercer son discernement et sa responsabilité pour le bien de tous.

Pour celles et ceux qui ont foi en Dieu et qui vivent dans la communion au Christ, les difficultés que nous rencontrons ne sont pas un appel au renoncement. Au contraire, elles nous acculent à investir toutes nos capacités pour construire une société plus juste et plus respectueuse de chacun. Cela s’appelle l’espérance.

Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France

Mgr Georges PONTIER, Archevêque de Marseille, président de la CEF
Mgr Pierre-Marie CARRÉ, Archevêque de Montpellier, vice-président de la CEF
Mgr Pascal DELANNOY, Évêque de Saint-Denis, vice-président de la CEF
Cardinal André VINGT-TROIS, Archevêque de Paris
Mgr Jean-Claude BOULANGER, Évêque de Bayeux et Lisieux
Mgr François FONLUPT, Évêque de Rodez
Mgr Hubert HERBRETEAU, Évêque d’Agen
Mgr Jean-Paul JAMES, Évêque de Nantes
Mgr Stanislas LALANNE, Évêque de Pontoise
Mgr Benoit RIVIÈRE, Évêque d’Autun, Chalon et Mâcon

 

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Ce n’est plus un Ralliement mais une soumission

 

Au sujet du dernier texte « politique » de la CEF, Riposte-Catholique pouvait écrire: Ce n’est plus u n Ralliement mais une soumission

Et l’éditorialiste du Monde l’a bien compris :

Des évêques qui défendent le  » contrat social «  en se référant à Jean-Jacques Rousseau et qui brandissent les valeurs républicaines de  » liberté, égalité, fraternité « , plus d’un siècle après le  » Ralliement  » de l’Eglise catholique à la République, c’est un message aussi fort qu’inédit à l’aube d’une élection présidentielle. L’adresse du conseil permanent de la Conférence des évêques de France (CEF)  » aux habitants de notre pays « , rendue publique, ce jeudi 13  octobre, est à la fois un cri d’alarme et un appel. L’inquiétude porte sur l’état d’une société fracturée par l’exclusion et la précarité et malade de ses peurs et de ses divisions. L’invitation aux responsables de droite comme de gauche est de  » retrouver le sens du politique «  » “La politique” a pris le dessus sur le politique « , se désole Georges Pontier, dans un entretien au Monde » On fait des lois et des lois, constate l’archevêque de Marseille, président de la CEF, mais on ne crée pas une capacité de vivre ensemble. « 

Deux mois et demi après l’assassinat du Père Hamel dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, les évêques de France livrent un message d’ouverture et de fraternité. Se situant  » au ras du terrain « , Mgr Pontier juge  » indigne d’instrumentaliser «  les attentats pour  » durcir les relations entre les Français musulmans et le reste de la population « . Il s’adresse implicitement aux catholiques, quand il souligne le risque de rejet de la communauté musulmane tout entière. Alors que les candidats à la primaire de la droite devaient tenir, jeudi, leur premier débat, le président de la CEF voit dans la résurgence de la question du port du voile  » un mauvais choix politique «  » Interdire les signes religieux, avertit-il, c’est encourager les courants fondamentalistes, les courants les plus durs. « 

Le texte des évêques n’est pas une homélie à l’eau tiède. Quitte à prendre le risque de choquer une partie des catholiques qui lui reprocheront de brader un peu vite  » l’identité chrétienne  » de la France, il ne fuit aucun sujet de polémique. Reconnaissant que la société est devenue  » pluriculturelle « , il affirme ainsi qu’ » il ne faudrait pas que les recherches et affirmations d’identité débouchent sur des enfermements identitaires. Plus que d’armure, c’est de charpente que nos contemporains ont besoin « . Dans nos colonnes, l’archevêque de Marseille s’interroge sur les causes de l’attraction que peut exercer le Front national sur les catholiques et souligne que le projet de l’extrême droite  » nous referme, sur notre pays, sur les authentiques Français, (…) nous referme par rapport à l’Europe, aux libertés individuelles « .

Le président de la CEF met ses pas dans ceux du pape François sur la question des migrants.  » J’ai un peu honte pour notre pays, assène-t-il, quand je vois que la petite Jordanie accueille 1,5  million de réfugiés, le Liban autant, quand la Grèce et l’Italie font tout ce qu’elles peuvent depuis des années. J’ai un peu honte, et pour des chrétiens encore plus, s’ils n’arrivent pas à saisir ce devoir d’humanité que nous avons aujourd’hui. «  Plutôt que de voir dans les réfugiés des  » terroristes potentiels « , il faut les aider à  » aimer ce pays  » qui les accueille. L’adresse des évêques est une admonestation lucide et courageuse aux politiques invités à imaginer un  » nouveau contrat social «  qui prenne en compte la diversité de la société. Il sonne juste.

 

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