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« Un regard sur le monde politique et religieux » n°224

« Un regard sur le monde politique et religieux » n°224

publié dans regards sur le monde le 10 juillet 2009


Un regard sur le monde politique et religieux
10 juillet 2009 – N° 224

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

« Caritas in veritatem »

L´amour dans la vérité
La nouvelle encyclique de Benoît XVI

Lors de l’audience générale à Rome du mercredi 8 juillet 2009, le pape Benoît XVI a présenté lui-même aux fidèles sa récente Encyclique « Caritas in veritatem » sur « le progrès humain », ou plus exactement sur « le développement véritable de chaque personne et de l’humanité tout entière ».

Nous ne saurions en faire un meilleur commentaire. Nous attirons votre attention à la fin du texte du pape sur son appel à la création « d’une autorité politique mondiale ».

Ce sera le sujet qui risque d’être retenu par les « medias ».

Chers frères et sœurs !

Ma nouvelle encyclique Caritas in veritate, qui a été présentée officiellement hier, s’inspire, dans sa vision fondamentale, d’un passage de la lettre de saint Paul aux Ephésiens, où l’apôtre parle de l’agir selon la vérité dans l’amour : « Au contraire – nous venons de l’entendre – , en vivant dans la vérité de l’amour, nous grandirons dans le Christ pour nous élever en tout jusqu’à lui, car il est la Tête » (4, 15). L’amour dans la vérité est donc la principale force dynamique pour le développement véritable de chaque personne et de l’humanité tout entière. C’est pourquoi, toute la doctrine sociale de l’Eglise tourne autour du principe « caritas in veritate ». Ce n’est qu’avec l’amour, illuminé par la raison et par la foi, qu’il est possible d’atteindre des objectifs de développement dotés de valeur humaine et humanisante. L’amour dans la vérité « est un principe sur lequel se fonde la doctrine sociale de l’Eglise, un principe qui prend une forme opératoire par des critères d’orientation de l’action morale » (n.6). L’encyclique rappelle dès l’introduction deux critères fondamentaux : la justice et le bien commun. La justice est une partie intégrante de cet amour « par des actes et en vérité » (1 Jn 3, 18), auquel l’apôtre Jean exhorte (cf. n. 6). Et « aimer quelqu’un c’est vouloir son bien et mettre tout en œuvre pour cela. A côté du bien individuel, il y a un bien lié à la vie en société… On aime d’autant plus efficacement le prochain que l’on travaille davantage en faveur » du bien commun. Il existe donc deux critères d’action, la justice et le bien commun ; grâce à ce dernier la charité acquiert une dimension sociale. Tout chrétien – dit l’encyclique – est appelé à vivre cette charité, et elle ajoute : « C’est là la voie institutionnelle… de la charité » (cf. n. 7).

Comme d’autres documents du Magistère, cette encyclique poursuit et approfondit aussi l’analyse et la réflexion de l’Eglise sur des thématiques sociales d’intérêt vital pour l’humanité de notre siècle. Elle se rattache de manière particulière à ce qu’écrivit Paul VI, il y a plus de quarante ans, dans Populorum progressio, pierre milliaire de l’enseignement social de l’Eglise, dans laquelle le grand pape trace quelques lignes décisives, et toujours actuelles, pour le développement intégral de l’homme et du monde moderne. La situation mondiale, comme le révèle amplement l’actualité des derniers mois, continue à présenter des problèmes importants et le « scandale » d’inégalités éclatantes, qui demeurent malgré les engagements pris dans le passé. D’une part, on enregistre des signes de graves déséquilibres sociaux et économiques ; de l’autre, on invoque de plusieurs côtés des réformes qui ne peuvent plus être renvoyées pour combler l’écart dans le développement des peuples. Le phénomène de la mondialisation peut, dans ce but, constituer une réelle opportunité, mais pour cela il est important de mettre la main à un profond renouveau moral et culturel et à un discernement responsable à propos des choix à faire pour le bien commun. Un avenir meilleur pour tous est possible, si on le fonde sur la redécouverte des valeurs éthiques fondamentales. Un nouveau programme économique qui redessine le développement de manière mondiale, en se basant sur le fondement éthique de la responsabilité devant Dieu et l’être humain comme créature de Dieu, est donc nécessaire.

L’encyclique ne cherche certes pas à offrir des solutions techniques aux vastes problématiques sociales du monde actuel – cela n’est pas du ressort du Magistère de l’Eglise (cf. n. 9). Elle rappelle cependant les grands principes qui se révèlent indispensables pour construire le développement humain des prochaines années. Parmi ceux-ci, en premier lieu, se trouve l’attention à la vie de l’homme, considérée comme le centre de tout véritable progrès ; le respect du droit à la liberté religieuse, toujours étroitement lié au développement de l’homme ; le rejet d’une vision prométhéenne de l’être humain, qui le considère comme l’artisan absolu de son propre destin. Une confiance illimitée dans les potentialités de la technologie se révélerait à la fin illusoire. Nous avons besoin d’hommes droits, sincèrement attentifs au bien commun, aussi bien dans la politique que dans l’économie. En particulier, si l’on considère les urgences mondiales, il est urgent de rappeler l’attention de l’opinion publique sur le drame de la faim et de la sécurité alimentaire, qui touche une partie considérable de l’humanité. Un drame de telles proportions interpelle notre conscience : il faut l’affronter avec décision, en éliminant les causes structurelles qui le provoquent et en promouvant le développement agricole des pays les plus pauvres. Je suis certain que cette voie solidaire du développement des pays les plus pauvres aidera certainement à élaborer un projet de résolution de la crise mondiale en cours. Le rôle et le pouvoir politique des Etats doit sans aucun doute être attentivement réévalué, à une époque où existent de fait des limitations à leur souveraineté à cause du nouveau contexte économique, commercial et financier international. Et d’autre part, la participation responsable des citoyens à la politique nationale et internationale ne doit pas manquer, également grâce à un engagement renouvelé des associations des travailleurs appelés à instaurer de nouvelles synergies au niveau local et international. Dans ce domaine, un rôle de premier plan est également joué par les moyens de communication sociale pour le renforcement du dialogue entre les cultures et les différentes traditions.

Si l’on veut donc programmer un développement libéré des dysfonctionnements et des déformations largement présentes aujourd’hui, une sérieuse réflexion s’impose de la part de tous sur le sens même de l’économie ainsi que sur ses finalités. C’est ce qu’exige l’état de santé écologique de la planète ; c’est ce que demande la crise culturelle et morale de l’homme, qui ressort avec évidence dans toutes les parties de la planète. L’économie a besoin de l’éthique pour fonctionner correctement ; elle a besoin de retrouver la contribution importante du principe de gratuité et de la « logique du don » dans l’économie de marché, où la règle ne peut être le seul profit. Mais cela n’est possible que grâce à l’engagement de tous, économistes et responsables politiques, producteurs et consommateurs, et présuppose une formation des consciences qui donne force aux critères moraux dans l’élaboration des projets politiques et économiques. On rappelle à juste titre de plusieurs côtés le fait que les droits présupposent des devoirs correspondants, sans lesquels les droits risquent de devenir arbitraires. On répète de plus en plus que l’humanité tout entière doit adopter un mode de vie différent, dans lequel les devoirs de chacun envers l’environnement sont liés à ceux envers la personne considérée en soi et en relation avec les autres. L’humanité est une seule famille et le dialogue fécond entre foi et raison ne peut que l’enrichir, en rendant plus efficace l’œuvre de la charité dans le domaine social, et constituant le cadre approprié pour encourager la collaboration entre croyants et non-croyants, dans la perspective commune d’œuvrer pour la justice et la paix dans le monde. Comme critère d’orientation en vue de cette interaction fraternelle, j’indique dans l’encyclique les principes de subsidiarité et de solidarité, étroitement liés entre eux. Enfin, j’ai signalé, face aux problématiques si vastes et profondes du monde d’aujourd’hui, la nécessité d’une autorité politique mondiale régie par le droit, qui respecte les principes mentionnés de subsidiarité et de solidarité et qui soit fermement orientée vers la réalisation du bien commun, dans le respect des grandes traditions morales et religieuses de l’humanité.

L’Evangile nous rappelle que l’homme ne vit pas seulement de pain : les biens matériels seuls ne suffisent pas à satisfaire la soif profonde de son cœur. L’horizon de l’homme est indubitablement plus élevé et plus vaste ; c’est pourquoi chaque programme de développement doit avoir présente, à côté de la croissance matérielle, la croissance spirituelle de la personne humaine, qui est précisément dotée d’une âme et d’un corps. Tel est le développement intégral, auquel fait constamment référence la doctrine sociale de l’Eglise, un développement qui trouve son critère d’orientation dans la force de propulsion de l’« amour dans la vérité ». Chers frères et sœurs, prions afin que cette Encyclique puisse aider l’humanité à se sentir une unique famille engagée à réaliser un monde de justice et de paix. Prions afin que les croyants, qui travaillent dans le domaine de l’économie et de la politique, comprennent combien leur témoignage évangélique cohérent est important pour le service qu’ils rendent à la société. En particulier, je vous invite à prier pour les chefs d’Etat et de gouvernement du G8 qui se rencontrent ces jours-ci à L’Aquila. Que de cet important sommet mondial puissent jaillir des décisions et des orientations utiles au véritable progrès de tous les peuples, en particulier des plus pauvres. Nous confions cette intention à l’intercession maternelle de Marie, Mère de l’Eglise et de l’humanité.

Une « Autorité politique mondiale » ? Que veut dire exactement le Pape ?

C’est au § 67 de l’encyclique que le pape parle de « l’autorité politique mondiale », Le « Salon beige » dans sa parution du 8 juillet 2009 fait justement remarquer que « l’autorité politique mondiale » réclamée par le Pape n’est pas la même chose que la création d’un « super gouvernement mondial : « Benoît XVI ne réclame pas un gouvernement mondial, ni la fin de l’autorité des nations… Il y écrit notamment, après avoir réclamé une réforme de l’ONU : « il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale […]. Une telle Autorité devra être réglée par le droit, se conformer de manière cohérente aux principes de subsidiarité et de solidarité, être ordonnée à la réalisation du bien commun, s’engager pour la promotion d’un authentique développement humain intégral qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité. Cette Autorité devra en outre être reconnue par tous, jouir d’un pouvoir effectif pour assurer à chacun la sécurité, le respect de la justice et des droits. Elle devra évidemment posséder la faculté de faire respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux. En l’absence de ces conditions, le droit international, malgré les grands progrès accomplis dans divers domaines, risquerait en fait d’être conditionné par les équilibres de pouvoir entre les plus puissants. Le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation et que soit finalement mis en place un ordre social conforme à l’ordre moral et au lien entre les sphères morale et sociale, entre le politique et la sphère économique et civile que prévoyait déjà le Statut des Nations Unies. »

C’est une critique à peine voilée -au moment où s’ouvre le G8- de la confiscation et l’utilisation des organes internationaux par quelques uns.

Voici ce qu’en écrivait le pape Jean XXIII dans Pacem in Terris (§145), cité en note de la nouvelle encyclique :

« Nous désirons donc vivement que l’organisation des Nations Unies puisse de plus en plus adapter ses structures et ses moyens d’action à l’étendue et à la haute valeur de sa mission. Puisse-t-il arriver bientôt, le moment où cette Organisation garantira efficacement les droits qui dérivent directement de notre dignité naturelle, et qui, pour cette raison, sont universels, inviolables et inaliénables. »

A l’heure actuelle, on sait que différents organes de l’ONU tentent de garantir plutôt le crime de l’enfant à naître ou le délitement de la famille…

Contrairement à ce que semblent penser les médias, l’idée d’une Autorité mondiale n’est pas nouvelle, elle existe déjà dans le Compendium de la DSE [§ 441 à 443], également cité en note de l’encyclique de Benoît XVI, ce qui permet d’expliciter ce qu’entend le Pape : « Il est essentiel que cette autorité soit le fruit d’un accord et non d’une imposition, et qu’elle ne soit pas comprise comme « un super-État mondial ». […] Il n’appartient pas à l’autorité de la communauté mondiale de limiter l’action que les États exercent dans leur sphère propre, ni de se substituer à eux. Elle doit au contraire tâcher de susciter dans tous les pays du monde des conditions qui facilitent non seulement aux gouvernements mais aussi aux individus et aux corps intermédiaires l’accomplissement de leurs fonctions, l’observation de leurs devoirs et l’usage de leurs droits dans des conditions de plus grande sécurité ».

Enfin, le texte fait également référence à l’encyclique de Jean-Paul II Sollicitudo rei socialis (§42) où l’on peut notamment lire (mais le reste du § est également à lire) :

« Les Organisations internationales, selon de nombreux avis, semblent se trouver à un moment de leur histoire où les mécanismes de fonctionnement, les frais administratifs et l’efficacité demandent un réexamen attentif et d’éventuelles corrections. Evidemment un processus aussi délicat ne peut être mené à bien sans la collaboration de tous. Il suppose que l’on dépasse les rivalités politiques et que l’on renonce à la volonté de se servir de ces Organisations à des fins particulières, alors qu’elles ont pour unique raison d’être le bien commun. Les Institutions et les Organisations existantes ont bien travaillé à l’avantage des peuples. Toutefois, affrontant une période nouvelle et plus difficile de son développement authentique, l’humanité a besoin aujourd’hui d’un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale, au service des sociétés, des économies et des cultures du monde entier. »

Nous reviendrons dans les prochains numéros d’Item sur les divers enseignements de l’Encyclique de Benoît XVI.

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