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Entraide et Tradition

Au sujet de la messe tridentine

publié dans regards sur le monde le 12 octobre 2017


Des sondages qui brûlent

SOURCE – Paix Liturgique – lettre n°615 – 10 octobre 2017


Depuis plusieurs années, Paix Liturgique a entrepris de faire réaliser par des organismes professionnels et indépendants des sondages afin de mieux apprécier l’intérêt des fidèles catholiques pour la liturgie traditionnelle de l’Église appelée depuis le motu proprio Summorum Pontificum : « forme extraordinaire du rite romain ».

Ces sondages ont concerné aussi bien onze diocèses de France en particulier que des pays entiers – d’Europe et même d’Amérique du Sud puisque nous venons de publier, dans notre lettre 612 du 20 septembre 2017, les résultats du sondage réalisé au Brésil par Conecta. En plus d’être consultables en ligne sur notre site (voir ici), ils sont désormais édités sous forme de brochure : en plus du français, en anglais, en portugais, en espagnol et en italien. Prochainement, ils le seront également en allemand et en polonais. Ce travail d’édition nous permet d’envoyer ces documents aux évêques comme aux bibliothèques ecclésiastiques des pays et zones linguistiques concernés. C’est un travail fondamental pour l’histoire car, ainsi, tout est sur la table ! Nul ne pourra dire, demain : « Nous ne savions pas. »
Cette démarche n’est pas toujours bien comprise et il arrive que certains se posent la question de savoir à quoi servent tous ces sondages. Nous allons tenter de répondre à cette question et expliciter ainsi davantage notre démarche. En dehors même de l’intérêt prodigieux qu’auront demain, pour les historiens, ces photographies de l’opinion catholique, en France, en Europe et dans le monde, un demi siècle après la réforme liturgique de Paul VI, ils ont dès aujourd’hui un intérêt immédiat pour mieux appréhender les réelles aspirations d’une partie importante du peuple catholique que l’on peut appeler le peuple Summorum Pontificum.
I – Les fidèles silencieux des paroisses : une confirmation de nos intuitions
D’expérience, nous savions que de nombreux fidèles avaient, lors de l’entrée en vigueur du Novus Ordo, choisi de ne pas quitter leur paroisse alors même qu’ils étaient sensibles à la liturgie traditionnelle. N’ayant ni une vocation de nomades ni le goût de la marginalité, ils ont choisi de rester dans leur paroisse plutôt que d’aller dans un autre lieu de culte – lointain ou non, là n’est pas la question – offrant cette liturgie.
Notre présence chaque dimanche dans les paroisses du diocèse de Nanterre au début des années 2000, pendant plus de deux ans, nous avait déjà appris, grâce à nos discussions avec les paroissiens ordinaires, que l’on trouvait dans toutes les paroisses des fidèles assistant ordinairement à la liturgie réformée prêts à assister à la liturgie ancienne pour peu que celle-ci soit célébrée dans leur propre paroisse.
Nos intuitions, confirmées par notre expérience, nous donnaient une tendance : le recours à l’outil scientifique des sondages devait permettre de la vérifier et, surtout, de la quantifier. Et, d’un sondage à l’autre, les résultats chiffrés ont non seulement dépassé ce que nous pouvions imaginer mais, surtout, révélé l’universalité de cette tendance. Au moins un catholique sur cinq, d’Angleterre au Brésil, pratiquant ou non, assisterait volontiers à la célébration de la forme extraordinaire dans sa paroisse. Et jusqu’à 2 pratiquants sur 3 y assisteraient au moins une fois par mois !
Pourtant, une lourde chape de plomb médiatique et ecclésiastique, en France du moins, pèse sur ces résultats. Évidemment, dans une époque marquée par le déni et la peur du réel, la réaction des institutions ne nous surprend guère. Encore que la presse comme l’Église raffolent d’habitude des sondages ! Sauf quand ils vont contre la doxa officielle, donc ? Guère plus surprenante est l’attitude des curés qui prétendent que, dans leur paroisse, cette question n’intéresse personne sous prétexte qu’ils connaissent tous leurs fidèles. S’ils étaient de bonne foi, ils devraient reconnaître que l’absence de demande exprimée ne signifie pas l’absence d’intérêt. En ce sens, seule une démarche professionnelle, confidentielle et anonyme comme un sondage permet aux fidèles de dire réellement ce qu’ils pensent sans peur d’être stigmatisé ou ostracisé.
II – Une idée vraie du nombre des fidèles qui veulent la Messe Traditionnelle
« Vous n’existez pas » ; « La liturgie traditionnelle de l’Église n’intéresse personne » ; « Vous voulez la messe en latin ? Alors allez chez Mgr Lefebvre ! »… ont longtemps répété curés et évêques aux fidèles qui osaient exprimer tout haut leur attachement à la liturgie antique.
Ce négationisme des clercs quant à l’existence d’une demande des fidèles de base en faveur de la liturgie traditionnelle de l’Église a joué un rôle important dans notre décision de faire réaliser des sondages et de donner de la matière là où le leitmotiv était précisément d’affirmer de manière incantatoire qu’il n’y en avait pas. Puisque la demande était ignorée, puisque le dialogue était impossible, il nous fallait briser l’omerta et demander à un tiers de recueillir, directement et de façon scientifique, l’opinion des fidèles.
Un grand mérite de ces sondages est donc de rétablir la vérité et de démontrer que les fidèles catholiques désireux de la liturgie traditionnelle de l’Église ne se limitent pas à ceux qui fréquentent déjà un lieu de culte où se célèbre la forme extraordinaire du rite romain. Bref, que la liturgie traditionnelle ne concerne pas que les seuls fidèles étiquetés comme « traditionalistes ».
Depuis notre sondage français de 2001 jusqu’à nos sondages de cet été 2017 en Pologne et au Brésil, dans le temps et dans l’espace, d’un institut de sondage à l’autre, se dégage une constante : une proportion considérable du peuple catholique (au moins 1/5 et jusqu’à 2/5) se déclare prête à assister régulièrement à la forme extraordinaire du rite romain pour peu que celle-ci vienne célébrée dans sa paroisse et non dans un lieu de messe qui lui serait exclusivement consacré. Ensuite, et c’est le résultat à la fois le plus significatif et le plus étonnant de ces sondages, il convient de considérer l’usage que les seuls catholiques pratiquants feraient de cette liberté de choix si celle-ci leur était concrètement offerte. Le tableau ci-dessous rassemble les résultats de tous nos sondages internationaux, depuis 2007, à la question sur l’intention des catholiques pratiquants d’assister à la forme extraordinaire dans leur paroisse. Les chiffres parlent d’eux-mêmes…
Nota bene : Quand on parle de pratiquants, on parle à 95% minimum de pratiquants de la forme ordinaire (en France car dans les autres pays de nos sondages, on est plutôt à 99%).
En France, le résultat de notre sondage national de 2008 (institut CSA) était de 34% des pratiquants prêts à assister au moins une fois par mois à la forme extraordinaire dans leur paroisse (« ou dans une église proche de chez vous » précisait la question). Au niveau diocésain, sur 10 sondages conduits par le cabinet JLM Études et un par Harris Interactive (Paris) entre 2009 et 2012, ce résultat va de 32% à Paris à 73% dans le diocèse de Nice !
III – Une aide pour les prêtres de bonne volonté
Pour tous les prêtres qui ont compris que le motu proprio de Benoît XVI n’était pas un texte destiné d’abord aux « traditionalistes » (soit aux fidèles qui n’avaient pas attendu ce texte pour vivre quoi qu’il en coûte au rythme de la liturgie traditionnelle) mais bien un texte destiné à rendre à l’Église universelle le trésor de la liturgie traditionnelle, nos sondages sont un encouragement à tenter dans leur paroisse l’expérience paisible du motu proprio.
Les clercs de bonne volonté doivent être assurés que, s’ils proposent de mettre en place une célébration de la forme extraordinaire dans leur paroisse aux côtés de celle de la forme ordinaire dans des conditions normales, cette expérience sera une réussite.
Au-delà de la logique de la demande – prévue par le motu proprio mais qui nourrit parfois l’accusation de diviser les paroisses ou les diocèses –, les résultats de nos sondages prouvent qu’une politique ciblée mais généreuse d’offre de la célébration de la forme extraordinaire dans le cadre « normal » de la paroisse est possible. Ajoutons que, sur le plan canonique, Monseigneur Markus Graulich, Sous-Secrétaire du Conseil pontifical des textes législatifs, a expressément traité de cette question dans la conférence qu’il a donnée le 14 septembre 2017 au colloque pour les 10 ans de Summorum Pontificum. Et qu’il a conclu en confirmant la possibilité d’une initiative personnelle du curé sans demande préalable d’un groupe stable. Les résultats de nos sondages constituent donc un bon élément de réponse pour les curés désireux d’offrir toute la richesse liturgique de l’Église à leurs paroissiens mais doivent faire avec l’opposition de certains des membres de leurs conseils paroissiaux, soucieux de conserver leurs privilèges et de devoir partager « leur » paroisse avec des fidèles d’une sensibilité différente.
IV – Un soutien pour les fidèles 
Enfin, et surtout, nos sondages sont réalisés pour soutenir les fidèles demandeurs.
Quelles que soient les circonstances de leurs demandes, le nombre de personnes s’étant manifestées à leurs côtés, le mauvais accueil qui leur est fait, ces fidèles doivent être absolument persuadés qu’ils ne sont pas seuls. Se retrouver seul à oser demander la célébration de la forme extraordinaire est tout à fait normal compte tenu de l’attitude méprisante de nombreux clercs qui n’ont eu de cesse de contourner les législations successives (de l’indult de 1984 au motu proprio de 2007) en vue de freiner au maximum la diffusion de la liturgie traditionnelle. Toutefois l’apparente solitude dans la demande ne signifie nullement que cela n’intéresse personne.
À chaque nouvelle mise en place d’une célébration selon la forme extraordinaire, on se rend rapidement compte que l’immense majorité des participants n’a jamais manifesté publiquement, ni au curé ni aux autres paroissiens, son désir d’une telle célébration.D’une certaine façon, c’est l’occasion qui fait le (bon) larron. Encore une fois, et cela correspond bien à l’ADN des fidèles catholiques, la plupart d’entre eux se refusent d’être ferments de polémique intra-ecclésiale mais entendent bien vivre pleinement leur foi catholique, en accord avec toute l’Église. Heri, hodie et cras.
POST-SCRIPTUM
Certes, on peut lire aujourd’hui quelques articles comme celui de Marie Malzac dans La Croix du 7 juillet 2017 (« En dix ans, la messe en latin a trouvé sa place »), qui enregistrent les progrès accomplis depuis le motu proprio de 2007 et attestent d’un climat plus apaisé. On peut aussi voir, çà et là, des commentaires sur la part conséquente que représentent depuis 10 ans les vocations sacerdotales extraordinaires sur l’ensemble des vocations sacerdotales françaises (de 15 à 20%). Mais la tendance lourde que nos enquêtes documentent reste ignorée.
Le silence des évêques et des médias religieux français sur ces sondages nous paraît bien assourdissant. Impossibles à critiquer puisque scientifiques, professionnels et indépendants, nos sondages sont tout simplement ignorés. Pourtant, journalistes et prélats raffolent des enquêtes d’opinion qu’ils commanditent et commentent volontiers. Avant 2007, nous aurions volontiers vu dans cette chape de plomb qui entoure, en France, les résultats, concordants dans le temps et dans l’espace de nos sondages, un signe de l’hostilité latente de la hiérarchie catholique. Aujourd’hui, elle nous semble seulement, mais c’est encore trop,l’expression du grand malaise d’une Église de France incapable de regarder en face la réalité de la crise qui la touche et de déceler, au milieu de l’ivraie, les bons épis qui donnent du fruit.

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