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Entraide et Tradition

La situation financière des paroisses en France

publié dans nouvelles de chrétienté le 30 octobre 2017


 

Vers la fin des paroisses : Pamiers, un cas d’école

 (Source: Risposte-Catholique)

Nous voulons parler ici d’une évolution financière méconnue. Les évêques, depuis Vatican II, sont enclins à étouffer l’institution paroissiale. Or, si la paroisse et la charge de curé qui y est attachée ne sont pas, à la différence de la charge des successeurs des Apôtres, d’institution divine, leur importance dans la tradition de l’Église est considérable depuis, à Rome, les tituli de l’Antiquité tardive et, en France, les paroisses mérovingiennes, comme l’a bien montré la thèse de Mgr Thierry Blot, Le curé, pasteur, des origines à la fin du XXe siècle, étude historique et juridique (Téqui, 2005). Un biais très intéressant pour étudier cette mutation institutionnelle en cours, qui n’est en fait qu’une adaptation à l’univers démocratique, est l’évolution actuelle du fonctionnement financier de l’Église de France.

Très concrètement, aujourd’hui, un certain nombre de diocèses, qui sont au bord de la cessation de paiement, croient disposer d’un dernier recours dans le rançonnement de leurs paroisses, en même temps que dans la transformation des diocèses en une structure juridico-financière globale, de type entreprise à succursales.

LA PAROISSE ÉTOUFFÉE

Communauté stable de fidèles, généralement circonscrite dans un territoire, la paroisse est de soi l’unité de base de la fonction missionnaire et sanctifiante de l’Église. Canoniquement, elle jouit de la personnalité juridique, et possède les biens nécessaires à sa mission. Son « pasteur propre » est le curé, responsable de son troupeau dont il a la cura animarum. Jusqu’en 1987, il était dans la plupart des cas « inamovible » (l’évêque ne pouvait lui donner une autre charge qu’avec son consentement), étant pour ainsi dire « marié » à sa paroisse.

Pour mener à bien sa charge, sa paroisse bénéficiait financièrement du denier du culte, du casuel (honoraires donnés à l’occasion des sacrements), des dons et des legs, des revenus de ses immeubles. À charge pour elle de donner un traitement au curé, à ses vicaires, aux divers employés de la paroisse, sacristain, organiste, gouvernante, de couvrir les frais d’entretien divers. Ce qui permettait au curé d’organiser les œuvres paroissiales, de construire, si la paroisse était bien pourvue, des immeubles pour les besoins pastoraux divers, d’entretenir des écoles, etc. Les diocèses, pour leur part, bénéficiaient de dons et legs, de quêtes spécifiques, de revenus immobiliers, le tout permettant de pouvoir au traitement de l’évêque, des prêtres de l’administration diocésaine, au fonctionnement de la curie, et de soutenir de nombreuses œuvres, au premier rang desquelles le grand et le petit séminaire.

Mais en suite de Vatican II, concile comme on sait très “épiscopalien”, même si, en théorie, l’esprit de la loi d’Église, conforme au droit naturel, donne donc toujours la faveur à la subsidiarité sous tous ses aspects, le statut de la paroisse et de son curé a été progressivement rogné. Depuis le Code de 1983 le curé n’est plus inamovible, mais nommé « pour un temps indéterminé », sauf – exception qui est en fait la règle universelle – si la Conférence des évêques permet des nominations pour un temps fixé. En France les curés sont généralement nommés pour une durée de six ans renouvelables (et même, dans certains cas, contrairement au droit, des évêques ont multiplié les administrateurs, sans titre de curés, plus facilement révocables). Ils sont de ce fait, dans une époque lourdement idéologique, très dépendants de leur évêque. Si du moins celui-ci est dans la ligne générale imprimée par les structures de la Conférence des évêques, car dans le cas où l’évêque a des tendances traditionnelles, les curés se réapproprient miraculeusement leur stature ancienne…

On peut d’ailleurs remarquer que le gauchissement de l’application du motu proprio Summorum Pontificum est dû à cette tendance d’annihilation de la responsabilité curiale : alors qu’il prévoyait, de manière très traditionnelle, qu’il revenait au curé d’accepter la demande de messe tridentine d’un groupe stable, presque partout cette demande a, de fait, été traitée par les évêques.

Il faut ajouter que tout cela correspond aussi à la pression de la loi républicaine, qui ne connaît pas, depuis la Séparation, la personnalité juridique des paroisses, mais seulement celle des « associations diocésaines » acceptées par Rome depuis les accords de 1924, et qui gèrent tous les biens du diocèse et des paroisses.

Qui plus est, les ressources diocésaines n’ont cessé de s’amenuiser depuis les années soixante-dix. Des dépenses somptuaires, à cette époque-là, ont été faites pour construire des évêchés modernes, aménager à grand frais, dans les séminaires ou des couvents qui se vidaient, des maisons diocésaines, des foyers polyvalents, des salles synodales. Or, dans le même temps, les dons et legs diminuaient considérablement (ils vont désormais vers des œuvres et instituts qui correspondent à la sensibilité des donataires, par exemple les instituts traditionalistes), alors que les charges s’envolaient : religieuses remplacées par des salariés, dépenses d’entretien toujours plus lourdes. Le denier du culte, rebaptisé denier de l’Église, désormais capté en partie par les diocèses, de même que quêtes et casuel permettant, par la mise en place d’un mécanisme de péréquation, l’égalisation satisfaisante du traitement de tous les prêtres du diocèse.

Mais malgré des ventes régulières d’immeubles, la situation de nombreux diocèses de France est catastrophique. La baisse régulière du denier de l’Église, des quêtes et du casuel, conséquence de celle des pratiquants, fait que l’avenir des diocèses de France est, sous ce rapport également, des plus noirs. Du coup, la tendance épiscopale à réduire le périmètre d’indépendance des paroisses s’accentue aujourd’hui encore considérablement.

LE CAS D’ÉCOLE DU DIOCÈSE DE PAMIERS

Diocèse rural dont les églises se désertifient, Pamiers compte moins de vingt curés en charge de plus de 300 paroisses. L’évêque, Mgr Jean-Marc Eychenne, qui fut membre de la Communauté Saint-Martin, porte au maximum une tendance qui va se généralisant : faire du diocèse une entité unique parfaitement centralisée du point de vue pastoral, et, du point de vue économique, une entreprise dont l’évêque est le gérant et les curés, les salariés.

Ses inquiétudes compréhensibles, sa formation de religieux, son goût personnel pour les règlements détaillés au maximum, lui ont fait porter, le 29 juin 2017, un « décret sur la gestion économique et immobilière du diocèse de Pamiers » [vous pouvez nous le demander ici : mailto:administrateur@riposte-catholique.fr], qui fait l’étonnement des juristes, avant de faire, sans doute, pour un certain nombre de ses articles, celui des juges de la Signature apostolique : pour l’évêque de Pamiers, les paroisses canoniques ne sont que des relais d’un gros “machin” diocésain. Disons, à sa décharge, qu’une pénible affaire, qu’il a cru devoir faire régler non par les tribunaux canoniques mais par les tribunaux civils, d’un curé qui affectait à son profit personnel les dons de ses paroissiens, l’a beaucoup affecté, sans que cela explique la défiance qu’il manifeste vis-à-vis de ses autres curés (le décret les assomme de prescriptions tatillonnes destinées à assurer la “transparence”).

À Pamiers donc, toutes les ressources perçues au niveau paroissial, denier de l’Église, casuel, quêtes, produit des ventes de cierges, revenus locatifs, sont affectés d’un prélèvement de 45 % en faveur du diocèse (art. 1), ce qui, pour des paroisses de peu de revenus comme celles du diocèse de Pamiers, est considérable. Or, le Code de Droit canonique permet seulement à l’évêque de percevoir sur les personnes physiques et juridiques, comme les paroisses, soumises à son gouvernement « un impôt modéré » (can. 1263). Pour donner une comparaison, les paroisses de Paris, sans comparaison plus riches, subissent un prélèvement de 15 %, avec il est vrai des services communs paroisses-diocèse fort importants.

Le traitement des prêtres est de 750 € par mois, ce qui est honnête compte tenu du fait que les prêtres sont logés par la paroisse et sans charge de famille. Mais à Pamiers, ceux qui disposent d’autres ressources personnelles verront leur traitement réduit d’autant (art. 14), système tout à fait exogène au fonctionnement séculier et non pas religieux du clergé diocésain. Le nombre de messes avec honoraires de messes que peut célébrer un prêtre chaque mois est de vingt. Le surplus d’honoraires doit être remis au diocèse qui les redistribuera à des prêtres recueillant par eux-mêmes peu d’honoraires (art. 28). Cette disposition – qui existe dans un certain nombre de diocèses, mais non écrite – est contraire au droit qui fixe avec soin les implications de la responsabilité grave et strictement personnelle qu’endosse le prêtre qui reçoit une offrande pour dire un messe (les restrictions du Code sont que le prêtre ne doit pas en conserver plus que celles qu’il pourrait dire en une année et qu’il ne doit pas percevoir deux honoraires s’il célèbre deux messes le même jour). Bien sûr, si l’honoraire donné surpasse l’honoraire légal, il devient à Pamiers un don taxable par le diocèse (art. 1 et 31).

Les sommes déposées sur les comptes des paroisses pour leurs dépenses courantes ne peuvent excéder que quelques milliers d’euros, le surplus étant mis en dépôt sur les comptes de l’association diocésaine, qui se charge des placements. Toutes dépenses paroissiales non courantes nécessitent une concertation avec le Conseil diocésain pour les affaires économiques. Et toutes les questions relatives aux immeubles, propriété canonique – mais pas civile – des paroisses, sont examinées par ce Conseil.

Le plus étrange dans ces dispositions est sans doute dans le fait que les « dons paroisses », libéralités entre vifs ou post mortem faits spécifiquement par les donataires ou les légataires à telle paroisse, sont aussi ponctionnés de 45% par le diocèse (art. 1). Il n’est pas besoin de dire que de telles dispositions sont propres à “tuer la poule aux œufs d’or” et à décourager des bienfaiteurs en nombre déjà fort réduit.

UN ALIGNEMENT IDÉOLOGIQUE

Cette tendance, portée au maximum dans le document de Pamiers, fait des curés ayant charge d’âmes, jouissant d’une juridiction ordinaire (c’est-à-dire non pas d’une délégation mais d’une juridiction attachée à leur fonction), ecclésiastiques gravement responsables devant Dieu et devant les hommes d’un territoire d’Église, de simples salariés sans autonomie de l’association diocésaine. Si l’on ajoute que cette centralisation, tant dans la gestion que dans la pastorale, va de pair avec l’encadrement, au niveau local et diocésain, par des conseils de pastorale, économiques, liturgiques, on constate que la responsabilité des pasteurs est enserrée dans des réseaux globalisants qui décalquent le fonctionnement démocratique de nos sociétés. Alignement institutionnel qui paraît d’ailleurs bien dérisoire dans le contexte d’effacement effrayant de la présence de l’Église.

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