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Mgr Aupetit parle de la PMA

publié dans regards sur le monde le 29 septembre 2018


Mgr Michel Aupetit : « En libéralisant la PMA, nous créons des souffrances futures »

 

Mgr Michel Aupetit
Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris

©S.LAGOUTTE POUR FC

EXCLUSIF – L’archevêque de Paris ne mâche pas ses mots après le dernier avis rendu par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). L’ancien médecin juge que l’embryon n’est plus protégé par la loi qui cède à la volonté du plus fort.

Quel regard portez-vous sur l’avis du CCNE qui recommande l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et la libéralisation de la recherche sur l’embryon ?

Ces deux points se rejoignent. Ceux qui sont sans-voix demeurent sans-voix. La France refuse toujours de statuer sur l’embryon alors que d’autres pays l’ont déjà fait. L’embryon n’est pas protégé par la loi ; il n’a pas même droit à la parole. Une larve de scarabée doré est certainement mieux protégée aujourd’hui qu’un embryon humain ! Au lieu de protéger le plus faible, ce qui est sa mission normalement, le droit se met aujourd’hui au service de la volonté du plus fort. Nous avons tous été un embryon à un moment donné. Nous étions totalement dépendants de la volonté de nos parents. Mais une chose est de dépendre de nos parents, qui nous ont accueillis avec amour, et une autre d’être à la merci d’une volonté coercitive.

Au lieu de protéger le plus faible, le droit se met aujourd’hui au service de la volonté du plus fort.

Mgr Aupetit

En quoi cette logique de domination est-elle présente dans la PMA ?

De quel droit les parents font-ils peser sur leurs enfants leur désir ? Demain, ils voudront choisir aussi leur morphologie !? En libéralisant la PMA, nous sommes en train de créer des souffrances futures. J’ai constaté que les jeunes chrétiens de cette génération sont plus sérieux et plus pieux que ceux de la génération précédente. Quand on les écoute en confession, on perçoit qu’ils portent en eux les déchirures de cette société « liquide » dont parlent les sociologues. Une société dont les relations ne sont ni stables ni fiables.

En demandant aux médecins de répondre à des demandes sociétales, ne modifie-t-on pas leur rôle ?

On veut transformer les médecins en prestataires de services. Autrefois, le médecin et son patient entretenaient une vraie relation, avec la possibilité pour le premier de refuser de soigner (sauf urgence) et pour le second de changer de médecin. Aujourd’hui, la relation a disparu. Seul demeure un désir individuel auquel le médecin doit se soumettre.

▶︎ À LIRE AUSSI : Les objections de l’Église sur la PMA

L’ordre des médecins se dit pourtant favorable à la PMA pour les femmes…

Autrefois, l’ordre des médecins défendait une certaine forme de déontologie. Le mot « déontologie » vient du grec deontos, ce qui doit être. Le serment d’Hippocrate était ordonné au bien du malade et comportait une liste d’actes que les médecins se refusaient de poser. L’ordre des médecins a perdu cette capacité. Quand j’entends son président dire : « Nous n’avons pas à faire de morale », cela veut dire que la déontologie a disparu puisque la déontologie et la morale sont une seule et même chose.

Le CCNE ne semble pas du tout tenir compte des avis exprimés lors des États Généraux de la bioéthique. Pourquoi ?

On peut effectivement se poser la question de savoir à quoi ont vraiment servi ces États Généraux !? Près de 80% des personnes ont exprimé leur opposition à la PMA. Pourquoi organiser une telle concertation si on ne tient aucun compte de ses résultats ?

Le CCNE est-il fidèle à sa mission d’origine ?

Le comité d’éthique a été institué au départ comme une entité indépendante de sages, autour du professeur Bernard. Celui-ci avait la réputation d’être un sage, mais aussi un esprit libre. Aujourd’hui, force est de constater qu’une majorité de membres du CCNE sont choisis parce qu’ils pensent la même chose que le gouvernement ! Le CCNE n’est plus vraiment un comité de sages dont on peut attendre une parole indépendante et libre. Il existe cependant des voix divergentes, courageuses, grâce auxquelles cela ne ressemble pas trop à une démocratie à l’africaine.

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Que peuvent faire les fidèles catholiques qui ont joué le jeu des débats de bioéthique et qui se sentent floués ?

Les fidèles vivent la même chose que les évêques… Nous avons mené un important travail de réflexion pour informer les politiques et les citoyens, dont notre dernière déclaration « La dignité de la procréation » est un des fruits. Cependant, il est peut-être possible que la détermination du gouvernement ou du Parlement sera telle que notre parole ne sera pas entendue. Ceci dit, nous avons posé une parole, et cette parole demeurera toujours. Personne ne pourra nous reprocher de n’avoir rien dit.

Vous défendez une parole prophétique des évêques, mais quelle est la valeur d’une parole qui ne produit pas de résultats tangibles au niveau législatif ?

Notre parole continue à faire son chemin. Elle passe de conscience en conscience, de pensée en pensée. Un jour prochain, l’opinion publique se rendra compte que nos alertes étaient légitimes. La vérité a toujours le dernier mot. Quand Pilate demande à Jésus, « qu’est-ce que la vérité », Jésus ne lui répond pas. C’est maintenant que nous comprenons la vérité du Christ. Nous continuerons donc à parler sans nous faire d’illusion. Notre parole est pareil au grain de blé qui tombe en terre ; il meurt mais pour porter beaucoup de fruits. Si ma parole n’est pas entendue aujourd’hui, je crois qu’elle portera du fruit avec la grâce de Dieu.

Notre parole est pareille au grain de blé qui tombe en terre ; il meurt mais pour porter beaucoup de fruits.

Mgr Aupetit

Pour hâter un retournement de l’opinion, faut-il se mobiliser dans la rue comme le demande La Manif pour tous ?

Les chrétiens pourront agir en tant que citoyens pour se manifester ou manifester tout court. Il existe de nombreuses possibilités pour engager une action citoyenne.

Des parlementaires demandent la suppression de la clause de conscience des médecins pour l’IVG. Êtes-vous inquiet ?

Je crois vraiment que tout Etat qui touche à la liberté de conscience s’appelle une dictature.

Antoine Pasquier et Samuel Pruvot

Revue-Item.com

 

 

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