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« Prier avec l’Eglise » Tome 2; les psaumes de Laudes du dimanche

publié dans couvent saint-paul le 26 décembre 2018


Prier avec l’Eglise

Après avoir étudié les psaumes et les hymnes des Matines du dimanche dans un premeir tome d’un livre que je vais appeler « Prier avec l’Eglise, je m’attaque aux psaumes des Laudes du dimanche. Ce sera le Tome 2. Il comprendra, je pense, les psaumes des Laudes et de Tierce du dimanche. 

Tome 2

Les psaumes de Laudes du dimanche

Ier Psaume

Psaume 92

A la gloire du Créateur

Ce psaume 92, en ces cinq petites strophes, célèbre, me semble-t-il,  la puissance et la grandeur de Dieu qui se manifeste dans son œuvre créatrice. La première strophe en est le meilleur  témoignage : « Dominus regnavit, decorem indutus est : indutus est Dominus fortitudinem, et praecinxit se. Etenim firmavit orbem terrae,qui non commovebiteur ». « Le Seigneur a régné et a été revêtu de gloire ; le Seigneur a été revêtu et s’est ceint de force. Car il a affermi le globe de la terre, qui ne sera point ébranlé ».

Toutefois saint Bruno, s’inspirant vraisemblablement de certains Pères de l’Eglise, en particulier de saint Augustin, voit dans ce psaume une  claire allusion à l’Eglise, aux Apôtres et aux combats qu’elle dut subir de la part de ses ennemis, dès les premiers siècles de sa fondation.  Il abandonne manifestement l’aspect  cosmologique du psaume pour privilégier l’aspect spirituel, ecclésial.

Voyez certaines de ses affirmations :

Sur le « Dominus regnavit », « Le Seigneur a régné » il commente : « Le Seigneur a régné, i.e. Le Seigneur Jésus qui sera livré à la mort par les juifs, règnera enfin, revendiquera pour lui-même le règne sur le monde entier, une fois la mort vaincue » (p. 748). Saint Bruno privilégie ainsi le sens spirituel de ce psaume. C’est clair !

« La beauté et la force » dont le Seigneur sera revêtu : « decorem indutus est : indutus est Dominus fortitudinem et praesinxit se », ne sont rien d’autre pour saint Bruno que « la foi des Apôtres » qu’il s’unira et même la « constance » des Apôtres qui lui feront honneur. De « cette force et de cette constance », il se ceindra et « vaincra les nations » et « rendra ferme l’orbe de la terre, i.e. la perfection de l’Eglise. C’est-à-dire : « par leur enseignement, il rendra son Eglise ferme en toute perfection. Et cet orbe ne sera pas ébranlé ni dans la prospérité ni dans l’adversité ». (p 748). Alors, la terre deviendra « le trône de Dieu » alors qu’elle fut longtemps « le siège du diable ».

Et cette œuvre se  fera grâce à la prédication des Apôtres. C’est ainsi que saint Bruno, du moins,  interprète « les fleuves » dont parle le psalmiste : « Elevaverunt flumina Domine : elebaverunt flumina vocem suam », « Les fleuves, Seigneur, ont élevé, les fleuves ont élevé leur voix ». C’est manifestement privilégier le sens spirituel du texte, voire le sens allégorique.

Mais contre cette voix des Apôtres, d’autres voix s’élèveront, d’autres fleuves impétueux se dresseront : « mais contre la voix de ces fleuves, d’autres fleuves, à savoir les princes terrestres, qui sont appelés fleuves… ont élevé leurs flots, i.e. élèveront leurs persécutions, afin de les plonger dans la mort, à la façon des flots » (p. 749). Là aussi le sens spirituel et allégorique de l’interprétation de ce psaume est évident.

Mais malgré la force des principautés contre l’Eglise, Dieu reste le plus fort « car il calmera, nous dit saint Bruno, ces « élèvements » à l’heure qu’il voudra » : Mirabiles elationes maris : mirabilis in altis Dominus » « Les soulévements de la mer sont admirables : plus admirable est le Seigneur dans les hauteurs des cieux ».

C’est clair Saint Bruno interprète ce psaume dans un sens exclusivement spirituel, voire allégorique, sans prendre en compte aucunement le sens « cosmologique » qui, me parait pourtant aussi évident et même premier.

Voyons cette interprétation cosmologique.

 « Dominus regnavit, decorem indutus est : indutus est Dominus fortitudinem et praecinxit se » « Le Seigneur a régné et a été revêtu de gloire ; le Seigneur a été revêtu et s’est ceint de force ».

« Dominus regnavit ». « Le Seigneur a régné ».

Je n’ai aucune difficulté à appliquer cette strophe au Christ Jésus, à l’enfant de la Crèche. L’introït de la messe du jour de Noël n’affirme-t-elle pas que l’ « imperium » est sur son épaule » : « puer natus est nobis et illius datus est nobis : cuius imperium super humerum eius » et plus encore, l’Epître aux Hébreux ne dit-elle pas, elle-aussi, au  sujet du Fils de Dieu que « son trône, ô Dieu, est éternel » ; « le sceptre de ta royauté est un sceptre de droiture »…ou encore :  « C’est toi, Seigneur, qui as au commencement fondé la terre et les cieux sont l’ouvrage de tes mains ; ils périront, mais tu demeures ; ils vieilliront tous comme un vêtement ; comme un manteau tu les rouleras, ils seront changés, mais toi tu restes le même, et tes années ne s’épuiseront pas » (Hb 1 8-12).

Etonnez-vous alors que Saint Etienne, le premier martyr, ait pu confesser devant les juifs qui grinçaient des dents de colère : « Hommes à la tête dure, incirconcis de cœur et d’oreilles, vous résistez toujours au Saint-Esprit ; tels furent vos pères, tels vous êtes. Quel prophète vos pères n’ont-ils pas persécuté ? Ils ont même tué ceux qui annonçaient d’avance la venue du Juste ; et vous, aujourd’hui, vous l’avez trahi et mis à mort. Vous qui avez reçu la Loi, en considération des anges qui vous l’intimaient, et vous ne l’avez pas gardée !…  »
En entendant ces paroles, la rage déchirait leurs cœurs, et ils grinçaient des dents contre lui. Mais Etienne, qui était rempli de l’Esprit-Saint, ayant fixé les yeux au ciel, vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de son Père. Et il dit :  » Voici que je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.  » Les Juifs poussèrent alors de grands cris, en se bouchant les oreilles, et se jetèrent tous ensemble sur lui. Et l’ayant entraîné hors de la ville, ils le lapidèrent. Les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme nommé Saul. Pendant qu’ils le lapidaient, Etienne priait en disant :  » Seigneur Jésus, recevez mon esprit !  » Puis s’étant mis à genoux, il s’écria d’une voix forte :  » Seigneur, ne leur imputez pas ce péché.  » Après cette parole, il s’endormit [dans le Seigneur]. Or, Saul avait approuvé le meurtre d’Etienne
. (Act des Apo : 6 51-60)

Oui ! Vraiment, le Seigneur est roi. « Dominus regnavit » « Le seigneur a régné » : « Auquel des anges, a-t-il jamais dit : « Assieds–toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds » (Hb 1 13).

« Regnavit ». On traduit « a régné ». Mais on pourrait tout équivalemment affirmer : « règne », « régnera à jamais», car  Son royaume est éternel. C’est ce que confesse le prêtre lors de la veillée pascale, au moment de la bénédiction du cierge pascal qui le symbolise: « Christus heri et hodie, Principium et finis, Alpha et Omega ipsius sunt temporta et saecul, ipsi gloria et imperium  per universa aeternitatis saecula. Amen »

Le Christ est vraiment le Kyrios, Roi et Dieu, tout ensemble. Tout l’univers, cieux, terre, enfers, proclame que Jésus est « Seigneur ». C’est l’affirmation de saint Paul dans sa fameuse épitre aux Philippiens : « Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu’il fût dans la condition de Dieu, il n’a pas retenu avidement son égalité avec Dieu ; mais il s’est anéanti lui-même, en prenant la condition d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui ; il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur. » (Ph 2 5-11) Voilà affirmée la Seigneurie universelle de Jésus.

Ce qu’enseigne l’Ecriture Saint, le dogme catholique le reprend avec le Magistère de l’Eglise, en particulier dans l’encyclique de Pie XI « Quas primas ».

Le fondement de la dignité royale de Notre Seigneur réside dans l’union de la nature humaine avec la nature divine, union qu’on appelle « union  hypostatique ». C’est parce que Jésus-Christ est le Fils unique de Dieu, engendré du Père de toute éternité et consubstantiel à lui : c’est parce qu’il est lui-même Dieu véritable qu’il est essentiellement Roi. Le pouvoir royal considéré dans sa racine appartient à Dieu et n’appartient qu’à lui.

« Indutus est Dominus fortitudinem et praecinsit se » « Le seigneur a été revêtu et s’est ceint de force ».

Dieu a fait sortit l’univers du néant, non seulement lui a donné l’être, mais encore il le conserve, le soutient, le vivifie à tout moment ; et si sa Providence, un seul instant, se détournait de lui, le monde serait anéanti sans aucun délai. C’est de Dieu que toutes les créatures ont reçu leur existence, leur nature, leurs propriétés, leurs qualités ; de lui sans cesse elles tirent ce qu’il leur faut pour subsister et aller à leur fin. « C’est de Lui, disait saint Paul aux Athéniens, que nous viennent et la vie et le mouvement et l’être. In ipso vivimus et movemur et sumus » (Act 17 28)

Et c’est parce qu’il est fort, que Dieu a « affermi le globe de la terre qui ne sera point ébranlé » « firmavit orbem terrae qui non commovehitur », parce qu’il les poursuit de sa sollicitude sans égale, avec une bonté qui ne connaît ni une défaillance ni un oubli à tous les besoins de chacune  des créatures sorties de ses mains. Et c’est pourquoi Dieu possède sur l’univers un droit de gouvernement absolu. Une  Seigneurie absolue. Il ne la partage avec personne. Il la délègue mais ne la partage pas. Son pouvoir est de toujours parce qu’Il est par lui-même ce qu’Il est. Il est le seul et l’unique être nécessaire. C’est ce que dit équivalemment notre psalmiste avec d’autres mots : « Parata sedes tua ex tunc : saeculo tu es » « Votre trône, ô Dieu est établi depuis longtemps ; vous êtes de toute éternité ».

Ainsi Dieu seul mérite vraiment d’être appelé Roi. La dignité royale dérive de son essence même. Elle est une de ses prérogatives, au même titre que la toute-puissance, l’éternité. Ainsi si Jésus-Christ est un homme véritable, il est en même  temps Dieu véritable. En son unique et adorable personne, la nature humaine et la nature divine se sont rencontrées et conjointes, sans subir ni l’une ni l’autre la moindre diminution. Lorsque le Verbe est descendu dans le sein de la Bienheureuse Vierge Marie pour s’y revêtir d’une chair semblable à la nôtre, il s’est incarné avec la plénitude de sa perfection, sans laisser au Ciel aucun de ses attributs. Il est venu au monde avec sa Bonté, sa puissance créatrice, sa puissance royale. Le Christ portait en lui toute la majesté et toute la richesse de la nature divine. Ecoutez ce que dit Saint Paul, on ne peut  rien dire de plus beau : « En lui, toute la plénitude de la divinité réside corporellement » (Coll 2 9) de par l’union « hypostatique », toutes les prérogatives, toutes les perfections, tous les attributs de la nature divine devenaient en même temps la propriété de la nature humaine du Christ. Il suit de là que Jésus de Nazareth, le fils du charpentier, l’homme semblable aux autres hommes que l’on voyait aller, venir, travailler, manger… comme les autres juifs, gardait au milieu de toutes ces actions l’infinie majesté d’un Dieu tout puissant. Il demeurait le Fils unique du Père, infiniment puissant – d’où ses miracles – . Il était merveilleusement Roi. Il ne pouvait en être dépouillé. « Es-tu Roi ? lui demande Pilate. Tu l’as dit Je suis Roi ».Il est le souverain Seigneur.

« Elevaverunt flumina Domine : elebaverunt flumina vocem suam » « Les fleuves Seigneur, ont élevé, les fleuves ont élevé leur voix »

Mais qu’est-ce, Seigneur,  ce « grondement » de la nature par rapport à la toute-puissance de Dieu et de son Christ. C’est comme rien. C’est lui qui a tout fait. Et tout est en sa domination. Il est Roi. C’est ce que l’Archange Gabriel avait dit à la Vierge lui annonçant qu’elle serait mère d’un enfant destiné à Régner.  (lc 1 39). Il serait le Suzerain de l’Univers.

Alors qu’il était encore ignoré du monde, les Mages viennent à ce titre de suzerain lui offrir leur tribut. Ils apportaient à ses pieds l’encens parce qu’il était Dieu, la myrrhe parce qu’il était homme et l’or parce qu’il était Roi.

Roi, il l’était tandis qu’il travaillait dans l’atelier de Joseph.

Roi, il l’était encore lorsqu’il entrait en triomphe à Jérusalem le jour des Rameaux et que le peuple juif, agité tout entier d’un jugement prophétique, acclamait en lui l’héritier de David. Il l’était même, lorsque cloué à la croix, il étendait ses bras sur l’univers entier. C’est bien ce que confessé l’écriteau sur le bois de la Croix. Et lorsqu’il donna son dernier souffle, la lumière du jour s’assombrit et les rochers se fendirent. On le voit encore au sépulcre. Et par sa mort, il terrassait la mort. Et en était victorieux. « O mort où est ta victoire », dira plutard Saint Paul. Il est le maître de tout, de la mort, de l’univers comme des flots agités des fleuves: « Les fleuves ont élevés leurs flots, plus retentissants que la voix des grandes eaux » « Elevaverunt flumina fluctus suos, a vocibus aquarum multarum »

Il est Roi de l’univers.

« Mirabiles elationes maris : mirabilis in altis Dominus » « Les soulèvements de la mer sont admirables,  plus admirable est le Seigneur dans les hauteurs de cieux »

Je pense ici au merveilleux récit de Jésus marchant sur les eaux, après l’agitation de la mer et la multiplication des pains raconté dans saint Jean:
« Le soir venu, les disciples descendirent au bord de la mer ; et étant montés dans une barque, ils traversaient la mer dans la direction de Capharnaüm. Il faisait déjà nuit, et Jésus ne les avait pas encore rejoints. Cependant la mer, soulevée par un grand vent, était agitée. Quand ils eurent ramé environ vingt-cinq à trente stades, ils virent Jésus marchant sur la mer et s’approchant de la barque ; et ils eurent peur. Mais il leur dit :  » C’est moi, ne craignez point.  » Ils voulurent donc le prendre dans la barque, et aussitôt, la barque se trouva au lieu où ils allaient ». (Jn 6 16-21)

Le Seigneur a la maitrise des éléments. Il est le Seigneur et Maître. Là, il le montre merveilleusement.

On peut aussi se souvenir là de l’apaisement par Jésus des flots de la mer de Tibériade. Prenons le récit de saint Marc, le plus détaillé : «Ce jour-là, le soir venu, il leur dit : Passons à l’autre rive. Et laissant la foule, ils le prennent comme il était dans le bateau. Et il y avait d’autres bateaux avec lui. Survient une violente bourrasque. Les vagues se jetaient dans le bateau, au point que déjà le bateau se remplissait. Et Lui, à la poupe, sur le coussin, dormait. Ils le réveillent et lui disent : Maître, tu ne te soucies pas que nous périssions ? Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : Tais-toi ! Reste en silence ! Le vent tomba, et un grand calme se fit. Et Il leur dit : Pourquoi êtes-vous si peureux ? Comment n’avez-vous pas de foi ?Et ils furent saisis d’une grande crainte, et ils se disaient entre eux : qui donc est-Il, celui-ci, que même le vent et la mer lui obéissent ? (Marc (4, 35-41)

Je réponds aux Apôtres, avec le psalmiste : « il est le Seigneur dans les hauteurs des cieux ». Il est le tout puissant plus fort que les flots agités de la mer. Il est Roi.

« Dominus regnavit » « le Seigneur a régné » : Le seigneur règne sur les flots. Il en donne les preuves dans son Evangile. Comment ne pas croire ? Au cours d’une récente retraite de Saint Ignace, un retraitant me dit « parlez comme si vous aviez un athée devant vous ». Je lui répondis.  Je prends mon Evangile. C’est mon livre d’histoire. Il me raconte et m’enseigne sur la vie de Jésus, sa dignité, sa Royauté. Sa maitrise de toutes choses, sa Seigneurie.

C’est pourquoi cette conclusion de ce psaume est parfaite : « Vos témoignages sont tout à fait digne de créance. La sainteté convient à  votre maison, Seigneur, dans toutes la durée des jours ». « testimonia tua credibilia facta sunt nimis : domum tuam decet sanctitudo, Domine, in longitudinem dierum ».

Hors le respect que je porte à Saint Bruno, c’est mon analyse que je préfère. Elle me parait plus fidèle au texte. L’explication de saint Bruno me parait allégorique. Il faut aimer ! On peut tout faire dire à un texte  avec un peu d’imagination. Le Père Spicq qui fut mon maître en Ecriture Sainte n’aimait pas particulièrement le sens allégorique…

 

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