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Entraide et Tradition

la Nouvelle Messe. un bon résumé de Valeurs actuelles

publié dans nouvelles de chrétienté le 31 décembre 2019


L’année 1969 fut marquée par une petite révolution au cœur de l’Église, qui lançait une grande refonte de la messe. Pensée pour « faire jeune », elle voit aujourd’hui le public même qu’elle visait la déserter pour revenir aux rites traditionnels.

Il y a plus de 50 ans, Rome appelait à « ouvrir les fenêtres » de l’Église catholique. Au cœur de l’Avent de 1969, les fidèles découvraient les effets de cette ouverture à travers une nouvelle messe promulguée par le pape Paul VI. Elle pensait qu’en s’adaptant à la modernité, le « monde » se réconcilierait avec elle. Les fruits de cette générosité se font encore attendre. Malgré les efforts de François pour embrasser toutes les causes « humanistes », jamais l’Église n’a paru si éloignée d’un monde qui n’écoute plus la voix qu’elle porte.

Produit inattendu des effets du concile de Vatican II qui n’avait pas envisagé une telle « révolution » liturgique, le nouvel ordo missae surprit. Il n’était pourtant que le fruit d’une déconstruction des repères traditionnels à une époque où le relativisme ambiant et l’anthropocentrisme condamnaient toute forme de hiérarchie transcendantale. À sa façon, la nouvelle messe incarnait ces mutations.

Plusieurs siècles de transformations

Les acharnés du changement avancent l’argument de la nécessaire adaptation aux mouvements de l’histoire. La liturgie se modifia certes mais chacune de ses mutations fut un enrichissement du rite établi à partir de la Cène du Jeudi saint par le Christ lui-même. Les ajouts du temps des persécutions puis du culte officiel – lecture de l’Épître et des Évangiles, prières – ne firent que renforcer la célébration sacrificielle dont le texte est fixé par Grégoire le Grand dès le VIe siècle.

Au XVIe siècle, l’irruption de la Réforme déchire la Chrétienté obligeant l’Église catholique à affiner et uniformiser une liturgie encore composite. L’office y gagne en clarté. Y sont réaffirmés face aux protestantismes, le sacerdoce ecclésiastique, la dimension sacrificielle de la messe et surtout la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, véritable pierre d’achoppement qui, à elle seule, empêcha le retour à l’unité de la Chrétienté en 1555 pourtant esquissé par le compromis que proposa l’empereur Charles Quint. Pour quatre siècles, la messe, codifiée par Saint Pie V à la demande du concile de Trente, incarne le dépôt de la foi catholique, un rappel de l’orthodoxie pour prévenir toute altération ou dérive saugrenues.

La liturgie romaine subit, notamment en France, des modifications au cours du XVIIIe siècle faisant apparaître sporadiquement des tables en lieu et place du maître-autel et la récitation à haute voix du canon. Les révolutionnaires, eux, veulent atteindre la foi des chrétiens en forçant l’emploi du français dans le commun de la liturgie et en tentant même d’imposer un curieux syncrétisme mêlant confusément théophilanthropie et Être suprême. Malgré ces tempêtes, la liturgie catholique fit mieux que résister, elle connut une féconde restauration au XIXe siècle, inspirée par le fondateur de Solesmes, Dom Guéranger et achevée au début du XXe siècle par Saint Pie X. La continuité a toujours prévalu sur la rupture, du moins jusqu’aux années 60.

« l’archéologisme en matière liturgique »

Comme toute réforme, le nouvel ordo de 1969 se présenta comme la restauration d’une antique liturgie. Dans Mediator Dei, en 1947, Pie XII avait pourtant condamné cette « malsaine passion » pour « l’archéologisme en matière liturgique », un retour aux origines masquant la véritable nature révolutionnaire d’un processus de régénération en rupture avec la tradition.

Au nom de l’œcuménisme, tout ce qui séparait les Catholiques des Protestants devait être gommé dans la liturgie. Le Confiteor n’évoque plus la bienheureuse Marie toujours vierge mais seulement la Vierge Marie flétrissant le dogme de la virginité perpétuelle de la Mère du Christ. Le vocabulaire catholique – « miracles », « âme », « messe » – est soigneusement édulcoré. Ite missa est devient ainsi « allez dans la paix du Christ »« Domine non sum dignus… et sanabitur animam meam » devient « et je serai guéri ». Les anges, honnis des réformés, disparaissent. Dans le Sanctus « Deus Sabaoth », le Dieu des armées « célestes » devient un très générique « Dieu de l’univers ». L’offertoire, oblation de la victime du sacrifice, est remplacé par une simple offrande perdant le caractère propitiatoire apte à rendre Dieu favorable au fidèle. La présence réelle, combattue par les calvinistes, est atténuée par la suppression de la génuflexion après l’élévation signifiant par-là que le Christ ne serait rendu présent sur les autels que par la prière de l’assemblée. Les marques de respect des fidèles comme du desservant envers l’hostie sont progressivement effacées.

La démocratisation de l’Église conduit à instiller une forme de sacerdoce universel privant le prêtre de sa fonction de ministre unique du sacrifice. Le théocentrisme laisse place à un anthropocentrisme évacuant tout dimension hiérarchique de l’office : la table de communion est occidentée vers les fidèles qui peuvent se contempler dans un entre soi circulaire où l’homme devient la mesure de toute chose. Le prêtre agissant autrefois in persona Christi est descendu de sa chaire, il n’est plus intercesseur mais seulement le premier des fidèles. Le sacrifice est offert au nom de l’assemblée. Devant la crise des vocations, serait-ce le moyen de préparer les esprits à une Église sans prêtre dans laquelle le peuple assemblé se fait officiant ?

Signe des temps, la déresponsabilisation gagne la liturgie. Puisque le protestantisme réfute, au nom de la prédestination, la nécessité des œuvres pour être sauvé, on gomme la vertu de l’effort dans l’économie du salut. On ne promet plus la « paix aux hommes de bonne volonté » dans le Gloria mais à tous les « hommes qui l’aiment ». Lors de la Consécration, pro multis signifie « beaucoup » mais devient « pour la multitude » dans la nouvelle messe, comprenez « pour tous »Peccata mundi« les péchés du monde » deviennent « le péché du monde » de l’Agnus Dei nous ôtant ainsi de toute responsabilité personnelle du péché au profit d’une très rousseauiste conception collective de la faute. Ce n’est pas ma faute, c’est l’injustice de la société qui m’a poussé à pécher. La damnation éternelle, les peines de l’enfer, les avertissements du Christ plongent dans l’oubli. Il ne faudrait pas désespérer le croyant. « On ira tous au paradis, même moi… ». Les critiques portent surtout sur l’atténuation de la dimension sacrificielle de la messe. La messe moderne est celle de la parole, celle du jeudi saint, oubliant la Croix, celle du vendredi saint.

Faire jeune

La nouvelle messe a tout fait pour faire jeune. Le français a remplacé le latin, les ornements, pourtant signes religieux, remisés au placard des objets d’arts. Le tutoiement est de rigueur. On met de l’ambiance avec des chants nouveaux. Les années 70 sont marquées par des expériences parfois extravagantes tenant les abus de 1793 pour de bien pâles mascarades. Las, ce sont les jeunes qui veulent aujourd’hui le retour de la solennité de l’office, du recueillement dans le silence, de la soutane et du latin qu’ils ont pourtant abandonné à l’école. La liturgie s’est faite plurielle, pour les enfants, pour les familles, pour les personnes âgées. Elle a perdu de son unité et de son universalité

Les subtilités de la réforme ont échappé à la plupart des fidèles peu sensibles à ces subtilités liturgiques mais choqués par les dérives dominicales. Les errements les plus flagrants ont depuis été corrigés. L’Église est même revenue sur la 6e apostrophe du notre Père qui sous-entendait que Dieu pouvait soumettre à la tentation. La nouvelle mention n’est pas totalement satisfaisante sur le plan théologique mais irrite moins les oreilles des croyants.

Même si Brassens pensait que « sans le latin, la messe nous emm… », il n’est pas certain que la latinisation des prières suffise à dissiper toutes les équivoques liturgiques. Il n’en reste pas moins que l’heure est à la réaction. Depuis le motu proprio de juillet 2007, autorisant les fidèles organisés à solliciter une messe dans le rite extraordinaire – une première dans l’histoire de l’Église – le nombre de lieux de culte traditionnel a doublé en France. Mais la France ne serait pas la France si elle oubliait d’opposer à la ligne romaine son irréfragable gallicanisme. Les Évêques français voient d’un mauvais œil ce retour en grâce des fidèles traditionnels et font preuve d’une mauvaise foi faisant accent d’un autoritarisme qu’ils reprochaient eux-mêmes naguère au souverain pontife. La démocratisation dans l’Église a ses limites. Il n’est sans doute pas facile d’admettre que ce sont les jeunes qui se tournent vers un rite plus exigeant, que les « tradis » représentent 15% des pratiquants de moins de 50 ans, que les vocations sont encore fructueuses dans cette mouvance. Ironie de l’histoire, les prêtres modernes se mettent à dire la messe de toujours quand les anciens prêtres s’accrochent à la messe moderne. La messe n’est pas encore dite.

 

Source : Valeurs Actuelles

Revue-Item.com

 

 

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