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Entraide et Tradition

« Rendez-nous la Messe »

publié dans nouvelles de chrétienté le 13 mai 2020


La Lettre de Paix liturgique

lettre 745 du 12 Mai 2020

RENDEZ-NOUS LA MESSE !

Le grand refus de Mgr Ginoux

En France, après la déclaration du Président de la République du lundi 16 mars 2020, et avant que n’ait été prises les dispositions légales et règlementaires correspondantes, la Conférence des évêques, le 17 mars, avait fait savoir qu’« aucune messe avec une assemblée, de quelque taille qu’elle soit ne [devait] être célébrée », à l’exception d’obsèques avec une assemblée inférieure à 20 personnes. Ainsi, comme dans bien d’autres pays, les catholiques français ont cessé de pouvoir assister à la messe, spécialement durant la Semaine Sainte et pour la fête de Pâques.

Dans notre lettre 741 du 17 avril 2020, nous évoquions un article de l’abbé Henri Vallançon, prêtre du diocèse de Coutances, curé de paroisse, professeur d’Écriture Sainte au séminaire de Rennes, membre de la communauté Notre-Dame de Vie : « Quel événement spirituel majeur ! En deux-mille ans d’histoire de l’Église, cela n’est jamais arrivé » (L’Homme nouveau, 10 avril 2020, « Pâques 2020 : le retrait de la gloire de Dieu »).

Or, ces dispositions interdisant le culte divin n’ont pas été levées par les mesures dites de « déconfinement », organisées par la loi et le décret du 11 mai. Ces textes au contraire les maintiennent. Dès lors, après la Semaine Sainte et Pâques, c’est l’Ascension et la Pentecôte que les catholiques ne pourront pas célébrer cette année. Au total, par décision conjointe des pouvoirs publics et des évêques, le culte public aura été interdit en France du 22 mars, et en bien des endroits du 15 mars, jusqu’au 2 juin.

Le grand refus de Mgr Ginoux

Sans doute un certain nombre d’évêques ont manifesté leur extrême mécontentement devant cette prolongation de l’interdiction de la messe. Quelques-uns, clairement, comme l’évêque de Grenoble, d’autre plus discrètement, ont incité à la célébration de cérémonies « domestiques ». Mais dans leur grande majorité, ils ont plié purement et simplement devant le pouvoir étatique.

Un seul évêque français, Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban, vient d’exprimer haut et clair son grand refus en conscience dans une lettre adressée à ses paroissiens et que nous publions ci-après in extenso :

La messe est la vie de l’Eglise Catholique. Même si nous sommes unis au Christ de bien des manières nous en vivons par l’eucharistie. A l’heure où un très grand nombre d’activités reprend, où l’on peut se retrouver les uns à côté des autres dans un avion, dans les grandes surfaces, ou dans des activités de plein air comme les champs de courses, une partie des citoyens libres de pratiquer leur religion en participant à la messe est empêchée de le faire sous le prétexte d’une pandémie dont les chiffres disent la diminution. Les chiffres parlent. De plus, la plupart de nos églises sont très grandes et nous avons tous les moyens de respecter les mesures sanitaires. […]

Je dénonce l’atteinte aux droits des fidèles catholiques de participer librement à la messe, je dénonce le rejet qui est fait de ce droit. La loi civile, dont il resterait à prouver l’obligation en la matière, ne peut s’imposer à ma conscience de pasteur quand elle m’empêche d’accomplir mon devoir. Je suis prêtre et évêque pour donner le Christ aux fidèles qui en ont besoin. C’est ma mission et je veux leur en faire part. […] Cette lettre est un appel à la conscience des catholiques de ce diocèse de Montauban qui m’est cher et dont je suis depuis treize ans le pasteur. Savoir que vous pouvez vivre librement votre foi me sera une forte joie pastorale car, même dans les moments de grandes épidémies, l’Eglise avec les précautions a toujours offert au Peuple de Dieu la présence du Sauveur par un culte public.

Une action de suppléance des communautés traditionnelles

Faut-il donc rappeler à la plupart de nos évêques les droits sacrés du culte divin ? Les messes et cérémonies catholiques peuvent toujours être célébrées en vertu de la liberté de l’Église, qu’aucune loi ne saurait restreindre, à condition de respecter les règles et les précautions élémentaires d’hygiène, lesquelles relèvent du service du bien commun.

Devant la démission de la plupart des pasteurs, le 1er mai, l’association Civitas, proche de la Fraternité Saint-Pie-X a déposé une requête en référé-liberté devant le Conseil d’État contre la loi du 23 mars en ce qu’elle interdisait la célébration du culte public. Sans le moindre effet.

Aujourd’hui, ce sont la Fraternité Saint-Pierre, l’Institut du Bon Pasteur, l’Institut du Christ-Roi-Souverain-Prêtre, la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, qui déposé à leur tour, le 11 mai, une requête en référé-liberté devant le Conseil d’État (une autre requête semblable avait été déposée le 5 mai par le Parti Chrétien-Démocrate de Jean-Frédéric Poisson).

Un référé-liberté permet, si la requête est entendue par le juge des référés administratif (autrement dit par le juge qui prend des dispositions d’urgence), d’obtenir « toutes mesures nécessaires afin de sauvegarder une liberté fondamentale à laquelle l’administration aurait porté atteinte de manière grave et manifestement illégale ».

Il n’est que trop clair qu’un vieux fond d’anticatholicisme et d’anticléricalisme trouve à se manifester dans les dispositions administratives qui ont maintenu ouverts les supermarchés en même temps qu’elles interdisaient la célébration de la messe, et qui continuent à l’interdire cependant qu’elles permettent la réouverture de tous les commerces.

Il faut aussi ajouter – ce qui est finalement encore plus grave, car cela relève d’un mépris au carré – que les inquiétudes gouvernementales visent d’abord le culte musulman. L’islam de France est en état explosif de ramadan du 24 avril au 23 mai, et on peut craindre des rassemblements importants dans les mosquées, notamment lors la fête de rupture du jeûne, Aïd el-Fitr. Du coup ce sont toutes les religions qui sont traitées à la même enseigne, le catholicisme n’étant ainsi considéré que comme une association religieuse parmi d’autres.

Évêques, c’est par vous que nous mourrons de faim !

On attendrait des Pasteurs de l’Église qu’ils se souviennent qu’ils ont, comme évêques, un pouvoir propre, totalement indépendant du pouvoir de César, en ce qui concerne le domaine spirituel. C’est à eux, Successeurs des Apôtres, à fixer les règles du culte, et non au Premier Ministre. Est-ce leur demander de l’héroïsme que d’organiser tout de suite, sans provocation mais fermement et concrètement, la reprise du culte, assortie des précautions nécessaires ?

Nous l’avons dit, certains évêques tentent d’inviter à user de la fenêtre de liberté qui est laissée, à savoir la réunion possible de 10 personnes. Pour préciser : l’article 8-III du décret du 11 mai dit que les édifices cultuels peuvent rester ouverts, mais que les rassemblements y sont interdits, sauf pour des cérémonies funèbres pour lesquelles peuvent se réunir jusqu’à 20 personnes ; l’article 6 précise que tout rassemblement de plus de 10 personnes est interdit dans un lieu public ou recevant du public. Mais faut-il s’en tenir là ? La lettre de Mgr Ginoux y invite : « Cette lettre est un appel à la conscience des catholiques de ce diocèse de Montauban qui m’est cher et dont je suis depuis treize ans le pasteur. Savoir que vous pouvez vivre librement votre foi me sera une forte joie pastorale ».

Mais, hélas, la plupart se taisent, ou rapportent purement et simplement les décisions administratives. Ainsi, Mgr Aumonier, évêque de Versailles, après avoir exprimé, le 28 avril, son « incompréhension », et protesté que « le renvoi de toute possibilité de célébration au-delà du 2 juin exclut de fait la liberté de culte », fait publier des « orientations pastorales », qui valent jusqu’à la fête de la Pentecôte : « La règle des 10 personnes s’applique à tout rassemblement organisé, dans nos salles comme dans nos églises, ou à domicile. Elle ne s’applique ni pour une célébration liturgique présidée par un ministre ordonné, qui demeure impossible. […] Le nombre de participants aux obsèques reste limité à 20 personnes. La célébration de la messe est possible lors des obsèques ». Il s’agit, il est vrai, de simples « orientations ».

Mais d’autres en rajoutent. Ainsi, le 8 mai, les vicaires généraux de Mgr Le Saux, évêque du Mans, affirment en son nom : « Il nous faut garder le souci d’appliquer au mieux les consignes qui nous sont données par l’autorité légitime à laquelle il nous revient d’obéir comme le rappelle les Écritures ». Ils interdisent, eux aussi, les messes sous couvert de rassemblements de 10 personnes : « Le Premier Ministre, quoiqu’on en pense, a rappelé qu’aucune cérémonie, à l’exception des cérémonies funéraires, ne pourra être organisée avant le 2 juin. La règle des 10 personnes ne concerne donc pas les célébrations liturgiques qui demeurent impossibles jusqu’à nouvel ordre. Seules les sépultures continuent à être célébrées selon les normes actuellement en vigueur ». Mais en outre, ils proscrivent les messes célébrées dans des maisons privées : « Pour éviter les risques de privatisation de l’eucharistie, ou de favoritisme face à un trop grand nombre de demandes impossibles à honorer par les prêtres, la messe ne sera pas célébrée à domicile ».

Bien sûr nous ne sommes pas dans la situation de sainte Jeanne d’Arc face à ses juges. Cependant, son cri à l’adresse de l’évêque de Beauvais – « Évêque, c’est par toi que je meurs ! » –, s’applique, toutes choses égales, à notre situation : en définitive, c’est par leurs évêques dans leur majorité que les catholiques, en notre pays et en d’autres pays voisins, auront été privés pendant plus de deux mois du Saint Sacrifice de la Messe.

Lettre de Mgr Bernard Ginoux aux diocésains de Montauban, le 11mai 2020

Le 11 mai 2007 j’étais nommé évêque de Montauban et, depuis mon ordination, le 2 septembre 2007, je me suis efforcé de remplir ma mission avec dévouement et souci du bien commun. Cette mission va sur sa fin, l’âge canonique de la retraite approchant. Les semaines que nous venons de vivre ont été une épreuve qui, pour certains aura entrainé la mort et pour d’autres la lutte avec la maladie. Beaucoup ont souffert d’une protection tellement rigoureuse que leur santé mentale a été plus ébranlée que leur santé physique. Je pense à toutes les personnes âgées qui n’étaient pas affectées par ce virus. Il fallait, bien sûr, les en protéger mais était-il nécessaire de les couper de leurs liens naturels au point que des grands-parents ont été interdits de voir leurs petits-enfants ?  Si des mesures préventives cohérentes avaient été prises et si les outils nécessaires (comme les masques) avaient été donnés dès le début, des drames familiaux auraient été évités. Nous savons bien aussi que parmi ces personnes certaines se sont laissé mourir. Chez des plus jeunes des suicides ont été causés par la tension accumulée. Il faudra établir un bilan honnête de ces réalités.

Mais ces faits n’enlèvent pas le travail accompli par les soignants, les vies données au service des autres, les efforts faits par beaucoup d’anonymes dans la volonté de combattre le Covid19. L’Eglise Catholique n’a pas manqué d’être présente sur les fronts les plus exposés et dans son service permanent de la charité, particulièrement auprès des populations en difficulté comme les migrants. Elle a aussi accepté les mesures draconiennes qui n’ont pas permis de vivre les grands moments de notre foi chrétienne : du dimanche des Rameaux au dimanche de Pâques la Semaine Sainte, cœur et fondement de la foi au Christ mort et ressuscité. Nous l’avons accepté malgré l’immense renoncement que nos fidèles ont dû connaître. Leur souffrance a été modestement atténuée par les retransmissions et toutes les techniques audio-visuelles. Il reste que notre foi n’est pas nourrie par ces moyens : la foi catholique se nourrit de la présence réelle de Jésus-Christ. L’Eglise se réalise sans cesse par le sacrifice de la messe où s’actualise l’unique sacrifice du Christ sur la croix. La messe nous y introduit, nous le rend présent et nous fait participer à ce qui est le « banquet du Seigneur » : nous prenons place réellement à sa table. Il ne s’agit pas d’un temps de prière ou même d’une simple écoute de la Parole de Dieu, encore moins d’un rassemblement fraternel. De tout cela on peut se passer mais de l’eucharistie nous ne le pouvons pas comme nous avons besoin des autres sacrements. La messe est la vie de l’Eglise Catholique. Même si nous sommes unis au Christ de bien des manières nous en vivons par l’eucharistie.

A l’heure où un très grand nombre d’activités reprend, où l’on peut se retrouver les uns à côté des autres dans un avion, dans les grandes surfaces, ou dans des activités de plein air comme les champs de courses, une partie des citoyens libres de pratiquer leur religion en participant à la messe est empêchée de le faire sous le prétexte d’une pandémie dont les chiffres disent la diminution. Les chiffres parlent. De plus, la plupart de nos églises sont très grandes et nous avons tous les moyens de respecter les mesures sanitaires. Notre liberté est en jeu et il y est gravement porté atteinte. J’ai recueilli le témoignage de beaucoup de personnes qui en souffrent et je me fais leur porte-parole.

Je suis évêque en un lieu où un jour d’août de l’année 1942, l’évêque, Mgr Pierre-Marie THEAS osa à peu près seul dénoncer les atteintes à la liberté et à la dignité que connaissaient des citoyens français. Nous n’en sommes pas à cette ignominie. Mais je dénonce l’atteinte aux droits des fidèles catholiques de participer librement à la messe, je dénonce le rejet qui est fait de ce droit. La loi civile, dont il resterait à prouver l’obligation en la matière, ne peut s’imposer à ma conscience de pasteur quand elle m’empêche d’accomplir mon devoir. Je suis prêtre et évêque pour donner le Christ aux fidèles qui en ont besoin. C’est ma mission et je veux leur en faire part. L’Eglise Catholique a toujours rappelé le droit de la personne humaine à pratiquer sa religion. Empêcher d’exercer ce droit est une atteinte aux droits humains fondamentaux qui pourrait entrainer d’autres dérives. Cette lettre est un appel à la conscience des catholiques de ce diocèse de Montauban qui m’est cher et dont je suis depuis treize ans le pasteur. Savoir que vous pouvez vivre librement votre foi me sera une forte joie pastorale car, même dans les moments de grandes épidémies, l’Eglise avec les précautions a toujours offert au Peuple de Dieu la présence du Sauveur par un culte public.

Je confie à la Bienheureuse Vierge Marie, honorée en la Cathédrale de Montauban sous le vocable de Notre-Dame de l’Assomption, le diocèse et tous ses habitants. Qu’elle veille sur nous et nous garde sous sa protection.

Bernard Ginoux, Evêque de Montauban

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