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Entraide et Tradition

Au sujet de l’article 8 de l’Instruction « Universae ecclesiae »: de la réconciliation

publié dans nouvelles de chrétienté le 24 mai 2011


De la réconciliation sacerdotale

Dans l’instruction « Universae ecclesiae », se trouve de nouveau affirmé la nécessaire  « reconciliation dans l’Eglise ».

C’est clairement exprimé dans le § 8 : « Le Motu Proprio Summorum Pontificum constitue une expression remarquable du magistère du Pontife romain et de son munus propre – régler et ordonner la sainte liturgie de l’Église – et il manifeste sa sollicitude de Vicaire du Christ et de Pasteur de l’Église universelle.
Il se propose :
a) d’offrir à tous les fidèles la liturgie romaine dans l’usus antiquior, comme un trésor à conserver précieusement ;
b) de garantir et d’assurer réellement l’usage de la forme extraordinaire à tous ceux qui le demandent, étant bien entendu que l’usage de la liturgie latine en vigueur en 1962 est une faculté donnée pour le bien des fidèles et donc à interpréter en un sens favorable aux fidèles qui en sont les principaux destinataires ;
c) de favoriser la réconciliation au sein de l’Église.

Sur ce sujet très important, permettez-moi ces quelques remarques :

Cette réconciliation sera doctrinale  et liturgique ou elle ne sera pas.

Elle doit donc s’initier dans les séminaires. Si l’on veut vraiment «parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise » comme le demande expressément Benoît XVI, il faut en prendre les moyens. La « réconciliation » passe nécessairement par la formation au séminaire. Il y faudra des générations. Au moins une dizaine d’années et plus. Il faut la vouloir. Aux séminaristes, il faut donc apprendre le sens des choses liturgiques ; il faut apprendre le latin. Benoît XVI le demande expressément. La liturgique, son ordre, son symbolisme demandent tout une étude, un apprentissage, une pratique. Les années de séminaires sont nécessaires à cette fin. Qui en prend les moyens ?
Le texte romain qui précise les résolutions du Motu Proprio Summorum Pontificum prévoit que les séminaristes apprennent la célébration de la messe aussi dans le rite « tridentin ». A la bonne heure ! Cela va dans le bon sens.
Si cela ne se fait pas, nous risquons d’avoir une juxtaposition de communautés, de prêtres. Ils chercheront à vivre dans l’amitié, une amitié retrouvée au niveau des diocèses, des doyennés. C’est important. Mais ce n’est  suffisant. Le conflit relevant de la doctrine, il faut nécessairement restaurer l’enseignement de la théologie thomiste, le sens de la liturgie dans le clergé. Le pape Benoît XVI vient de le rappeler dans ce fameux texte romain, tant attendu.

Mais cette réconciliation sera difficile

Le travail de cette réconciliation entre les prêtres sera difficile.

Pourquoi ?

Parce qu’il faut mesurer la crise qui touche l’Eglise. Elle est doctrinal et liturgique.

Sur le plan liturgique, deux mondes s’affrontent : la liturgie tridentine, la liturgie « moderniste ». Elles sont incompatibles l’une à l’autre. Sur ce sujet, il me semble que M l’abbé Barthe l’exprime fort bien dans une synthèse difficilement dépassable, dans son dernier livre : « la messe à l’endroit », à la page 11et 12. Son expression est toujours un peu difficile. Je partage son jugement : nous assistons dans la liturgie moderne à une « déritualisation ». Venez assister à une messe chrismale et vous en serez convaincu ! Vous avez également un « pluralisme » rituel…Qu’est devenue dans bien des églises la messe de Paul VI ? Vous avez également « un aplatissement du symbolisme liturgique », l’envahissement d’une « pédagogie de monitions », bien évidemment « le retournement de l’autel, si possible placé au centre de l’assemblée, la mue du célébrant hiérarchique en acteur personnel ». Oui ! Ce sont là quelques caractéristiques de la liturgie moderne. « Tout a contribué, dit-il, à faire (bien gauchement d’ailleurs) du culte divin une sorte de théâtralité accordée à la modernité, et donc, à faire que la dramaturgie liturgique cesse largement d’être … une réprobation de ce monde ». Or la vraie « liturgie chrétienne au sein du monde moderne ne peut qu’être critique de ce monde ». C’est très juste. La liturgie classique est « théandrique ». Le monde moderne « anthropocentrique ». Le culte divin est louange et adoration de Dieu. Le monde moderne est replié sur soi-même. Ainsi « s’adapter à ce monde, c’est disparaître. Ce qui est advenu »….Dès lors, « l’aspect de rupture de l’univers rituel catholique par rapport à la modernité individualiste a ainsi largement disparu. La conciliation – d’autant plus maladroite qu’elle est par la force des choses partielle – avec la « culture » que cette modernité sécrète fait que le culte divin a cessé d’avoir la pleine force d’invitation à tout « restaurer dans le Christ » . C’est ainsi que le profane, d’une manière non totale, certes, mais cependant d’une manière assez massive, est entrée dans le sanctuaire. : « idéologiquement, par la refabrication de rites où le subjectif de la célébration du groupe centré sur lui-même s’impose sensiblement par un abandon de l’hiératisme rituel, de la langue sacrée, de la prière « vers le Seigneur », de l’adoration exprimée au moyen d’une gestuelle et d’un silence de prosternation. On a ainsi concédé à la société moderne une atténuation de ce qu’elle n’est plus en mesure d’entendre : la valeur de la messe comme sacrifice offert pour les péchés, la présence réelle du Christ sous les espèces eucharistiées, la différence/similitude du sacerdoce de l’Homme-Dieu exprimant précisément l’action du Christ-Tête ». (p. 11-12). Ces dernières valeurs, rappelées heureusement ici par l’abbé Barthe, sont essentielles à la doctrine catholique et parfaitement exprimée dans le rite tridentin. Oui ! Sa « gestuelle » et ses prières les expriment à la perfection. Elles sont de l’essence du sacrifice de la messe.
Ce sont bien, alors, deux mondes qui s’affrontent. Ils sont incompatibles, inconciliables. Cette critique n’est pas outrancière. Elle est juste. Voilà la réalité, même si elle ne s’exprime pas partout, dans les églises paroissiales, heureusement, dans toute cette acuité.
Les choses en sont là aujourd’hui. Une « cohabitation » avec cette liturgie moderne – qui n’est souvent plus la liturgie de Paul VI,- mais il faut reconnaître que toutes les initiatives étaient permises – est pour moi, impossible. Il faut procéder à l’arrêt de ce qui est devenu une vraie subversion. Il faut comme le dit M l’abbé Barthe, « subvertir cette idéologie d’ouverture ». Aussi est-il légitime de se poser la question de la simple possibilité de procéder à la « Réforme de la Réforme » voulue par le cardinal Ratzinger. La liturgie de Paul VI, ici décrite, est-elle seulement réformable ?

Et pourtant l’Eglise doit nécessairement restaurer sa tradition liturgique.

Il n’y aura pas de réconciliation profonde et donc d’unité des esprits et des cœurs dans le monde sacerdotal -ce qui est hautement souhaitable – sans la réforme liturgique. La réconciliation par la réforme liturgique doit être le maître mot aujourd’hui … dans l’Eglise.

Mais dans cette réforme qui aboutira à une vraie réconciliation, il faut avoir le sens du possible et, dans ce domaine liturgique, aller du mieux au bien. M l’abbé Barthe suggère, dans un premier temps, de retenir cinq points :
-« Réintroduire l’usage de la langue liturgique latine, spécialement par l’utilisation du chant grégorien ( kyriale, Pater, si possible chant des parties du propre de la messe),
-Distribuer la communion selon le mode traditionnel,
-User de la première prière eucharistique, si possible en latin, et sans trop élever la voix,
-Orienter la célébration vers le Seigneur au moins à partir de l’offertoire,
-User en silence de l’offertoire traditionnel.
Avec en parallèle, la célébration de « la forme extraordinaire », la forme tridentine, qui viendra tout naturellement s’intégrer dans une vie liturgique paroissiale animée de cette réforme et qui la soutiendra efficacement. Et voilà pourquoi Benoît XVI demande la célébration paroissiale du rite tridentin au milieu du rite « ordinaire ». (p. 96)
Voilà qui serait beaucoup. Voilà qui favoriserait réellement une réconciliation sacerdotale.
Voilà ce que veut le pape.

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