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Entraide et Tradition

L’optimisme conciliaire peut-il changer la réalité des faits ?

publié dans regards sur le monde le 7 décembre 2012


L’optimisme conciliaire peut-il changer la réalité des faits ?

par M l’Abbé Christian Thouvenot

Il y a cinquante ans s’ouvrait le 21e concile œcuménique de l’Eglise, le plus important de toute son histoire par le nombre de ses participants et le plus atypique aussi, ne serait-ce que par la volonté d’ « ouverture au monde » qu’il afficha dès sa séance inaugurale (11 octobre 1962).

Un nouvel humanisme

L’une des caractéristiques de Vatican II réside dans l’optimisme radical et foncier avec lequel l’Eglise entendait désormais porter son regard sur l’humanité. Un mois avant l’ouverture, le pape Jean XXIII avait assigné à cette « rencontre mondiale » le but de « rendre pour tous l’existence terrestre plus noble, plus juste, plus méritoire » en exaltant « les applications les plus profondes de la fraternité et de l’amour » (message Ecclesia Christi lumen gentium, 11 septembre 1962). Plus célèbre est l’incantation du pape dans son allocution d’ouverture Gaudet Mater Ecclesia, marquant son désaccord face « aux prophètes de malheur » pour se faire lyrique : « Le Concile qui vient de s’ouvrir est comme une aurore resplendissante qui se lève sur l’Eglise, et déjà les premiers rayons du soleil levant emplissent nos cœurs de douceur. Tout ici respire la sainteté et porte à la joie. » Le discours de clôture du Concile, prononcé par Paul VI le 7 décembre 1965, voulut traduire ce formidable élan de sympathie de l’Eglise rénovée à l’égard du monde laïque et profane : « Sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. » Désormais, « un courant d’affection et d’admiration avait débordé du Concile sur le monde humain moderne. »

La fumée de Satan

Il fallut vite déchanter ! Le printemps annoncé d’une nouvelle Pentecôte n’eut pas lieu. Moins de dix ans après l’ouverture de Vatican II, le pape Paul VI faisait part de son désarroi. Le 29 juin 1972, il déclarait dans son homélie pour la fête des saints Pierre et Paul : « Devant la situation de l’Eglise d’aujourd’hui, nous avons le sentiment que par quelque fissure la fumée de Satan est entrée dans le peuple de Dieu. Nous voyons le doute, l’incertitude, la problématique, l’inquiétude, l’insatisfaction, l’affrontement. (…) Le doute est entré dans nos consciences, et il est entré par des fenêtres qui devraient être ouvertes à la lumière. On croyait qu’après le Concile le soleil aurait brillé sur l’histoire de l’Eglise. Mais au lieu de soleil, nous avons eu les nuages, la tempête, les ténèbres, la recherche, l’incertitude. Nous prêchons l’œcuménisme, et nous nous séparons toujours davantage les uns des autres. Nous cherchons à creuser des abîmes au lieu de les colmater. Comment cela a-t-il pu se produire ? Une puissance adverse est intervenue dont le nom est le diable… ». Cependant, Paul VI ne voulait pas voir dans cette situation dramatique la conséquence des réformes et des nouveautés destructrices de la vie catholique introduites par Vatican II, bien au contraire : « Nous croyons à l’action de Satan qui s’exerce aujourd’hui dans le monde précisément pour troubler, pour étouffer les fruits du Concile œcuménique, et pour empêcher l’Eglise de chanter sa joie d’avoir repris pleinement conscience d’elle-même. » On continua donc d’appliquer le Concile, malgré la crise sans précédent qui secouait tous les pans de l’Eglise : chute des vocations, révolution liturgique, crise des ordres religieux…

Le Synode de 1985

Vingt ans après la clôture du Concile, Jean-Paul II réunit un synode pour en évaluer toutes les conséquences. Et ce fut la confirmation de toutes les réformes, de toutes les nouvelles doctrines auxquelles le pape voulut donner leur véritable dimension. Il s’agissait de les faire pénétrer dans tout le peuple chrétien, d’où l’initiative d’un nouveau Catéchisme. Il fallait également leur donner un nouveau dynamisme, d’où la rencontre interreligieuse d’Assise, fait inouï qui devait être « vu et interprété par tous les fils de l’Eglise à la lumière du concile Vatican II et de ses enseignements » (audience générale du 22 octobre 1986). Qui veut comprendre la vraie portée de Vatican II et de la transformation qu’il a opérée dans la religion catholique doit, selon le pape, se reporter à cette réunion, première de beaucoup d’autres : « L’événement d’Assise peut ainsi être considéré comme une illustration visible, une leçon de choses, une catéchèse intelligible à tous de ce que présupposent et signifient l’engagement œcuménique et l’engagement pour le dialogue interreligieux recommandé et promu par le concile Vatican II. » (Jean-Paul II aux cardinaux, 22 décembre 1986).

L’apostasie silencieuse

Las ! Malgré « la nouvelle évangélisation » évoquée dès le début de son pontificat, malgré les multiples Journées Mondiales de la Jeunesse et le Jubilé de l’an 2000, Jean-Paul II à la fin de sa vie devait reconnaître l’existence d’une véritable « apostasie silencieuse » à l’œuvre parmi les catholiques, surtout en Occident. Non seulement le monde n’avait pas répondu au courant « d’affection et d’admiration » débordant du Concile, mais les conséquences de l’ouverture au monde s’avéraient toujours plus amères et déroutantes. Peu avant que Jean-Paul II ne s’éteigne, celui qui devait lui succéder décrivait l’Eglise comme « une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part », et dont Satan se réjouit de voir la chute prochaine (cardinal Joseph Ratzinger, Chemin de croix du Vendredi Saint 2005, 9e station). La nouvelle Pentecôte ressemblerait-elle à un naufrage ?

Aujourd’hui

Enième relance, le cinquantième anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II veut remettre ses enseignements et ses réformes au cœur de la vie de l’Eglise, à l’occasion de l’Année de la foi. Cette dernière est présentée comme une nécessité urgente : « Le cœur de la crise de l’Eglise en Europe est la crise de la foi. Si nous ne trouvons pas une réponse à celle-ci, si la foi ne retrouve pas une nouvelle vitalité (…), toutes les autres réformes resteront inefficaces », déclare le pape Benoît XVI (discours aux cardinaux, 22 décembre 2011). Curieusement, cela signifie que la foi doit « être repensée et vécue d’une manière nouvelle », – foi nouvelle dont le pape Jean XXIII voulait qu’elle soit celle du concile qu’il convoquait, il y a cinquante ans ! En effet, il « prévoyait un bond en avant vers un approfondissement doctrinal et une formation des consciences », si bien que « la nouvelle évangélisation a commencé précisément avec le Concile, que le bienheureux Jean XXIII voyait comme une nouvelle Pentecôte qui aurait fait fleurir l’Eglise dans sa richesse intérieure et dans son extension maternelle dans tous les domaines de l’activité humaine » (discours du 27 septembre 2012). Retour au point de départ…

Cinquante ans après, « l’aujourd’hui de l’Eglise » semble s’être figé inexorablement sur le concile Vatican II, horizon indépassable, unique boussole d’une Eglise en pleine crise, incapable de sortir d’une nouvelle Pentecôte qui pourtant se révèle être dans les faits un effondrement désastreux. Des « fumées de Satan » à l’« apostasie silencieuse », rien ne semble devoir perturber l’optimisme affiché, toujours de mise. Et si, à l’occasion de cet anniversaire, on se souvenait de la demande d’un archevêque missionnaire qui n’eut de cesse de réclamer qu’on le laissât « faire l’expérience de la Tradition » ? Non pas une expérience aventureuse de plus, mais une expérience éprouvée, parce qu’elle fait ses preuves depuis 2000 ans.

Abbé Christian Thouvenot

(Source: Dici)

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