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Entraide et Tradition

Canonisation de Jean XXIII?

publié dans regards sur le monde le 11 octobre 2013


                     Intéressante révélation concernant Jean XXIII                     

Jean Madiran – Itinéraires novembre 1980

Alors qu’on parle d’une canonisation de Jean XXIII, il est très intéressant de relire l’article que  Jean Madiran consacrait  à ce pape dans Itinéraires au sujet de l’estime qu’il  portait à Marc Sangnier et son Sillon. Sillon qui qui fit l’objet de condamnation par le Pape Pie X dans  sa lettre  « Notre charge apostolique » du 10 aout 1910″. 

Cet article de Jean Madiran est suivi d’une note du Cardinal Suenens révélant la véritable attitude de Jean XXIII dans le déroulement du Concile Vatican II 

Le site « La porte Latine » rappelle tout cela avec bonheur. PA

Malgré quelques apparences  contraires qu’il avait prodiguées no­tamment lorsqu’il était nonce à Paris,  Jean XXIII était en réalité un admirateur de Marc Sangnier et un disciple  du Sillon.

Révélation ? Oui. Comme le  disait Henri Rambaud, le véritable « inédit » c’est… l’imprimé, celui  que l’on n’avait pas remarqué au moment de sa parution.

La lettre du nonce Roncalli que  nous reproduisons ci-après avait pourtant été publiée déjà en 1965 dans le livre  d’Ernest Pezet : Chrétiens au  service de la cité, de Léon XIII au Sillon et au MRP (NEL). Elle était  passée inaperçue, du moins de nous. Voici qu’elle est republiée dans L’âme populaire, organe toujours vivant  du « Sillon catholique » fondé par Robert Pigelet en 1920, 60e  année, numéro 571 d’août-septem­bre 1980.

Cette lettre a été adressée par  le nonce Roncalli à Mme Marc Sangnier, le 6 juin 1950, à l’occasion de la mort  de Marc Sangnier, son contenu, sa portée dépassent de beaucoup un simple  message de condoléances, comme on va le voir :

« Paris, le 6 juin 1950

Madame,

J’avais entendu parler Marc Sangnier  pour la première fois à Rome vers 1903 ou 1904, à une réunion de Jeunesse  Catholique. La puissante fascination de sa parole, de son âme, m’avait ravi, et  je garde de sa personne et de son activité politique et sociale le souvenir le  plus vif de toute ma jeunesse sacerdotale.

Son humilité noble et grande à accepter plus tard, en 1910,  l’admonition, du reste bien affectueuse et bienveillante du Saint Pape Pie X,  donne à mes yeux la mesure de sa véritable grandeur.

Des âmes capables de se tenir aussi fidèles et res­pectueuses  que la sienne de l’Évangile et de la Sainte Église sont faites pour les plus  hautes ascensions qui assurent la gloire d’ici bas auprès des contem­porains et  de la postérité, à qui l’exemple de Marc Sangnier resteracomme un enseignement  et un encouragement.

A l’occasion de sa mort, mon esprit a été bien réconforté de  constater que les voix les plus auto­risées à parler au nom de la France  officielle se sont rencontrées, unanimes, à envelopper Marc Sangnier comme d’un  manteau d’honneur, du discours sur la Montagne. On ne pouvait rendre hommage et  éloge plus éloquent à la mémoire de cet insigne Français, dont les  contemporains ont su apprécier la clarté d’une âme profondément chrétienne et  la noble sincérité du cœur. « 

 

le commentaire de Jean Madiran

                        Par l’effet magique d’une sorte de  « réinterprétation » implicite des textes, – qui annonce les prodiges  que réalisera en ce domaine l’évo­lution conciliaire, – Marc Sangnier et son  Sillon ne reçurent donc du « saint pape Pie X » rien d’autre  qu’une « admonition bien affectueuse et bienveillante » ; il ne  reste le souvenir d’aucune erreur qui aurait été condamnée, d’aucun  enseignement qui aurait été formulé à l’encontre du Sillon. Le seul  « enseignement » dont se souvienne à ce propos le futur  Jean XXIII, c’est celui de… Marc Sangnier lui-même !                       Sans doute saint Pie X  reconnaissait dans les chefs du Sillon « des âmes élevées, supérieures aux  passions vulgaires et animées du plus noble enthousiasme pour le  bien » ; mais il déclarait aussi : « Nous avons eu la  douleur de voir les avis et les reproches glisser sur leurs âmes  fuyantes. » Les gens du Sillon sont « emportés dans une voie aussi  fausse que dangereuse ». Le Sillon « bâtit sa cité sur une théorie  con­traire à la vérité catholique et il fausse les notions essentielles et  fonda­mentales qui règlent les rapports sociaux » ; il « sème  des notions erronées et funestes » ;   il a « une fausse idée de la dignité humaine » ;  « son esprit est dangereux et son éducation funeste » ; et  désormais « il ne forme plus qu’un  misérable affluent du grand mouvement d’apostasie organisé dans tous les  pays ».

Qui le  soupçonnerait, à lire la réinterprétation lénifiante de Roncalli ? Qui  pourrait supposer qu’en réalité, dans sa Lettre sur le Sillon, saint Pie X  avait doctrinalement défini et dénoncé cette DÉMOCRATIE  RELIGIEUSE qui, un demi-siècle plus tard, à travers la  soi-disant ÉVOLUTION CONCILIAIRE, entraînerait  la société ecclésiastique dans l’APOSTASIE IMMANENTE ?

Au demeurant le nonce Roncalli  aimait en 1950 se souvenir qu’il avait été « fasciné » et  « ravi » par Marc Sangnier : souvenir qui demeure « le plus  vif de toute (sa) jeunesse sacerdotale ».

Le même nonce Roncalli, avec  d’autres interlocuteurs, arrivait à se faire passer plutôt pour un admirateur  et un disciple du cardinal Pie nous en avons le témoignage précis. Malheureux  Jean XXIII, sur qui l’abbé Berto avait eu ce mot terrible : – C’est un sceptique.

Un sceptique, oui ; mais non  point, pour autant, impartial entre les doctrines, ou indifférent devant elles.  Comme tous les sceptiques de tempérament, il inclinait activement du côté des  anti-dogmatiques ; des modernistes ; des sillonistes. Son admiration  pour le cardinal Pie, c’était de la frime ; ou disons : un respect  protocolaire ; dont il jouait habile­ment. Son cœur était pour le Sillon.

Le plus  frappant, c’est l’audace tranquille avec laquelle le nonce Roncalli se  permettait de parler de la lettre de saint Pie X sur le Sillon en la  « réinterprétant » de manière à  lui enlever toute sa signifi­cation morale et doctrinale. Qu’on relise  cette lettre Notre charge apos­tolique du  25 août 1910, et l’on apercevra aussitôt à quel point la ma­nière dont en parle  le nonce Roncalli manifeste une totale effronterie.

En 1950, le substitut  Jean-Baptiste Montini traitait exactement de la même manière l’encyclique Humani generis de Pie XII : on  en trouve le récit dans l’un et l’autre des deux livres que Jean Guitton a  consacrés à Paul VI. J’avais analysé en détail ce phénomène à l’occasion du  premier volume : dans le numéro 128 d’ITINÉRAIRES, décembre 1968, pages 154 à 159.  Je n’y nommais pas Montini, j’examinais son propos, je le qualifiais par litote  d’ « inattention aux textes » et de « rêverie  gratuite », estimant que mon commentaire « ne changerait actuellement  rien à rien et trouverait sa place normale en son temps, avec du recul et dans  une perspective déjà historique ».

Le nom de Montini n’apparais­sant pas, mon  analyse ne retint guère l’attention. On peut s’y reporter aujourd’hui, après le  second ouvrage de Jean Guitton sur Paul VI, qui est venu confirmer la teneur  authentique et l’audace effrontée des pro­pos montiniens de 1950. (‘Voir l’article de jean Madiran sur Mgr Montini, substitut, à la fin de ce « regards… »)

C’était le 8  septembre. Roncalli, le 6 juin de la même année. L’occasion de l’un et l’autre  texte était différente. La substance, la méthode  intellectuelle était identique. Voilà donc en quelles mains l’Église  militante était tombée.

Jean Madiran, in Itinéraires n° 247. Novembre 1980.

Véritable attitude de Jean XXIII dans la préparation du Concile et de ses schémas préparatoires, Cardinal Suenens – 1985

Aux  origines du Concile Vatican II

Il m’a été demandé d’éclairer un point  d’histoire qui a trait aux origines du Concile. Il concerne le plan initial que  je soumis au Pape Jean XXIII et auquel Montini, alors Cardinal, fit référence  dans   une  lettre à Jean  XXIII,   que  j’ai  communiquée à l’Istituto Paolo VI de Brescia,  lequel la rendit publique  dans son bulletin.

Voici donc les antécédents. Au cours  d’une audience, en mars 1962, je me plaignis au Pape Jean XXIII du nombre, à  mon sens  abusif, de  schémas   préparés en vue de la discussion conciliaire à venir. Il y en avait, je  crois, 72, de valeur fort inégale et, en tout cas,  d’un poids   excessif,  empêchant a priori un  travail fructueux et valable au sein du Concile. Jean XXIII me demanda de  déblayer le terrain et de lui faire un projet à partir de ces schémas préparés.

Après  étude   de ces  documents,  j’adressais à Jean XXIII  une note   préliminaire qui  avait comme  but   d’élaguer et de situer le Concile dans une vraie perspective pastorale.  La note était à la fois  négative  et   positive :  le « idem nolle »  et le  « idem velle » étant essentiels pour  faire ensuite un travail plus élaboré. J’annexe ici cette note (annexe  1), que Jean XXIII approuva de vive voix  et qui fraya la route au travail ultérieur.

Fin  avril 1962 le plan était prêt. J’y avais inséré, au maximum du possible,  les thèmes qui m’étaient chers, avec le constant  souci de promouvoir des adaptations pastorales   qui me paraissaient de première importance. Le document, étant confidentiel,  resta strictement personnel jusqu’au moment où je crus utile de le communiquer  a quelques cardinaux amis, dont le Cardinal Montini. Je retrouve  dans   mes  archives  une   lettre  du  Cardinal   Liénart  qui m’écrit  son adhésion   (voir  annexe  2) ;   les  autres  réagirent   dans le  même  sens, oralement.

De  son côté,   le  Cardinal  Cicognani,   Secrétaire  d’État, envoya par  ordre de Jean XXIII des photocopies de ce plan à un certain nombre  de   Cardinaux,  pour  information,   cet  envoi  date   du 19 mai 1962.

Jean  XXIII souhaitait rallier quelques Cardinaux influents à ce projet, de manière à  pouvoir le présenter au moment voulu sous leur patronage.  Il  me  demanda   dans  ce  but   de  rencontrer  quelques cardinaux qu’il désigna lui-même.

Une première rencontre eut lieu au Collège belge  au début de juillet 1962.  J’en  rendis   compte  au  Pape   dans  une  lettre datée du 4 juillet  1962 (voir annexe  3).   Une deuxième rencontre, peu après l’ouverture du Concile, eut lieu au Collège  belge, comprenant outre le Cardinal Montini, d’autres Cardinaux tels le  Cardinal Siri et  le  Cardinal   Lercaro. Le ralliement au plan se fit sans peine puisqu’il s’agissait  d’établir un cadre général pour discussion ultérieure au Concile.

On  trouvera,   en annexe  4, le plan proposé par moi  dans son stade  final.  Jean   XXIII,  de  son   côté,  l’avait  fait   sien  dans  ses traits   essentiels.  On  le devine,   en interligne,  dans le mémorable Radio-Message  qu’il fit le 12 septembre  1962,  annonçant et présentant le Concile qui allait s’ouvrir quelques semaines plus  tard. L’Osservatore  Romano  du   12  septembre  1962   introduisit  le Concile  sous   le  titre  « Ecclesia  Christi,   lumen  gentium ».  Jean XXIII présentait le Concile à venir en continuité  avec l’ordre du Seigneur :  « Allez,  enseignez   toutes  les  nations,   baptisez-les  au nom  du   Père,  du  Fils,   du  Saint-Esprit ;  apprenez-leur   a  garder tout ce que je vous ai  prescrit » (Mt 28, 19-20). Ces paroles constituaient  les   thèmes  mêmes  du   plan,  et le  discours   du  Saint-Père faisait  également   sienne  la  distinction   proposée  entre  l’Église « ad  intra »   et  l’Eglise  « ad   extra », qui   constituait  la  charnière du plan.

Le  Concile s’ouvrit le 11 octobre 1962. Jean XXIII avait dit : « en matière  de Concile nous  sommes  tous novices », et il laissa au Concile  le soin de faire ses premiers pas. Il m’avait dit : Le premier devoir  du  Pape est d’écouter et de se taire  pour laisser libre jeu à l’Esprit Saint » et, me montrant le plan dans son  bureau, il  me  dit qu’il en ferait usage au bon moment. Voila  pour  les antécédents.

On  sait   que, pendant  les  premières   semaines,  le  Concile   eut quelque peine à trouver sa voie et son orientation. Pour éclairer la  suite des évènements, il faut se rappeler par ailleurs l’état de santé  du   Pape,  qui  commença à nous  inquiéter.   En  date  du 18 octobre 1962,  le Cardinal Montini, préoccupé lui aussi du flottement,  écrivit   une  lettre à Jean  XXIII   pour  demander  plus   de structure et de cohérence dans le déroulement du Concile et, en  finale de sa lettre, il fit allusion au plan que j’avais proposé. Le Pape m’envoya  une photocopie de cette lettre à mon usage : elle est à présent  de  notoriété  publique   et  intéresse particulièrement les  historiens  du Concile, car cette  lettre  éclaire  déjà   certains aspects du nouveau Pontificat a venir.

L’état  de   santé  du  Pape   s’aggravant, je me suis  trouvé  devant un  problème  de   conscience :  fallait-il  prendre  l’initiative  de   proposer le plan ou rester passif, puisque Jean XXIII s’était réservé  le  moment de le  faire  connaître ?  Le  Pape,   malade,  ne pouvant plus être  approché directement, je lui écrivis une lettre d’affection et de  sympathie sans  soulever de questions, mais j’adressai à son secrétaire,  Mgr L. Capovilla, à toute fin utile, copie de l’intervention que je comptais  faire le surlendemain au Concile pour proposer le plan dans  ses  traits  essentiels.   Je n’imaginais pas que le Pape malade en aurait pris connaissance. A ma  surprise, Mgr Dell’Acqua m’appela au Vatican le lendemain de grand matin pour  me dire que Jean  XXIII  était non seulement  pleinement d’accord avec mon texte, mais  qu’il l’avait lu au lit et annoté, écrivant en marge quelques réflexions  supplémentaires en italien.

J’ai  demandé   à Mgr Dell’Acqua  de  faire   mettre en latin par ses services ces ajouts pontificaux, pour être sûr  de ne pas trahir la pensée du Saint-Père, et c’est donc en toute sécurité de  conscience que je fis in aula le  discours du 4 décembre 1962, qui proposait le thème central auquel le Concile  se rallia. L’adhésion fut d’autant plus unanime que le lendemain le Cardinal  Montini, qui était resté  très réservé  pendant la première  session du  Concile, se   prononça chaleureusement en faveur de ma proposition, ainsi que le  Cardinal  Lercaro.

Voilà,  aussi  objectivement  que   possible,  l’enchaînement des  faits. Avec le recul de l’histoire, Vatican II, j’en suis sûr, apparaîtra comme  une grâce pentecostale pour laquelle Jean XXIII n’a pas prié en vain et pour  laquelle il offrit sa souffrance et sa vie.

†  L.-J.  Card,  SUENENS,Boulevard  de Smet de Naeyer, 570 –  B-1020  Bruxelles

Source : Nouvelle Revue  Théologique n° 107, page 3 à 21, 1985

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Voici l’article de Jean Madiran sur l’attitude intellectuelle de Mgr Montini, futur pape Paul VI, substitut de la secrétairerie d’Etat à l’époque de la publication par Pie XII, en 1950, de son encyclique « Humanis  Generis » condamant les erreurs modernes. Et l’on voudrait aussi canoniser Paul VI?

« ….Puisque nous parlons d’inattention aux textes et d’erreurs de fait, je peux bien dire que j’avait buté sur la page 27 « du livre de jean Guitton (Dialogues avec Paul VI, t.2) à propos de l’encyclique Humani Generis de 1950. j’en fus d’emblée tellement secoué que je rouvris l’encyclique ce qui est toujours une grâce, une bénédiction, une lumière: j’en remercie Jean Guitton qui en a été la cause occasionnelle.

En sa page 27 nous sommes à la date du 8 septembre 1950. L’encyclique n’est pas vieille d’un mois: elle du 12 août. Elle est tout à fait présente à l’esprit de ceux qui viennent de la lire, de commencer à l’étudier. Or cette date, en cette page, recopiant les « notes qu’il avait écrites le soir même  » de ce 8 septembre, voici le propos que rapporte Jean Guitton:

« Vous avez sans doute remarqué vous-mêmes les nuances qui sont inscrites dans ce texte pontifical. par exemple, jamais l’Encyclique ne parle d’ERREURS (errores). Elle parle seulement d’OPINIONS (opiniones). Ceci indique que le Saint Siège vise à condamner, non les erreurs proprement dites, mais des modes de pensée qui pourraient amener des erreurs mais qui en eux-mêmes demeurent respectables »

L’erreur de fait est complète; l’inattention  au texte invoqué est totale; et point par point:

1- « Jamais l’Encyclique ne parle d’erreurs (errores) »

Le mot « erreurs » apparait dès la premeière ligne de la traduction française pour rendre le terme latin « aberratio« , qui n’est pas error, mais qui n’est pas moindre, au contraire.  Nous retrouvons « aberrationem » dès le début du second paragraphe. Au § 6, il est question d’une novae aberranti philosophiae, une nouvellle philosophie abérrante. Au § 7 , d’un historicisme qui subvertit veritais legisque absolutae fundamenta, c’est-à-dire qui « mine en son fondement toute vérité et toute loi absolue »: serait-ce là simple « opinion », et nullement erreur? Au § 10, nous trouvons erroribus et errorem, pour nous prévenir que parmi nos philosophes et nos théologiens, il en est qui « tachent de se soustraire à la direction du Magistère et tombent insensiblement et sans en avoir conscience dans le danger d’abandonner même la vérité divinement révélée et d’entraîner avec eux les autres dans l’erreur ». Au § 18, il est souligné que ce qu’expliquent les encycliques de Pontifes romains « est négligé par certains d’une manière habituelle et préméditée ». Parlant des assertions contre lesquelles s’élèvent les dix-huit premiers paragraphes, le § 19 déclare: « Tous ces dires peuvent paraître fort adroits, l’erreur pourtant n’y manque pas » (le latin ne dit pas error ni errores, il dit: falacia, qui est équivalent, ou qui plutôt est encore plus grave). Au § 22, il est question de docteurs  catholiques qui « renouvellent la théortie déjà plusieurs fois condamnée… » Au § 37, l’encyclique répète qu’elle signale des erreurs manifestes et des dangers d’erreur: manifestos errores errorisque pericula; non seulement donc, des dangers d’erreur mais bien des ERREURS MANIFESTES. Le § 58 répète: ces erreurs, « aujourd’hui répandues ouvertement ou en secret » (iis erroribus)

Qu’on se reporte au texte authentique latin ou à la traduction française, il est incroyable que l’on ait pu avancer une telle proposition: « Jamais l’encyclique ne parle derreurs (errpores) » Elle en parle tout le temps. Quand elle ne dit pas errores, elle dit aberrationes et elle dit fallacia

2- L’Encyclique parle seulement d’opinions (opiniones)

Le terme « opinions » figure en effet dans le titre: « de Nonnullis falsis opinionibus quae catholicae doctrinae fundamenta subruere minantur« : « De quelques opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholqiue ». Il n’est donc pas questions de simples « opinions », l’encyclique ne parle pas seulement d’opinions », elle parle d’opinions fausses. On voit mal quelle différence on pourrait apercevoir entre « une opinuion fausse  » et une erreur, s’agissant d’opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique.

Il n’est pas vrai, nous l’avobns vu, que l’encyclique n’emploie jamais le terme d’errores: elle l’emploie souvent. Il est vrai qu’elle emploie en outre les termes opiniones et opinationes, mais dans le même sens qu’errores: outre le titre, cela resort du § 58 où » ces opinions nouvelles » (novas eiusdem opinationes ») et « ces erreurs » (iis erroribus) sont employées tour à tour non pas pour désigner deux sortes différentes de choses, mais comme deux expressioins ayant en l’occurrence même extension et même compréhension

3- « Le Saint Siège vise à condamner non des erreurs proprement dites, mais des modes de pensée qui pourraient amener des erreurs »

A-Voici dans l’ordre, les « modes de pensée » qui sont explicitement désignés dans l’encyclique:

-la théorie moniste et panthéiste (§ 5)

-le matérialime dialectique des communistes (id)

-l’immanentisme, le pragmatisme, l’existentialisme (§6)

-un faux historicisme (§7); etc etc

Il est singulièrement étrange de voir en ces doctrines « non des erreurs proprement dites, mais des modes de pensée qui pourraient amener des erreurs »…

B- D’ailleurs, l’encyclique déclare explicitement qu’elle vise non pas des pensées qui pourraient amener des erreurs mais des nouveautés qui ont déjà produit, dans presque toutes les parties de la théologie des fruits empoisonnés (§ 25: ac mirum non est hujusmodi novitates, ad omnes fere theologiae partes quod attinet, jam venenosos peperisse fructus). Des fruits empoisonnés! Déjà produits! dans presque toutes les parties de la théologie!

Au § 16 il était dit: « Ces tentatives non seulement conduisent à ce que l’on appelle le relatvisme dogmatique, mais le contiennent déjà réellement » (non tantum ducere…sed illum iam reapse continere).

Ainsi par deux fois au moins, le texte de l’encyclique de la manière la plus explicite et la plus précise, s’applique à prévenir et à écarter l’interprétation qui prétendrait qu’elle vise « non des erreurs proprement dites, mais des modes de pensée qui POURRAIENT AMENER des erreurs ». Néanmoins cette interprétation fut mise en avant moins d’un mois après sa publication.

C’est donc bien, comme on vient de le voir, point par point et mot à mot que le propos du 8 septembre 1950 rapporté en la page 27 de jean Guitton, contredit des affirmations explicites de l’encyclique Humani generis.

A la page précédente, Jean Guitton avait rapporté sa propre opinion: « L’encyclique a besoin d’une interpretation ». C’est possible: au moins en ce sens que toute lecture est interprétative. Interpréter, c’est par exemple rechercher quel sens donner aux termes errores, aberationes, fallacia, contenus dans le texte. Mais commencer par dire et (apparemment par croire) que ces termes ne sont pas dans le texte, et que leur absence est une caractéristqiue de la plus haute importance, qui doit commander toute la lectuire du document et qui indique son intention générale, – ce n’est plus une interprétation. Ce n’est même pas une interprétation fausse. C’est, en déçà de toute interprtation, la négation de l’objet, le refus du texte à interpréter, remplacé par une réverie gratuite sur laquelle on construit des considérations d’une allure déterminante et impérative, mais qui sont accrochées en l’air.

Ainsi la refexion, au lieu de scruter ce qui est, devient purement « poétique », au sens grec ou l’entend Marcel de Corte, et se met à planer dans un arbitraire qui, décourageant les communications intellectuelles opérées par le moyen du langage articulé, ne laisse en définitive, nécessairement, subsister entre les hommes que des rapports de force.

Vous connaissez l’histoire du chaudron:

-Tu ne m’as pas encore rendu mon chaudron neuf?

-Tu ne m’en as prêté aucun. Et il n’était pas neuf. Et je te l’ai déjà rendu.

La pensée catholique, chez un nombre croissant de ses représentants les plus hautement éminents, (NB Jean Madiran a en vu ici Mgr Montini, substitut de la Secrétairerie d’Etat) en est donc à l’heure du chaudron.

j’ignore si en 1967, au moment où l’on relisait les épreuves de la page 27, on a eu la simple curiosité de rouvrir l’encyclique Humani Generis de Pie XII; j’ignore si la contradiction arbitraire qu’on lui faisait par chuchotement privé en 1950, et que l’on a publiquement renouvelée en 1967 a été volontairement délibérée, en pleine connaissance de cause. Je constate les faits

Comparée à l’état présent du monde et de l’Eglise l’encyclique de Pie XII est aussi actuelle que la réponse de Jésus à saint Jude. Mais on nous fait croire que Jésus n’a pas répondu; et que « les erreurs manifestes » signalées en 1959 n’étaient pas vraiment des erreurs. Alors cette génération d’homme s’enfonce dans l’angoisse et dans la nuit.

Jean Madiran.

Itinéraires n°128 Décembre 1968. p154-159

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