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Faut-il vraiment canoniser Jean XXIII?

Faut-il vraiment canoniser Jean XXIII?

publié dans nouvelles de chrétienté le 11 mars 2010


Alors que certains groupes, qui ne font pas partie de l’Eglise catholique et en sont même fort éloignés, ont pu faire pression victorieusement sur elle pour entraver le procès en canonisation de la reine Isabelle la Catholique et retarder celui du pape Pie XII, serait-il permis à un simple fidèle appartenant à une communauté réprouvée par un ostracisme vigilant, et témoin d’une Eglise oubliée, d‘émettre quelques réserves sur le procès en canonisation du pape Jean XXIII ?

 

Il n’est certes pas facile de jouer le rôle ingrat d’accusateur dans une cause où l’un des acteurs est absent. Mais sont aussi absents les milliers de chrétiens d’Afrique si maltraités par l’Histoire officielle et honnis par la pensée unique politiquement correcte.

 

Car nous les pieds-noirs, nous avons quelque chose à dire au sujet du sort de l’Eglise d’Algérie et de la politique du Vatican à son égard.

 

Si le pape Pie XI a ouvert finalement les yeux sur la nature véritable du communisme (trop tard pour les malheureux Cristeros massacrés au Mexique entre 1926 et 1929 et au-delà), c’est lorsque l’Espagne a été menacée à son tour par la République espagnole révolutionnaire et communiste de 1936.

 

Le pape Jean XXIII, lui, a passé outre aux mises en garde de son prédécesseur quant à la perfidie communiste, lorsqu’il a négocié avec les émissaires kagébistes de l’Eglise russe pour conclure « l’Accord de Metz » (l).

 

C’est dans le même esprit que l’on n’a pas considéré avec la méfiance qui convenait le socialisme arabe qui allait être installé par De Gaulle en Algérie, en attendant que ce socialisme arabe se transforme purement et simplement en islamisme, chassant les croix de nos églises transformées en mosquées et profanant nos cimetières en détruisant les tombes de nos aïeux.

 

Mais il y avait à Alger un archevêque, indigne successeur du cardinal Lavigerie, et pourtant responsable du troupeau qui lui avait été confié depuis le 3 février 1954, qui fut soutenu dans toutes ses aberrations par le Vatican, qui, en la personne de Paul VI l’honora même du titre de cardinal le 22 février 1965.

I – Léon-Etienne Duval, archevêque d’Alger

 

Quelles que soient les fonctions d’autorité, avant de décider, on a le devoir de s’informer et c’est ce qui semble avoir manqué principalement à Mgr Duval. A moins que ses partis pris idéologiques de gauche n’expliquent le tout de sa conduite.

 

Mais puisqu’il était en cheville avec le FLN, il avait le devoir de s’informer à son sujet sur l’avenir préparé aux chrétiens dont la charge lui était confiée. Et il avait un moyen très simple qui était à sa portée : le FLN (2) était soutenu par le dictateur égyprien Nasser et une grande partie de ses troupes l’avait pris pour modèle. Or, quel sort l’Egypte réservait-elle aux chrétiens ?

Il y avait d’abord les Coptes opprimés depuis toujours. Avec Nasser leur situation s‘était encore aggravée. Mais surtout, la politique du régime nassérien était dépourvue d’ambiguïté à l’égard du christianisme : contrôle accru sur les écoles religieuses, égyptianisation de la direction de ces écoles, interdiction d’enseigner une autre religion aux enfants musulmans.

Si Mgr Duval voulait savoir l’avenir de l’Algérie sous la conduite du FLN, il lui suffisait de connaître la politique de Nasser, qui avait causé entre autres le départ de la plupart des juifs du pays.

Mais il semble bien que son parti fût déjà pris : les pieds-noirs ne peuvent oublier, par exemple, qu’il refusa que l’abbé Dahmar vînt dire la messe pour les étudiants des Barricades de janvier 1961. Et qu’il traita différemment les victimes des attentats selon qu’elles étaient d’origine européenne ou indigène ; il envoyait ainsi les secours de ses religieuses dans la Casbah, mais non aux gens qui furent mitraillés le 26 mars 1962 rue d’Isly à Alger.

II – Jean XXIII et l’Algérie

« [Les pays d’Afrique] devront reconnaître à l’Europe le mérite de leur avancement, et étendre à tous les domaines l’influence de l’Europe et de la civilisation chrétienne, sans quoi ils risqueraient d‘être entraînés par un nationalisme aveugle à se jeter dans le chaos ou dans l’esclavage. » Pie XII, Radio message de Noël 1955.

Depuis 1944, le nonce apostolique en France était Ange Joseph Roncalli (le futur pape Jean XXIII). C’est en cette qualité qu’il a fait une visite en Algérie en 1950 en particulier pour inaugurer à Oran la basilique de Notre-Dame-de-Santa-Cruz. Il connaissait donc personnellement l‘évêque de Constantine d’alors, Mgr Duval, et il y a tout lieu de supposer qu’il a préparé sa nomination à la succession du vieil archevêque d’Alger, Mgr Leynaud, âgé de 87 ans (3).

En outre il avait quelque idée de ce qu‘était la chrétienté en Algérie pour avoir eu un aperçu des églises qui en formaient la trame sur toute son étendue.

Pourquoi a-t-il accordé une si grande confiance à Mgr Duval alors qu’il pouvait savoir à quel point celui-ci était méprisé ou haï de la plupart de ses ouailles ?

Or, au moment de l’exode des pieds-noirs et des harkis, et donc à la disparition de l’Eglise d’Algérie, son soutien inconsidéré à la politique duvalienne va jusqu‘à adresser à ce dernier le 7 juillet 1962, malgré la récente profanation de la cathédrale d’Alger (le 6 juillet), un télégramme qui fut aussitôt publié dans la presse :

« A l’occasion de la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, le Souverain Pontife forme des souhaits fervents de prospérité pour le nouvel Etat, appelant de ses vœux l’harmonieuse collaboration des diverses communautés, favorisée avec tant de zèle par votre Excellence. Sa Sainteté invoque de grand cœur sur tous les habitants de la terre algérienne les abondantes bénédictions du Dieu Tout-Puissant. »

Ce pourrait n‘être qu’une formule diplomatique si, par ailleurs, la sollicitude du Pasteur de tous les fidèles s‘était manifestée pour secourir les malheureux qui fuyaient le couteau des égorgeurs. Or pas plus que Mgr Duval ou la plupart des évêques français, on ne manifesta quelque sympathie (4) pour de supposés suppôts de l’OAS (5) qui durent affronter la misère et le désespoir avec l’hostilité de l’opinion publique et de la plupart des médias.

Il est bien possible que Jean XXIII fût trop occupé à la préparation du Concile pour se soucier d’une chrétienté sur laquelle les informations étaient biaisées par l’idéologie de la décolonisation qui sévit encore aujourd’hui partout.

Si l’on recherche avec soin les discours et les interventions du Pape en cette douloureuse année 1962, on est surpris de ne pas trouver la moindre allusion aux malheurs des catholiques d’Algérie contraints à l’exode ou suppliciés.

Bien plus, son Message pour l’indépendance de l’Algérie daté du 2 juillet 1962 est à l’opposé des angoisses qui étreignent les chrétiens d’Algérie :

« … Les récents événements invitent à des pensées de confiance : les vœux les plus cordiaux accompagnent ces populations dans les tâches importantes que comporte l‘étude de la charte constitutionnelle, au moment où retentit dans le monde la voix de leur jeune liberté… »

On cherche tout aussi vainement dans son message pour la Journée de la paix du 10 septembre 1961 le souci des malheurs de l’Eglise d’Algérie : prêtres enlevés, familles massacrées…

Et l’homélie prononcée le 3 septembre 2000 par Jean-Paul II à l’occasion de la béatification ne lui fait pas le crédit de s‘être soucié d’une si petite Eglise mais bien d’avoir eu la merveilleuse intuition prophétique de la nécessité d’un concile écuménique (sic) inaugurant une saison d’espérance pour les chrétiens et pour l’humanité.

Il conviendrait donc de poser la question : le Bon Pasteur ne laisse-t-il pas les 99 brebis qui sont en sûreté au bercail pour aller à la recherche de celle qui est exposée au danger ? Nous avons attendu ne serait-ce qu’un mot de compassion de la part du Père de tous les fidèles, et nous avons ressenti les honneurs décernés à notre imprévoyant archevêque (6) quelque peu sectaire comme une insulte à notre malheur.

Conclusion : faut-il vraiment canoniser Jean XXIII ?

« L’Eglise ne doit pas s’occuper seulement des catholiques mais du monde »,

Jean XXIII, Prix Balzan d’humanisme, de paix et fraternité entre les peuples pour l’année 1962.

Nous avons essayé de rapporter les actes publics, les paroles et les écrits qui sont des éléments objectifs de la vertu et de la sainteté de celui qu’on pourrait proposer à la vénération des fidèles. Mais justement pour nous, chrétiens d’Afrique du Nord, certains de ces actes ou de ces paroles furent scandaleux et nous ne comprendrions pas qu’on les proposât comme modèles alors qu’ils furent pour le moins injustes.

En outre, au moment où Jean XXIII s’est engagé à ne pas condamner le communisme (l’Accord de Metz date d’août-septembre 1962), il a abandonné sans regret une Eglise de plus d’un million de fidèles au joug d’un parti marxiste et islamiste.

Car il est symptomatique que le FLN fut l’allié de Moscou et que, selon le mot de Lénine, Alger était le ventre mou de la France.

N’est-ce pas la préfiguration de la politique d’Augustin Casaroli (7) (l’Ost Politik) qui ménage les régimes communistes par des concessions, des abandons et autres lâchetés (8), au détriment des véritables intérêts de l’Eglise ?

Il semble donc que sur ces deux points (l’Accord de Metz et l’abandon de l’Eglise d’Algérie) le pape Jean XXIII ait manqué à la prudence et à la charité qu’on attend d’un souverain pontife, père de tous les fidèles.

Paul-André Maur  (Tiré de Présent  Samedi 27 février 2010)

(l) Accord en vertu duquel les soi-disant orthodoxes russes acceptaient d’assister au Concile à condition que le communisme n’y fût pas condamné.

(2) Mouvement terroriste d’obédience marxiste.

(3) Mgr Roncalli fut nommé patriarche de Venise, le 12 janvier 1953 et Mgr Leynaud mourut le 5 août suivant.

(4) A l’exception notable du Secours catholique de Mgr Rodhain.

(5) Organisation de résistance qui pratiqua dans la dernière période le contre-terrorisme en réponse à l’intrusion sanglante de barbouzes commanditées par le gouvernement français.

(6) Déclaration du 25 juillet 1962 de Mgr Duval : « Tout laissait espérer, il y a quelques semaines, que l’Algérie, dans la joie de sa jeune liberté, dans les possibilités qui lui sont offertes, allait prendre son essor dans un avenir de paix et de prospérité. Si certaines régions, aujourd’hui, donnent l’exemple de la tranquillité et du travail dans l’ordre, d’autres, au contraire, sont le théâtre de violences que rien ne peut justifier : enlèvements, exactions de toutes sortes ; même les tombes où reposent les morts sont quelquefois profanées. » Les libéraux sont toujours surpris des conséquences réelles des principes qu’ils affichent.

(7) Secrétaire d’Etat de Jean XXIII et de Paul VI.

(8) Lâches abandons qui ne firent qu’aggraver la situation des chrétiens soumis à la tyrannie soviétique.

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