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UE : la marée montante

publié dans regards sur le monde le 8 janvier 2014


 

Lu dans Correspondance européenne   n°  277 

la marée montante

Les élections européennes du 25 mai 2014 s’annoncent mouvementées si l’on en croit l’inquiétude exprimée par certains politiciens bien placés dans le système eurocratique. Selon le Président du Conseil italien, Enrico Letta, « si les populistes en Europe dépassaient les 25 %, cela serait très préoccupant ».  Herman Van Rompuy s’est exprimé sur la même ligne : « Ce sera une élection extrêmement difficile. Il y aura toujours une majorité suffisante pour défendre la cause européenne, mais dans des circonstances plus difficiles que par le passé ».

Et il a ajouté qu’il espérait un « effet d’entraînement », sinon « j’ai peur ». Ainsi le personnel politique de l’Union européenne semble prendre conscience qu’une partie de l’électorat européen lui échappe, mais il se trouve assez démuni quand il s’agit de le récupérer.

La raison en est principalement que, dans leur analyse, les dirigeants de l’Union européenne et des principales formations politiques des Etats-membres, refusent toujours de voir dans la contestation de l’Union européenne et de ses lignes politiques autre chose qu’un grand malentendu, le résultat d’une manipulation de la part des populistes ou encore une réaction irrationnelle due à la peur. C’est la lecture du Président français : « La peur du déclin et de l’islam » serait à l’origine de l’extrême droite. En soi, cette analyse n’est pas fausse, mais François Hollande considère que cette peur n’est pas fondée car, selon lui, il n’y a pas de déclin et l’islam est sans danger.

L’Union européenne ne s’est pas départie de cette attitude depuis sa création : ceux qui s’opposent à « l’Europe » sont dans l’incompréhension – argument qui avait justifié le deuxième référendum en Irlande, dûment orienté par des subsides de Bruxelles – ou bien ils représentent la lie de ce continent avec laquelle aucun dialogue n’est possible.

Ce mépris, sensible dans les deux catégories, dénote une grande faiblesse. Il s’accompagne d’une moralisation de la démocratie car les opposants à « l’Europe » ne peuvent être que rétrogrades, nationalistes, extrêmes et violents. Ils sont rejetés dans le domaine de l’irrationnel et du vice. Par conséquent, aucun débat n’est envisageable et toute compromission serait moralement dangereuse. Or c’est justement une faiblesse de l’Union européenne de n’avoir pas entamé de débat honnête avec ceux qui s’opposent à elle, mais d’avoir trouvé plus commode de les considérer comme des infréquentables. Cela ne sera pas oublié.

Jean-Marie Le Pen, doyen du Parlement européen, n’avait pas eu droit aux marques de considération prévues par le règlement de ce parlement et ses interventions étaient coupées avant la fin. Nigel Farage, Président du groupe parlementaire Independance and Democracy s’est systématiquement heurté aux sourires méprisants de Barroso et de Van Rompuy qui n’ont jamais daigné lui répondre. You Tube ne trompe pas : tout cela a été visionné par des milliers, des centaines de milliers d’Européens qui se sont sentis insultés à travers ces orateurs. La réponse pourrait être donnée en mai prochain.

Pour l’heure, la parade du personnel politique européen est bien insuffisante. Elle va du discours moralisateur, comme « on attend un  réflexe de responsabilité » (Giscard d’Estaing), à la menace. Celle-ci est peut-être plus efficace. Selon Enrico Letta, la reprise économique qui s’amorce timidement risque d’être étouffée dans l’œuf et toute l’Europe retomberait dans la récession si les populistes l’emportaient. Cet argument aurait quelque poids s’il était présenté par une classe politique consciente de ses devoirs. Mais nul ne peut ignorer en Europe que la crise économique a été provoquée par l’irresponsabilité des gouvernements.

Personne n’a oublié qu’au moment où l’Union européenne prêchait l’austérité aux gouvernements, elle-même n’a pas coupé dans ses dépenses et qu’au contraire le Parlement européen s’est voté une augmentation de budget. Quand Letta déclare : « une grande bataille est en cours : celle de l’Europe des peuples contre l’Europe des populistes », il ne fait que démontrer qu’il n’appartient à aucune des deux. Quand Van Rompuy déclare que « l’Union européenne est du côté du peuple ukrainien », il atteste son ignorance de ce qu’est un peuple.

Tout se résume à cette coupure qui existe entre les institutions et la population, le pays légal et le pays réel, qui est probablement la caractéristique principale de la démocratie parlementaire. Le défaut de représentativité est le grand paradoxe démocratique. Les politiciens élus considèrent comme leur devoir de guider, même malgré eux, des peuples immatures et stupides vers le type de société qu’ils ont choisi pour eux. Si les peuples sont récalcitrants, on leur forcera la main. Ainsi les élites politiques d’un tel système dénient tout crédit aux arguments de l’opposition. Pour eux l’immigration, la société multi-culturelle, le mondialisme, la disparition des modèles traditionnels, etc. sont à priori de bonnes choses ou, au pire, des passages obligés et des mutations inévitables. La négation de la réalité est totale.

La rencontre entre Marine Le Pen et Geert Wilders du PVV néerlandais a ouvert la perspective d’un groupe politique populiste au Parlement européen après les élections de mai 2014. Le terrain est propice à une alliance pan-européenne des partis populistes de droite. Pour qu’un tel groupe parlementaire soit créé, il faut 25 élus de 7 pays différents. A l’heure actuelle, des partis comme le FN français, le PVV néerlandais, le Vlaams Belang belge, le FPÖ autrichien entreraient dans l’alliance, ainsi que quelques membres de l’Alliance européenne pour la Liberté. Il leur manquerait encore deux pays pour créer le groupe parlementaire. Certains partis refusent catégoriquement de faire partie du groupe (UKIP en Grande-Bretagne et  le Parti populaire danois) ; d’autres ne sont pas invités (le JOBBIK hongrois ou l’Aube Dorée grecque).

Ces partis et d’autres encore, même en dehors de l’Union européenne (le Parti du progrès en Norvège et l’UDC en Suisse), sont crédités de 20 à 30 % des voix aux prochaines élections. Au Parlement européen, ils pourraient occuper quelque 30 % des sièges. Cela ne paralyserait pas le fonctionnement de l’Union européenne mais forceraient les partis du système à une plus grande cohésion pour faire face à la marée montante. De plus, l’Union européenne perdrait peut-être un peu de son opacité car elle serait sous le feu d’une masse d’observateurs critiques qui ne manqueront pas un seul faux pas. Pour les partis populistes, le défi n’est pas moindre. Trouver un terrain d’entente entre le PVV libéral et défenseur des homosexuels, le FPÖ plutôt anti-chrétien et le FN français, n’est pas facile. L’immigration, l’islam et l’Union européenne sont une plate-forme d’opposition commune, mais dès qu’on en sort des divergences parfois vives resurgissent.

Un sentiment profond de défendre l’identité européenne à travers celle de chaque peuple est aussi commun à toutes ces formations politiques. L’ennemi intérieur est alors l’Union européenne et la classe politique dans son ensemble ; l’ennemi extérieur est l’immigration et la mondialisation. Contre ces deux ennemis, une coalition est possible. On a remarqué que l’usage du terme « Union européenne » tend à devenir purement administratif tandis que le personnel politique assimile de plus en plus l’Union européenne à l’Europe. Ainsi être contre l’Union européenne c’est être contre l’Europe.

Une décision de l’Union européenne est une décision de l’Europe. Ce glissement n’est pas seulement une facilité de langage. On peut y voir une volonté de donner plus de légitimité à l’Union européenne. En effet, s’opposer à l’Europe est probablement la dernière chose que voudraient faire les populistes dont toute l’énergie est consacrée à la défense de la véritable Europe, celle des peuples, contre celle des oligarques. (Christophe Buffin de Chosal)

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