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Histoire de la messe interdite (17)

publié dans un disciple le 6 février 2018


Histoire de la messe interdite (17)

Livre 3

 

Chapitre 6

 

1988-1998

 

Les communautés « Ecclesia Dei »

Le soutien  du cardinal Ratzinger

et

du  cardinal Stickler

Leurs jugements sur la réforme liturgique

de Paul VI

 

 

 

Nous avons vu dans les chapitres précédents, et plus particulièrement dans le livre 1, le chapitre 4, je crois, les critiques théologiques que l’on peut adresser à la réforme liturgique du Novus Ordo Missae de Paul VI.

Nous vous avons présenté un résumé des arguments du « Bref Examen Critique » qui fut adressé par les Cardinaux Ottaviani et Bacci au Pape Paul VI.

 

Nous savons que ces critiques, qui impressionnèrent un instant Paul VI, n’arrêtèrent pas le mouvement infernal de l’application de la réforme liturgique dans l’Eglise.

Nous savons que le Pape Paul VI engagea même sa propre autorité apostolique dans cette affaire.

Vous vous souvenez, je pense, de son discours au Consistoire du 24 mai  1976 demandant à toutes communautés de suivre cette réforme liturgique.

« C’est au nom de la Tradition que nous demandons à tous nos fils, à toutes les communautés catholiques, de célébrer, dans la dignité et la ferveur, la liturgie rénovée. L’adoption du nouvel Ordo Missae n’est pas du tout laissée au libre arbitre des prêtres ou des fidèles. L’instruction du 14 juin 1971 aprévu la célébration de la messe selon l’ancien rite, avec l’autorisation de l’Ordinaire, uniquement pour des prêtres âgés ou malades, qui offrent le sacrifice divin sine populo. Le nouvel Ordo a été promulgué pour être substitué à l’ancien, après une mûre réflexion, et à la suite des instances du Concile Vatican II. Ce n’est pas autrement que notre saint prédécesseur Pie V avait rendu obligatoire le missel réformé sous son autorité, à la suite du Concile de Trente. « […]

(Allocution prononcée par Paul VI au cours du consistoire secret du 24 mai 1976)

Mais la doctrine est la doctrine. Et un grand nombre de catholiques ne baissèrent pas la garde et continuèrent  en paix à suivre la célébration de la messe tridentine. Beaucoup se réunirent autour de Mgr Lefebvre et de sa Fraternité et de ses prieurés, de ses écoles, de ses prêtres, des communautés amies, des religieuses de Brignoles, de Fanjeaux., des couvents, des Monastères de Dom Gérard…

Ce trésor liturgique était sauvé…

D’autant que, petit à petit, des autorités catholiques et pas les moindres, le cardinal Ratzinger et le cardinal Stickler,  commençaient à faire entendre leur voix et à se prononcer nettement en faveur de la messe tridentine et de son maintien, du moins de son retour.

C’est le cardinal Ratzinger

Section I : La pensée du Cardinal Ratzinger (Voir la note à la fin de ce chapitre)

 

 

L’Eglise « conciliaire » reste sur le choc des sacres de 1988. Ce choc semble faire réfléchir des hommes d’Église. C’est le cas du cardinal Ratzinger.

 

§-1 Les propos nouveaux tenus par le Cardinal Ratzinger au Chili

 

Et de fait les critiques doctrinales de la Nouvelle Messe qui, en leur temps, avec le Bref Examen Critique, avaient été  présentées au souverain pontife Paul VI, commencent à être prises en compte.

 

C’est ainsi que l’on peut dire que le Motu Proprio « Ecclesia Dei adflicta », même s’il condamne Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer, est le point final d’une période d’application obstinée de la réforme liturgique, les sacres, eux , le point de départ d’une nouvelle réflexion liturgique. C’est ainsi, que cela plaise ou non. Il faut le prendre en compte.

 

L’Église « conciliaire » – de fait – se trouve devant un vrai problème, le problème de la messe et de l’amour persistant des nouvelles générations pour cette messe « ancienne ». La nostalgie des anciens n’explique rien, n’est pas le problème, ce sont des jeunes qui s’attachent à la liturgie antique, ni les sous-entendus politiques si différents de pays à pays. Cet attachement de la jeunesse à l’ancienne liturgie est d’un autre ordre. Lequel ?  Le Cardinal Ratzinger l’explique  et va le confesser même publiquement au Chili devant les évêques, le 13 juillet 1988… quelques jours après les sacres.

Il faut le noter: « Le problème posé par Mgr Lefebvre ne prend pas fin avec la rupture du 30 juin. Il serait trop facile de se laisser envahir par une espèce de triomphalisme et de penser que le problème a cessé d’en être un à partir du moment où Mgr Lefebvre s’est nettement séparé de l’Église. Un chrétien ne peut ni ne doit jamais se réjouir d’une désunion. Même s’il ne fait aucun doute que l’on ne peut attribuer la faute au Saint-Siège, il nous faut nous interroger sur les erreurs que nous avons commises et que nous commettons : les critères en fonction desquels nous jugeons le passé sur la base du décret sur l’œcuménisme de Vatican II, doivent, comme c’est logique, être aussi appliqués au présent… ».

 

Il poursuit… C’est très important: « Un fait doit nous faire réfléchir: à savoir que bon nombre de gens, hors du cercle restreint des membres de la FSSPX de Mgr Lefebvre, voient en lui une sorte de guide ou tout au moins, un allié utile. Il ne suffit pas d’évoquer les mobiles politiques, la nostalgie ou d’autres raisons culturelles secondaires, ces raisons ne suffisent pas à expliquer la faveur rencontrée, même et spécialement auprès des jeunes, dans des pays

très divers et placés dans des conditions politiques et culturelles complètement différentes. Certes, une vision étroite, unilatérale, ressort avec évidence. Mais indubitablement, on ne pourrait imaginer un phénomène de cette ampleur s’il ne mettait pas en jeu des éléments positifs qui, en général, ne trouvent pas un espace vital suffisant au sein de l’Église aujourd’hui ».

 

Le langage est nouveau. La problématique aussi. C’est le début d’une nouvelle réflexion. Et de fait, on voit apparaître sous la plume, dans la bouche des autorités romaines, les premières critiques, du jamais vu depuis le discours consistorial de 1976.

 

 

§-2- Dans la préface du livre de Mgr Gamber(1992)

 

En 1992, Dom Gérard publie un livre de Mgr Gamber, prélat, théologien allemand, spécialiste en liturgie, qu’il intitule : « La réforme liturgique en question ».

 

Ce livre est fort intéressant. Il contient des critiques sur la nouvelle messe très pertinentes. Peut-être même jamais lues, mêmes sous la plume d’un abbé Dulac, d’un Mgr Lefebvre.

 

Jugez vous-même. Quelques expressions vous donneront le ton de l’ouvrage qui est un recueil d’articles que Dom Gérard fit traduire de l’allemand  au français.

 

« D’année en année, la réforme liturgique, saluée avec beaucoup d’idéalisme et de grands espoirs par de nombreux prêtres et laïcs, s’avère être, comme nous l’avons déjà esquissé, une désolation liturgique de proportions effroyables. » (p.15)

Voilà ce que préface le cardinal Ratzinger! Ce qu’ose préfacer le cardinal ! C’est étonnant.

 

« Au lieu du renouvellement de l’Eglise et de la vie ecclésiale, nous assistons à un démantèlement des valeurs de la foi et de la piété qui nous avaient été transmises et, en lieu et place d’un renouvellement fécond de la liturgie, à  une destruction des formes de la messe qui s’étaient organiquement développées au cours des siècles ». (p.15)

 

Et le cardinal Ratzinger préface cela !

 

« S’y ajoute, sous le signe d’un oecuménisme mal compris, un effrayant rapprochement avec les conceptions du protestantisme et, de ce fait, un éloignement considérable des vieilles Eglises d’Orient. Ce qui ne signifie rien moins que l’abandon d’une tradition jusqu’à ce jour commune à l’Orient et à l’Occident. Même les pères de la Réforme liturgique reconnaissent qu’ils ne peuvent plus désormais se débarrasser des Esprits qu’ils avaient invoqués ». (p. 15)

 

«  Pas un catholique n’aurait pensé, il y a vingt ans que de tels changements pourraient un jour intervenir dans l’Eglise romaine, qui semblait solidement édifiée sur le roc de Pierre, et qu’on  pourrait en arriver à une telle confusion des esprits ». ( p 17)

 

« Aujourd’hui tout a changé de fond en comble. On attaque souvent maintenant ceux qui, par conviction profonde, restent fidèles à ce qui était, encore récemment strictement prescrit par l’Eglise romaine. S’ils continuent à user du rite dans lequel ils ont été élevés et ordonnés, on leur fait des difficultés. On ne tient pas compte de leurs décisions prises en conscience et de leurs scrupules ». (p. 18)

 

Malgré cette critique en forme, et ce ne sont là que quelques extraits, le Cardinal Ratzinger ne craint pas de le préfacer et d’en recommander la lecture, d’en louer l’auteur.

 

Lui-même, dans la préface,  critique cette réforme liturgique par son caractère « artificiel » et « fabriqué »… :

 

«  Ce qui s’est passé  après le Concile signifie tout autre chose : à la place de la liturgie, fruit d’un développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés, à la manière de la production technique, par une fabrication, produit banal de l’instant. » (p. 8)

 

Il poursuit son discours tout à l’honneur de Mgr Gamber :

 

«  Gamber, avec la vigilance d’un authentique voyant et avec l’intrépidité d’un vrai témoin s’est opposé à cette falsification…C’est ce qu’il exprime dans ce livre… Il nous a enseigné inlassablement la vivante plénitude d’une liturgie véritable grâce à sa connaissance incroyablement riche des sources ». (p. 8)

 

«  La mort de cet homme et prêtre éminent devrait nous stimuler ; son œuvre pourrait nous aider à prendre un nouvel élan ». (p.8)

 

«  En cette heure de détresse, il pourrait devenir le père d’un nouveau départ ». (p.7)

 

Mais, attention, ce panégyrique est adressé à un théologien qui n’a pas craint de dire de la réforme liturgique :

 

« Qu’on mit désormais de façon exagérée l’accent sur l’activité des participants, rejetant de la sorte au second plan l’élément cultuel, celui-ci s’appauvrit de plus en plus chez nous ». (p. 13)

 

Qui n’a pas  craint d’écrire non plus :

 

« De même il manque maintenant, dans une large mesure cette solennité qui fait partie de toute action cultuelle… En lieu et place, on voit souvent régner une austérité calviniste ». (p. 13)

 

Qui a même l’audace d’écrire  que :

 

«  La rupture avec la tradition est désormais consommée ». (p »14)

 

Ou encore :

 

« La réforme liturgique saluée avec beaucoup d’idéalisme et de grands espoirs par de nombreux prêtres et laïcs s’avère être une désolation liturgique de proportions effroyables ». (p.15)

 

On pourrait relever, dans ce livre, mille jugements de même sévérité. Et, malgré tout le Cardinal a osé le préfacer. Quelque chose changerait-il dans la pensée des dicastères romains ?

Les membres de la Fraternité Saint Pierre ont-ils eu  raison de faire confiance à Rome ? Je me posais sincèrement la question. On pouvait sincèrement et raisonnablement se poser la question.

 

§-3  dans la publication du livre « le sel de la terre » 1994

 

Mais ce n’est pas tout. Le  Cardinal publie, en 1994, un livre de réflexions personnelles. C’est un livre d’entretiens intitulé « Le sel de la terre » aux éditions Flammarion/Cerf, avec Peter Seewald.

 

Ce dernier lui pose la question de la reviviscence de l’ancien rite : « Est-il possible, pour lutter contre cette manie de tout niveler et de ce désenchantement de remettre en vigueur l’ancien rite ? »

 

Le Cardinal lui répond :

 

« Je suis certes d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l’ancien rite. On ne voit d’ailleurs pas ce que cela aurait de dangereux  ou d’inacceptable. Une communauté qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on présente comme inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en question. Comment la croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain ce qu’elle prescrit aujourd’hui ?…. Malheureusement, la tolérance envers des fantaisies aventureuses est chez nous presque illimitée, mais elle est pratiquement inexistante envers l’ancienne liturgie. On est sûrement ainsi sur le mauvais chemin. » (p. 172-173)

 

Ce sont, là,  paroles du Préfet de la Congrégation de la foi. Ce sont, là, paroles d’un homme de gouvernement et d’un homme « libre ». Il n’a tout de même pas prononcé ces paroles sous la menace de la crainte, de la contrainte, mais en mesurant les conséquences de son discours.

 

C’est nouveau. Et en opposition foncière avec l’attitude de Paul VI au Consistoire. Qu’ a fait Paul VI, sinon de « déclarer soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on présente comme inconvenant le regret qu’elle en a »,

 

Rome prend de plus en plus de distance par rapport au  Consistoire de 1976 du Pape Paul VI  – et pourtant ces cendres fument encore…, mais aussi par rapport à « la loi de l’indult de 1984 », puisque le cardinal Ratzinger ne craint pas de dire à l’opposé de cette loi: « Je suis certes d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l’ancien rite ».

 

Ainsi on s’éloigne aujourd’hui (1994) de plus en plus de l’esprit de 1976, de l’esprit de 1984 et cela, non seulement en raison de la pression des traditionalistes, mais aussi et surtout – c’est plus sûr – en raison des méfaits évidents de la liturgie réformée et de sa pratique dans les paroisses : « une désolation » écrivait Mgr Gramber, un homme éminent de science liturgique, directeur de l’Institut liturgique de Ratisbonne jusqu’à sa mort, le 2 juin 1989.

 

Rome s’ouvre à cette réalité, du moins certains. Le Cardinal tient des paroles de bon sens. Il affirme qu’il serait très raisonnable de redonner « le droit, à ceux, du moins qui le désirent, de conserver l’ancien rite ». Ce langage était nouveau. Il devait soutenir l’espoir de nos « amis», justifier peut-être même leur attitude pratique : la confiance  aux autorités romaines, d’autant que le Cardinal Ratzinger ne craignait pas de renouveler de telles propos.

 

§-4 – Dans un livre intitulé en français : « Ma vie, Souvenirs ». (Fayard, octobre 1998)

 

Et c’est un autre ouvrage du Cardinal qui paraît. Un livre de souvenirs intitulé en français : Ma vie. Souvenirs. 

 

Nous sommes cette fois en 1997-1998.

 

A la page 132-133 du livre, le Cardinal prend l’occasion d’exposer sa pensée sur la douloureuse  affaire de la réforme liturgique. Citons le texte in extenso tant il est important et tant il est peu connu dans nos milieux :

 

« Le  deuxième grand événement au début de mes années à Ratisbonne fut la publication du Missel de Paul VI, assortie de l’interdiction quasi totale de missel traditionnel, après une phase de transition de six mois seulement ».

 

Le problème liturgique est bien posé.

 

« Il était heureux d’avoir un texte liturgique normatif après une période d’expérimentation qui avait souvent  profondément défiguré la liturgie » 

 

C’est juste. Que d’expérimentations précédant la loi ! Que d’improvisations fantaisistes. Le témoignage de Cardinal Gut le confirmait un jour dramatiquement.

 

Le Cardinal Ratzinger poursuit :

 

« Mais j’étais consterné de l’interdiction de l’ancien missel, car cela ne s’était jamais vu dans toute l’histoire de la liturgie.

Bien sûr, on fit croire que c’était tout à fait normal. Le missel précédent avait été conçu par Pie V en 1570 à la suite du concile de Trente. Il était donc normal qu’après quatre cents ans et un nouveau concile, un nouveau pape présente un nouveau missel. Mais la vérité historique est tout autre : Pie V s’était contenté de réviser le missel romain en usage à l’époque, comme cela se fait normalement dans une histoire qui évolue. Ainsi, nombreux furent ses successeurs à réviser ce missel, sans opposer un missel à un autre ».

 

C’est très juste. Saint Pie V n’a fait que « réviser » et  « enlever les scories » qui, inévitablement, s’ajoutent au fil du temps. Ce n’était donc pas un autre missel, différent, mais bien le même, purifié des ajouts du temps. L’abbé Dulac, dans le Courrier de Rome ne cessait de nous expliquer cette œuvre du Concile de Trente et de Saint Pie V. Le jugement du Cardinal reprend tout à fait cette explication. Nos deux auteurs se rejoignent. Le Cardinal écrit en effet :

 

« Il s’agissait d’un processus continu de croissance et d’épurement sans rupture. Pie V  n’a jamais créé de missel. Il n’a  fait que réviser le missel, phase d’une longue évolution.

La nouveauté, après le Concile de Trente, était d’un autre ordre : l’irruption de la Réforme s’était accomplie essentiellement à la manière des « réformes religieuses ». Il n’y avait pas simplement une Eglise  catholique et une Eglise  protestante côte à côte ; le clivage de l’Eglise se produisit presque imperceptiblement, et de façon la plus visible comme historiquement la plus efficiente, par la transformation de la liturgie, qui prit des formes très différentes selon les lieux ; de sorte que souvent on ne distinguait pas la frontières entre ce qui était « encore catholique et ce qui n’était « plus catholique »

 

« Dans cette  confusion, devenue possible par manque de législation liturgique uniforme et par l’existence d’un pluralisme liturgique datant du Moyen-Age, le Pape décida d’introduire le Missale Romanum, livre de messe de la ville de Rome, comme indubitablement catholique, partout où l’on ne pourrait se référer à des liturgies remontant  à au moins deux cents ans. Dans le cas contraire, on pourrait en rester à la liturgie en vigueur, car son caractère catholique pourrait alors être considéré comme assuré. Il ne pouvait donc être question d’interdire un missel traditionnel juridiquement valable jusqu’alors. Le décret d’interdiction de ce missel  qui n’avait cessé d’évoluer au cours des siècles depuis les sacramentaires de l’Eglise de toujours, a opéré une rupture dans l’histoire liturgique, dont les conséquences ne pouvaient qu’être tragiques. Une révision du missel, comme il y en avait souvent eu, pouvait être radicale cette fois-ci, surtout en raison de l’introduction des langues nationales ; et elle avait été mise en place à bon escient par le Concile.

 

« Toutefois, les choses allèrent plus loin que prévu ; on démolit le vieil édifice pour en construire un autre, certes en utilisant largement le matériau et les plans de l’ancienne construction. Nul doute que ce nouveau missel apportait une véritable amélioration et un réel enrichissement sur beaucoup de points ; mais de l’avoir opposé en tant que construction nouvelle à l’histoire telle qu’elle s’était développée, d’avoir interdit cette dernière, faisant ainsi passer la liturgie non plus comme un organisme vivant, mais comme le produit de travaux d’érudits et de compétences juridique : voilà ce qui nous portait un énorme préjudice. Car on eut alors l’impression que la liturgie était « fabriquée », sans rien de préétabli, et dépendait de notre décision. Il est donc logique que l’on ne reconnaisse pas les spécialistes ou une instance centrale comme seuls habilités à décider, mais que chaque « communauté » finisse par se donner à elle-même sa propre liturgie. Or, lorsque la liturgie est notre œuvre à nous, elle ne nous offre plus ce qu’elle devrait précisément nous donner : la rencontre avec le mystère, qui n’est pas  notre « œuvre », mais notre origine et la source de notre vie. Un renouvellement de la conscience liturgique, une réconciliation liturgique qui reconnaîtrait l’unité de l’histoire liturgique et verrait en Vatican II non une rupture mais une étape, est  d’une nécessité urgente pour l’Eglise. Je suis convaincu que la crise de l’Eglise que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie qui est parfois même conçue de telle manière – etsi Deus non daretur – que son propos n’est plus du tout de signifier que Dieu existe, qu’Il s’adresse à nous et nous écoute. Mais si la liturgie ne laisse plus apparaître une communauté de foi, l’unité universelle de l’Eglise et de son histoire, le mystère du Christ vivant, où l’Eglise manifeste-t-elle donc encore sa nature spirituelle ? Alors la communauté ne fait que se célébrer elle-même. Et cela n’en vaut pas la peine. Et parce qu’il n’existe pas de communauté en soi, mais qu’elle jaillit toujours et seulement du Seigneur lui-même, par la foi, comme unité, la désagrégation en toutes sortes de querelles de clochers, les oppositions partisanes dans une Eglise qui se déchire deviennent ainsi inéluctables. C’est pourquoi nous avons besoin d’un nouveau mouvement liturgique qui donne le jour au véritable héritage du Concile Vatican II. »

 

Qu’il est dommage que le Cardinal ait tenu ces propos si tard…Mais il les a tenus après les sacres de Mgr Lefebvre. Et sous rapport, je regrette beaucoup les propos tenus par Dom Patteau, père abbé de Fontgombault, sur les sacres, parlant, lors du colloque romain « Summorum Pontificum » de l’été 2017, « d’acte désolant. ». Cet acte n’est pas « désolant ». Bien au contraire, puisqu’il est à l’origine d’une nouvelle réflexion de l’autorité sur le drame liturgique qui secoue l’Eglise depuis le Concile Vatican II. Mais les bénédictins de Fontgonbeault n’ont peut-être pas vu ce drame, eux qui acceptèrent, par obéissance, le nouveau rite…

 

§-5- le 24 octobre 1998 à Rome.

 

Et le Cardinal reprenait ces mêmes idées – il y a tout de même une constance pour un esprit que d’aucuns disent hégélien – dans le commentaire qu’il fit le 24 octobre 1998 à Rome, devant les communautés « Ecclesia Dei (adflicta) ».

 

Là, il s’appuya sur l’autorité du Cardinal Newman: « Il est bon de rappeler ici ce qu’a constaté le Cardinal Newman qui disait que l’Église, dans son histoire, n’avait jamais aboli ou défendu des formes liturgiques orthodoxes, ce qui serait tout à fait étranger à l’esprit de l’Église ».

Les bénédictins auraient pu s’en souvenir… ? Je suis méchant !

 

Mais qu’a donc fait Paul VI, Éminence ? Et si cela est étranger à l’esprit de l’Eglise, pourquoi Paul VI a-t-il fait le contraire et pourquoi ne vous êtes-vous pas dressé contre une pratique contraire, tout de suite?

 

Il poursuit : « Une liturgie orthodoxe, c’est-à-dire qui exprime la vraie foi, n’est jamais une compilation faite selon des critères pragmatiques de diverses cérémonies… les formes orthodoxes d’un rite sont des réalités vivantes, nées du dialogue d’amour entre l’Église et son Seigneur, sont des expressions de la vie de l’Église où se sont condensées la foi, la prière et la vie même de générations… L’autorité de l’Église peut définir et limiter l’usage des rites dans des situations historiques diverses, mais jamais elle ne les défend purement et simplement ».

 

Ainsi parla le Cardinal Ratzinger à Rome le 24 octobre 1998. Il me semble que l’on peut s’en réjouir. Mgr Lefebvre ne disait rien d’autre.

 

§-6 Le 26 octobre 1998

 

Mais l’unanimité sur la restauration de la liturgie du rite romain n’existait pas à Rome. On s’en est aperçu dès le lendemain : le 26 octobre 1998

 

En effet arrive le 26 octobre 1998. Les « tradi » sont  reçus par le Souverain Pontife en audience publique. Il les reçut chaleureusement. Il fut applaudi chaleureusement. Le silence se fait. J’ai eu la cassette. Le Pape lit son discours. Il commence en italien par saluer les délégations venues pour les béatifications qu’il fit la veille : « Carissimi e sorelle, Hieri abbiamo celebrato la solenne beatificazione de Zefirino Agostini, Antonio de sant Anna

Colvao, Faustino Miguez e Theodore Guerin. Tre sacerdoti ed una oprgine… »

 

Pour la délégation venue pour la béatification de Mère Théodore Guerin, il s’adresse en anglais et un petit moment, en français. Puis il  salue les pèlerins de la Fraternité Saint-Pierre venus à Rome pour célébrer le dixième anniversaire du Motu Proprio « Ecclesia Dei » : « Je vous salue cordialement, chers pèlerins, qui avaient tenu à venir à Rome à l’occasion du dixième anniversaire du Motu Proprio « Ecclesia Dei » pour affermir et renouveler votre foi au Christ et votre fidélité à l’Église. Chers amis, votre présence auprès du successeur de Pierre à qui revient, en premier, de veiller à l’unité de l’Église, est particulièrement significative ».

 

Il affirme ensuite que l’Église veut donner « un signe de compréhension aux personnes attachées à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures ». Il cite de nouveau le Motu Proprio.

 

En conséquence, il invite fraternellement les évêques – c’est la fin du discours – « à avoir une compréhension et une attention pastorale renouvelée aux fidèles attachés à l’ancien rite ».

 

Tout cela est très bien sur le plan pratique, mais les considérations doctrinales invoquées nous ramènent à la « pensée » de 1976, du Pape Paul VI.

 

Il affirme de nouveau et confirme même le « bien fondé de la réforme liturgique voulue par le Concile Vatican II et mise en œuvre par le Pape Paul VI ». Que valent alors les critiques de Mgr Gamber dans son livre préfacé par le Cardinal Ratzinger ? La Secrétairerie d’État me semble vouloir donner, de nouveau, un frein à la pensée du Cardinal Ratzinger.

Le Pape affirme également que « les derniers Conciles œcuméniques, Trente, Vatican I, Vatican II se sont particulièrement attachés à éclairer le mystère de la foi et ont entrepris des réformes nécessaires pour le bien de l’Église, dans le souci de la continuité avec la Tradition apostolique déjà recueillie par saint Hippolyte ».

 

Autrement dit, ce qu’a fait le Concile de Trente fut fait par le Concile Vatican II. La réforme liturgique, voulue par Vatican II, nécessaire au temps présent, s’est accomplie dans le souci de « la continuité avec la Tradition », comme le fit le Concile de Trente en son temps.

 

Les critiques de cette réforme ne sont donc pas permises. Tout est idoine. Il en profite même pour justifier le canon 2 universellement utilisé par les prêtres dans la liturgie réformée qui est ou serait celui de saint Hippolyte. Comment le contester puisque lui aussi, en son temps, a recueilli la Tradition apostolique. La boucle est bouclée. C’est le retour à la case départ du 24 mai 1976. Avec cette différence toutefois, d’une importance capitale, ô combien ! Jean-Paul II n’en tire plus l’interdiction de l’ancien rite, ce que faisait son prédécesseur. Il y a là plus qu’une nuance, une nouveauté qui laisse une espérance.

 

Le travail fait par les sacres et depuis les sacres est sous ce rapport considérable. Il ne faut pas craindre de le dire. Les paroles de Dom Patteau ne sont pas vraies : « acte désolant ».

 

(Pour connaître le détail de ce pèlerinage à Rome les 24-26 octobre 1998 voir « L’enjeu de l’Eglise : la messe  Livre III ch 1 et ch 3)

 

 

 

 

Section II : La pensée du Cardinal Stickler.

 

Mais le cardinal Ratzinger ne fut pas le seul cardinal à réagir en faveur de la Messe tridentine. Il faut nécessairement parler du cardinal Stickler.

 

Nous sommes en Décembre 2001

 

Le Cardinal Stickler s’exprime enfin sur la réforme liturgique issue du concile Vatican II et entre, à son tour, dans cette bataille gigantesque. Son témoignage est tardif, certes. Il a du poids cependant.

Pensez !

 

En poste à Rome depuis 1937, le Cardinal est canoniste, canoniste reconnu. Il fut professeur d’université,  recteur du Latran, puis préfet de la Bibliothèque vaticane et des archives secrètes du Vatican. Il a été membre des commissions préparatoires du Concile Vatican II, puis expert auprès des différentes commissions conciliaires, en particulier, la Commission liturgique.

On ne peut avoir meilleur témoin de la pensée conciliaire, surtout en matière liturgique.

Or, il se trouve que cet « expert » autrichien – c’est son origine – a parlé… ou du moins que sa pensée a été connue en France, grâce à un beau travail de traduction réalisé par l’équipe du CIEL, le Centre International d’Études Liturgiques.

 

En effet, le CIEL a publié en mai 2001 un petit livre blanc intitulé Témoignage d’un expert au Concile. Loïc Mérian, le responsable de cette publication,  m’en fait adresser un exemplaire. Je l’ai dévoré, dès réception. J’y ai trouvé des merveilles, des témoignages extraordinaires, des jugements fondés tels que celui-ci que j’ai déjà plusieurs fois cité : « Pour résumer nos réflexions, nous pouvons dire que les bienfaits théologiques de la Messe tridentine correspondent aux déficiences théologiques de la Messe issue de Vatican II ».

 

C’est la conclusion de la fameuse conférence qu’il donnait aux USA, à Fort Lee (New Jersey), le 20 mai 1995, à l’invitation de l’association Christi fideles sur le thème : Les bienfaits de la Messe tridentine.

 

Vous trouverez ce jugement intéressant à la page 22 de ce petit fascicule.

 

Mon attention fut attirée par cette conclusion. J’en poursuivais la lecture sur le champ. J’étais encore à Gavrus, en Normandie, au prieuré Saint- Jean-Eudes.

 

À la page 23, je tombais sur l’intégralité de l’interview du Cardinal publiée, aux USA, dans The Latin Mass, en été 1995, et dont nous avions eu connaissance – à cette date – par un petit entrefilet du journal La Nef de l’époque. Là, à la bonne heure ! Je trouvais l’ensemble du texte du Cardinal. Je m’en réjouissais.

 

C’est dans cette interview que nous apprenions que le Pape Jean-Paul II avait nommé, en 1986, une commission de neuf Cardinaux à laquelle il posait deux questions :

 

• La première : « Le Pape Paul VI a-t-il véritablement interdit l’ancienne Messe » ?

 

La réponse fut négative, nous dit le Cardinal Stickler : « La réponse donnée par huit (des neuf) Cardinaux en 1986 fut que non, la Messe de saint Pie V n’a jamais été interdite. J’étais moi-même l’un des Cardinaux. Un seul était contre (NDLR : c’était vraisemblablement le Cardinal Benelli). Tous les autres étaient pour une libre autorisation, pour que tous puissent choisir l’ancienne Messe. Je pense que le Pape a accepté ».

 

• Il y avait une deuxième question posée par le Pape à cette commission, celle-ci :  « Un évêque, quel qu’il soit, peut-il interdire à un prêtre de célébrer, à nouveau, la Messe tridentine ? ».

 

« À l’unanimité, dit le Cardinal, les neuf Cardinaux ont admis qu’aucun évêque ne pouvait interdire à un prêtre catholique de dire la Messe tridentine. Il n’y a pas d’interdiction officielle et je pense que jamais le Pape ne décréterait une interdiction officielle ».

 

Vous imaginez ! Sous la plume d’un Cardinal ! Je jubilais en lisant cela. J’étais en plein combat avec Mgr Pican, l’évêque de Bayeux-Lisieux, qui prétendait nous interdire de célébrer la Messe tridentine dans la Basilique de Lisieux. De quel droit ? (Voir le compte-rendu dans mon livre : l’Enjeu de l’Eglise : la Messe chapitre 2)

 

Oui, de quel droit ? J’avais en main un argument de poids… Le jugement d’un Cardinal… !

 

Je poursuivais la lecture, toujours avec la même joie de la découverte et remerciais dans mon cœur, Loïc Mérian, d’avoir su prendre le temps de traduire en français la pensée de ce Cardinal. Un peu comme hier, je remerciais – dans mon cœur aussi Dom Gérard d’avoir fait traduire pour nous, la pensée liturgique de Mgr Gamber dans son fameux livre intitulé La réforme liturgique en question, recueil de différentes conférences prononcées jadis par l’auteur sur la réforme liturgique, mais restées ignorées du grand public français.

 

Je poursuivais donc la lecture, toujours passionné. Là, Loïc nous transcrit de l’allemand en français, une conférence du Cardinal qu’il intitule Souvenirs et expériences d’un expert de la Commission conciliaire sur la liturgie. La conférence est assez longue. Elle va des pages 31 à 66 du livret qui n’en fait que 99. Elle fut donnée en 1997 à L’Internationalen theologischen Sommerakademie 1997 des linzer Priesterkreises. Elle fut publiée, d’abord, en allemand par Franz Breid dans Die heilige – liturgie – Ennsthaler.

 

Malgré la longueur, je la dévorais.

 

Ah quel brûlot ! Quel brûlot ! Mes amis ! J’étais seul à ma table de travail et parlais à mon ange… Quel brûlot ! Il faut faire connaître cela, me disais-je. Je lisais, relisais, allais doucement, prenais des notes.

 

Le Cardinal Stickler se présente

 

Ce n’est pas le dernier personnage de l’Église, pensais-je. « J’ai été professeur de droit canonique et d’histoire du droit ecclésiastique à l’Université salésienne, fondée en 1940, puis pendant huit ans, de 1958 à 1966, recteur de cette université. En cette qualité, j’ai bientôt été nommé consulteur de la Congrégation Romaine pour les Séminaires et les Universités, puis, depuis les travaux anté préparatoires  jusqu’à la mise en œuvre des décisions du Concile, membre de la commission dirigée par ce dicastère romain. En outre, j’ai été nommé expert de la Commission pour le clergé, et plus spécifiquement pour les problèmes relatifs aux droits patrimoniaux : il s’agissait surtout de débarrasser le Droit canon du système des bénéfices.

« Peu avant le Concile, le Cardinal Laraona, dont j’avais été élève pendant mes études de droit canon et de droit ecclésiastique au Latran et qui avait été nommé président de la Commission conciliaire pour la liturgie, me fit venir chez lui et m’annonça qu’il m’avait proposé comme expert de cette commission. Je lui objectais que j’avais déjà beaucoup à faire en tant qu’expert de deux autres commissions, surtout celles des séminaires et universités. Pourtant il maintint sa proposition en me faisant remarquer que, considérant l’importance canonique des prescriptions relatives à la liturgie, il fallait également inclure des canonistes dans cette commission. C’est par cette fonction non recherchée que j’ai ensuite vécu le Concile Vatican II depuis ses débuts puisque, comme on le sait, la liturgie fut le premier sujet inscrit à l’ordre du jour. Je fus ensuite affecté à la sous-commission qui devait rédiger les modifications apportées aux trois premiers chapitres et aussi préparer l’ultime formulation des textes qui devaient être soumis, pour discussion et approbation, à la commission réunie en plénière avant d’être présentés dans l’aula conciliaire. Cette sous-commission se composait de trois évêques : Mgr Callewaert, archevêque de Gand, qui en était le président, Mgr Enciso Viana, de Majorque et, si je ne me trompe, Mgr Pichler, de Banjaluka (Yougoslavie), ainsi que de trois experts, Mgr Martimort, le père Martinez de Antoniana, clarétin espagnol, et moi-même.

 

Vous comprendrez aisément que, dans le cadre de ces travaux, on pouvait se faire une idée exacte de ce que souhaitaient les Pères conciliaires ainsi que du sens réel des textes votés et adoptés par le Concile ».

 

Puis il donne un témoignage personnel – fort intéressant – sur la réforme liturgique : son jugement sur « l’édition définitive » du nouveau Missel Romain :

 

« Mais vous pourrez également comprendre ma stupéfaction lorsque, prenant connaissance de l’édition définitive du Nouveau Missel Romain, je fus bien obligé de constater que, sur bien des points, son contenu ne correspondait pas aux textes conciliaires qui m’étaient si familiers, que beaucoup de choses avaient été changées ou élargies, ou allaient même directement au rebours des instructions données par le Concile ».

 

N’y tenant plus – il doit avoir du caractère – il demande une audience au Cardinal Gut, alors préfet de la Congrégation des Rites :

 

« Comme j’avais précisément vécu tout le déroulement du Concile, les discussions souvent très vives et longues et toute l’évolution des modifications jusqu’aux votes répétés qui eurent lieu jusqu’à leur adoption définitive, et que je connaissais aussi très bien les textes contenant les prescriptions détaillées pour la réalisation de la réforme souhaitée, vous pouvez vous imaginer mon étonnement, mon malaise croissant et même ma fureur devant certaines contradictions particulières, surtout considérant les conséquences nécessairement graves que l’on pouvait en attendre. C’est ainsi que je décidais d’aller voir le Cardinal Gut qui, le 8 mai 1968, était devenu préfet de la Congrégation des Rites en remplacement du Cardinal Laraona, qui s’était retiré le 9 janvier précédent.

 

« Je lui demandais une audience dans son logement au monastère bénédictin de l’Aventin, audience qu’il m’accorda le 19 novembre 1969. Je ferai remarquer en passant que, dans ses mémoires parus en 1983, Mgr Bugnini fait erreur sur la date de la mort de Mgr Gut, l’avançant d’un an : Mgr Gut est mort le 8 décembre 1970 et non 1969.

 

« Mgr Gut me reçut très aimablement, bien qu’il fût visiblement malade et, comme l’on dit, j’ai pu déverser tout ce que j’avais sur le cœur. Il me laissa parler une demi-heure sans m’interrompre, puis il me dit qu’il partageait entièrement mes inquiétudes. Mais, ajouta-t-il, la faute n’en incombait pas à la Congrégation des Rites : en effet, toute la réforme était l’œuvre du « Consilium » constitué expressément à cette fin par le Pape, dont il avait nommé le Cardinal Lercaro, Président, et le père Bugnini, Secrétaire. Dans ses travaux, ce conseil n’avait eu de comptes à rendre qu’au Pape ».

 

Au passage, il donne son jugement sur Mgr Bugnini. Il faut le dire, ce n’est pas sans intérêt:

«  A ce sujet, une précision s’impose: le Père Bugnini avait été Secrétaire de la Commission sur la liturgie pendant la période préparatoire du Concile. Comme son travail, effectué sous la direction du Cardinal Gaetano Cicognani, n’avait pas été jugé satisfaisant, il fut le seul à ne pas être promu Secrétaire de la Commission conciliaire correspondante: cette fonction fut attribuée au P. Antonelli, O.F.M, ultérieurement nommé Cardinal. Le groupe des liturgistes, d’inspiration plutôt moderniste, fit valoir à Paul VI qu’il s’agissait là

d’une injustice faite au Père Bugnini et obtint du nouveau Pape qui était très sensible à ce genre de choses qu’en compensation de cette injustice, le père Bugnini fut nommé Secrétaire du nouveau Consilium chargé d’opérer la réforme. Ces deux nominations celle du Cardinal Lercaro et celle du P. Bugnini aux postes clefs du Concilium offrirent la possibilité de se faire entendre, pour l’exécution de la réforme, à des gens qui jugeaient ne

l’avoir pas suffisamment été pendant le Concile, et aussi d’en faire taire d’autres: en effet, les travaux du Concilium se déroulaient dans des zones de travail non accessibles aux non-membres.

 

Et pourtant, bien qu’ils se soient consacrés corps et âme aux travaux énormes et délicats réalisés par le Concilium, notamment sur le cœur même de la réforme à savoir le nouvel Ordo Missale Romanum qui fut réalisé dans les délais les plus brefs seul l’avenir nous expliquera pourquoi les deux principaux acteurs sont visiblement tombés en disgrâce : le Cardinal dut renoncer à son siège épiscopal, et le Père Bugnini, nommé Archevêque dès 1968 et nouveau Secrétaire de la Congrégation des Rites, ne reçut pas la pourpre Cardinalice qui accompagne une telle fonction : il avait été nommé nonce à Téhéran lorsque, suite à une opération, la mort vint interrompre son activité terrestre, le 3 juillet 1982 ».

 

Ce préambule étant fait, le Cardinal donne le thème de sa conférence : il veut juger « de la concordance ou de la contradiction entre les dispositions conciliaires et la réforme effectivement appliquée » (p. 35).

 

Le thème me plaisait. J’avançais dans la lecture. Jusqu’ici – pour beaucoup

– les critiques adressées contre la réforme liturgique émanaient, la plupart du temps, de nos milieux.

 

On connaissait le Bref Examen Critique. On connaissait les nombreux articles de M. l’abbé Dulac publiés dans le Courrier de Rome, dans la belle collection d’Itinéraires de Jean Madiran . On connaissait les critiques du Père Calmel. On connaissait les toujours judicieuses remarques de Jean Madiran, de Luce Quenette, de Dom Guillou, les conférences de Mgr Lefebvre. On lisait tout cela dans nos milieux. On les relisait, les ressassait. On écoutait les cassettes.

On étudiait certes…

 

Mais à force, n’arriverait-on pas à un « ronronnement » ?… Et tout « ronronnement » endort à force de répétition.

Et Loïc Mérian, lui-même, ne se gênait pas pour nous le laisser entendre. Il l’écrivait même dans son petit papier de La Nef… Il trouvait même qu’on n’avait rien publié de déterminant en cette affaire… Il se fit « fesser » par Jean Madiran dans un beau papier – comme sait les écrire Madiran – le remettant gentiment à sa place (cf. DICI n° 10). Des Maîtres, des grands, avaient parlé en matière liturgique dans nos milieux. Il semblait l’ignorer… Cependant à force de répéter, on risquait peut-être de se « figer »… Et là aussi, tout fixisme est dangereux !

 

Bref, j’étais content de trouver d’autres critiques…

 

Enfin, une « critique » qui ne venait pas de « chez nous ». Une critique du sérail. Je dévorais et me promettais de faire connaître au plus tôt ce texte. L’heure est arrivée… enfin…

 

Les grands principes liturgiques rappelés par le Concile.

 

Tout au début, le Cardinal nous rappelle quelques grands principes liturgiques heureusement soulignés par la Constitution Sacrosanctum Concilium. Il nous rappelle l’article 2 qui affirme que, dans la liturgie, « tout ce qui est humain doit être subordonné et soumis au divin, le visible à l’invisible, l’action à la contemplation, le présent à la cité divine future que nous recherchons ».

C’est à la page 35 du livret.

Qui ne serait d’accord avec ce principe… fût-il conciliaire !

 

Et vous savez le jugement du Cardinal sur ce point. Tout simplement, les réformateurs ont échoué en cette affaire.

Il écrit vers la fin :

 

« Ma conférence, mes souvenirs et expériences, je pense, ont permis d’évaluer dans quelle mesure la réforme avait satisfait aux exigences d’ordre théologique et ecclésiastique énoncées par le Concile, en d’autres termes, de voir si, dans la Liturgie et surtout dans ce qui en constitue le centre, la Sainte Messe ce qui est humain a véritablement été ordonné et soumis au divin, ce qui est visible à l’invisible, ce qui relève de l’action à la contemplation et ce qui est présent à la cité future que nous recherchons. Et l’on arrive à se demander si, au contraire, la nouvelle liturgie n’a pas souvent ordonné et soumis le divin à l’humain, le mystère invisible au visible, la contemplation à l’activisme, l’éternité future au présent humain quotidien » (p. 64).

 

Le Cardinal fait tout simplement un constat d’échec total ; de sorte que, lui aussi, avec le Cardinal Ratzinger, forme des vœux pour lancer la Réforme de la Réforme. C’est vraiment une critique fondamentale de la réforme liturgique….à réformer !

 

La première aurait donc échoué ? « C’est précisément parce que l’on se rend toujours plus clairement compte de la situation actuelle (NDLR i.e : de la déconfiture de la réforme liturgique et son infidélité à la pensée conciliaire… Mais à qui la faute…) que se renforce l’espoir d’une éventuelle restauration que le Cardinal Ratzinger voit dans un nouveau mouvement liturgique qui éveillera à une vie nouvelle le véritable héritage du Concile Vatican II ».

 

Et de citer le livre du Cardinal Ma Vie, op cit p. 135.

Intéressant, intéressant, me disais-je.

 

Enfin, un Cardinal de l’Église romaine qui parle et enseigne clairement.

 

Je poursuivais ma lecture. Je le fais aujourd’hui pour vous.

 

Le Cardinal survole et résume quelques articles fondamentaux du Concile. Des rappels tout à fait évidents et traditionnels.

 

• L’article 21 et l’article 23 qui affirment qu’il ne faut rien changer en matière liturgique « avant que ne soit élaborée une soigneuse étude théologique, historique, pastorale, en s’assurant d’un développement organique harmonieux ».

 

Qui ne serait d’accord !

 

• L’article 33 rappelle la finalité de la liturgie : « La liturgie est principalement le culte de la majesté de Dieu ». À la bonne heure !

 

• L’article 34, l’article 54 sur la langue latine. Là, le Cardinal donne son témoignage. C’est fort instructif ! « Au bout de quelques jours de débats au cours desquels tous les arguments pour ou contre furent vivement discutés, on en est arrivé à la conclusion bien claire tout à fait en accord avec le Concile de Trente, qu’il fallait conserver le latin comme langue cultuelle du rite latin, mais que des exceptions étaient possibles et même souhaitables » (p. 38-39).

Attention ! Cette incise a tout emporté…vers le vernaculaire !

 

Sur le chant grégorien, sur les orgues, le Cardinal rappelle l’article 116 de la Constitution: « Le grégorien est le chant propre de la liturgie catholique romaine depuis l’époque de Grégoire le Grand et qu’en tant que tel, il doit être conservé » (p. 39).

 

• Il rappelle l’article 108 qui souligne spécialement l’importance des fêtes du Seigneur, et surtout celles du « propre du Temps », lequel doit avoir la priorité sur les fêtes des saints pour ne pas affaiblir la pleine efficacité de la célébration des mystères du salut (p. 39). Mais c’était l’enseignement qu’à Écône, Dom Guillou, professeur de liturgie, dispensait aux séminaristes avec énergie et conviction – pour toujours.

 

Ces principes liturgiques – et d’autres encore – rappelés, le Cardinal passe à la critique de la réforme liturgique, l’œuvre conciliaire par excellence. C’est la deuxième partie de la conférence.

 

Sans vouloir être exhaustif en cette affaire, le Cardinal aborde cette critique avec énergie et fraîcheur. Sous sa plume, je retrouvais l’enseignement de mes maîtres. J’étais heureux.

J’avais appris chez Dom Guillou, chez Monsieur l’abbé Dulac que la liturgie devait exprimer la foi catholique. Que de fois, en effet, avais-je entendu de la bouche de Mgr Lefebvre, cet axiome : « Legem credendi, lex statuit supplicandi » ou plus simplement dit : « Lex orandi, lex credendi ».

 

Je retrouvais dans ces pages, la même doctrine, la doctrine de toujours. Le Cardinal écrivait : « La liturgie contient et exprime la foi de façon juste et compréhensible » (p. 40). De sorte que « la pérennité de la liturgie participe de la pérennité de la foi, elle contribue même à la préserver ». Et comme la foi est immuable, la liturgie qui l’exprime l’est aussi. « C’est pourquoi il n’y a jamais eu de rupture, de recréation radicale dans aucun des rites chrétiens, catholiques, y compris dans le rite romain latin » (p 40-41). L’évolution liturgique, dès lors, est lente, nécessairement organique, dira le cardinal Ratzinger…Mais qu’a donc fait Paul VI ? Devait-il être suivi par obéissance comme l’on fait les bénédictins… ?

 

Je me régalais en lisant ces rappels. « Dans tous les rites, la liturgie est quelque chose qui s’est développée et continue de croître lentement ; partie du Christ et repris par les Apôtres, elle a été organiquement développée par leurs successeurs, en particulier par les figures les plus marquantes tels les Pères de l’Église, tout cela en préservant consciencieusement la substance, i.e. ; le corpus de la Liturgie en tant que tel ».

 

Mais Dom Guillou nous enseignait la même chose ! Il écrivait en 1975, en la fête de la Pentecôte, dans un texte merveilleux qui constitue la préface du livre Le livre de la Messe, édité par Philippe Héduy, ce grand poète : « La Messe est d’institution divine et apostolique. Mais elle ne nous est pas parvenue telle que les Apôtres l’ont célébrée (bien qu’elle n’ait jamais été une pure imitation de la Cène…), elle est maintenant la fleur d’une croissance ‘’sui generis’’. Ses éléments constitutifs se sont développés sans évolution, ni changement (substantiel) au cours des siècles… sous la conduite de l’Esprit Saint dont l’assistance a été promise à l’Église » (p 17-18).

 

L’Esprit Saint est un et véridique. Ce qu’il inspire ne peut-être qu’un et véridique, le même à travers le temps. J’aime cette expression du Cardinal. C’est clair, c’est net : « C’est pourquoi, il n’y a jamais eu de rupture, de recréation radicale… dans le rite latin romain ».

Il poursuivait : « Il n’y a jamais eu rupture dans le rite romain latin à l’exception de la liturgie post-conciliaire actuelle, en application de la réforme… bien que le Concile… ait toujours réaffirmé que cette réforme devait préserver absolument la tradition» (p. 40-41).

 

Jamais de rupture… à l’exception de la liturgie postconcilaire actuelle !

 

Mais c’est l’enseignement du Cardinal Ottaviani, me disais-je.

 

Il écrivait à Paul VI « Le Nouvel Ordo Missae, si l’on considère les éléments nouveaux, susceptibles d’appréciations fort diverses qui y paraissent sous-entendues ou impliquées, s’éloignent de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la 22e Session du Concile de Trente ».

 

C’est donc bien à une rupture que l’on assiste avec le Nouvel Ordo Missae. Cet éloignement est une véritable rupture avec la Tradition. Du reste, le Cardinal Ottaviani utilise lui-même le mot : « Les raisons pastorales avancées pour justifier une si grave rupture… ».

 

Le Cardinal Stickler a la même analyse. Avec le Nouvel Ordo Missae, on assiste à une véritable rupture avec la Tradition, « à une véritable et radicale nouveauté ». Il l’affirme tout de go : « L’ordo Missae (est) radicalement nouveau ».

 

Et ceci est une véritable nouveauté, la nouveauté par excellence…

 

« Alors que toutes les réformes antérieures adoptées par les Papes et, tout particulièrement, celle entreprise sous l’impulsion du Concile de Trente et mis en œuvre par le Pape Pie V et jusqu’à celles de Pie X, de Pie XII et de Jean XXIII, ne furent pas des révolutions, mais uniquement des corrections qui ne touchaient pas l’essentiel, des ajustements et des enrichissements » (p. 41).

 

C’est ce que demandait, du reste, le Concile en son article 23: « Le Concile a expressément dit, à propos de la restauration souhaitée par les Pères, qu’aucune innovation ne devait être faite qui ne fût vraiment exigée par l’utilité de l’Église ».

 

Oui ! L’Ordo Missae est radicalement nouveau ! Je me souvenais de notre savant abbé Dulac qui, dans l’analyse qu’il faisait de la Bulle Quo Primum ne cessait de rappeler les termes de la Bulle « restaurata », « restaurata ».

 

Nous n’avons rien de tel avec Paul VI. Nous avons un Novus Ordo Missae. Rien de comparable.

 

Le Pape lui-même, alors qu’il recevait les communautés relevant du Motu Proprio Ecclesia Dei, le 26 octobre 1998 – venues à Rome en action de grâces –, leur tenait même langage : « Les derniers Conciles œcuméniques (Trente, Vatican I, Vatican II) se sont particulièrement attachés à éclairer le mystère de la Foi et ont entrepris des réformes nécessaires pour le

bien de l’Église, dans le souci de la continuité avec la Tradition apostolique déjà recueillie par saint Hippolyte ». (La Nef, n° 89. déc. 1998).

 

Que les choses sont bizarres !

Même au plus haut niveau du gouvernement ecclésial… les jugements des autorités divergent fondamentalement sur le même objet : la réforme liturgique.

 

Ici Jean-Paul II parle bien du Concile Vatican II qui, comme tous les Conciles,  a entrepris une « réformes nécessaire pour le bien de l’Eglise ». Mais on voit bien qu’il veut parler de la « réforme liturgique » – in concreto –  réalisée qui serait en continuité avec la Tradition.

 

Pour les uns, nous aurions « une nouveauté radicale ». Pour les autres, « une continuité parfaite ». Le magistère est vraiment divisé. C’est un des éléments de la crise de l’Église. Qui croire ?

 

Mais poursuivons la pensée de notre Cardinal. Il nous dit : « Nous allons maintenant présenter quelques exemples marquants (sans vouloir être exhaustif) de ce qui a été créé dans la réforme postconciliaire et en particulier dans son cœur : l’Ordo Missae est radicalement nouveau » (p. 41).

 

Alors le Cardinal passe en revue le Nouvel Ordo. Il feuillette le Nouvel Ordo. Il n’insiste pas sur l’introduction de la Messe. Elle est « nouvelle », dit-il, page 42 et surtout comporte de « multiples variantes » (id),   (voir le NB ci-joint). ce qui souvent aboutit à une diversité presque illimitée, mais il en vient, tout de suite, à l’Offertoire.

 

(NB  multiplicité ou créativité que voudrait supprimer le Cardinal Ratzinger.  cf sa conférence à Fontgombault cité dans un chapitre de cette étude)

 

Là, il parle à ce sujet de « révolution ».

 

« L’offertoire, dans sa forme et sur le fond, constitue une révolution : il n’est, en effet, plus prévu d’offrande préalable des dons mais simplement une préparation des oblats avec une teneur nettement humaniste mais qui, en fin de compte, donne tout de suite une impression de dépassé » (p. 42).

 

Il parle même de symbolisme « malheureux ». L’industrialisation a envahi l’agriculture et la culture des céréales…

Il poursuit : « Quant aux signes hautement loués par le Concile de Trente et exigés par le Concile de Vatican II, tels que les nombreux signes de croix qui renvoient à la Très Sainte Trinité, les baisers de l’autel et les génuflexions, de tout cela, on a fait table rase » (p. 42).

 

Il parle ensuite du Sacrifice qui est l’essence de la Messe.

 

Il écrit: « Le centre essentiel de la Messe qui était précisément l’action sacrificielle elle-même, a été déplacé au profit de la communion, (…) le Sacrifice de la Messe a été transformé en un repas eucharistique. Ce faisant, si l’on considère les termes utilisés, la communion est devenue, dans la conscience des fidèles, la seule partie de la Messe ayant un effet intégrateur en lieu et place de la partie essentielle qui est l’action sacrificielle de la transsubstantiation

»… « Il est faux de faire de l’Eucharistie un repas, ce qui se produit presque toujours dans la nouvelle liturgie » (p. 43).

 

On a envie de dire au Cardinal : alors quoi ! Cette nouvelle Messe est-elle sacrifice ou repas ? L’un est-il l’autre ? Le sacrifice n’est pas un repas, ni un repas, un sacrifice. Mais le Cardinal Castrillon Hoyos vous dit qu’il ne faut pas « contraposer » les deux rites…C’est son terme qu’il m’envoyait « en pleine tête » alors que je lui présentais, en 2013, l les séminaristes de Courtallain…

 

Souvenez-vous du  Bref Examen Critique, de la critique du fameux article 7 qui, dans cette affaire liturgique, est capital.

 

Relisons le : « La définition de la Messe est réduite à celle de la Cène et cela apparaît continuellement (aux n° 8 – 48-55- 56). Cette Cène est, en outre, caractérisée comme étant celle de l’Assemblée présidée par le prêtre, celle de l’assemblée réunie afin de réaliser « le mémorial du Seigneur », qui rappelle ce qu’Il fit le Jeudi-Saint ».

« Tout cela n’implique ni la Présence réelle, ni la réalité du Sacrifice, ni le caractère sacramentel du prêtre qui consacre, ni la valeur intrinsèque du sacrifice eucharistique indépendamment de la présence de l’Assemblée ».

« En un mot, cette nouvelle définition ne contient aucune des données dogmatiques qui sont essentielles à la Messe et qui en constituent la véritable définition. L’omission, en un tel endroit de ces données dogmatiques, ne peut qu’être volontaire. Une telle omission volontaire signifie leur dépassement et, au moins en pratique, leur négation » (Bref examen critique).

 

Ayons en mémoire toutes ces phrases, et  arrivons en au paragraphe 2 de la page 43, nous tombons sur ces paroles fulgurantes : « Ainsi, sont posés les fondements d’un autre détournement de fonction : à la place du Sacrifice présenté à Dieu par le prêtre ordonné en tant qu’un « alter Christus », s’instaure la communauté de repas des fidèles assemblés sous la présidence du prêtre » (p. 43).

 

Mais, attention, le Cardinal poursuit : « La définition de la Messe qui, dans la première édition du N.O.M. confirmait cette conception, a pu être supprimée au dernier moment, grâce à la lettre écrite à Paul VI par les Cardinaux Ottaviani et Bacci : cette édition fut mise au pilon sur ordre du Pape. Pourtant, la concession de cette définition n’a entraîné aucune modification de l’Ordo Missae en lui-même » (p. 43).

 

Je suis estomaqué !

Avouez, sous la plume d’un Cardinal, c’était cinglant, court, bref. Les mots choisis particulièrement exemplaires.

On comprend que le Cardinal Stickler puisse, lui aussi, parler « de bouleversement du cœur même du Sacrifice de la Messe ».

 

Il insiste. Il veut enfoncer le clou : « Ce bouleversement du cœur même du Sacrifice de la Messe fut confirmé et accentué par la célébration, « versus populum », pratique autrefois interdite et renversement de toute la tradition de la célébration vers l’Orient et dans laquelle le prêtre n’était pas l’interlocuteur du peuple mais se tenait à sa tête pour le guider vers le Christ avec le symbole du soleil levant à l’est » (p. 43).

 

Nous retrouvons là  tout l’enseignement d’Ecône, celui que nous avait donné Dom Guillou dans des pages célèbres qui ne le sont pas assez, même dans nos milieux. En voici un exemple à faire exulter de joie :

 

« Toute l’histoire de l’Église elle-même, est une montée de lumière dans l’accroissement du nombre des élus et dans l’épanouissement du développement de ses dogmes et de son mystère propre, jusqu’à son achèvement dans les éblouissantes splendeurs de la Jérusalem éternelle où l’introduira, toute blanche, lavée dans le sang de l’Agneau, l’Époux divin, revenu en gloire pour établir son règne définitif, apparaissant sur les nuées du Ciel comme un éclair qui part de l’Orient ‘’sicut fulgur exit ab oriente…’’.

« Faut-il redire ici, après ce bref aperçu, le dommage causé à l’esprit et à la manière liturgique par l’abandon de la règle de l’orientation des églises et de la Messe et de la prière orientée, règle qui se relie à un immense contexte éminemment humain, biblique et chrétien. Les Anciens voulaient que le sanctuaire de leurs églises soit comme un Orient spirituel que la

lumière matinale inonde à cette première heure de l’office de Laudes qui se termine, chaque jour, par le chant du ‘’Benedictus’’ de Zacharie, célébrant l’Orient ‘’ex alto’’, illuminant ceux qui sont assis à l’ombre de la mort… Comme elle est significative ensuite, dans la joyeuse clarté de l’aurore, cette prière du prêtre au bas des degrés lorsqu’il s’apprête à monter dans la nuée lumineuse de l’autel : ‘’Emitte lucem tuam et veritatem tuam : ipsa me deduxerunt et adduxerunt in montem sanctum tuum… et introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam’’ (Ps. 42). Sera-t-il dit que tout ce poème

des choses, que toutes ces correspondances merveilleuses échapperont à la myopie réformiste ? Pourtant, même au strict point de vue pastoral, quelle plus belle illustration de cette vérité : notre vie tout entière est comme une Messe qui nous conduit à l’union au Christ, à la céleste illumination où tout sera renouvelé dans une jeunesse éternelle, par les mérites de la

Passion et de la Résurrection du Sauveur » (Lumen Christi – Nouvelles de Chrétienté – numéro spécial de Pâques 1952). (NB : Dom Guillou me donna personnellement toute sa collection de Nouvelles de Chrétienté)

 

Oh, merveille de culture !

 

Puis le Cardinal en arrive à la formule de la consécration du pain et du vin. Là, sur ce sujet, il est également très sévère.

Jugez vous-même !

 

Il parle de la très grave atteinte à la formule de consécration du vin en le Sang du Christ en raison de la suppression des mots « Mysterium fidei ».

 

« Les mots ‘’Mysterium fidei’’, en ont été supprimés pour être ajoutés à l’appel du peuple à la prière, après la consécration, ce qui fut présenté comme un gain majeur du point de vue de la « participatio actuosa » » (p. 44 ).

 

Là, le Cardinal part en guerre, il se déchaîne. C’est le Cardinal, recteur d’Université, archiviste, qui parle. Il enseigne. Il cite ses sources. Il démontre que « Mysterium fidei » – ces deux mots – sont d’origine apostolique. Il ne fallait en rien y toucher. Saint Basile l’enseigne. Saint Augustin aussi. Le « Sacramentarium Gelasianum » également. « Le ‘’Sacramentarium Gelasianum’’ qui est le livre de Messe le plus ancien de l’Église romaine, dans le Codex Vaticanus, Reg. Lat. 316, in folio 181v, dans le texte original (il ne s’agit donc pas d’une addition postérieure) inclut clairement le mysterium fidei » (p. 45).

 

Il poursuit on sent le Cardinal en colère, sainte colère il cite la lettre de Jean de Lyon, en l202, au Pape Innocent III et donne la réponse du Pape avec les références. C’est argumenté

: « En décembre de la même année, dans une longue lettre, le Pape répondait que ces paroles et d’autres encore du Canon que l’on ne trouvait pas dans les Évangiles, devaient être crues en tant que paroles transmises par le Christ aux Apôtres et par ceux-ci, à leurs successeurs » (p. 45).

 

Il donne les références historiques. C’est le professeur qui enseigne. Son affirmation est incontournable. Elle est scientifique.

« Vous la trouverez là, dit-il : X, III, 41, 6; Friedberg III, p. 636, sq ».

 

C’est net.

 

Il continue : « Le fait que cette décrétale qui fait partie du recueil de décrétales d’Innocent III dans le grand recueil du liber X, établi par Raymond de Pennafort à la demande de Grégoire IX, n’ait pas été abandonnée comme dépassée, ce qui fut le cas de bien d’autres, mais ait continué à être transmise par la Tradition, prouve qu’une valeur durable était attribuée à cette déclaration de ce grand Pape » (p. 45).

 

Nul doute que l’on ne pouvait toucher à ces deux mots dans la forme de la consécration du vin, les supprimer, les déplacer en en changeant le sens. On ne le pouvait pas sans être infidèle à la Tradition catholique et, de toute évidence, en rupture avec elle.

 

C’est la pensée du Cardinal.

 

Il invoque aussi l’autorité de saint Thomas d’Aquin. Il écrit: « Saint Thomas s’exprime clairement sur cette question dans sa ‘’Somme théologique’’ (III, 78, 3 ad nonum) à propos des paroles de consécration du vin, rappelant la nécessaire discipline secrète de l’Église ancienne dont parle aussi Denys l’Aréopagite: ‘’les paroles ajoutées éternelle et mystère de foi viennent de la tradition du Seigneur qui est parvenue à l’Église par l’intermédiaire

des Apôtres’’; il renvoie lui-même à 1 Cor., 10, 23 et 1 Tim, 3, 4. En note de ce texte de saint Thomas, le commentateur, se référant à DD Gousset dans l’édition Marietti de 1939 (V. p. 155), ajoute « sarebbe un grandissimo errore sustituire un altra forma eucharistiea a quella del Missale Romano… Si sopprimere ad esempio la parola aeterni et quella mysterium fidei che abbiamo della tradizione » (p. 46).

 

Et puis, il invoque l’autorité du Concile de Florence le XVIIe Concile œcuménique

 

 « Dans la bulle d’union avec les Coptes, le Concile œcuménique de Florence complète expressément les formules de consécration de la Sainte Messe qui n’avaient pas été incluses en tant que telles dans la Bulle d’union avec les Arméniens et que l’Église romaine avait toujours utilisées sur la base de l’enseignement et de la doctrine des Apôtres Pierre et Paul (conc. oeucu. decreta, ed Herder, 1962, p. 557) » (p. 46).

 

Ayant le document, je suis allé vérifier. C’est bien exact. Le Concile de Florence, dans le décret pour les Grecs qui suit celui d’avec les Arméniens cite bien expressément le mysterium fidei dans la formule de consécration. Il y est dit : « mais parce que dans le décret des Arméniens rapporté ci-dessus, n’a pas été expliquée la formule qu’a toujours eu coutume d’employer, dans la consécration du Corps et du Sang du Seigneur, la sacro-sainte Église romaine, affermie par la doctrine et l’autorité des apôtres Pierre et Paul, nous pensons qu’il faut l’introduire dans les présentes »

 

– en latin – « illam praesentibus duximus inserendam ». « Duximus », c’est le parfait du verbe « ducere ». Il vaudrait mieux traduire : nous estimons, nous commandons. « Nous pensons » me paraît un peu faible. « Ducere », c’est le commandement, c’est le chef qui affirme.

 

Mais ce n’est pas tout. Le Cardinal ne s’en tient pas pour satisfait… Il poursuit sa démonstration de théologie positive. Là, pour le coup, il est exhaustif.

Il invoque, cette fois, le catéchisme – le catéchisme « de référence », dit-il, ce sont ses mots. Je m’attendais à voir citer le nouveau catéchisme de l’Église catholique. Mais pas du tout! Il cite le catéchisme du Concile de Trente. À la bonne heure! Il donne toutes les références. Manifestement, quand il préparait sa conférence, le Cardinal est allé chercher dans sa bibliothèque, ce catéchisme. Il vous dit qu’au chapitre IX, au n° 21, à propos de l’Eucharistie… « le catéchisme enseigne que « les mots « mysterium fidei » et « aeterna » viennent de la Sainte Tradition qui est l’interprète et la gardienne de la vérité catholique » (p. 46).

 

Je regrette que le Cardinal n’ait pas poursuivi sa lecture du catéchisme car il aurait aussi rappelé qu’en changeant de place cette expression très traditionnelle, les auteurs de la réforme liturgique en changeaient le sens. Alors que le « mysterium fidei » placé dans la formule de la consécration porte sur la Présence réelle qui vient d’être réalisée par l’énonciation de la formule consécratoire, le « mysterium fidei » mis après la consécration – comme acclamation populaire – dirige l’attention du peuple, non plus sur le mystère de la Transsubstantiation réalisée « hic et nunc », mais bien sur le retour en gloire du Seigneur qui est aussi l’objet de notre foi : « donec veniat ». Il y a là, dans ce changement de place, une malice, une duplicité, une ruse, une équivoque. La foi ici affirmée ne porte plus sur la Transsubstantiation mais sur le retour en gloire du Seigneur. Ainsi, l’attention des fidèles, et leur « participatio actuosa » sont détournées de la présence du Christ réalisée par la Transsubstantiation. Ils devraient adorer la Présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ sur l’autel, on leur fait acclamer le retour en gloire du Seigneur.

 

Voyez l’enseignement du catéchisme du Concile de Trente, p. 216 de l’édition d’Itinéraires.

 

Fort de cet exposé très savant, le Cardinal ne mâche pas ses mots et ses critiques contre les réformateurs. Il parle de « légèreté souveraine » d’un Lercaro, d’un Bugnini et de leurs collaborateurs. « On peut à juste titre s’interroger sur la légèreté dont ont fait preuve, ici, les collaborateurs du Cardinal Lercaro et du Père Bugnini, avec nécessairement leur accord » (p. 46).

« Ils ont purement et simplement « ignoré », non seulement ignoré mais aussi « méprisé », l’obligation de procéder à une recherche historique et théologique exacte » (p. 46).

 

C’est ce que réclamait expressément le Concile Vatican II dans son article 23 de la Constitution liturgique (cf. p. 36).

Mais rien de tel n’a été fait, et le Cardinal de conclure et de lancer la suspicion sur l’ensemble de l’œuvre réformée : « Si cela s’est produit dans ce cas qu’en aura-t-il été de cette importante obligation pour les autres modifications » (p. 46).

 

C’est terriblement grave !

 

Nous nous trouvons devant une réforme infidèle à la Tradition…

 

Enfin, laissant la théologie positive, le Cardinal s’élève à une considération doctrinale et pastorale tout à la fois que je pourrais résumer ainsi : cet oubli du « mysterium fidei » de la forme eucharistique, loin de favoriser et de développer le sens de la piété et de la vie théologale chez le peuple fidèle, favorise, au contraire, la « démystification » constatée aujourd’hui ainsi que l’« anthropomorphisation ». Rien ne vaut. Rien n’est vrai que ce qui est rationnel. L’Eucharistie n’est pas à la portée de la raison. Elle est peut-être un simple symbole. « Mais c’est aussi la raison pour laquelle l’exclusion du « mysterium fidei » de la formule eucharistique devient, elle aussi, le symbole de la démystification et donc de l’anthropomorphisation de ce qui constitue le centre du culte divin : la Sainte Messe » (p. 47).

 

Ce retrait du « mysterium fidei » est pour le moins malheureux.

 

Le Cardinal en arrive enfin aux décisions des réformateurs quant à « la participation vivante et active des fidèles à la célébration de la Messe » (p. 47).

 

De la participation active des fidèles.

 

On sait qu’on se plaignait beaucoup, avant le Concile, du manque de participation des fidèles à la Messe. Aussi le Concile Vatican II a-t-il abordé le sujet dans deux articles importants

: l’article 30 et l’article 48.

 

Il en a donné les principes : « Le Concile a insisté particulièrement, dit le Cardinal, sur la participation intérieure qui seule permet de rendre fructueux le culte » (p. 38).

 

Le Cardinal donne alors son jugement sur cette fameuse « participation active » telle qu’aménagée par nos réformateurs. Il est terrible. Il s’exprime avec une pointe d’humour sarcastique et légèrement méprisante… Le pauvre Bugnini n’a vraiment pas fait une œuvre excellente…lui qui pensait accomplir « un chef-d’œuvre »… On comprend pourquoi il est resté sur le « carreau »… Au témoignage du Cardinal : « Le Père Bugnini avait été secrétaire de la Commission sur la liturgie pendant la période préparatoire du Concile. Comme son travail, effectué sous la direction du Cardinal Gaetano

Cicognani, n’avait pas été jugé satisfaisant, il fut le seul à ne pas être promu secrétaire de la Commission conciliaire correspondante ; cette fonction fut attribuée au Père Antonelli, O.F.M., ultérieurement nommé Cardinal » (p. 34).

 

Lisez, vous dis-je. Je ne peux me résoudre à résumer. Il faut tout citer :

 

« Nous en arrivons ainsi au mandat donné aux réformateurs de promouvoir la participation vivante et active des fidèles à la célébration de la Messe, un mandat qui, trop souvent, a été mal interprété et adapté à la mentalité actuelle. Comme toute la liturgie, ainsi que le dit expressément le Concile, le but principal de la Messe est le culte de la Divine Majesté.

Aussi le cœur et l’âme des participants doivent-ils en premier lieu être élevés et s’élever vers Dieu. Cela n’exclut pas que la participation se manifeste concrètement à l’intérieur de la communauté et vis-à-vis d’elle. Et c’est la raison pour laquelle, pour pallier l’absence de participation des fidèles dont on se plaignait si souvent avant le Concile, ce dernier a instamment demandé cette « actuosa participatio ». Mais si celle-ci dégénère en un enchaînement ininterrompu de paroles et d’actions, avec une distribution des rôles aussi large que possible afin que tous aient leur part à l’action, lorsque l’on en arrive à un activisme qui relève plutôt d’un rassemblement humain purement externe et qui, pire encore, juste avant le moment le plus sacré pour les participants : dans la rencontre individuelle de chaque fidèle avec le Dieu-homme eucharistique, est plus bavarde et distrayante que jamais, la mystique contemplative de la rencontre avec Dieu, le culte qui lui est rendu avec la crainte respectueuse, la révérence qui doit l’accompagner toujours — tout cela ne peut que mourir : alors l’humain tue le divin et emplit le cœur de vide et de désolation. Ce moment appartient au silence, qui est expressément prévu, et qui n’a gardé — difficilement — sa place qu’après l’action que constitue la distribution de la communion, comme une petite feuille de vigne sur un grand corps nu. C’est ainsi que,reflétant la tendance actuelle de la conscience du monde à se limiter aux apparences, on voit se développer dans l’Église un agir cultuel de conception humaine et projeté vers l’extérieur ».

 

Voilà donc un jugement général du Cardinal sur la réforme liturgique bugninienne.

 

Mais après ce jugement général qui est une vraie condamnation de la réforme, le Cardinal aborde des points plus particuliers

: le latin, le grégorien, l’orgue…

 

Le latin, le grégorien, l’orgue.

 

Le Cardinal exprime sur ce sujet – du latin comme langue liturgique – son étonnement. Il ne comprend pas comment, après ce que demandèrent les Pères conciliaires sur ce point, on en soit arrivé à la suppression générale et au triomphe des langues vernaculaires.

 

Ce passage de la conférence est fort intéressant. Quand je le découvris pour la première fois, j’étais moi-même dans l’étonnement… admiratif. Il faut le citer aussi dans son intégralité.

Il donne un témoignage historique, puis l’enseignement magistériel, enfin les arguments théologiques. Notre Cardinal fut vraiment – durant le Concile – au cœur du problème.

 

Et tout d’abord, son témoignage personnel: « A ce stade, il convient de mentionner une disposition du Concile qui a été non seulement mal comprise mais, plus encore, complètement répudiée: la langue cultuelle. Je me permettrai ici, une fois encore, d’étayer mon argument par un souvenir personnel. En qualité d’expert de la Commission pour les séminaires, on m’avait confié le rapport sur la langue latine. Il fut clair et bref et, après mûre discussion,

rédigé sous une forme qui correspondait aux souhaits de tous les membres avant d’être soumis à l’aula conciliaire. C’est alors que, sans que l’on s’y attendît, le Pape Jean XXIII signa en toute solennité, à l’autel de Saint-Pierre, la lettre apostolique « Vetera, Sapientia », ce qui, de l’avis de la Commission, rendait superflue la déclaration conciliaire sur le latin dans l’Église: cette lettre présentait non seulement le rapport entre la langue latine et

la liturgie mais encore toutes les autres fonctions de cette langue dans la vie de l’Église.

Lorsque, plusieurs jours durant, la question de la langue du culte fut discutée dans l’aula conciliaire, je suivis avec beaucoup d’attention tout ce débat, ainsi d’ailleurs que la discussion, jusqu’au vote final, des différentes formulations incluses dans la Constitution sur la Sainte Liturgie. Je me rappelle très bien que, à la suite de quelques propositions radicales, un évêque sicilien se leva et adjura les Pères de procéder, sur cette question, avec prudence et intelligence car, sinon, le risque était que la Messe fût dite dans sa totalité en langue vernaculaire, ce qui fit bruyamment éclater de rire toute l’aula conciliaire. Et c’est pourquoi je n’ai jamais compris comment, dans ses Mémoires publiés en 1983, Mgr Bugnini, à propos du passage radical et complet du latin obligatoire à la langue vernaculaire comme langue cultuelle exclusive, ait pu écrire que le concile avait pratiquement dit que la langue vernaculaire était, dans toute la Messe, une nécessité pastorale (op. cit. pp. 108-121 dans l’édition italienne originale). « À l’encontre de cela, je puis témoigner que les formulations de la constitution conciliaire sur ce point, tant dans sa partie générale (Art. 36) que dans les dispositions particulières relatives au Sacrifice de la Messe (Art. 54) ont été approuvées quasiment à l’unanimité dans les discussions des Pères conciliaires et surtout lors du vote final : 2152 oui et 4 non ».

 

Ensuite l’enseignement magistériel sur le latin : « Au cours des recherches que j’ai effectuées pour préparer le rapport sur la tradition sur lequel devait s’appuyer ce décret conciliaire sur la langue latine, j’ai constaté que toute la Tradition était absolument unanime sur ce point, jusqu’au Pape Jean XXIII : elle s’est toujours prononcée clairement contre toutes les tentatives antérieures visant à renverser cet ordre des choses. Je pense ici en particulier à la décision du Concile de Trente, sanctionnée d’un anathème, contre Luther et le Protestantisme, à Pie VI contre l’Évêque Ricci et le Synode de Pistoia, et à Pie XI qui, à propos de la langue cultuelle de l’Église, a prononcé un clair « non vulgaris » ».

 

Là, le Cardinal ne fait que citer mais ses citations sont parfaitement fondées ! Jugez en effet.

 

Le Concile de Trente enseigne bien dans son canon 9 dans sa 22e session : « Si quelqu’un dit… que la Messe ne doit n’être célébrée qu’en langue vernaculaire… qu’il soit anathème ».

 

Et dans son chapitre doctrinal – au chapitre VIII de la même session – on lit: « Bien que la Messe contienne un riche enseignement pour le peuple fidèle, il n’a cependant pas paru bon aux Pères qu’elle soit célébrée indistinctement en langue vulgaire ».

 

Toutefois, ordre était donné aux pasteurs d’âmes de donner régulièrement des instructions pour expliquer le sens des belles pièces du Missel romain.

Quant au Pape Pie VI invoqué par le Cardinal, on peut, de fait, citer entre autres, la proposition 66: « La proposition qui affirme qu’il est contraire à la pratique apostolique et aux conseils de Dieu, de ne pas préparer au peuple des voies plus faciles pour joindre sa voix à la voix de toute l’Église, si elle est entendue en ce sens qu’il faut introduire l’usage de la langue vulgaire dans les prières liturgiques, est fausse, téméraire, perturbe l’ordre présent pour la célébration des mystères, produit facilement de nombreux maux ».

 

Voici qui est bien dit. Voilà la vraie tradition catholique que Mgr Bugnini et son personnel devaient défendre et respecter, et qu’ils n’ont pas défendue, ni respectée.

 

Vraiment, le Cardinal prouve bien son jugement : « L’Ordo Missae – celui issu du Concile Vatican II – est radicalement nouveau », ne respectant pas la tradition catholique.

 

Il donne, enfin, les raisons justifiant le nécessaire maintien du latin dans la liturgie et dans l’Église : « Il faut bien voir que la raison n’en est pas uniquement d’ordre cultuel, même si cet aspect est toujours mis en avant. C’est aussi une question de révérence, de crainte respectueuse : comme le voile recouvre les vases sacrés, le latin sert de protection contre la profanation — à la manière de l’iconostase des Églises orientales derrière laquelle s’accomplit l’anaphore — et aussi contre le danger de vulgariser, en utilisant la langue vernaculaire, toute l’action liée au mystère, ce qui se produit effectivement souvent de nos jours. Mais cela tient aussi à la précision du latin, qui sert comme nulle autre langue la doctrine dogmatiquement claire ; au danger d’obscurcir ou de fausser la vérité dans les traductions, ce qui d’ailleurs pourrait aussi porter gravement préjudice à l’élément pastoral, si important ; et aussi à l’unité qui est ainsi manifestée et renforcée dans toute l’Église.

« Toujours du point de vue pastoral, l’abandon du latin comme langue liturgique, à l’encontre de la volonté expresse du Concile, engendre une deuxième source d’erreurs, plus graves encore : je veux parler de la fonction de langue universelle qu’assume le latin, qui unit toute l’Église, justement, dans le culte public, sans déprécier aucune langue vernaculaire

vivante. Et précisément à notre époque où le concept d’Église qu’on voit se développer met l’accent sur l’ensemble du peuple de Dieu considéré comme Corps mystique du Christ, aspect d’ailleurs toujours souligné dans la réforme, il se fait que, par l’introduction de l’usage exclusif des langues vernaculaires, et même de dialectes, l’unité de l’Église universelle est remplacée par une diversité d’innombrables chapelles populaires, jusqu’au niveau des communautés villageoises et églises paroissiales, qui sont séparées les unes des autres par une véritable différence de tension naturelle qui, entre elles, est et ne peut qu’être insurmontable. D’un point de vue pastoraI, comment alors un Catholique peut-il retrouver sa Messe dans le monde entier, et comment peut-on abolir les différences entre races et peuples dans un culte commun, grâce à une langue liturgique sacrée commune, ainsi que l’a expressément souhaité le Concile, alors qu’il y a tant d’occasions, dans un monde devenu si petit, de prier ensemble ? Dans quelle mesure alors chaque prêtre a-t-il la possibilité pastorale d’exercer le sacerdoce suprême de la Sainte Messe n’importe où, surtout dans ce monde où les prêtres sont devenus si rares ? ».

 

Enfin, le Cardinal critique « l’introduction d’un cycle liturgique de 3 ans. C’est là un péché contre nature » dit le Cardinal. « Il ne fallait pas abolir le déroulement d’un cycle annuel naturel » (p. 53). Toutes ces modifications, ces changements « ont condamné les remarquables mélodies grégoriennes valables à une mort lente ». Ce qu’il déplore : « Au mandat donné par le Concile de préserver et promouvoir le chant liturgique romain typique, très ancien, a répondu une épidémie pratiquement mortelle » (p. 53).

 

Comme il déplore la disparition de l’orgue « remplacé par une multitude d’instruments (qui) ont favorisé l’introduction dans la musique religieuse d’éléments reconnus comme diaboliques

» (p. 55).

 

Comme il déplore enfin les nombreuses « variantes autorisées» – vrai principe constitutif de la réforme liturgique – qui « risquent de mener à l’anarchie qu’avait toujours si bien maîtrisé l’ancien ordo latin » (p. 56).

 

(NB C’est aussi, comme je l’ai dit plus haut,  une remarque du Cardinal Ratzinger. C’est une des rectifications qu’il propose dans sa Réforme de la réforme. Voire sa conférence de Fontgombault).

 

« C’est ainsi que le nouveau garant de l’ordre – le Cardinal veut dire : le Nouvel Ordo Missae – devient, de soi, facteur de désordre. Aussi ne faut-il pas s’étonner que chaque paroisse, pour ne pas dire chaque église, semble avoir adopté un ordo différent. C’est là une constatation que l’on peut faire partout » (p. 55). Et qui entraîne l’irrévérence actuelle, la perte du sens du sacré et la superficialité. Tout cela étant grandement dommageable à la dignité du nouveau rite.

 

 

La réforme liturgique de la Nouvelle Messe est-elle alors invalide ?

 

Quoi qu’il en soit de toutes ses critiques, le Cardinal ne va pas jusqu’à affirmer l’invalidité du nouveau rite. Ce que nul d’entre nous n’a jamais affirmé.

 

« Pour éviter tout malentendu à propos de cette présentation de la réforme… je voudrais préciser expressément que je n’ai jamais mis en doute que ce soit dogmatiquement ou juridiquement la validité de cet Ordo : sans doute, d’un point de vue juridique, ai-je ressenti des doutes sérieux qui tiennent à ce que j’ai intensivement étudié les canonistes médiévaux, lesquels sont unanimes à dire que les Papes peuvent tout changer à l’exception de ce que prescrit la Sainte-Écriture, de ce qui touche aux décisions doctrinales de plus haut niveau déjà adoptées et du status ecclesiae ».

 

Et ses doutes venaient – viennent-ils encore, je ne sais, il n’en dit rien – de ce que l’on « peut penser » que la liturgie relève du « status ecclesiae ». Elle serait alors, sous ce rapport, immuable dans sa substance, immuable par essence. Mais le Cardinal n’insiste pas. Il dit la chose. Il passe et en profite même pour dire immédiatement après, sa position pratique.

 

« Je m’empresse de préciser que lorsque la nouvelle liturgie est célébrée avec révérence – ce qui est toujours le cas, par exemple, à Rome et par le Pape lui-même – les abus regrettables qui relèvent essentiellement de la divergence entre la Constitution conciliaire et le nouvel ordo, n’ont pas lieu » (p. 57/58).

 

Là, j’étais étonné du jugement du Cardinal. Je le suis encore en relisant. Il me semble contradictoire à tout son exposé précédent.

 

Que le nouvel « Ordo Missae » soit valide, nul ne le contestera, mais que parce qu’il est célébré avec révérence, cela fasse tomber tous les abus regrettables et qu’ils n’aient même plus lieu… Là, je ne comprends plus.

 

La langue vernaculaire reste la langue vernaculaire qu’elle soit utilisée avec révérence ou non.

 

L’Offertoire nouveau reste l’Offertoire nouveau – le Cardinal l’a décrit comme une vraie révolution dans l’Église – qu’il soit dit avec révérence ou non.

 

La « prédominance du repas sur le Sacrifice » demeure, quelle que soit la révérence du célébrant, fût-il le Pape.

 

La modification de la formule de consécration du vin reste ce qu’elle est : une véritable infidélité à toute la Tradition, qu’elle soit prononcée avec révérence ou non.

 

Et pensez-vous que l’abolition du grégorien et du chant polyphonique, de l’orgue, du silence, de la contemplation intérieure, pensez-vous vraiment que tout cela favorise, nourrisse la révérence du peuple ?

 

Pensez-vous que l’abolition des signes de croix, des baisers de l’autel, des génuflexions – ce que le Cardinal déplore – puisse favoriser plus grande révérence pour les mystères célébrés?

Tout cela me paraît contradictoire.

 

Je préfère la mâle autorité du Cardinal Ottaviani demandant à Paul VI – après l’exposé fait dans le Bref examen critique – l’abrogation du Nouvel Ordo Missae ou, tout au moins, « la possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond Missel romain de saint Pie V ».

Je trouve cela plus cohérent. Et je constate – là encore – une diversité pratique, concrète, du magistère actuel dans l’application de la réforme:

• certains demandant purement et simplement son abrogation,

• d’autres se contentant de demander – malgré les insuffisances

doctrinales graves – qu’il soit célébré mais « avec révérence

».

 

Conclusion.

 

Malgré l’immense joie que j’ai eue à lire la conférence du Cardinal Stickler, j’exprime ici ma déception profonde devant l’attitude pratique du Cardinal. Il nous démontre que cette réforme liturgique n’est pas fidèle à la Tradition catholique sur des points majeurs :

 

• qu’elle s’en éloigne,

• qu’elle est, sur bien des points, une vraie révolution,

• qu’elle est « nouvelle »

• que l’aspect sacrificiel de la Messe est presque éliminé…

 

Et comme attitude pratique : il se contente de dire que si elle est célébrée avec « révérence », il n’y a plus de problème. Tout rentre dans l’ordre !

 

Cela me paraît très léger, voire contradictoire.

Et je préfère le jugement pratique – ô combien pastoral – d’un abbé Dulac qui se plaignait, lui aussi, de l’aspect équivoque de cette réforme.

 

Il écrivait en 1975: « Nous avons été les premiers à dénoncer le défaut radical, inguérissable du nouvel ‘’Ordo Missae’’. C’était le 25 juin 1969, quelques jours après l’apparition, en France, de « l’édition typique » de cette Messe réformée.

 

« Nous y sommes revenus bien des fois depuis cette date. Nos critiques étaient assez graves pour que nous ayons pu, dès le début, y trouver le motif d’un refus.

 

« Mais jamais, nous n’avons dit que la nouvelle Messe était hérétique.

« Hélas ! Elle est, pourrait-on dire, pis que cela : elle est équivoque.

Elle est flexible en des sens divers. Flexible à volonté. La volonté individuelle qui devient ainsi la règle et la mesure des choix ».

 

Ne serait-ce pas la « révérence » dont nous parle le Cardinal Stickler ?

 

« L’hérésie formelle et claire agit à la manière d’un coup de poignard. L’équivoque agit à la manière d’un poison lent.

« L’hérésie attaque un article précis du dogme. L’équivoque, en lésant l’ « habitus » lui-même de la foi, blesse ainsi tous les dogmes.

« On ne devient formellement hérétique qu’en le voulant. L’équivoque peut ruiner la foi d’un homme à son insu.

« L’hérésie affirme ce que nie le dogme ou nie ce qu’il affirme. L’équivoque détruit la foi aussi radicalement en s’abstenant d’affirmer et de nier : en faisant de la certitude révélée,

une opinion libre.

« L’hérésie est ordinairement un jugement contradictoire à l’article de la foi. L’équivoque est dans l’ordre de ce que les logiciens appellent « le disparate ». Elle est à côté de la foi. A

côté même de la raison, de la logique.

« Eh bien, nous oserons le dire : il y a pire encore peut-être que l’équivoque. Il y a le substitut de la foi théologale, sa contrefaçon, son ersatz : son succédané sentimental ».

 

Ce que le Cardinal Stickler appelle – peut-être – la « révérence » dans la célébration du rite.

« Et le plus détestable de ces succédanés, c’est celui qui dissimulerait l’artifice sous le vernis mystique, celui qui, dans le cas de la Messe, masquerait l’indigence théologique ou sa carence formelle sous le sucre d’un mystère frelaté ».

 

Ce que notre Cardinal appelle – peut-être – « révérence », piété comme si l’émotion, « l’expérience », « l’action » pouvaient suppléer aux omissions et aux équivoques de la foi exprimées dans le rite liturgique.

« La sagesse mystique goûtant dans l’amour cela même que la foi atteint comme caché, nous fait juger et estimer de façon merveilleuse ce que nous connaissons par la foi mais ne nous découvre aucun objet de connaissance que la foi n’atteindrait pas. Elle perfectionne la foi quant au mode de connaître, non quant à l’objet connu ». C’est Jacques Maritain qui écrivait ces excellentes lignes en 1932. Le Maritain, non point de l’Humanisme intégral mais celui des Degrés du savoir (3e ed., p. 524).

 

Et il ajoutait : « C’est une désastreuse illusion de chercher l’expérience mystique – ce que le Cardinal appelle peut-être « révérence » – en dehors de la foi, d’imaginer une expérience mystique affranchie de la foi théologale ».

 

Appliquez ces principes au nouvel Ordo Missae, conclut notre bon abbé Dulac, vous le condamnez d’une façon irrémédiable (Courrier de Rome, n° 47). Là, chez Monsieur l’abbé Dulac, vous avez un jugement solide, pratique, fondé sur la meilleure théologie. Ici, avec le Cardinal Stickler et sa « révérence », vous avez un jugement mou, équivoque, libéral qui conduit la chrétienté à la mort.

Vous avez ainsi, aujourd’hui, un magistère non seulement divisé mais également inconséquent. Objectivement.

 

C’est bien le moment – à mon avis – de pénétrer plus profondément dans l’Église au bénéfice, par exemple, de l’octroi d’une « Administration Apostolique » comme le proposait, en son temps, Mgr Lefebvre, en novembre 1987. Alors, nous pourrions donner plus facilement, que dehors, un peu de nerf à une restauration, ô combien nécessaire, de la liturgie catholique.

 

C’est ce que ne doit pas vouloir « celui qui est la main cachée » de la Secrétairerie d’État…

 

Le Cardinal conclut enfin son exposé en parlant des « réactions officielles négatives, quoique dans une mesure limitée, à la réforme de la Messe telle que publiée » (p. 57).

 

Certains ont pu reprocher « la hâte incompréhensible » dans laquelle cette réforme a été « expédiée et rendue obligatoire ».

Il cite le témoignage du Cardinal Döpfner, Archevêque de Munich (p. 57). Il invoque l’autorité du Cardinal Ratzinger et tout spécialement ses jugements exprimés dans son dernier livre : Ma vie (Fayard, 1998) et Le Sel de la Terre. Il invoque également l’épiscopat allemand et surtout « le responsable des questions liturgiques auprès de la Conférence épiscopale d’Autriche – il ne donne pas son nom – qui aurait déclaré, déjà en 1995, dans une conférence donnée à Cracovie, « que le Concile avait voulu, non pas une révolution, mais une restauration dans la liturgie qui fût fidèle à la tradition. Au lieu de quoi – ajoutait-il – nous avons eu un culte de la spontanéité et de l’improvisation qui a sans aucun doute, contribué à la diminution du nombre des participants à la Messe » » (p. 60).

 

Il invoque le Cardinal Danneels. En Italie, il invoque aussi l’auteur de la Tunique déchirée ( 1967), Tito Casini. Et aussi la réaction des laïcs d’Una voce. Des laïcs canadiens.

Il cite une revue canadienne Precious Blood Banner. On y lit : « Il apparaît toujours plus clairement que l’extrémisme des réformateurs postconciliaires a consisté, non pas à réformer la liturgie catholique depuis ses racines mais à la déraciner de son sol traditionnel ; selon cet article, ils n’ont pas restauré le rite romain, ce que leur demandait le Concile Vatican II, ils l’ont déraciné » (p. 61).

 

Il invoque le témoignage de Max Thurian « ancien prieur calviniste de Taizé, passé au Catholicisme et ordonné prêtre » (p. 61). Celui-là même qui, au temps de la réforme, avait déclaré que les Protestants pourraient bien célébrer la Cène avec ces nouvelles prières. Il cite et résume son article critique paru dans L’Osservatore Romano quelque temps avant sa mort. Il avait bien évolué !

 

Il invoque le témoignage de Mgr Gamber. Vous en connaissez beaucoup de lui.

Puis, il termine, évoquant l’attitude pratique du Pape en cette affaire liturgique.

 

Il y a une évolution de l’autorité indéniablement en faveur de l’ancienne Messe. Le Cardinal pense le voir dans les textes récents du Pontife : la Lettre Quattuor abhinc annos de 1984 et le Motu proprio Ecclesia Dei du 3 juillet 1988.

 

Vous connaissez tous ces textes. Le Cardinal Stickler conclut, en effet : « Ce texte (Ecclesia Dei adflicta) adressé aux évêques, beaucoup plus libéral, nous permet de penser avec une confiance justifiée que, dans ses efforts pour rétablir l’unité de la paix, le Pape ne reviendra pas sur ce qu’il a déjà fait mais qu’au contraire, il ira plus loin encore dans la voie amorcée, en particulier aux paragraphes 5 et 6 du motu proprio de 1988, pour instaurer une juste réconciliation entre la tradition inaliénable et un développement justifié par le temps » (p. 66). Il s’agissait, bien sûr du pape Jean–Paul II

 

 

 

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