Les psaumes du dimanche à Tierce. Tome 5. Psaume 118 E
publié dans couvent saint-paul le 1 mai 2019
Les Psaumes du dimanche à Tierce
Tome 5
Le psaume 118 E
Bonitatem fecisti cum servo tuo, Domine
“Bonitatem fecisti cum servo tuo, Domine, secundum verbum tuum” “Seigneur, vous avez usé de bonté envers votre serviteur, selon votre parole”
Il me plait de chanter, avec le psalmiste, la bonté de Dieu. C’est toute la prédication sacerdotale. C’est tout le ministère du prêtre. Le prêtre est celui qui jette à pleine main la bonté de Dieu. Il donne le pardon de Dieu : « Vas en paix et ne pêches plus » disait le Christ à la femme prise en flagrandelie d’adultère. Elle devait être lapidée, selon la loi de Moïse. « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre », dit Jésus. Puis Il se penche, nous dit l’Evangile. Il écrit sur le sol…Et tous, de se retirer, en commençant par les plus âgés. « Où sont ceux qui vous condamnent » ? « Ils sont partis ». « Moi non plus je ne vous condamne pas. Allez en paix. Ne pêchez plus ». Scène, avouez-le, sublime, pleine de bonté. Tel est le Maitre ! Tel doit être le « serviteur », le prêtre. Oui « Vous avez manifesté votre bonté envers votre serviteur »…
La bonté de Dieu dans la création :
Qui pourrait douter de la bonté de Dieu tant elle est manifeste. Elle se manifeste, cette bonté, d’abord dans l’œuvre de la création. Elle est essentiellement une œuvre de bonté. C’est l’Ecriture qui l’enseigne. Souvenez-vous du premier chapitre de la Genèse : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit : » Que la lumière soit ! » et la lumière fut. Et Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et les ténèbres Nuit. Et il y eut un soir, et il y eut un matin ; ce fut le premier jour ».
Vous voyez bien que la création est une œuvre de bonté. Rien n’est meilleur que la lumière. A la lumière, tout s’éclaire, tout prend forme. Les couleurs, si variées, émerveillent notre regard. Je dirais volontiers tout prend vie pour nous émerveiller. Par la beauté de la création, Dieu manifeste sa bonté. Bonum, diffusivum sui ». La Bonté se donne. C’est sa nature. Son être. Elle ne peut pas ne pas se donner, s’épancher, se communiquer. Bonum diffusivum sui. Le meilleur des exemples, après l’exemple de la création, c’est l’amour du cœur d’une mère. Elle ne peut pas ne pas communiquer sa bonté.
« Dieu dit : » Qu’il y ait un firmament entre les eaux, et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux. » Et Dieu fit le firmament, et il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament d’avec les eaux qui sont au-dessus du firmament. Et cela fut ainsi.
Dieu appela le firmament Ciel. Et il y eut un soir et il y eut un matin ; ce fut le second jour.
« Dieu dit : » Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec paraisse. » Et cela fut ainsi. Dieu appela le sec Terre, et il appela Mer l’amas des eaux. Et Dieu vit que cela était bon ».
L’Ecriture rappelle pour la deuxième fois que la création est un œuvre de bonté. Elle exprime la bonté de Dieu qui est la raison de la bonté de la création. En effet rien n’est dans l’effet qui ne soit préalablement dans la cause et cela au centuple, Mile fois plus. Dieu est infini, dans sa puissance, dans sa bonté.
« Puis Dieu dit : » Que la terre fasse pousser du gazon, des herbes portant semence, des arbres a fruit produisant, selon leur espèce, du fruit ayant en soi sa semence, sur la terre. » Et cela fut ainsi. Et la terre fit sortir du gazon, des herbes portant semence selon leur espèce, et des arbres produisant, selon leur espèce, du fruit ayant en soi sa semence. Et Dieu vit que cela était bon.
Qui, après cette insistance de l’Ecriture Sainte, ne confesserait pas que la création ne soit l’œuvre de la bonté de Dieu. « Et Dieu vit que cela était bon ». Insistons un peu sur cette vérité fondamentale. Dieu est le créateur de toutes choses en ce sens que toutes choses ont été faites par Lui, de rien, « ex nihilo ». Il n’y avait rien en dehors de Dieu avant que Dieu eût fait toutes choses, Lui seul étant par Lui-même. Il est l’ens subsistans. Et tout le reste n’étant que par Lui, ens ab Alio ou ens per accidens, pouvant être ou ne pas être, n’ayant pas une existence nécessaire, mais contingente. C’est donc quand il lui a plu que Dieu a fait toutes choses. Il aurait donc pu, s’Il l’avait voulu, ne pas créer les choses qu’Il a faites. Et alors se pose maintenant la question fondamentale, du pourquoi de la création, de la finalité de la création. Pourquoi Dieu a-t-il voulu créer à un moment donné les choses qu’Il a faites ? Il faut répondre : Dieu a créé les choses qu’Il a faites pour manifester sa gloire, c’est-à-dire pour montrer, hors de Lui, sa bonté, en communiquant à d’autres, quelque chose du Bien infini qu’Il est lui-même. Ce n’est donc pas par besoin, comme dit la théologie ni pour acquérir quelque chose que Dieu a créé les choses qu’Il a faites. Non ! C’est pour donner à d’autres quelque chose de ce qu’il a infiniment en Lui-même et par pure bonté qu’il a créé les choses qu’Il a faites. « Bonum diffusivum sui ». « Le bien se donne ». C’est par pur amour que Dieu créa toutes choses, l’univers. Et ainsi l’univers manifeste la pure bonté de Dieu. C’est pourquoi la contemplation de l’Univers nous oblige à louer Dieu et à confesser son existence, sa Puissance, sa Bonté, « qu’Il est » nécessairement. Saint Paul est formel dans le Prologue de son Epître aux Romains:
« En effet, la colère de Dieu éclate du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui, par leur injustice, retiennent la vérité captive ; car ce qui se peut connaître de Dieu, est manifeste parmi eux : Dieu le leur a manifesté. En effet ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres. Ils sont donc inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces ; mais ils sont devenus vains dans leurs pensées, et leur cœur sans intelligence s’est enveloppé de ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous ; et ils ont échangé la majesté du Dieu incorruptible pour des images représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles. Aussi Dieu les a-t-il livrés, au milieu des convoitises de leurs cœurs, à l’impureté, en sorte qu’ils déshonorent entre eux leurs propres corps, eux qui ont échangé le Dieu véritable pour le mensonge, et qui ont adoré et servi la créature de préférence au Créateur, (lequel est béni éternellement. Amen !) C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions d’ignominie : leurs femmes ont changé l’usage naturel en celui qui est contre nature ; de même aussi les hommes, au lieu d’user de la femme selon l’ordre de la nature, ont, dans leurs désirs, brûlé les uns pour les autres, ayant hommes avec hommes un commerce infâme, et recevant, dans une mutuelle dégradation, le juste salaire de leur égarement. Et comme ils ne se sont pas souciés de bien connaître Dieu, Dieu les a livrés à leur sens pervers pour faire ce qui ne convient pas, étant remplis de toute espèce d’iniquité, de malice, [de fornication], de cupidité, de méchanceté, pleins d’envie, de pensées homicides, de querelle, de fraude, de malignité, semeurs de faux bruits, calomniateurs, haïs de Dieu, arrogants, hautains, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, sans intelligence, sans loyauté, [implacables], sans affection, sans pitié. Et bien qu’ils connaissent le jugement de Dieu déclarant dignes de mort ceux qui commettent de telles choses, non seulement ils les font, mais encore ils approuvent ceux qui les font ». (Rm 19-31)
Voilà les conséquences morales de la négation du vrai Dieu. Elles sont terribles… Mais ne connaissons-nous pas aujourd’hui dans l’apostasie contemporaine le même phénomène ?
Poursuivons notre lecture de la Bible.
« Et il y eut un soir, et il y eut un matin ; ce fut le troisième jour.
« Dieu dit : » Qu’il y ait des luminaires dans le firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit ; qu’ils soient des signes, qu’ils marquent les époques, les jours et les années, et qu’ils servent de luminaires dans le firmament du ciel pour éclairer la terre. » Et cela fut ainsi. Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, le plus petit luminaire pour présider à la nuit ; il fit aussi les étoiles. Dieu les plaça dans le firmament du ciel pour éclairer la terre, pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière et les ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon ».
Enfin ! Qui ne s’est jamais extasier devant le spectacle de la nuit avec ces étoiles une nuit de pleine lune ? Qui ne s’est jamais extasié de la beauté du jour ? De la force bienfaisante du soleil, de sa chaleur sur la nature, donnant fruits et légumes ? Je parle, ici, de la beauté. Mais la beauté et la bonté « convertuntur » dira le philosophe. C’est intraduisible. Le beau et le bon sont la même chose.
« Et il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le quatrième jour. Dieu dit : » Que les eaux foisonnent d’une multitude d’êtres vivants, et que les oiseaux volent sur la terre, sur la face du firmament du ciel. » Et Dieu créa les grands animaux aquatiques, et tout être vivant qui se meut, foisonnant dans les eaux, selon leur espèce, et tout volatile ailé selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon.
Et Dieu les bénit, en disant : » Soyez féconds et multipliez, et remplissez les eaux de la mer, et que les oiseaux multiplient sur la terre. » Et il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le cinquième jour ».
Voilà exprimé la bonté de la création animale faite pour l’homme et sa survivance. « Et Dieu vit que cela était bon ».
« Dieu dit : » Que la terre fasse sortir des êtres animés selon leur espèce, des animaux domestiques, des reptiles et des bêtes de la terre selon leur espèce. » Et cela fut ainsi. Dieu fit les bêtes de la terre selon leur espèce, les animaux domestiques selon leur espèce, et tout ce qui rampe sur la terre selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon.
« Puis Dieu dit : » Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur les animaux domestiques et sur toute la terre, et sur les reptiles qui rampent sur la terre. » Et Dieu créa l’homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu : il les créa mâle et femelle. Et Dieu les bénit, et il leur dit : » Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et soumettez-la, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se meut sur la terre. » Et Dieu dit : » Voici que je vous donne toute herbe portant semence à la surface de toute la terre, et tout arbre qui porte un fruit d’arbre ayant semence ; ce sera pour votre nourriture. Et à tout animal de la terre, et à tout oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. » Et cela fut ainsi. Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voici cela était très bon ». Et il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour.
Vraiment l’œuvre de la création par le Dieu tout-puissant est non seulement « bonne », mais plus encore, une « excellente œuvre de bonté ». (Gen 1 1-17)
La bonté de l’œuvre de la rédemption.
« Bonitatem fecisti cum servo tuo, Domine, secundum verbum tuum » « Seigneur, vous avez usé de bonté envers votre serviteur selon votre parole »
« Selon votre parole »
En effet c’est bien « la parole de Dieu », le « Verbe fait chair » qui a surtout révélé la bonté de Dieu, sa miséricorde. Toute l’œuvre de la Rédemption la manifeste. Le Christ, le Verbe de Dieu, le crie, si vous me permettez cette expression: « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime ». Le Christ Seigneur est le seul Sauveur par son sacrifice de la Croix. « Il n’y a pas d’autre nom sous le ciel par lequel nous devions être sauvés » proclame Saint Pierre, le jour de la Pentecôte. En effet dans son dessein de salut, le Dieu éternel a décrété que le Christ Seigneur serait le centre, le lien vivant, le principe de convergence, d’harmonie et d’unité de toutes les créatures quelles qu’elles soient, pour connaître le salut, œuvre de miséricorde. Le Christ est en effet le seul principe de la gloire, de la vie éternelle. « Le Christ en vous l’espérance de la gloire » confessera saint Paul aux Galates (Galates (Gal 1 27) tant il est vrai que Dieu veut faire participer par la foi tous les hommes, juifs comme les Gentils, aux biens du salut communiqué par le Christ. C’est à tous que le Christ est révélé comme un gage d’espérance certaine. N’est-ce pas là la preuve de toute bonté ? « Seigneur, vous avez usé de bonté envers votre serviteur, selon votre parole »
« Bonitatem et disciplinam et scientiam doce me quia mandatis tuis credidi » « Enseignez-moi la bonté, la discipline et la science parce que j’ai cru à vos commandements »
La fidélité du psalmiste aux commandements divins est la raison de sa demande auprès du Seigneur. Parce que je me suis montré fidèle, enseignez-moi, en conséquence, Votre bonté, Votre discipline et Votre science. Votre Sagesse, votre Connaissance. Votre Révélation. Cela ne m’est pas un dû, mais ce sera là un effet de votre bonté. Je serai ainsi récompensé et fortifié dans le bien. Il reprendra cette même idée dans la strophe suivante : « Bonus es tu et in bonitate tua doce me justificationes tuas » « Vous êtes bon et dans votre bonté, enseignez-moi vos préceptes ». Je vous promets de les étudier de tout mon cœur : « ego autem in toto corde meo scrutabor mandata tua » « et moi, j’étudierai de tout mon cœur –c’est un futur et non un présent – vos commandements »… quelles que soient les persécutions que je subirai. Car ceux qui me maltraitent sont devenus « pesants », « sensuels », lourds. « Coagulatum est sicut lac cor eorum » « Leurs cœurs sont épaissi comme le lait » « mais moi, je me suis appliqué à méditer votre loi » et j’ai connu ainsi la « légèreté de l’oiseau ». Je pense ici aux frères de saint François d’Assise dans ses Fioretti. On sent une légèreté en effet dans ces histoires merveilleuses où, précisément ses frères apprennent la loi et les commandements de Dieu sous l’autorité du frère François. Voulez-vous, avec moi, relire le chapitre 8 des Fioretti où saint François explique à Frère Léon en quoi consiste la vraie joie. C’est fort inspiré de la première Epître aux Corinthiens de saint Paul au chapitre 13 : « Comment, cheminant avec frère Léon, saint François lui expose ce qu’est la joie parfaite
Saint François venant une fois de Pérouse à Sainte-Marie des Anges, avec frère Léon par un temps d’hiver, alors que le très grand froid le tourmentait fortement, il appela frère Léon qui allait un peu en avant et lui parla ainsi: « Ô frère Léon, même s’il advenait que les frères mineurs donnent en tous pays un grand exemple de sainteté et de bonne édification, néanmoins écris et note avec diligence que là n’est point la joie parfaite ». Et allant plus loin, saint François l’appela une seconde fois: « Ô frère Léon, même s’il advînt que le frére mineur rende la vue aux aveugles, qu’il redresse les perclus, qu’il chasse les démons, qu’il rende l’ouïe aux sourds, la marche aux boiteux, la parole aux muets et (ce qui est chose plus grande), qu’il ressuscite les morts de quatre jours, écris qu’en cela n’est point la joie parfaite ». Et marchant un peu, saint François s’écria d’une voix forte: « Ô frère Léon, que le frère mineur sût toutes les langues et toutes les sciences, et toutes les écritures, qu’il sût prophétiser et révéler non seulement les choses futures, mais aussi les secrets des consciences et des âmes, écris qu’en cela n’est point la joie parfaite ». Allant un peu plus loin, saint François appela encore fortement: « Ô frère Léon, petite brebis de Dieu, que le frère mineur parlât avec le langage d’un Ange et sût le cours des étoiles et les vertus des herbes, que lui fût révélé tous les trésors de la terre et qu’il connût les natures des oiseaux et des poissons, et de tous les animaux et des hommes et des arbres et des pierres, et des racines et des eaux, écris qu’en cela n’est point la joie parfaite ». Et allant encore un bout de chemin, saint François appela d’une voix forte: « Ô frère Léon, que le frère mineur sût si bien prêcher qu’il convertît tous les infidèles à la foi du Christ, écris que là n’est point la joie parfaite ».
Cette façon de parler durant bien l’espace de deux milles, frère Léon, avec grande admiration, l’interrogea, et dit: « Père, je te prie de la part de Dieu de me dire où est la joie parfaite ». Et saint François lui répondit: « Quand nous arriverons à Sainte-Marie des Anges, ainsi trempés par la pluie et glacés par le froid et couverts de boue et affamés, et que nous frapperons à la porte du couvent et que le portier viendra en colère et dira: « Qui êtes-vous? » et nous dirons: « Nous sommes deux de vos frères », et celui-ci dira: « Vous ne dîtes pas vrai; vous êtes au contraire deux ribauds qui allez trompant le monde et volant les aumônes des pauvres, allez-vous en »; et quand il ne nous ouvrira pas et nous fera rester dehors dans la neige et dans l’eau, avec le froid et avec la faim, jusqu’à la nuit; alors, quand nous soutiendrons patiemment, sans trouble et sans murmurer contre lui, tant d’injures et tant de cruauté et tant de rebuffades et quand nous penserons humblement et charitablement que ce portier nous connaît véritablement et que Dieu le fait parler contre nous, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite. Et quand nous persévérerons en frappant, et qu’il sortira dehors, en colère, et comme des fripons importuns nous chassera avec des injures et des soufflets, disant: « Allez-vous-en d’ici, très méprisables petits voleurs, allez à l’hôpital; car ici vous ne mangerez, ni ne logerez », quand nous soutiendrons cela avec patience et avec allégresse et avec beaucoup d’amour, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite. Et quand, nous, contraints par la faim et le froid et la nuit, nous frapperons et appellerons et prierons pour l’amour de Dieu, avec de grands pleurs, qu’il nous ouvre pourtant, et nous fasse entrer, et quand lui, plus irrité, dira: « Ceux-ci sont des fripons importuns; je les paierai bien comme ils en sont dignes », et quand il sortira dehors avec un bâton noueux et nous saisira par le capuchon, et nous jettera à terre, et nous enfoncera dans la neige et nous battra avec tous les noeuds de ce bâton; quand nous supporterons tout cela avec patience et avec allégresse, en pensant aux peines du Christ béni, lesquelles nous devons supporter pour son amour: ô frère Léon, écris qu’en cela est la joie parfaite.
Cependant, écoute la conclusion, frère Léon. Au-dessus de toutes les grâces et dons de l’Esprit-Saint, que le Christ accorde à ses amis, il y a celui de se vaincre soi-même et, volontiers, pour l’amour du Christ, de supporter les peines, les injures, les opprobres, les incommodités; parce que de tous les autres dons de Dieu nous ne pouvons nous glorifier, puis qu’ils ne sont pas les nôtres, mais ceux de Dieu; d’où l’Apôtre dit: « Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu de Dieu? Et si tu l’as eu de lui, pourquoi t’en glorifies-tu comme si tu l’eusses de toi? » Mais dans la croix de la tribulation et de l’affliction, nous pouvons nous glorifier, parce que cela est à nous. C’est pourquoi l’Apôtre dit: « Je ne veux point me glorifier sinon dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ » ».
A qui soit toujours honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen ».
On comprend alors pourquoi, le psalmiste puisse écrire : «Bonum mihi quia humiliasti me ut discam justificationes tuas » « Il m’est bon que vous m’ayez humilié afin que j’apprenne vos préceptes ». Du psalmiste (Ancien Testament) à Saint François ont retrouvent la même spiritualité. Elles sont fondamentalement les mêmes. L’humilité, les humiliations sont les chemins de la sainteté… de toutes les saintetés. Il n’y a pas d’humilité et donc de charité sans humiliation. Voilà ce que j’apprends de la bouche même du Seigneur et surtout de sa croix, qui est la science des sciences. Alors je comprends que le psalmiste puisse dire cette phrase merveilleuse :
« Bonum mihi lex oris tui, super millia auri et argenti » « Mieux vaut pour moi la loi sortie de votre bouche que des millions d’or et d’argent ». N’est-ce à sa loi, à la loi du Maître, que sont attachées les béatitudes ? Le sermon sur la Montagne vaut bien tout l’or du monde. Oui ! Que cette phrase est profonde ! Il faut la méditer…
On comprend alors que le psalmiste puisse dire de nouveau : « J’ai mis mon espérance dans vos paroles ». Ces paroles des Béatitudes sont en effet principe d’espérance, d’espérance de la vie éternelle. « Celui qui croira en moi, ne sera pas confondu ». « Je suis la Voix, la Vérité et la Vie » (Jn). « Voici mon corps » dit le Seigneur… « Celui qui mange mon corps et boit mon sang a la vie éternelle ». « Vous aussi voulez-vous vous éloigner » dira le Christ à ses Apôtres, lors de la promesse de l’Eucharistie… Et saint Pierre, de répondre au nom de tous : « Seigneur à qui irions-nous vous ; avez les paroles de la vie éternelle ».
C’est pourquoi « Ceux qui vous craignent me verront et se réjouiront, parce que j’ai mis mon espérance dans vos paroles ». Ils me verront dans la joie, l’allégresse et l’espérance ; ils me verront tout joyeux, même au milieu des difficultés, « ils se réjouiront ». Je suis dans la joie « parce que j’ai mi mon espérance dans vos paroles ». « Qui timent te videbunt et laetabuntur quia in verba tua supersperavi ». Non seulement « speravi » mais « supersperavi ». Les conséquences de cette espérance sont telles en moi par leur rayonnement – ce qu’ils ne pourront pas ne pas voir -, qu’ils s’en réjouiront, eux aussi : « laetabuntur ». La sainteté est communicative, même dans la tribulation. Car l’homme juste ne se révolte jamais contre Dieu. Il confesse toujours la justice de Dieu et s’humilie sous sa main juste. : « in veritate tua humiliasti me » vous m’avez humilié selon votre justice. Et dans votre miséricorde vous savez m’accueillir : « Fiat misericprdia tua ut consoletur me, secundum eloquium tuum servo tuo » « Que votre miséricorde soit ma consolation selon la parole que vous avez donnée à votre serviteur ».
Mais quelle est donc cette miséricorde qui est ma consolation, qui doit être ma consolation ? Quelle est donc cette parole qui m’est donnée, moi le serviteur, le fils de famille, sinon la parole du père de l’enfant prodigue de l’Evangile ? Cette parabole est bien de nature à me donner toute consolation ! Souvenez-vous.
« Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : Mon père, donne-moi la part du bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son bien. Peu de jours après, le plus jeune fils ayant rassemblé tout ce qu’il avait, partit pour un pays lointain, et il y dissipa son bien en vivant dans la débauche.
Lorsqu’il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à sentir le besoin. S’en allant donc, il se mit au service d’un habitant du pays, qui l’envoya à sa maison des champs pour garder les pourceaux. Il eût bien voulu se rassasier des gousses que mangeaient les pourceaux, mais personne ne lui en donnait. Alors, rentrant en lui-même, il dit : Combien de mercenaires de mon père ont du pain en abondance, et moi, je meurs ici de faim ! Je me lèverai et j’irai à mon père, et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre le ciel et envers toi ; je ne mérite plus d’être appelé ton fils : traite-moi comme l’un de tes mercenaires. Et il se leva et il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père le vit, et, tout ému, il accourut, se jeta à son cou, et le couvrit de baisers. Son fils lui dit : Mon père, j’ai péché contre le ciel et envers toi ; je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Mais le père dit à ses serviteurs : Apportez la plus belle robe et l’en revêtez ; mettez-lui un anneau au doigt et des souliers aux pieds. Amenez aussi le veau gras et tuez-le ; faisons un festin de réjouissance : car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils se mirent à faire fête ». (Lc 15 11-24)
Oui ! Vraiment « que votre miséricorde soit ma consolation selon la parole que vous avez donnée à votre serviteur ».
Et cette « compassion » du père est raison de la vie du fils. Ce que dit notre psalmiste : « que votre compassion viennent sur moi – comme elle est venu sur le fils ingrat de l’Evangile -, afin que je vive –comme a vécu le fils grâce à la miséricorde du père. Il eut pu, en toute justice lui fermer son cœur. Il l’avait bien mérité !
Oui ! Que mon cœur reste fidèle à la loi, aux préceptes divins, aux commandements divins, « alors je ne serai pas confondu » quelle que soit la méchanceté de ceux qui m’entourent.
« Confudantur superbi, quia injuste iniquitatem fecerunt in me, ego autem exercebor in mandatis tuis » « Que les superbes soient confondus, pour m’avoir maltraité, injustement, mais moi je m’exercerai dans vos commandements »
« Fiat cor meum immaculatum in justificationibus tuis ut non confundar » « Que mon cœur soit pur envers vos lois afin que je ne sois pas confondu ».
C’est une belle conclusion du psaume.