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Entraide et Tradition
Du pardon des offenses

Du pardon des offenses

publié dans couvent saint-paul le 26 juin 2010


Prédication pour le 5ème dimanche après la Pentecôte.

Du pardon des offenses

Avec ce 5ème dimanche après la Pentecôte, nous pouvons enfin commencer à méditer sur le « Royaume de Dieu » que Jésus est venu fonder. Nous pouvons commencer à en goûter les principes, la morale et la spiritualité.

En effet, jusqu’à ce dimanche, nous en fûmes en quelque sorte empêchés, « distraits » par une série de fêtes liturgiques, toutes aussi belles les unes que les autres. Ce fut la fête de la Sainte Trinité…Ce fut la fête du Sacré Cœur de NSJC. Ce fut la fête du Très Saint Sacrement. Ce fut nos fêtes paroissiales, nos communions solennelles. Toutes ces fêtes, tant liturgiques que paroissiales ont exigé de nous, en effet, toute notre attention…ne nous permettant pas de considérer la morale des temps nouveaux, des « temps christiques », de « l’ère chrétienne», ultime et dernier temps historique. Plus simplement, nous n’avons pu méditer la morale enseignée par NSJC à ses disciples, à son Eglise, la morale du « Royaume des Cieux ». Je crois, en effet, que c’est essentiellement l’objet du temps liturgique qu’on appelle le temps après la Pentecôte.

En effet, avec le Christ, vrai Fils de Dieu, fait homme, apparaissent des temps nouveaux…Ils sont tels que l’on parle du temps « avant Notre Seigneur » et du temps « après Notre Seigneur ». Les temps se succèdent, il est vrai. Mais il y a un « avant » et un « après » NSJC. Il y a une coupure dans le temps. Cette coupure, cet « avant », cet « après », n’est pas seulement une coupure historique. Elle est aussi philosophique ; elle est religieuse ; elle est théologique. Non point qu’avant le Christ, le temps ne soit rien. Non ! Il a un sens comme annonce de la venue du Messie. C’est tout le sens du temps de l’histoire de l’Ancien Testament. Il a un sens aussi comme préparation de la venue du Messie. C’est le sens du temps de la Pax Romana . Temps « ad hoc », temps choisi par Dieu pour la Nativité de son Fils de la Vierge Marie. C’est peut-être aussi le sens de la « diaspora juive », lors de la Pax Romana, qui a permis la diffusion du message évangélique par Saint Paul, le message du Christ ayant surtout été prêchée au début dans les Synagogues. Ce qui a permis une diffusion du message évangélique extraordinaire, quoi que très combattue, certains juifs s’y opposant fortement, comme toujours.

NSJC est venu, vous dis-je, essentiellement pour fonder « ce royaume », royaume qu’il appelle lui-même tantôt le « royaume des cieux » tantôt le « royaume de Dieu ».

Souvenez-vous de la prédication de Jean Baptiste disant aux Juifs : « Faites pénitence car le royaume de cieux est proche ». (Mt 3 2)
Cette phrase est reprise par NSJC à l’orée de sa mission. L’évangéliste Saint Matthieu est formel : « Quand Jésus eut appris que Jean avait été mis en prison, il se retira en Galilée. Il vint à Capharnaüm … et dès lors Jésus commença à prêcher en disant : « Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche » (Mt 4 17). Souvenez-vous des paroles de Jésus lui-même disant que le « royaume des cieux souffre violence et ce sont les violents qui le ravissent » (Mt 11 12), ou encore qu’il est « au-dedans de nous » : « Interrogé par les Pharisiens : « Quand vient le royaume de Dieu? », il leur répondit, disant : « Le royaume de Dieu… est au dedans de vous. » (Lc 17 21)
Alors qu’il est en dialogue tendu avec les juifs qui l’accuse d’être possédé du démon, Jésus leur rétorque : « Que si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc venu à vous » (Mt 12 28). Le royaume de Dieu est l’objet de la prédication qu’il donne à ses disciples alors qu’il les envoie en mission : « Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac…Dans quelques maisons que vous entriez dites d’abord paix à cette maison…guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites leur : le Royaume de Dieu est proche de vous ». (Lc 10 9). Tous, vous vous souvenez des belles paraboles – sept – où Jésus explique ce qu’est « le royaume des cieux » : « le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé du bon grain dans son champ. Mais pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint et sema de l’ivraie au milieu du froment, et s’en alla », ou encore, « Le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et semé dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences ; mais, lorsqu’il a poussé, il est plus grand que toutes les plantes, et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent s’abriter dans ses rameaux », ou encore « le royaume des cieux est semblable au levain qu’une femme prend et mêle dans trois mesures de farine, pour faire lever la pâte ». Souvenez vous des paroles solennelles de Jésus à Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs combattraient pour que je ne fusse pas livré aux juifs ; mais maintenant mon royaume n’est point d’ici bas » (Jn 18 36).
« Son royaume », son instauration, sa législation, son obtention par ses disciples sont vraiment les grandes préoccupations de Jésus. C’est le leitmotiv de sa prédication. Par exemple lorsqu’il dit aux disciples « Je vous le dis si votre justice ne surpasse pas celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux » (Mt 5 20) ; lorsqu’il dit : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice et tout cela vous sera donné par surcroît »(Mt 6 33) ; ou encore « Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur qui entreront dans le royaume des cieux ; mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, (celui-là entrera dans le royaume des cieux) » (Mt 7 21) ; ou encore « Je vous le dis, en vérité si vous ne vous convertissez et ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. Celui qui se fera humble comme ce petit enfant, est le plus grand dans le royaume des cieux » (Mt 18 3). Nous pourrions multiplier sans fin ces citations de l’Evangile où Jésus nous enseigne sur « le Royaume des cieux » ou « le royaume de Dieu » tant elles sont nombreuses dans l’Evangile. Mais je ne pourrais terminer ce survol sur « le royaume des cieux » sans vous rappeler deux affirmations de NSJC ; celle prononcée à Capharnaüm, après une journée de miracles plus extraordinaires les uns que les autres, les démons eux-mêmes chassés, professant cependant sa divinité : « Tu es le Fils de Dieu », alors tout ce monde veut le retenir, Jésus leur dit : « Il faut que j’annonce aux autres villes le royaume de Dieu, car je suis envoyé pour cela. Et il prêchait dans les synagogues de Galilée » (Lc 4 43) ; et aussi cette belle et émouvante phrase du bon larron, qui, d’une voix courte et épuisée de souffrance et de remord, coule dans l’oreille de Jésus : « Souvenez-vous de moi quand vous serez entré dans votre royaume ». Jésus lui répondit : « En vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23 44)
Ce « royaume des cieux » est chose si importante dans la pensée du Christ, et pour nous, que nous devons bien savoir ce qu’il est. C’est l’objet essentiel de ce temps de la Pentecôte. Les temps liturgiques précédents, nous ont permis de méditer les grandes affirmations du dogme, du Credo. Ainsi avons-nous pu méditer la Nativité; ainsi avons-nous pu méditer le mystère de la Rédemption dans le temps liturgique de la Passion, le mystère de la Résurrection, de l’Ascension, de la Pentecôte, temps de la fondation de l’Eglise. Maintenant avec le temps liturgique des dimanches après la Pentecôte, nous devons méditer la spiritualité du royaume qu’est venu fonder NSJC par son Sang rédempteur.
C’est merveilleux. Nous avons un idéal. NSJC nous a laissé un mode de vie propre au «royaume de Dieu ». Nous en connaissons la morale. Il suffit de lire les textes liturgiques que nous donne l’Eglise dans ces dimanches après la Pentecôte. Ils sont la lumière de notre intelligence. Et nous aimons soumettre notre intelligence à la Vérité, à la Vérité révélée. C’est dans cette vérité révélée par NSJC et enseignée par l’Eglise que nous trouvons notre sagesse, notre loi. La vérité de Dieu est notre vérité. Nous n’en voulons pas d’autre. Nous désirons la connaître toujours mieux pour en vivre toujours mieux. Nous ne cherchons pas l’originalité de la pensée. Notre originalité, c’est de n’en avoir pas ; c’est de connaître pour en vivre la vérité de Dieu, la vérité de l’Eglise. C’est là certainement une des caractéristiques de la chrétienté. On connaît le chemin du ciel et ce chemin, c’est le Christ.
C’est ce qui nous distingue certainement du monde moderne. L’homme, aujourd’hui, ne veut dépendre que de lui-même. Il ne veut dépendre que de sa propre pensée, que de ses propres idées sans se soucier d’aucune vérité absolue qui s’impose à lui. D’où la cacophonie actuelle.
C’est la libre pensée qui est le formel du monde moderne. Elle n’est mesurée par rien sinon par elle-même. Mais le drame veut alors que l’homme soit soumis à n’importe qui, à n’importe quoi. C’est la logique même de tout libéralisme. L’intelligence humaine, seule, devient législatrice en matière spéculative, en matière morale. Et elle façonne son objet comme bon lui plait. Elle façonne son idéal selon son « moi », son désir, son plaisir, selon la « majorité » qui ne peut être que « totalitaire ». Et c’est ainsi que l’intelligence revendique son autonomie parfaite et sa parfaite immanence, son indépendance absolue, Et donc elle revendique son « a-séité » (être par soi) ; elle est par elle-même. Mais l’ « a-séité » est une propriété de l’intelligence incréée, de Dieu. Et c’est ainsi que l’intelligence, dans une telle perspective, se fait Dieu. C’est la tentation démoniaque. « Vous serez comme de dieux connaissant le bien et le mal ». C’est le péché originel. Cette revendication de l’intelligence reste le principe formel de la dissolution du monde moderne et du mal dont l’Occident apostat veut ou va mourir. Oui c’est dans ce principe que se trouve la raison de l’avortement moderne, de la destruction de la famille, de l’eugénisme. Eugénisme que Benoît XVI vient encore de condamner en termes les plus formels.

A la différence du monde moderne dont nous venons de donner le formel, la Chrétienté, elle, contemple le monde de Dieu, le « royaume des cieux ».De ce royaume, elle en cherche la vérité en Dieu. Jésus nous en a donné les principes,

Quel est le principe aujourd’hui enseigné en ce dimanche ? Les textes de l’Epître et de l’Evangile sont clairs. L’Eglise nous enseigne le pardon, la douceur, la magnanimité tant il faut avoir l’âme noble pour pardonner. « Ne rendez pas le mal pour le mal, ni l’injure pour l’injure ; mais au contraire bénissez, car c’est à cela que vous avez été appelés, afin de recevoir en héritage la bénédiction » (I Pr 3 8-9). Fuyez le mensonge. Détournez vous du mal, faites le bien. Cherchez la paix, non seulement une fois, un jour, mais toujours : « cherchez la paix et poursuivez la ». C’est un bien tellement instable et fragile. Je dirais volontiers « volage ». Agissez ainsi et « les yeux du Seigneur sont sur vous »…Si les yeux du Seigneur sont sur vous qui peut vous nuire alors fondamentalement ? Rien. Personne. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens, au temps de l’Ancien Testament, « œil pour œil, dent pour dent ». Ce temps est fini. Le royaume de Dieu est au milieu de vous, en vous, et là, en ce nouveau royaume, il faut éviter de se mettre en colère contre son frère, de lui dire « fou », « raca »…C’est un ordre formel qu’on ne peut transgresser sans souffrir la « géhenne de feu ». Concluons : « le royaume des cieux » est un lieu de paix, un lieu de bénédiction. Et si vous voulez approfondir le style de vie de ce royaume, voyez le bel exemple de David et du roi Saül. David, en sa relation avec Saül, jaloux, est la belle figure du parfait disciple du Christ. David remporte la victoire sur Goliath. Avec une simple fronde, un petit caillou. Israël revint triomphant dans ses villes en chantant au son des tambourins : « Saül a tué ses mille et David ses dix mille ». Le roi Saül, de ses paroles, fut irrité et la jalousie lui mordit le cœur. Il se disait « mille à moi et dix mille à David : David est-il donc au dessus de moi ? Que lui manque-t-il encore, sinon d’être roi à ma place ». Depuis ce jour il le regarda d’un mauvais œil et cette jalousie le rendit criminel. Deux fois, alors que David jouait de la harpe pour apaiser ses fureurs, il lança contre lui son javelot et deux fois David évita le coup avec agilité. Et le javelot se fixa en vibrant dans la muraille. Alors Saül l’envoya combattre espérant qu’il se ferait tuer. Mais David revint sain et sauf à la tête des armées. Alors Saül s’exaspéra et poursuivit David. Or un soir alors qu’il entrait dans une caverne profonde où David se trouvait, David eut pu se venger. Un de ses compagnons, en effet, lui dit : « C’est le roi, le Seigneur te le livre ». Mais David répondit : « Jamais je ne frapperai la main sur celui qui a reçu l’onction sainte ». Il coupa seulement de son épée un gland du manteau de Saül et sortit. Au jour levant, il montra de loin à Saül le gland de son manteau. Une autre fois encore, en pleine nuit, en plein sommeil, David le surprit, sa lance fixée à terre à son chevet. Il ne lui prit que sa lance et son gobelet. Enfin à la mort du roi Saül, David l’apprenant, le pleura. Ainsi David a su rendre le bien pour le mal. Ce sont les lectures du Saint Bréviaire romain. On comprend dès lors la raison du choix de l’Epître et de l’Evangile de ce jour qui prêchent le grand pardon des injures, un des principes du « royaume des cieux » que Jésus est venu établir. Amen.

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