Comment un catholique, fut-il pape, peut-il « honorer » Luther?
publié dans regards sur le monde le 18 février 2017
Dans une série d’articles, la « Lettre à nos amis prêtres » de décembre 2016, de la FSPPX, étudie sobrement quelques thèses de la doctrine de Luther. En cinq articles, elle montre, sans le dire – c’est moi qui le dit – combien est étrange, erronée et scandaleuse au sens propre du mot, l’attitude actuelle du Pape François à l’égard de Luther…
L’ennemi de la grâce du Christ (1)
En 2017, va être célébré le cinq centième anniversaire de l’affichage par le moine augustin Martin Luther, sur une église de Wittenberg, de 95 thèses qui, en particulier, condamnent la pratique des indulgences, telle que l’enseigne l’Église, mais également d’autres points touchant à la foi, comme le Purgatoire.
Le moine Martin Luther
Un grand passionné
L’obsession du salut
Préférer les consolations de Dieu au Dieu des consolations
Un nouveau système religieux sur la base de son expérience
En 1515, Luther commence, dans le cadre de son enseignement, à commenter les épîtres de saint Paul, et notamment la première d’entre elles selon l’ordre de la Bible, l’épître aux Romains, d’une immense richesse, d’une fulgurance incroyable, mais aussi d’une difficulté redoutable de compréhension. A partir de ce qu’il croit comprendre de ce texte, uniquement selon son sens propre et sans se référer à la tradition ecclésiastique, et principalement en fonction de son problème inté- rieur (« Puis-je être sauvé alors que je ressens encore des tentations ? »), Luther élabore une nouvelle théologie chrétienne qui, dès ce moment, est radicalement incompatible avec celle de l’Église catholique, même si la rupture extérieure et publique va prendre un certain temps.
La doctrine catholique de la grâce
Selon la doctrine catholique, en effet, grâce aux mérites du Christ, l’homme qui accepte la Révélation divine par la foi et qui, mû par l’espérance du salut divin, veut se repentir de ses péchés et se tourner vers Dieu, obtient par la grâce que ses péchés lui soient ôtés, que son âme soit régénérée et sanctifiée en sorte qu’il devient, selon le mot de saint Pierre, « participant de la nature divine » (2 P 1, 4). Le chrétien qui vit de la charité est donc, ainsi que le dit souvent saint Paul, un « saint », parce qu’il a été purifié, sanctifié intérieurement, et qu’il est devenu l’ami de Dieu par une ressemblance effective. Et, étant l’ami de Dieu, il fait spontanément les œuvres de Dieu, les bonnes œuvres de la vertu, qui lui méritent, par la grâce du Christ présente en lui, le salut du Paradis.
La nouvelle doctrine luthérienne de la «foi-confiance»
Luther rejette cette vérité. Pour lui, selon qu’il le ressent psychologiquement, le fait d’avoir embrassé la foi et la vie chrétienne n’ôte pas de l’âme le péché [en réalité, il s’agit de la tentation, qui n’est pas péché si l’on n’y consent point]. Pour Luther, le chrétien reste, en fait, toujours pécheur et ennemi de Dieu, son âme demeure tout à fait corrompue. Mais comme le Christ a mérité par la croix le salut pour les hommes, si par la « foi » (qui consiste selon Luther en une confiance dans ce salut obtenu par le Christ), je crois fermement que je suis sauvé, alors le manteau des mérites du Christ recouvre les souillures de mon âme, et le Père, voyant ce manteau sur moi, m’agrée pour le Paradis. Les bonnes œuvres n’ont donc aucun pouvoir de mérite, puisque l’homme reste toujours pécheur, mais elles encouragent le chrétien à persévérer dans la « foi-confiance ».
Le rejet de l’Église
Tel est le cœur de ce que Luther appelle « la vérité de l’Évangile ». De là découle naturellement le reste de son système. Et en premier lieu, la remise en cause de l’Église institutionnelle. Celle-ci n’est pas divine, d’abord parce qu’elle prétend que l’homme peut se sauver par les bonnes œuvres, alors que, comme Luther en a fait l’expérience, ces bonnes œuvres sont incapables d’ôter le péché [redisons-le, il s’agit de la tentation, qui n’est pas péché si l’on n’y consent point] ; ensuite parce qu’elle a abandonné la « vérité de l’Évangile », à savoir le salut par la seule « foi-confiance ».
Par circularité, ce rejet de l’Église justifie la démarche luthérienne, à qui l’on pourrait reprocher d’inventer un nouvel Évangile, ce qui est la définition de l’hérétique. Mais puisque l’Église elle-même a trahi la « vérité de l’Évangile », il est logique et nécessaire que Luther, par un « libre examen » de l’Écriture, retrouve cette vérité et la transmette au peuple de Dieu égaré par une hiérarchie illégitime. « A moins qu’on ne me convainque de mon erreur par des attestations de l’Écriture ou par des raisons évidentes — car je ne crois ni au pape ni aux conciles seuls puisqu’il est évident qu’ils se sont souvent trompés et contredits — je suis lié par les textes de l’Écriture que j’ai cités, et ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux ni ne veux me rétracter en rien » (déclaration de 1521 devant la Diète de Worms présidée par Charles-Quint).
La ruine de la Chrétienté (3)
Le combat contre l’Église catholique
La déchristianisation de la société
L’Europe à feu et à sang, par la faute de Luther
L’ennemi de la grâce du Christ
La destruction de la morale (4)
D’une façon générale, pour Luther, l’essentiel n’est pas d’éviter le péché, de combattre les tentations (c’est ce qu’il a fait durant sa période catholique, mais il estime, à tort, qu’il a échoué), puisque de toute façon l’homme reste intérieurement pécheur. Ce qui compte, c’est de s’agripper au manteau des mérites du Christ pour s’en envelopper et échapper ainsi, quoique toujours ennemi de Dieu, à la colère divine, Dieu voyant sur nous les mérites de son Fils bien-aimé.
« Pèche fortement »
La bigamie de Philippe de Hesse
L’inutilité des bonnes œuvres, et en général de la morale
La haine du prêtre apostat contre la messe (5)
Selon la théologie de Luther, puisque l’âme du chrétien n’est pas transformée par la grâce, les sacrements n’opèrent plus rien de réel en elle.
La modification de la messe et des sacrements
En vérité, les sacrements ne transmettent plus la grâce, ils se contentent de signifier et de réchauffer la « foi-confiance » en la rémission de nos péchés. Ne doivent donc être conservés que les sacrements qui produisent cet effet psychologique. Pour Luther, le seul véritable sacrement est le baptême, même s’il admet qu’on puisse conférer la confirmation, l’extrême-onction, voire la pénitence, si on les comprend comme des « excitateurs de la foi » et non des sources de grâce.
Pour la même raison, l’idée de la messe comme renouvellement non sanglant du sacrifice du Christ, qui nous en applique quotidiennement les mérites, perd toute signification. Seul sera conservé un mémorial de la Cène, pour nous faire souvenir de l’unique sacrifice du Christ sur la croix et raviver notre foi-confiance en sa rédemption. C’est ainsi que Luther va progressivement modifier la messe, d’abord en 1523 avec son Court exposé de la messe et de la communion, ensuite en 1526, avec La Messe allemande et l’ordre du service de Dieu.
Les imprécations de Luther contre la messe catholique
Toutefois, Luther ne se contente pas de cette mise à l’écart de la messe. Piètre théologien, mais doué de l’instinct des révolutionnaires, il a perçu qu’il frapperait au cœur de l’Église catholique en démolissant la messe. Prêtre en rupture de ban, moine infidèle à ses vœux, il finit par développer une haine véritablement pathologique à l’égard du saint sacrifice. Ses mots à ce sujets sont effrayants : « La messe, déclare-t-il en 1521, est la plus grande et la plus horrible des abominations papistes ; la queue du dragon de l’Apocalypse ; elle a déversée sur l’Église des impuretés et des ordures sans nom ». « C’est l’injure la plus abominable, la honte la plus effroyable que l’on puisse faire à Notre Seigneur Jésus-Christ et à Dieu le Père lui-même ». « La prêtraille va à la messe comme des cochons à leur auge ». Et il renchérit en 1524 : « Oui, je le dis : toutes les maisons de prostitution, que pourtant Dieu a sévèrement condamnées, tous les homicides, meurtres, vols et adultères sont moins nuisibles que l’abomination de la messe papistique ». Et il conclut : « Quand la messe sera renversée, je pense que nous aurons renversé toute la papauté. Car c’est sur la messe, comme sur un rocher, que s’appuie la papauté tout entière avec ses monastères, ses évêchés, ses collèges, ses autels, ses ministères et doctrines, c’est-à-dire avec tout son ventre. Tout cela s’écroulera nécessairement, quand s’écroulera leur messe sacrilège et abominable ».
La suppression du sacrifice par l’abolition de l’offertoire