Prier avec l’Eglise Les psaumes des Laudes du dimanche psaume 62
publié dans couvent saint-paul le 3 janvier 2019
Prier avec l’Eglise
Tome 2
Les laudes et l’hymne du dimanche matin
Chapitre 3
Psaume 62
L’âme en quête de Dieu
Ce psaume exprime l’amour d’une âme pour Dieu. Tout moine, toute moniale, tout prêtre, tout fidèle peut s’en servir pour exprimer sa quête de Dieu et s’il a quelque mémoire, l’apprendre par cœur. Je trouve que ce psaume est une belle description du traditionaliste et de son idéal spirituel. Je me permets de lui dédier mon commentaire.
Tout d’abord « Je veille ». « Veiller » est la première disposition d’une âme pieuse, du traditionaliste.
« Deus, Deus meus, ad te de luce vigilo » « O Dieu. O Mon Dieu, je veille aspirant à vous dès l’aurore ».
« Deus, Deus meus ». Voilà la préoccupation majeure, premier de l’âme orante, de l’âme en quête de Dieu, ce qu’est, à l’évidence, le traditionaliste. Je parle avec une longue expérience. « Dieu ». C’est l’objet unique de l’âme qui prie. Il est la raison de sa veille. « Dieu » est sa consolation, sa raison d’être. S’il se lève de bon matin, c’est pour Dieu. S’il prie, c’est encore pour Dieu. Dieu est l’objet de sa prière. Tout l’office divin a Dieu pour objet. Il doit être loué, glorifié. « Deus, Deus meus » : c’est cette invocation de Dieu qui est la raison de toute une existence, du moine, du prêtre, du traditionaliste. « Deus, Deus meus » n’est pas seulement une invocation répétée : « Mon Dieu, Mon Dieu ». Elle renferme une profession de foi : « O Dieu, tu es mon Dieu ». Il n’y a pas d ‘autre Dieu que toi ! C’est une affirmation de la religion monothéiste. On pourrait même traduire « O Dieu tu es ma force ». « Fortitudo mea tu es ». « Tu es mon bien ». « Tu es mon salut »…Et puisque je commente ce psaume en cette période de la Nativité, je ne peux pas ne pas penser à ce chant de l’ange aux bergers de Nazareth en la nuit de la Nativité. Ce chant a Dieu pour objet : « Il y avait aux environs des bergers qui passaient la nuit aux champs, veillant à la garde de leur troupeau. Tout à coup un ange du Seigneur parut auprès d’eux et le rayonnement de la gloire du Seigneur les environna, et ils furent saisis d’une grande crainte. Mais l’ange leur dit : » Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera pour tout le peuple une grande joie. Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est le Christ Seigneur. Et voici ce qui vous servira de signe : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. Au même instant, se joignit à l’ange une troupe de la milice céleste, louant Dieu et disant : » Gloire, dans les hauteurs, à Dieu ! Et, sur la terre, paix aux hommes, Objet de la bienveillance divine ! »
Lorsque les anges, remontant au ciel, les eurent quittés, les bergers se dirent les uns aux autres : » Passons jusqu’à Bethléem, et voyons cet événement qui est arrivé, et que le Seigneur nous a fait savoir. » Ils s’y rendirent en toute hâte, et trouvèrent Marie, Joseph, et le nouveau-né couché dans la crèche. Après l’avoir vu, ils publièrent la révélation qui leur avait été faite au sujet de cet Enfant. Et tous ceux qui les entendirent furent dans l’admiration de ce que leur disaient les bergers. Or Marie conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son cœur. Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu de tout ce qu’ils avaient vu et entendu, selon ce qui leur avait été annoncé » (Lc 2 8-20).
L’attitude des bergers, l’attitude de la Vierge Marie, en cette nuit de Noël, est celle-là même que nous recommande cette strophe du psalmiste : « Deus Deus meus ad te de luce vigilo » : ils crient leur joie et révèlent l’objet de leur prière : Dieu. Les bergers s’en viennent vers Nazareth et vers le Dieu-enfant avec hâte…ils s’en retournent en « glorifiant et louant Dieu ». Et Marie médite « toute ces choses dans son cœur », « toutes ces choses » ? C’est-à-dire : cette révélation de Dieu du Nouveau Testament au monde endormi. Révélation de Dieu que saint Paul, dans son Epître aux Hébreux exprime d’une manière extraordinaire qu’il faut ici méditer lorsque on parle de Dieu : « Deus, Deus meus » : « Après avoir, à plusieurs reprises et en diverses manières, parlé autrefois à nos pères par les Prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, et par lequel il a aussi créé le monde. Ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire, l’empreinte de sa substance, et qui soutient toutes choses par sa puissante parole, après nous avoir purifiés de nos péchés, s’est assis à la droite de la majesté divine au plus haut des cieux, d’autant plus grand que les anges, que le nom qu’il possède est plus excellent que le leur ». (Hb 1 1-4). Dieu n’est pas seulement « celui qui est », tel qu’il s’est révélé à Moïse. Il est Trinité, et son Fils, rayonnement de sa gloire, emprunte de sa substance, identique à Lui-même, en a révélé toute la gloire et la miséricorde. Voilà ce qu’il faut méditer lorsque je pense à Dieu ; « Deus, Deus meus ».Oh Dieu de miséricorde ! C’est évidemment la foi du traditionaliste. Honneur à lui !
« ad te de luce vijilo » « Je veille, aspirant à vous dès l’aurore ».
Veiller, au sens propre, c’est renoncer au sommeil de la nuit. Au sens spirituel, c’est vouloir être prêt pour accueillir le Dieu, trois fois saint qui peut venir à toute heure. C’est pour cela que le juste veille, qu’il est vigilant. Je connais une paroisse traditionaliste où les hommes se lève la nuit du premier vendredi du mois…
« ad te de luce vijilo ». « Vigilate ». La vigilance est la principale recommandation que Jésus adresse à ses disciples en conclusion du discours sur les fins dernières et l’avènement du Fils de l’homme : « Prenez garde, veillez et priez ; car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est ainsi qu’un homme, ayant laissé sa maison pour aller en voyage, après avoir remis l’autorité à ses serviteurs et assigné à chacun sa tâche, commande au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand viendra le maître de la maison, le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin ; de peur que, survenant tout à coup, il ne vous trouve endormis. Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez ! « (Mc 13 33-37) Jésus, dans saint Matthieu donne la même recommandation : « Veillez donc, car vous ne savez quel jour Votre maître doit venir ». L’objet, la raison de la veille : c’est toujours Dieu, le Seigneur, son retour, sa venue. Tout comme le père de famille avisé ou le bon serviteur, le disciple ne doit pas se laisser gagner par le sommeil, il doit veiller, c’est-à-dire rester sur ses gardes et se tenir prêt pour accueillir le Seigneur. La vigilance caractérise donc l’attitude du disciple traditionaliste. Elle consiste avant tout à se maintenir en état d’alerte et, de ce fait même, exige le détachement des biens terrestres. Le religieux en est le modèle. Jésus est formel : « Prenez garde à vous-mêmes, de peur que vos cœurs ne s’appesantissent par l’excès du manger et du boire, et par les soucis de la vie, et que ce jour ne fonde sur vous à l’improviste ; car il viendra comme un filet sur tous ceux qui habitent la face de la terre entière. Veillez donc et priez sans cesse, afin que vous soyez trouvés dignes d’échapper à tous ces maux qui doivent arriver, et de paraître debout devant le Fils de l’homme. » (Lc 21 34 et ss).
L’Apôtre a repris cet enseignement du Seigneur. Il faut le rappeler, principalement dans sa première Epître aux Thessaloniciens : « Quant aux temps et aux moments il n’est pas besoin, frères, de vous en écrire. Car vous savez très bien vous-mêmes que le jour du Seigneur vient ainsi qu’un voleur pendant la nuit. Quand les hommes diront : » Paix et sûreté ! » c’est alors qu’une ruine soudaine fondra sur eux comme la douleur sur la femme qui doit enfanter, et ils n’y échapperont point.
Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur. Oui, vous êtes tous enfants de lumière et enfants du jour ; nous ne sommes pas de la nuit, ni des ténèbres. Ne dormons donc point comme le reste des hommes ; mais veillons et soyons sobres. Car ceux qui dorment, dorment la nuit, et ceux qui s’enivrent, s’enivrent la nuit. Pour nous qui sommes du jour, soyons sobres, prenant pour cuirasse la foi et la charité, et pour casque l’espérance du salut. Dieu en effet ne nous a pas destinés à la colère, mais à l’acquisition du salut par notre Seigneur Jésus-Christ, qui est mort pour nous, afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions avec lui. C’est pourquoi consolez-vous mutuellement et édifiez-vous les uns les autres, comme déjà vous le faites » (1 Th 5 1-7). Et dans sa lettre aux Romains, saint Paul craignant que le fidèle n’abandonne sa ferveur, l’invite à se réveiller, à sortir de son sommeil et à se préparer pour recevoir le salut : « Cela importe d’autant plus, que vous savez en quel temps nous sommes : c’est l’heure de nous réveiller enfin du sommeil ; car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons embrassé la foi. La nuit est avancée, et le jour approche. Dépouillons-nous donc des œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière. Marchons honnêtement, comme en plein jour, ne nous laissant point aller aux excès de la table et du vin, à la luxure et à l’impudicité, aux querelles et aux jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et ne prenez pas soin de la chair, de manière à en exciter les convoitises ». (Rm 13 11-14)
Si nous devons veiller, c’est pour nous revêtir du Seigneur, « induimini Jesum Christum », accueillir le Seigneur. C’est bien Dieu qui est raison de notre veille.
Deus Deus meus ad te de luce vigilo » « O Dieu, Mon Dieu je veille aspirant à vous dès l’aurore ».
« Sitivit in te anima mea, quam multipliciter tibi caro mea » « Mon âme a soif de vous et combien ma chair aussi est altérée de vous ».
Cette strophe est d’une richesse insondable. Voyons cela de plus près ! Le psalmiste applique tout d’abord l’enseignement de la strophe précédente.
« Mon âme a soif de vous », Ô Seigneur. L’âme, vivant de la vertu de religion, comme tout traditionaliste, aura ce langage. Le traditionaliste qui comprend ce qu’est Dieu veut s’attacher à lui avant tout autre alliance parce qu’elle sait que Dieu est son principe indéfectible, sa fin suprême, qu’elle doit sans cesse recouvrer si elle l’a perdue par le péché. (II II 81 1). Le « tradi », par la vertu de religion, s’ordonne, immédiatement et proprement, à Dieu, à son honneur, à son culte. C’est cela la vertu de religion. L’âme, réfléchissant sur Dieu, comprend qu’à Dieu appartient la Seigneurie, « en raison qu’il est l’auteur de tout et que sur toute chose il a rang suprême ». Saint Thomas écrit explicitement : « l’objet de la religion c’est de rendre honneur au Dieu unique sous cette unique raison qu’il est le principe premier de la création et du gouvernement des choses ». (II II 81 3) Le « tradi » veut le signifier par un culte spécial, fait d’honneur et de service divins. Il l’enseigne à ses enfants généralement nombreux…La religion, c’est le culte qui est dû à Dieu. « L’âme en a soif » puisque c’est son bien. Et la soif de ce bien, l’établit dans l’ordre par rapport à Dieu en lui faisant rendre ce qui est dû à Dieu : son honneur, toute révérence. (II II 81 2). Saint Thomas dit encore : « Le bien qui regarde la religion, c’est de rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû » et cela en raison de son excellence, « une excellence unique en raison de la transcendance infinie qui l’élève au-dessus de toutes choses » (II II 81 4). Par rapport à Dieu et à son excellence, qu’est-ce que le monde ? C’est pourquoi le psalmiste a raison d’écrire qu’une âme pieuse qui comprend ces choses de Dieu « a soif de Dieu ». « Sitivit in te anima mea ». Les simples choses du monde ne peuvent retenir son attention, non que Dieu ait besoin de son culte. Il possède en lui-même tout bien…La religion n’est pas une vertu théologale mais c’est l’âme qui a besoin de s’exprimer ainsi, de s’ordonner ainsi vis-à-vis de Dieu, de le désirer infiniment. Dieu est sa fin et son bien suprême. L’objet de la vertu de religion n’est pas Dieu lui-même, en lui-même, mais bien les actes qui sont ordonnés à Dieu pour sa gloire. La vertu de religion n’est pas une vertu théologale, comme la foi qui a Dieu pour objet : je crois en Dieu, je crois Dieu. Toutefois Dieu est le bien de l’âme. La religion accomplit des actes pour la gloire de Dieu. C’est pourquoi la religion nous ordonne spécialement à Dieu comme à notre fin, « en nous faisant accomplir des actes directement et immédiatement ordonnés à son honneur ». C’est pourquoi elle a la prééminence, nous dit saint Thomas, sur toutes les vertus morales. (II II 81 6) : « Sitivit in te anima mea ». C’est sagesse que de parler ainsi. C’est ce que comprend le traditionaliste et ce qu’il apprend à sa famille. Ah ! si les hommes pouvaient comprendre cela, ils ne risqueraient pas d’être surpris au jugement particulier !
Mais le psalmiste ajoute : « quam multipliciter tibi caro mea » « Combien ma chair aussi est altérée de vous ». Saint Augustin traduit, dans son long commentaire de ce psaume : « caro mea » tout simplement par « corps » et non pas par « chair ». C’est du reste aussi le sens de « caro ».
« Combien ma chair (mon corps) aussi est altérée de vous ». Pour commenter cette strophe, nous utiliserons la pensée de saint Thomas, puis de saint Augustin. Nous verrons combien elles se complètent et s’enrichissent.
Tout d’abord écoutons saint Thomas : Il nous enseigne que le culte dû à Dieu comporte des actes extérieurs et donc des actes du corps. Il commence par invoquer l’Ecriture Sainte et tout particulièrement le psaume 83 3 « Mon cœur et ma chair ont bondi (exultaverunt in Deum vivum) vers le Dieu vivant ». Ces paroles désignent les actes intérieurs qui viennent du cœur, mais aussi des actes extérieurs où interviennent les membres du corps. Ainsi aux actes intérieurs du culte se doivent joindre les actes extérieurs »
Dans le corps de l’article ; il en donne la raison. Lisons son article : « Nous témoignons à Dieu honneur et révérence non pour lui-même, parce qu’en lui-même il est plein d’une gloire à quoi la créature ne peut rien ajouter, mais pour nous-mêmes ; car révérer Dieu et l’honorer, c’est en fait lui assujettir notre esprit, qui trouve en cela sa perfection. Toute chose en effet trouve sa perfection dans la soumission à ce qui lui est supérieur. Ainsi le corps vivifié par l’âme, l’air illuminé par le soleil. Mais pour rejoindre Dieu, l’esprit humain a besoin d’être guidé par le sensible : car, écrit l’Apôtre (Rm 1, 20) : « C’est par le moyen des choses créées qu’apparaît au regard de l’intelligence l’invisible mystère de Dieu. » C’est pourquoi le culte divin requiert nécessairement l’usage de réalités corporelles, comme de signes capables d’éveiller en l’âme humaine les actes spirituels par lesquels on s’unit à Dieu. Ainsi la religion a des actes intérieurs qui sont principaux et qui d’eux-mêmes lui appartiennent. Mais elle y ajoute, à titre secondaire, des actes extérieurs ordonnés aux actes intérieurs ».
Et je me permettrais de compléter : « qui même peuvent les vivifier. On pourrait résumer la pensée de saint Thomas en disant : il en est ainsi parce que l’homme, composé d’âme et de corps, est créature de Dieu. A ce titre, l’âme et le corps sont soumis à Dieu et lui doivent honneur et louange. De plus parce que « l’esprit humain, dit saint Thomas, a besoin d’être guidé par le sensible », le sensible doit participer au culte de l’esprit.
Il faut ajouter également pour bien interpréter cette strophe et son intensité, cet enseignement de saint Thomas tiré des Sentences : « La véhémence de la dévotion, écrivait-il aux Sentences, fait que celui qui prie se met à parler. Car les puissances supérieures lorsqu’elles sont fortement émues, émeuvent à leur tour les puissances inférieures de l’âme, par une sorte de débordement. C’est pourquoi lorsque l’esprit de celui qui prie se trouve enflammée par la dévotion, le voilà qui se met à éclater en larmes, soupirs et cris de joie, sans mesure », « inconsiderate prorumpit ». Voilà exprimé le jaillissement débordant où se manifeste simplement l’intensité de la vie intérieure. On trouve ces manifestations dans la vie de tous les saints. Sainte Marguerite Marie tout particulièrement, en est un exemple vivant. « Voilà parfaitement expliquée cette partie de la strophe : « quam multipliciter tibi caro mea » « Combien ma chair aussi est altérée de vous »
Mais saint Augustin explique également dans son commentaire, ce « quam multipliciter tibi caro mea » « Combien ma chair aussi est altérée de vous ». Il traduit : « mon corps sèche du désir de vous voir ». Comment cela ? Souvenons-nous, nous dit saint Augustin, que le corps doit lui aussi participer à la gloire céleste, tout comme l’âme et que cette perspective le doit mettre dans une joie exubérante. Il commente : « C’est trop peu que mon âme soit altérée: il faut que mon corps éprouve aussi le même tourment. Mais comment, en quel sens peut-il partager les tortures de mon cœur, puisque à un corps altéré il faut de l’eau pour se rafraîchir, et que le cœur ne peut étancher sa soif qu’à la source de la sagesse? C’est à cette fontaine sacrée que nos âmes seront désaltérées, selon cette autre parole du Psalmiste: « Ils seront enivrés des biens de votre maison, et vous les rassasierez du torrent de vos délices (Ps. XXXV, 9). Nous devons donc avoir soif de la sagesse et de la justice, et nous n’en serons pleinement rassasiés qu’à la fin de notre vie, au moment où Dieu nous mettra en possession des biens qu’il nous a promis. Le Seigneur nous a promis de nous élever au même rang que les anges (Luc, XX, 36) : « Mon corps lui-même», dit le Prophète, « sèche du désir de vous voir», parce que, Dieu l’a dit, notre chair ressuscitera d’entre les morts. A notre âme donc est promise la béatitude céleste; à notre corps, la résurrection. Oui, nous ressusciterons dans notre chair: le Seigneur nous en fait la promesse formelle ».
Alors qu’un jour, par taquinerie, je posais la question à Mgr Lefebvre, à la sortie du réfectoire, de la résurrection de corps « Mais comment cela se passera-t-il ? Mgr Lefebvre me répondit : « Vous le verrez bien » ! Saint Augustin donne à cette question troublante belle réponse : celui qui nous a créés de rien, de poussière, n’aura pas plus de difficulté de nous sortir de la poussière et de ressusciter les corps.
Voyez sa réponse : Ecoutez-le donc bien; nous entrerons en possession de ce bonheur (céleste) quand se seront entièrement écoulés les temps réservés à l’existence de ce monde. La résurrection de la chair, voilà ce que nous attendons, voilà ce que Dieu nous promet; et elle se fera de manière qu’à la fin des siècles, le corps aujourd’hui habité par notre âme, reviendra à la vie. La grandeur de ce mystère ne doit point effrayer votre foi, car le Dieu qui nous a créés lorsque nous n’existions pas encore, trouvera-t-il une difficulté insurmontable à nous rétablir dans l’état où nous nous trouvons aujourd’hui? Vous n’avez donc aucun motif de douter de la réalité des promesses divines, par cela même que vous voyez les morts se corrompre, et tomber en cendres et en poussière. De ce qu’on brûle le corps d’un défunt, ou de ce que des chiens le dévorent, il ne suit nullement qu’il ne doive pas ressusciter: vous auriez tort de le croire, parce que ces cadavres ont beau être déchirés ou réduits en cendres, ils sont toujours relativement à Dieu dans leur entier: ils ne font, en effet, que retourner et retomber dans ces éléments du monde, du sein desquels le Seigneur les avait primitivement tirés pour en former notre corps nous ne pouvons plus les apercevoir; mais le Seigneur sait où il les reprendra pour nous les rendre, comme, avant de nous créer, il a su où les prendre pour nous les donner. Tel sera donc le caractère de cette résurrection, que notre corps d’aujourd’hui, qui est destiné à sortir plus tard vivant d’entre les morts, ne sera plus, comme maintenant, sujet à la corruption. … L’objet de nos espérances, la glorieuse résurrection que le Seigneur nous promet, voilà ce qui nous soutient au milieu de nos innombrables défaillances; aussi éprouvons-nous une soif ardente pour ce bienheureux séjour, où nous serons revêtus d’incorruptibilité; aussi, notre corps soupire-t-il lui-même vivement après le jour où il verra Dieu. »
C’est une merveilleuse explication théologique de cette strophe : « Combien ma chair aussi est altérée de vous ». Cette résurrection des corps entretient ma joie et mon espérance. Le traditionaliste en vit vraiement.
« In terra deserta et invia, et inaquosa : sic in sancto apparuit tibi, ut viderem virtutem tuam, et gloriam tuam » « Dans cette terre déserte et sans chemin, et sans eau, c’est ainsi que je me suis présenté devant vous dans le sanctuaire, pour contempler votre puissance et votre gloire »
Et puisque je vous ai dit que je voyais dans ce psaume la belle description des caractéristiques du traditionnaliste, des familles de la Tradition, permettez-moi d’interpréter cette strophe dans ce sens.
« In terra deserta et invia, et inaquosa » « Dans cette terre déserte et sans chemin, et sans eau »
C’est ainsi que le traditionnaliste, plein de foi et de joie à cette perspective du ciel, considère son séjour ici-bas comme un « exil ». Par rapport au Ciel, la terre en effet, spirituellement, est « déserte, sans chemin et sans eau ».Cette strophe me fait penser à Abraham qui, plein de foi, n’aspirait dans cet exil qu’à « la cité aux solides fondements » : le ciel. Il ne souhaitait qu’à se « présenter devant Dieu dans le sanctuaire, pour contempler sa puissance et sa gloire » et le chanter. C’est la foi qui anime aussi, vous dis-je le traditionnaliste et lui fait aspirer au ciel et mépriser les misères de cette vie. Ecoutez saint Paul : « C’est par la foi qu’Abraham, obéissant à l’appel de Dieu, partit pour un pays qu’il devait recevoir en héritage, et se mit en chemin sans savoir où il allait. C’est par la foi qu’il séjourna dans la terre promise, comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes, Car il attendait la cité aux solides fondements, dont Dieu est l’architecte et le constructeur. –Voilà mon traditionaliste ! – …C’est dans la foi que (ce patriarche est mort), sans avoir reçu l’effet des promesses; mais (il a )vu et salué de loin, confessant » (qu’il était étranger) et voyageur sur la terre. » –C’est encore l’attitude du traditionaliste ! –
Ceux qui parlent ainsi montrent bien qu’ils cherchent une patrie. Et certes, s’ils avaient entendu par-là celle d’où ils étaient sortis, ils auraient eu le moyen d’y retourner. Mais c’est à une patrie meilleure, à la patrie du ciel, que tendent leurs aspirations. C’est pourquoi Dieu n’a pas honte de s’appeler » leur Dieu « , car il leur a préparé une cité. –Et je ne crains pas de dire, m’inspirant de ce passage, que Dieu a préparé une cité céleste au traditionaliste en raison de sa foi… ! Ils ont été errants dans les déserts et les montagnes, dans les cavernes et dans les antres de la terre. Cependant eux tous que leur foi a rendus recommandables, n’ont pas obtenu l’objet de la promesse parce que Dieu nous a fait une condition meilleure pour qu’ils n’obtinssent pas sans nous la perfection du bonheur ». (Hb 11 8-40)
Voilà pourquoi l’espérance est grande dans le cœur du traditionaliste. Et son cœur et son corps exultent d’allégresse en raison de cette cité céleste promise où il va et où il sera reçu:
« sic in sancto apparuit tibi, ut viderem virtutem tuam, et gloriam tuam » « c’est ainsi que je me suis présenté devant vous dans le sanctuaire, pour contempler votre puissance et votre gloire ».
Et pour chanter votre miséricorde pour l’éternité :
«Quoniam melior est misericpordia tua super vitas : labia mea laudabunt te » « Car votre miséricorde est meilleure que toutes les vies ; mes lèvres vous loueront ».
« Sic benedictam te in vita mea et in nomine tuo levabo manus meas » « Ainsi je vous bénirai toute ma vie et je lèverai mes mains en votre nom »
« Sicut adipe et pinguedi ne repleatur anima mea ; et labiis exultationis laudabit os meum » « Que mon âme soit comme rassasiée et engraissée, et ma bouche vous louera avec des lèvres d’allégresse »
C’est ce que l’on voit et entend dans toutes les chapelles de la tradition. De belles chorales grégoriennes de belles chorales polyphoniques, aux chants anciens et intelligents !
« Si memor fui tui super stratum meum, in matutinis meditabor in te : quia fuisti adjutor meus » « Si je me souviens de vous sur ma couche dès le matin, je méditerai sur vous, car vous avez été mon défenseur » :
Et je connais bien des communautés traditionnelles qui, les premiers vendredis du mois, à l’appel du sacré Cœur, se lèvent toute la nuit et assure chaque heure la gloire de Dieu par leur méditation !
« Et in velamento alarum tuarum exsultabo, adhaesit anima mea post te me susceptit dextera tua » « Et je me réjouirai à l’ombre de vos ailes. Mon âme s’est attaché à votre suite », « dextera tua » à vos bras, i.e. à votre puissance.
Et de faite, les traditionalistes constituent, comme le demandait Saint Pie X dans sa premier encyclique « E supremi apostalatus », « le parti de Dieu ». Voyez ce qu’il demandait. C’est tout à fait ce que veulent et font les traditionalistes et leurs familles :
« Sans doute, le désir de la paix est dans tous les cœurs, et il n’est personne qui ne l’appelle de tous ses vœux. Mais cette paix, insensé qui la cherche en dehors de Dieu ; car chasser Dieu, c’est bannir la justice ; et la justice écartée, toute espérance de paix devient une chimère. « La paix est l’œuvre de la justice » .Il en est, et en grand nombre, Nous ne l’ignorons pas, qui, poussés par l’amour de la paix, c’est-à-dire de la tranquillité de l’ordre, s’associent et se groupent pour former ce qu’ils appellent le parti de l’ordre. Hélas ! Vaines espérances, peines perdues ! De partis d’ordre capables de rétablir la tranquillité au milieu de la perturbation des choses, il n’y en a qu’un : le parti de Dieu. C’est donc celui-là qu’il nous faut promouvoir ; c’est à lui qu’il nous faut amener le plus d’adhérents possible, pour peu que nous ayons à cœur la sécurité publique ».
Le traditionaliste a entendu ce langage et a répondu, depuis longtemps « Présent ». C’est du reste un journal de ce nom qui verra le jour financé par les nombreuses familles de la Tradition…
Le traditionaliste, enfin ne doute pas de la victoire et en conséquence ne se décourage pas. C’est encore ce que dit le psalmiste. C’est vraiment une belle description du traditionaliste :
« Ipsi vero in vanum quaesierunt animam meam, introibunt in inferiora terrae ; tradentur in manu gladii, partes vulpium erunt » « Quant à eux, c’est en vain qu’ils ont cherché à m’ôter la vie. Ils entrent dans les profondeurs de la terre ; ils seront livrés au pouvoir du glaive ; ils deviendront la proie des renards »
«Rex vero laetabitur in Deo, laudabuntur omnes qui jurant in eo : quia obstructum est os loquentium iniqua » « Mais le roi se réjouira en Dieu ; tous ceux qui jurent pour lui se féliciteront, car la bouche de ceux qui professent l’iniquité a été fermée ».
L’espérance est, vous dis-je, une caractéristique du traditionaliste. Saint Pie X, toujours dans la même encyclique, les encourage à cette certitude de la victoire et à cette espérance :
« Quelle sera l’issue de ce combat livré à Dieu par de faibles mortels, nul esprit sensé ne le peut mettre en doute. Il est loisible assurément, à l’homme qui veut abuser de sa liberté, de violer les droits et l’autorité suprême du Créateur ; mais au Créateur reste toujours la victoire. Et ce n’est pas encore assez dire : la ruine plane de plus près sur l’homme justement quand il se dresse plus audacieux dans l’espoir du triomphe. C’est de quoi Dieu lui-même nous avertit dans les Saintes Ecritures : « Il ferme les yeux », disent-elles, « sur les péchés des hommes », comme oublieux de sa puissance et de sa majesté; mais bientôt, après ce semblant de recul, « se réveillant ainsi qu’un homme dont l’ivresse a grandi la force », « il brise la tête de ses ennemis », afin que tous sachent que « le roi de toute la terre, c’est Dieu », « et que les peuples comprennent qu’ils ne sont que des hommes ».