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Entraide et Tradition

L’hymne de Prime du Dimanche

publié dans couvent saint-paul le 6 mars 2019


Les psaumes du dimanche à Prime

Tome 4

L’hymne

« iam lucis orto sidere »

L’Hymne de Prime est vraiment la prière parfaite du matin. Elle convient tout à fait à la prière des séminaristes qui se retrouvent à la chapelle tous les matins. Mais pourrait aussi servir de prière matinale pour le chrétien pieux, ou le foyer chrétien.

Cette hymne matinale  me parait parfaitement correspondre à la pensée qui doit nous animer tous les matins. Les prières qui composent cette petite heure que l’on retrouve tous les jours de la semaine, me paraissent tout à fait « ad hoc ». Nous allons le voir.

J’ai assisté un jour, à l’école de l’Etoile du Matin, près de Bitche, de bon matin, au commentaire de cette hymne par Mgr Lefebvre. C’était sublime. J’ai regretté de ne pouvoir l’enregistrer. Comme il communiait à tous les sentiments de cette prière. C’est bien dommage que le chant de cette hymne soit aujourd’hui supprimé du séminaire de Saint Vincent de Paul de Courtalain. Il faut ne pas l’avoir connu pour l’avoir supprimée. Il y tenait. Je serai, au moins, ce témoin.

Reprenons le texte.

Il est tout simplement merveilleux. Porter y quelque attention :

« Jam lucis orto sidere, Deum precemur supplices, ut in diurnis actibus. Nos servet a nocentibus » « Déjà l’astre du jour est levé ; prions Dieu humblement qu’en nos actions de la journée il nous préserve de tout mal »

« Jam lucis orto sidere » » Dejà l’astrre du jour est levé »

« Sidere » de « sidus sideris » : constellation, l’astre, l’étoile

« lucis »  de lux lucis : la lumière, c’est la lumière du jour. Mais remarquez que sidus, sidere dit déjà lumière. Je traduirais plus volontiers : la clarté du jour, le soleil est levé.

« Orto » participe passé orior oreris : naître, commencer, surgir, se lever.

Vraiment « Prime » est la prière par excellence du matin. A 6h30, en ce temps de printemps, c’est vraiment la levée du soleil, de la lumière. C’est très beau de faire correspondre notre prière du matin, avec ce « matin » de la lumière. Notre prière devient ainsi une prière « cosmique » en tant que la prière qui se lève de notre âme s’unit à la lumière se levant.

« Deum precemur supplices, ut in diurnis actibus Nos servet a nocen-tibus » «  prions Dieu humblement, qu’en nos actions de la journée il nous préserve de tout mal ».

J’aime beaucoup ce « supplices » : c’est le nominatif pluriel de  supplex supplicis : suppliants. Ce mot qui donne l’adverbe suppliciter, peut se traduire : « en suppliant, humblement ». Ce mot montre que le chant de Prime est parfaitement une prière de communauté : « supplices », de plusieurs, unis dans la foi, dans l’humble supplique d’une prière de quelques-uns ou de beaucoup, d’une communauté, voire même d’une famille, d’un foyer. Ce supplices me fait penser à la prière de la Vierge Marie : « Il a jeté son regard sur son humble servante ».

« Prions Dieu humblement » : cette phrase met notre âme dans les dispositions requises vis-à-vis de Dieu. « Supplices », nous sommes des suppliants, suppliant la grâce du Seigneur.

Mais quelles grâces ?

« Qu’en nos actions de la journée, il nous préserve de tout mal »

Quelle plus belle prière pourrions-nous  formuler au Seigneur au début de nos journées,  je vous le demande bien ? Que nous soyons préservés de tout mal.

« Nos servet a nocentibus ». « Qu’il nous préserve de tout mal »

« Servo », servas servare. Ce verbe est très riche : Il veut dire : « sauver, préserver, protéger, défendre contre ». Voire même : conserver en bon état,  mais aussi : « être fidèle à ». On dira « servare legem » : que l’on traduira par « obéir à la loi ». Quelle belle résolution en mon cœur. Mais encore : « veiller à,  avoir l’œil sur, faire attention à, faire le guet ». Ces derniers sens du verbe, mettent bien en évidence ma coopération à la grâce…alors que le premier sens met d’avantage l’accent sur l’action de Dieu en mon âme. On attend tout de Dieu.

« a nocentibus » « de tout mal » : a nocentibus de nocens nocentis : « qui nuit actuellement » ;  ce mot vient de noceo nocere : nuire, faire du tort ; nocivus : qui a la propriété de nuire (nocif)

C’est bien traduit : que Dieu nous protège de tout mal. Je dirais : de tout péché. Qu’est-ce qui peut plus nuire à mon âme que le péché ?

« Nous » : c’’est bien une prière de communauté. Cette acclamation met l’unité dans les cœurs. Elle nous unit. Nous avons tous, dès le matin, le même idéal.

« Linguam refraenans temperet ; Ne litis horror insonet: visum fovendo contegat, ne vanitates hauriat » « « Qu‘il modère prudemment notre langue, pour éviter l’éclat de l’horrible dispute ; qu’il protège tendrement notre vue pour qu’elle n’aborde pas les vanités ».

 

Que c’est beau !

« Refraenens » refreno are : arrêter ou modérer avec le frein. Modérer. Mettre le frein, le mort dans la bouche de l’animal. Cela me fait penser au passage de Saint Bernard dans son 11ème  chapitre du commentaire du  Cantique des Cantiques, dans son second paragraphe :

« Voilà pourquoi je vous conseille à vous, qui êtes nies amis, de vous arracher quelquefois au souvenir fâcheux et pénible de vos péchés, et de marcher dans un chemin plus uni, en vous entretenant de pensées agréables, et en repassant, dans votre mémoire, les bienfaits de Dieu, afin que les regards que vous jetterez sur lui vous fassent un peu respirer de l’abattement et de la confusion que vous cause la considération de votre faiblesse. Je veux que vous suiviez le conseil que donne le Prophète, lorsqu’il dit :  » Réjouissez-vous dans le Seigneur, et il vous accordera ce que votre coeur lui demande (Psal. XXXVI, 4).  » Il est nécessaire dé concevoir de la douleur de ses péchés, mais il ne faut pas qu’elle soit continuelle, et on doit la mélanger du souvenir agréable de la clémence de Dieu, de peur que la trop grande tristesse n’endurcisse le cœur et que le désespoir n’achève sa perte. Mêlons le miel avec l’absinthe, afin que ce breuvage, d’une salutaire amertume, tempéré par quelque douceur, puisse se boire et donner la vie. Écoutez comme Dieu même tempère l’amertume d’un coeur contrit, comme il retire de l’abîme du désespoir, celui qui est dans la langueur et le découragement, comme par le miel d’une douce et fidèle promesse, il console celui qui est dans. la tristesse et relève celui qui est dans la défiance. Il dit par son Prophète :  » Je mettrai mes louanges dans votre bouche pour vous en servir comme d’un frein, de peur que vous ne vous perdiez (Isa. XLVIII, 9) ;  » c’est-à-dire, de peur que la vue de vos péchés ne vous jette dans une tristesse excessive, et, qu’emporté par le désespoir, comme un cheval qui n’a plus de frein, vous ne tombiez dans le précipice et ne périssiez. Je vous retiendrai, dit-il, comme par le frein de ma miséricorde, je vous relèverai par mes louanges, et vous respirerez à la vue de mes bienfaits, au lieu de vous abattre par celle de vos maux, quand vous me trouverez plus indulgent que vous ne vous jugerez coupable. Si Caïn avait été arrêté par ce frein, il n’aurait pas dit en se désespérant :.  » Mon crime est trop grand pour mériter qu’on me le pardonne (Gen. IV, 13).  » Dieu nous garde de ce sentiment, oui, qu’il nous en garde. Car sa bonté est plus grande que quelque crime que ce soit. C’est pourquoi le Sage ne dit pas, que le juste s’accuse toujours, il dit seulement qu’il s’accuse au commencement de son discours (Prov. XVIII, 17), qu’il a coutume de finir par les louanges de Dieu. Voyez un juste qui observe cet ordre.  » J’ai examiné, dit-il, mes actions et ma conduite, et j’ai dressé mes pas dans la voie de vos louanges (Psal. CXVIII, 59),  » afin que, après avoir souffert beaucoup de fatigues et de peines dans ses propres voies, il se réjouisse dans la voie des louanges de Dieu, comme dans la possession de toutes les richesses du monde. Et vous aussi, à l’exemple de ce juste, si vous avez des sentiments d’humilité de vous-mêmes, ayez du Seigneur des sentiments de confiance en sa bonté souveraine. Car vous lisez dans le Sage :  » Croyez que le Seigneur est plein de bonté, et cherchez-le en simplicité de coeur (Sap. I, 1).  » Or, c’est ce que le souvenir fréquent, que dis-je ? continuel de la libéralité de Dieu persuade aisément à l’esprit. Autrement, comment s’accompliraient ces paroles de l’Apôtre : « Rendant des actions de grâces en toutes choses (I Thess. V, 17), n si on bannit du cœur les sujets de gratitude et de reconnaissance? Je ne veux pas qu’on vous fasse le reproche honteux que l’Écriture adresse aux Juifs, en disant :  » Ils ne se sont pas souvenus de ses bienfaits, ni des merveilles dont ils ont été les témoins oculaires (Psal. LXXVII, 11) ».

« temperet » c’est le subjonctif présent de temperare : tempérer, modérer adoucir.

Il y a une redondance dans l’expression. C’est dire la volonté de l’auteur dans cette action de modération. C’est vouloir dire aussi qu’il est difficile de modérer la langue, mettre un frein à sa langue. On parle précisément de la « langue » : « linguam refraenans temperet » « qu’il mette à notre langue un frein modérateur »

C’est une bonne résolution matinale. Qu’il en soit ainsi. Je pense aussi aux recommandations de saint Jacques : « tardus ad iram, tardus ad loquendum velox ad audiendum » « Lent à la colère, lent à parler, prompt à écouter »

C’est une belle vertu tant la langue est l’objet de fautes.

Et tout particulièrement, n’est-elle pas l’occasion de disputes, de querelles

« Ne litis horror insonet » « pour éviter l’éclat de l’horrible dispute»

« Litis » : lis litis :  procès, objet de litige : mais aussi dispute, différent, contestation, querelle, lutte.

Cette lutte, cette querelle est définie comme étant quelque chose d’horrible.

Horror : hérissement, frisson, de la fièvre ou de la peur, effroi, objet de terreur ; terreur religieuse, bruit horrible.

« insonet » : insonare : résonner, faire du bruit, faire résonner.

Je traduirais volontiers : « afin que ne raisonne pas l’horreur de la dispute ».

« Visum fovendo contegat » « qu’il protège tendrement notre vue ». C’est bien aussi par la vue que se commettent  tant de fautes. « Contegat » : contego ere : couvrir, mettre à couvert, cacher. Qu’il nous cache les horreurs de ce monde.

Fovendo : foveo : c’est chauffer ; réchauffer sur son sein, dorloter : soigner, panser.  C’est bien traduit en disant : « qu’il protège tendrement notre vue ».

Dieu a une action maternelle sur chacun d’entre nous. Il n’agit pas avec brutalité. Il est doux.

Ne vanitates hauriat » « Pour qu’elle n’absorbe pas les vanités »

Hauriat de haurio haurire : puiser, extraire ; mais ce verbe a un sens totalitaire, absolu : on le traduira par vider, mettre à sec, dessécher, tarir ; dévorer, saisir par les sens ou la  pensée ; se repaître de : haurire oculis : dévorer des yeux ; regarder attentivement.

Que Dieu protège tendrement notre vue pour qu’elle n’absorbe pas les vanités de ce monde.

Belle prière, à la vérité.

« Sint pura cordis intima ; absistat et vecordia : carnis terat superbiam potus cibique parcitas » « Que le fond du cœur soit limpide, préservé d’égarements ; que la modération de boire et du manger rabaisse l’insolence de la chair »

« Ut cum dies abscesserit, noctem que sors reduxerit, mundi per abstinentiam ipsi canamus gloriam » « Afin qu’à la chute du jour et au retour de la nuit, gardés purs par notre réserve, nous chantions sa gloire »

Abscedo :  abscedere, abscessi : se retirer ; action de se retirer.

Reduco : ere : ramener, faire revenir

Sors : c’est assez amusant de voir ce mot ici : « sors » ce mot veut dire ; hasard, le sort, action de tirer au sort.

« ipsi canamus gloriam » « nous chantions sa gloire ». Voilà affirmer à la fin de cette hymne, la raison de nos journées : chanter la gloire de Dieu. Ce chant est la monnaie de la vertu.

« Deo Patri sit gloria, Eius que soli Filio, cum Spiritu Paraclito Nunc et per omne saeculum. Amen » « Gloire soit à Dieu le Père et à son Fils unique, avec le L’esprit Paraclet, m   inteant et dans tous les siècles »

Vous comprenez mieux maintenant combien cette hymne de Primes convient à notre prière du matin. Après les trois strophes de l’hymne, nous invoquons la miséricorde du Christ et chantons aussi sa gloire.

Vient ensuite l’oraison :

«  Seigneur, Dieu tout puissant, qui nous avez conduits jusqu’au début de ce jour, sauvez-nous aujourd’hui par votre force ; afin qu’en ce jour, nous ne nous laissions pas aller à aucun péché, mais que toujours l’accomplissement de votre justice soit le terme de nos paroles, le but de nos pensées et de nos œuvres »

Là aussi, vous remarquerez la beauté de cette prière, une prière parfaitement matinale.

N’oubliez pas, non plus, que c’est l’Eglise qui a dans sa sagesse composé cet office divin pour les communautés…ecclésiastiques, ajoutons :et  aussi pour les foyers chrétiens

Enfin l’oraison finale est merveilleuse :

« Daignez aujourd’hui diriger et sanctifier, régir et gouverner, Seigneur Dieu, Roi du Ciel et de la terre, nos cœurs et nos corps, nos sentiments, nos paroles et nos actes, selon votre loi et dans les œuvres de vos commandements ; afin qu’ici-bas et pour l’éternité, avec votre secours, nous méritions d’être sauvés et libres, ô Sauveur du monde : Qui vivez et régnez dans les siècles des siècles ».

J’apprécie les acclamations du Seigneur : il est Seigneur ; Il est Dieu, il est Roi du Ciel et de la terre ; il est Sauveur du Monde. Et à tous ces titres, il dirige, il sanctifie, il régit et gouverne. Et tout particulièrement : nos cœurs, nos corps, nos sentiments, nos paroles et nos actes.

Et à ce titre, j’aime cette finale merveilleuse : « …te auxiliante, salvi et liberi esse mereamur, Salvator mundi…. » « afin qu’ici-bas et pour l’éternité, avec votre secours, nous méritions d’être sauvés et libres, ô Sauveur du monde : Qui vivez et régnez dans les siècles des siècles ».

 

 

 

 

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