Méditation pour le Carême sur l’ hymne des Laudes du temps de Carême
publié dans couvent saint-paul le 3 avril 2021
Les hymnes de Carême ;
L’hymne des Laudes
O sol salutis intimis
Hymne
« O sol salútis, íntimis, Iesu, refúlge méntibus, Dum, nocte pulsa, grátior Orbi dies renáscitur ». « O Jésus, soleil de salut, resplendissez au plus intime de notre âme, à cette heure où la nuit ayant disparu, le jour renaît pour réjouir l’univers ».
« O Jésus, sol salutis ». Cette expression mérite toute notre attention : « o Jésus soleil du salut ». Elle nous fait comprendre d’abord que la liturgie, notre prière, a aussi une dimension « cosmique », « cosmologique ». Elle s’ordonne selon « le mouvement sans cesse renouvelé du soleil » « O Jesus, sol », « O Jésus, soleil de salut ». C’est la pensée de Dom Guillou que l’on trouve exprimée dans sa belle revue « Nouvelle de Chrétienté ». Cette dimension « cosmologique » se trouve aussi exprimée dans le livre du Cardinal Ratzinger : « l’esprit de la liturgie ».
« O sol salútis, íntimis, Iesu, refúlge méntibus », « resplendissez au plus intime de notre âme », ce qui nous fait comprendre que le Christ est proche de notre âme… « intimis » d’autant plus qu’Il est venu « à la plénitude temps » « au milieu de nous » et que cette présence est pour nous une « illumination » d’où cette expression : « O Jesus sol salutis ». Il est le soleil de notre âme et qu’en tout temps nous voyons sa gloire : « sol salutis», « soleil de salut ». Il est le soleil qui se lève le matin, comme le laisse entendre la deuxième partie de la strophe : « à cette heure où la nuit ayant disparu, le jour renaît pour réjouir l’univers » et qu’à ce titre, il est la joie de nos âmes, comme le soleil est, au matin, la joie de l’univers. Entendez les oiseaux…dans la nature. Ils expriment une joie débordante ! Et c’est pourquoi la liturgie dira aussi : « Lux de luce apparuisti Christe, « Lumière de lumière, tu nous es apparu, Ô Christ » (in octave de l’Epiphanie à Magnificat)
« Apparuit » : c’est un aspect essentiel de la théologie paulinienne sur le mystère du Christ., mystère de salut, « mystère de piété », dira saint Paul. En effet Dieu a conçu le dessein de sauver tous les hommes et il a constitué, « prédéterminé » (1 Cor 2 7) tout un plan de réalisation et de promulgation de ce salut. C’est le mystère du Bon Vouloir divin (Eph 1 9). Ce propos sauveur, que Dieu s’est fixé de toute éternité, selon une initiative par conséquent absolument gratuite a été tu, caché aux siècles et aux générations passées (Eph 3 5 9). Ce dessein rédempteur est donc essentiellement un secret, la propriété de Dieu seul. Ce n’est qu’à la plénitude des temps que Dieu en a décrété la révélation et l’exécution (Eph 1 10). La plénitude des temps étant accomplie, Dieu, par bonté, a voulu révéler ce secret : d’où cette expression de notre auteur : « O sol salutis». Ainsi le Christ est au cœur de cette révélation, de ce plan de salut. Dieu, en son Fils, a donné à cette divulgation la plus grande publicité (Col 1 26). Il est mis en lumière. C’est la raison du choix de ce mot « O sol » « O soleil de salut ». Il est bien choisi. D’où l’expression aussi de saint Jean : « : « in ipso vita erat et vita erat lux hominum et lux in tenebris lucet et tenebrae eam non comprehenderunt » (Jn 14) « Et la lumière luit dans les ténèbres ». Saint Paul, en Timothée s’exprime d’une manière on ne peut plus clair sur cette révélation : « Manifesté dans la chair, est apparu aux anges, a été cru dans le monde, justifié dans l’esprit, a été prêché aux nations a été élevé en gloire.( 1 Tim 3 16)
Vraiment on ne peut mieux exprimer la « révélation de ce mystère de salut que par ce mot « sol », « soleil ».
Ce sens lumineux de la Révélation de ce salut, « sol salutis »» est d bien choisi d’autant qu’un autre verbe revient souvent dans la liturgie, au temps l’Epiphanie, par exemple, c’est le verbe « orior », d’où est venu le mot ORIENS désignant le soleil levant. C’est le sens de cette strophe. L’idée d’aurore avec le verbe « orior » se retrouve trois fois dans l’Epître et dans l’Evangile de l’Epiphanie. On comprend qu’on puisse le retrouver souvent dans les lectures des messes de Noël où l’Eglise fête la venue du Christ sur la terre. Les anges le chantent… « Un Sauveur vous est né ». Retenons l’idée que la venue de Jésus fait lever l’aurore. Il y a dans la prière de l’Eglise, comme je l’ai déjà dit, toute une dimension cosmique. Le Christ est comme le « soleil ». Le jour de Pâques, l’Eglise nous fera chanter, le cierge pascal dans les mains, « lumen Christi ». Il est la lumière de nos cœurs, comme le soleil est la lumière du jour. Quel beau symbole ! Il est la lumière du salut, le « soleil de salut ». C’est ainsi que le Christ est considéré par saint Paul comme « La splendeur du Père » en tant qu’Il manifeste la bonté du Père. Il en est sa face, « son visage » « sa lumière ». En effet le principal ornement d’un visage ne sont-ce pas les yeux qui sont le principal ornement du visage, qui sont comme des flambeaux, des escarboucles, des soleils ? C’est là qu’on voit en quelques sorte le « soleil intérieur », là que se manifeste « la joie, l’intelligence, la beauté ». La beauté d’un visage est d’abord dans les yeux. Là, transparait ce qu’il y a de plus pur, de plus immatériel. Tout naturellement aussi, quand le Christ se transfigure devant ses trois disciples préférés, au Thabor, sa face resplendi comme le soleil (Mat 17 2). Si belle et si majestueuse et lumineuse est cette face que Moïse ne peut la voir (Ex 33 20). Partout dans la Bible, il est parlé de la face de Dieu ; qu’elle se détourne, c’est la désolation ; qu’elle se montre c’est la joie et la bénédiction et l’amour et la miséricorde. C’est le salut. La naissance de Jésus est vraiment le lever de la Nouvelle Lumière, une louange de cette nouvelle Lumière qui doit resplendir en nous comme en un miroir, dissiper les ténèbres de l’ignorance, éclairer les aveugles sur la voie afin qu’ils sachent où aller, et nous enflammer du feu de la charité. D’où, cette belle antienne de Laudes pour le 24 décembre : « Orietur sicut sol Salavator mundi ». Le Sauveur du monde va se lever comme le soleil. « Oriens » vient donc du verbe « Orior » qui veut dire se lever, surgir, naître, paraître, apparaître, se montrer, se présenter. Par-là, on rejoint le sens du verbe « ostendo » qui correspond à notre « apparuit ». Le Verbe de Dieu s’est montré au grand jour, en la Nativité, selon la volonté toute gratuite de Dieu, dans son plan de salut. « Ostendo », se montrer se présenter, équivaut d’ailleurs au verbe « venir », d’où les « Veni » se succédant, dans le temps de l’Avent, à une cadence de plus en plus accélérée. On va vers « la Face de Dieu », vers sa « lumière » où bien celle-ci est considérée comme venante à nous.
« Dans tempus acceptábile, Da lacrimárum rívulis Laváre cordis víctimam, Quam læta adúrat cáritas ». » Dans ce temps riche de bienfaits, donnez-nous des ruisseaux de larmes ; pour purifier la victime spirituelle, qu’embrasera une joyeuse charité ».
C’est une supplique d’un cœur pénitent, qui, profitant du temps liturgique du Carême, « temps riche de bienfaits » demande à Dieu, avec des larmes intenses « Da lacrimárum rívulis », signe d’un cœur purifié, d’être inondée d’une abondante charité : «quam laeta adurat caritas ». Je retiens ce lien qu’établit notre auteur entre pénitence et charité. C’est la finalité de la pénitence. Faire naître en nos cœurs une plus grande charité. ON retrouve n’enseeignement du Christ sur la pénitence !
Ce pénitent peut adresser à Dieu cette supplique car il sait que son Dieu est un Dieu clément, un Dieu sauveur. « O Sol salutis » « O soleil de salut » c’est ce que nous avons expliqué dans la strophe précédente. En effet Notre Seigneur s’est fait pour nous « Justice, sanctification et rédemption » et aux prix de combien souffrances. Ce mystère de la Rédemption est tellement confondant…C’est ce qu’affirme le Concile de Trente dans son chapitre 3 sur le péché original. Oui, Il est notre seul Sauveur et le Concile s’appuie sur l’affirmation de saint Pierre, le jour de la Pentecôte : « Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom que le nom de Jésus par lequel nous puissions être sauvé ».
« Quo fonte manávit nefas, Fluent perénnes lácrimæ, Si virga pœniténtiæ Cordis rigórem cónterat ». « La source d’où jaillirent nos fautes répandra des larmes sans fin, si la verge de la pénitence, brise la dureté de nos cœurs »
Il y a là une affirmation de cause à effet. La source de nos fautes, c’est notre âme souillée par le péché originel. Elle répandra des « larmes sans fin », c’est-à-dire, qu’elle connaîtra la componction du cœur, i.e. la charité par la pénitence : « si la verge de la pénitence brise la dureté de nos cœurs » « Si virga penitentiae Cordis rigorem contérat ». « Conterat » de contero » qui veut dire « broyer » « écraser ».
« Dies venit, dies tua, In qua reflórent ómnia : Lætémur et nos, in viam Tua redúcti déxtera. » « Le jour se lève, votre jour, dans lequel tout va refleurir ; réjouissons-nous, nous aussi, ramenés par votre main sur la bonne voie »
« Le jour vient » « dies venit ». Quel est ce jour ? C’est le jour du salut, le jour de la Rédemption par la Croix et la Résurrection. C’est le jour par excellence du Christ, « dies tua » que dans l’Evangile, le Christ appelé « son heure ». « Mon heure n’est pas encore venue », dira-t-il un jour à sa Mère. « Mon « heure vient ». C’est « son heure ». J’aime beaucoup cette expression « dies tuae ». C’est très intime ! En cette heure éclatera sa totale soumission à son Père. « Ma volonté est de faire la volonté de mon Père ». Il est venu pour cela, pour « cette heure » : accomplir notre salut.
Et en ce jour de salut, tout va refleurir : « jour « dans lequel tout va refleurir » « in qua reflorent omnia ». Allez à saint Laurent hors les Murs à Rome est contemplez l’immense représentation de la Passion dans l’abside et vous ne pourrez pas ne pas remarquer l’immense Croix et au pied de la Croix une immense et beau bouquet de fleurs merveilleuses de joie, symbole que tout revit « omnia » grâce la Croix, au pied de la Croix. Cette renaissance de ttoutes choses est bien évidemment « source de joie » « réjouissons nous » « laetemur et nos » . Il n’est pas douteux que toute la doctrine divine est source insigne de joie pour l’âme. On ne cesse de la répéter dans les psaumes.
Et notre auteur conclut cette strophe par ces belles paroles : « réjouissons-nous, nous aussi, ramenés par votre main sur la bonne voie »
Réjouissons-nous, nous aussi, ramenés par votre main sur la bonne voie ». On comprendra mieux cette pensée en méditant l’article 3 de la question 46 de la IIIia Pars de la Somme de Saint Thomas. Il nous explique comment la Passion du Christ est avantageuse à mon âme. C’est bien ce que veut dire notre auteur lorsqu’il nous dit : « réjouissons-nous, nous aussi, ramenés par votre main sur la bonne voie »
Saint Thomas nous dit qu’ » Un moyen est d’autant plus adapté à une fin qu’il procure à cette fin un plus grand nombre d’avantages. Or, du fait que l’homme a été délivré par la passion du Christ, celle-ci, outre la libération du péché, lui a procuré beaucoup d’avantages pour son salut.
1° Par elle, l’homme connaît combien Dieu l’aime et par là il est provoqué à l’aimer, et c’est en cet amour que consiste la perfection du salut de l’homme. Aussi S. Paul dit-il (Rm 5, 8): « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. »
2° Par la passion, le Christ nous a donné l’exemple de l’obéissance, de l’humilité, de la constance, de la justice et des autres vertus nécessaires au salut de l’homme. Comme dit S. Pierre (1 P 2, 21): « Le Christ a souffert pour nous, nous laissant un modèle afin que nous suivions ses traces. »
3° Le Christ, par sa passion, n’a pas seulement délivré l’homme du péché; il lui a en outre mérité la grâce de la justification et la gloire de la béatitude, comme nous le dirons plus loin.
4° Du fait de la Passion, l’homme comprend qu’il est obligé de se garder pur de tout péché lorsqu’il pense qu’il a été racheté du péché par le sang du Christ, selon S. Paul (1 Co 6, 20): « Vous avez été rachetés assez cher ! Glorifiez donc Dieu dans votre corps. »
5° La Passion a conféré à l’homme une plus haute dignité: vaincu et trompé par le diable, l’homme devait le vaincre à son tour, ayant mérité la mort, il devait aussi, en mourant, la dominer elle-même, et S. Paul nous dit (1 Co 15, 57): « Rendons grâce à Dieu qui nous a donné la victoire par Jésus Christ. »
Et pour toutes ces raisons, il valait mieux que nous soyons délivrés par la passion du Christ plutôt que par la seule volonté de Dieu » (III 46 3).
Toutes ces raisons justifient largement le dire de notre auteur : » ramenés par votre main sur la bonne voie ». C’est bien la méditation de la Croix « qui nous ramène sur la bonne voie ».
Te prona mundi máchina, Clemens, adóret, Trínitas, Et nos novi per grátiam Novum canámus cánticum. Amen ». »Que prosterné devant Vous, l’édifice du monde vous adore, clémente Trinité,
et renouvelés par la grâce, nous vous chanterons un cantique nouveau.
Amen.