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Entraide et Tradition
Un nouveau livre de Romano Amerio, intitulé « Zibaldone »

Un nouveau livre de Romano Amerio, intitulé « Zibaldone »

publié dans regards sur le monde le 13 juillet 2010


 Après la publication de « Iota Unum » du professeur Romano Amerio et sa réédition,  après la publication du premier livre postume intitulé  « Stat veritas », son élève et disciple , le  professeur Enrico Maria Radaelli,  responsable de la publication des œuvres du maître, vient de publier le deuxième livre postume  intitulé « Zibaldone ». ( en francais, peut-être  « fatras »)

Ces divers publications et réeditions relancent  la question du Concile Vatican II,  de sa fidèlité dans la transmission de la doctrine catholique.

Sur ce sujet, on connaît la position de Mgr Lefebvre résumée dans sa fameuse déclaration de 1974: « Nous refusons et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues ».

Cette position est celle de Romano Amerio . C’est la thése défendue dans   « Iota Unum ». Son sous titre est clair: « Etude des variations de l’Eglise catholique au 20 ème  siècle ». De fait, lors de sa publication en français , Mgr Lefebvre me disait expresséement: « il soutient les mêmes thèses que nous « . Il s’en réjouissait. Il n’était plus le seul ou presque…

Cette position est aussi la position de Mgr Mgr Gherardini dans son livre   parue à Rome l’an dernier sous le titre: « Concile Œcuménique Vatican II. Un débat à ouvrir ». Ce livre s’achève sur une « Supplique au Saint Père » à  qui il est demandé de soumettre à un nouvel examen les documents du concile, pour décider clairement, une fois pour toutes, « si, en quel sens et jusqu’à quel point » Vatican II est ou non en continuité avec le précédent magistère de l’Église.

Mais le  professeur Amerio et aujourd’hui,  son disciple, le  professeur Enrico Maria Radaelli vont plus loin. Ils demandent expressement que les erreurs de Vatican II soient condamnées sous une forme solennelle « ex cathédra ».  le professeur Radaelli l’exprime fortement dans la postface de la deuxième édition du livre de Amerio : »Iota unum »

La publication de ces ouvrages  ou leurs rééditions  ont donné l’occasion à « Sandro Magister » de publier un article intéressant sur ce sujet, le 12 juillet 2010 dans le site « Eucharisti: Sacrement de miséricorde ». Je le publie ci-dessous:

 

« On supplie Benoît XVI de condamner les erreurs du concile Vatican II

Rome, le 12 juillet 2010 – (E.S.M.) – Ils supplient le pape de condamner « ex cathedra » les erreurs du concile Vatican II. Un nouveau livre de Romano Amerio redonne de la force à leur demande. Mais Benoît XVI n’est pas d’accord.

On supplie Benoît XVI de condamner les erreurs du concile Vatican II

Les défenseurs de la tradition veulent à nouveau l’Église infaillible – par Sandro Magister

Le 12 juillet 2010 – Eucharistie Sacrement de la Miséricorde – Depuis quelques jours, on trouve dans les librairies italiennes un nouveau volume, le troisième, des « opera omnia » de Romano Amerio, qui sont en cours de publication aux éditions Lindau.

Amerio, mort en 1997 à Lugano, en Suisse, à l’âge de 92 ans, a été l’un des plus grands intellectuels chrétiens du XXe siècle.

Philologue et philosophe de première grandeur, il a été rendu célèbre dans le monde entier par un essai publié pour la première fois en 1985 et traduit en plusieurs langues, intitulé : « Iota unum. Studio delle variazioni della Chiesa cattolica nel secolo XX » [Iota unum. Étude des variations de l’Église catholique au XXe siècle].

Mais cet essai, précisément en raison des thèses qui y sont soutenues, a valu à Amerio l’ostracisme de la quasi-totalité du monde catholique. Un ostracisme qui n’a été levé que récemment, en partie grâce à la réédition de « Iota unum ».

Amerio a consacré un demi-siècle à la rédaction de « Iota unum ». Et il lui a également fallu beaucoup de temps, de 1935 à 1996, pour écrire ce troisième volume de ses « opera omnia ». Intitulé « Zibaldone », il réunit – comme l’ouvrage homonyme du poète Giacomo Leopardi – de brèves pensées, des aphorismes, des récits, des citations d’auteurs classiques, des dialogues moraux, des commentaires d’évènements quotidiens.

« Zibaldone » contient plus de 700 pensées, qui constituent une sorte d’autobiographie intellectuelle de son auteur. Les questions soulevées par « Iota unum » y sont naturellement présentes.

C’est le cas, par exemple, dans cette brève page datée du 2 mai 1995 :

« L’autodestruction de l’Église déplorée par Paul VI dans son célèbre discours prononcé au Séminaire Lombard le 11 septembre 1974 devient de jour en jour plus évidente. Déjà, pendant le concile, le cardinal Heenan (primat d’Angleterre) regrettait que les évêques eussent cessé d’exercer l’office du magistère, mais il se consolait en remarquant que cet office était pleinement conservé dans le Pontificat Romain. Cette remarque était fausse, elle l’est encore. Aujourd’hui le magistère des évêques a cessé et celui du pape aussi. Aujourd’hui, le magistère est exercé par des théologiens qui ont désormais marqué toutes les opinions du peuple chrétien et disqualifié le dogme de la foi. J’en ai eu une démonstration impressionnante en écoutant hier soir le théologien de Radio Maria. Il niait, sans crainte et tout à fait tranquillement, des articles de foi. Il enseignait […] que les païens, à qui l’Évangile n’est pas annoncé, parviennent à la vision béatifique s’ils suivent les lois de la justice naturelle et s’ils s’appliquent à chercher Dieu avec sincérité. Cette doctrine des modernes est très ancienne dans l’Église mais elle a toujours été condamnée comme étant une erreur. Mais les théologiens de jadis, tout en maintenant le dogme de foi, sentaient toutes les difficultés que rencontre le dogme et ils s’efforçaient de les vaincre grâce à des réflexions profondes. Les théologiens modernes, au contraire, ne perçoivent pas les difficultés intrinsèques du dogme, mais ils courent tout droit à la ‘lectio facilior’ et mettent au grenier tous les décrets doctrinaux du magistère. Et ils ne se rendent pas compte que, ce faisant, ils nient la valeur du baptême et tout l’ordre surnaturel, c’est-à-dire toute notre religion. Le refus du magistère est également répandu dans d’autres domaines. L’enfer, l’immortalité de l’âme, la résurrection de la chair, l’immutabilité de Dieu, l’historicité du Christ, le fait que la sodomie soit une faute, le caractère sacré et indissoluble du mariage, la loi naturelle, la primauté du divin, sont autant de sujets dans lesquels le magistère des théologiens a éliminé celui de l’Église. Cette arrogance des théologiens est le phénomène le plus manifeste de l’autodestruction ».

*

De cette analyse fortement critique qu’il appliquait aussi au concile Vatican II, Amerio tirait ce qu’Enrico Maria Radaelli, son fidèle disciple et le responsable de la publication des œuvres du maître, appelle le « grand dilemme qui se trouve au fond du christianisme d’aujourd’hui ».

Ce dilemme est de savoir si, entre le magistère de l’Église avant Vatican II et celui d’après le concile, il y a continuité ou rupture.

S’il y a eu rupture et si celle-ci est telle qu’il y ait « perte de la vérité », alors l’Église est perdue elle aussi.

Amerio n’en est jamais arrivé à affirmer l’existence d’un tel résultat. Il a toujours été un fils obéissant de l’Église. Mais ce n’est pas tout. De par sa foi, il savait que, malgré tout, l’Église ne peut pas perdre la vérité et donc se perdre elle-même, parce qu’elle est aidée de manière indéfectible « par deux grands serments de Notre Seigneur : ‘Les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle’ (Matthieu 16, 18) et ‘Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des siècles’ (Matthieu 28, 20) ».

Mais Amerio était convaincu – et Radaelli l’explique bien dans son ample postface à « Zibaldone » – que cette protection que le Christ assure à son Église ne vaut que pour les définitions dogmatiques « ex cathedra » du magistère, pas pour les enseignements incertains, fluctuants, discutables, « pastoraux », du concile Vatican II et des décennies suivantes.

En effet Amerio et Radaelli voient précisément la cause de la crise de l’Église conciliaire et postconciliaire – une crise qui a amené celle-ci tout près de sa perdition « impossible mais presque réalisée » – dans le fait d’avoir voulu renoncer à un magistère impératif, à des définitions dogmatiques « non équivoques dans le langage, certaines dans le contenu, contraignantes dans la forme, comme on s’attend à ce que soient au moins les enseignements d’un concile ».

La conséquence, selon Amerio et Radaelli, est que le concile Vatican II est plein d’assertions vagues, équivoques, interprétables de différentes manières ; certaines sont même en nette opposition avec le précédent magistère de l’Église.

Et ce langage pastoral ambigu aurait ouvert la voie à une Église aujourd’hui « parcourue de mille doctrines et de cent mille très mauvaises coutumes ». Y compris dans l’art, dans la musique, dans la liturgie.

Que faire pour remédier à cette faillite ? La proposition de Radaelli va au-delà de celle qui a été récemment faite – à partir de jugements critiques tout aussi durs – par un autre défenseur estimé de la tradition catholique, le théologien thomiste Brunero Gherardini, 85 ans, chanoine de la basilique Saint-Pierre, professeur émérite de l’Université Pontificale du Latran et directeur de la revue « Divinitas ».

*

Mgr Gherardini a présenté sa proposition dans un livre paru à Rome l’an dernier sous le titre: « Concile Œcuménique Vatican II. Un débat à ouvrir ».

Le livre s’achève sur une « Supplique au Saint Père ». À qui il est demandé de soumettre à un nouvel examen les documents du concile, pour décider clairement, une fois pour toutes, « si, en quel sens et jusqu’à quel point » Vatican II est ou non en continuité avec le précédent magistère de l’Église.

Le livre de Gherardini est introduit par deux préfaces : l’une d’Albert Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo et ancien secrétaire de la congrégation vaticane pour le culte divin, et l’autre de Mario Olivieri, évêque de Savone. Ce dernier écrit qu’il s’unit « toto corde » à la supplique au Saint Père.

Et bien, dans sa postface au « Zibaldone » de Romano Amerio, le professeur Radaelli accueille la proposition de Mgr Gherardini, mais « seulement comme un premier pas utile pour débarrasser la cour de nombreux, de trop nombreux malentendus ».

En effet, selon Radaelli, clarifier le sens des documents conciliaires ne suffit pas, si cette clarification est ensuite offerte à l’Église avec le même style inefficace d’enseignement « pastoral » qui est entré en usage avec le concile, style qui propose au lieu d’imposer.

Si l’abandon du principe d’autorité et le « discussionisme » sont la maladie de l’Église conciliaire et postconciliaire, il est nécessaire d’agir en sens inverse pour en sortir, écrit Radaelli. La plus haute hiérarchie de l’Église doit clore la discussion par une déclaration dogmatique « ex cathedra », infaillible et contraignante. Elle doit frapper d’anathème ceux qui n’obéissent pas et bénir ceux qui obéissent.

Et Radaelli, qu’espère-t-il voir décrété par la chaire suprême de l’Église ? Comme Amerio, il est convaincu que, dans trois cas au moins, il y a eu « une rupture abyssale de continuité » entre Vatican II et le magistère précédent : là où le concile affirme que l’Église du Christ « subsiste dans » l’Église catholique au lieu de dire qu’elle « est » l’Église catholique ; là où il affirme que « les chrétiens adorent le même Dieu que les juifs et les musulmans » ; et dans la déclaration « Dignitatis Humanae » sur la liberté religieuse.

*

Gherardini et Amerio-Radaelli considèrent tous les deux Benoît XVI comme un pape ami. Mais il est exclu qu’il réponde à leurs souhaits.

Au contraire, que ce soit globalement ou sur quelques points controversés, le pape Joseph Ratzinger a déjà fait comprendre qu’il ne partageait pas du tout leurs prises de position.

Par exemple, pendant l’été 2007, la congrégation pour la doctrine de la foi s’est exprimée à propos de la continuité de signification entre les expressions « est » et « subsiste dans la » en affirmant que « le concile œcuménique Vatican II n’a pas voulu changer – et en fait il n’a pas changé – la précédente doctrine relative à l’Église, mais il a seulement voulu la développer, l’approfondir et l’exposer plus complètement ».

Quant à la déclaration « Dignitatis Humanae » sur la liberté religieuse, Benoît XVI en personne a expliqué que si elle s’est éloignée de précédentes indications « contingentes » du magistère, elle l’a fait justement pour « reprendre de nouveau le patrimoine le plus profond de l’Église ».

Le discours dans lequel Benoît XVI a défendu l’orthodoxie de « Dignitatis Humanae » est celui qu’il a adressé à la curie vaticane peu avant le premier Noël de son pontificat, le 22 décembre 2005, justement pour affirmer que, entre le concile Vatican II et le précédent magistère de l’Église, il n’y a pas rupture mais « réforme dans la continuité ».

Jusqu’à présent le pape Benoît XVI n’a pas convaincu les lefebvristes qui, précisément sur ce point crucial, restent en état de schisme. (NDLR: On n’est pas obligé de partager cette affirmation… »En état de schisme »…mais alors que fait-il de la levée de l’excommunication de quatre évêques)

Mais il n’a pas non plus convaincu – d’après ce qu’écrivent Radaelli et Gherardini – certains de ses enfants « très obéissants dans le Christ ».

***

Le livre d’Amerio ► Romano Amerio, « Zibaldone », sous la direction d’Enrico Maria Radaelli, Éditions Lindau, Turin, 2010, 624 pages, 32,00 euros.

Et celui de Gherardini ► Brunero Gherardini, « Concilio Ecumenico Vaticano II. Un discorso da fare », Casa Mariana Editrice, Frigento, 2009, 264 pages.

Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.

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