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Quand Benoit XVI promeut le latin…Ce n’est pas nouveau!

publié dans regards sur le monde le 7 septembre 2012


 

Quand Benoit XVI promeut le latin

 

 

Un motu proprio imminent va instituer la «Pontificia Academia Latinitatis»
Article de Andrea Tornielli (1er/9/2012)

 

L’attachement du saint-Père au latin n’est pas un secret.

Dans le livre « Mon Concile », il écrivait:

«Toutes les raisons que l’on produit en faveur d’un latin intangible – langue liturgique, certes, mais langue morte aussi – doivent s’incliner devant l’argumentation claire, univoque et précise de l’Apôtre… La langue latine est morte, mais l’Église, elle, est vivante. Si bien que la langue, vecteur de la grâce et de l’Esprit Saint, doit être une langue vivante, car elle est faite pour les hommes et pas pour les anges.»

Et dans son salut final, au terme de l’Angélus du premier dimanche de Carême 2011, le Saint-Père a voulu rappeler à ceux qui s’opposent au latin, y compris à la Curie, son amour pour cette langue.

En effet, aux étudiants et étudiantes du Lycée chrétien de Veenendaal (province d’Utrecht, aux Pays-Bas), venus avec leurs professeurs, le Pape a déclaré: « Valde laetamur eos Romam advenisse, ut in proposito linguae Latinae colendae confirmarentur. His namque sermo multum conferre potest tum ad antiquiora altius vestiganda, tum ad recentiora acrius ponderanda » (Je suis heureux que vous soyiez venus à Rome pour confirmer votre intention de cultiver la langue latine. En effet, cette langue peut beaucoup contribuer, à la fois à l’étude approndie de l’antiquité, et aussi à l’approfondissement de l’histoire plus récente).
(www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/angelus/2011..)

Rappelons par ailleurs que le portail du saint-Siège possède une section en latin (http://www.vatican.va/latin/latin_index.html )

Ainsi, le Pape veut promouvoir le latin

.

(A)Donnons tout d’abord l’article d’Andrea Tornielli. Nous le ferons suivre (B) de considérations  sur le latin  en approfondissant  la pensée de Benoit XVI.

 

A-  Benoît XVI publiera un motu proprio pour instituer la «Pontificia Academia Latinitatis».
Andrea Tornielli, 31/8/2012
http://vaticaninsider.lastampa.it
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«Foveatur lingua latina». Papa Ratzinger veut développer la connaissance de la langue de Cicéron, Augustin et Érasme de Rotterdam, dans l’Église, mais aussi la société civile et l’école et il s’apprête à publier un motu proprio qui institue la nouvelle «Pontificia Academia Latinitatis». Jusqu’à présent, de l’autre côté du Tibre, c’était une fondation, «Latinitas», restée sous l’égide de la Secrétairerie d’État et désormais vouée à disparaître, qui s’occupait de maintenir en vie l’antique idiome: en plus de publier la revue du même nom, et d’organiser le concours international «Certamen Vaticanum» de poésie et de prose latine, dans les années passées, elle travaillait à traduire les mots modernes en latin.

L’institution imminente de la nouvelle académie pontificale qui s’ajoute aux onze existantes – parmi lesquelles il y a les plus sensibles, celles dédiées à la science et à la vie – est confirmée dans une lettre que le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la Culture, a envoyée à don Romano Nicolini, un prêtre de Rimini, grand défenseur du retour du latin au collège. Ravasi a rappelé que l’initiative de l’Académie est «voulue par le Saint-Père» et est parrainée par le dicastère de la culture du Vatican; en feront partie «d’éminents savants de différentes nationalités, dans le but de promouvoir l’utilisation et la connaissance de la langue latine à la fois dans le milieu ecclésial et le milieu civil, et donc scolaire». Une façon de répondre, conclut le cardinal dans la lettre, «à de nombreuses demandes qui nous parviennent de différentes parties du monde.»

Cinquante ans se sont écoulés depuis Jean XXIII, à la veille du Concile, promulgua la Constitution Apostolique «Veterum sapientia» pour définir le latin comme langue immuable de l’Eglise et en réaffirmer l’importance, demandant aux écoles et universités catholiques de le restaurer au cas où il aurait été abandonné ou réduit. Vatican II décidera de maintenir certaines parties de la messe en latin, mais la réforme liturgique post-conciliaire devait en abolir toute trace dans l’usage courant. Ainsi, alors qu’un demi-siècle plus tôt, des prélats de toutes les parties du monde avaient pu se comprendre mutuellement en parlant la langue de César et que les fidèles maintenaient un contact hebdomadaire avec elle, aujourd’hui, dans l’Eglise, le latin ne jouit plus d’une bonne santé. Et ce sont d’autres milieux, laïcs, qui sont motivés pour en faire la promotion.

De l’autre côté du Tibre, des spécialistes continuent à travailler, proposant des néologismes pour traduire les encycliques papales et les documents officiels. Un travail pas très facile a été de traduire en latin la dernière encyclique de Benoît XVI, «Caritas in veritate» (Juillet 2009), dédiée aux urgences sociales et à la crise économique et financière. Certains choix des latinistes du Saint-Siège ont été critiqués par «La Civiltà Cattolica», l’influent magazine jésuite, qui s’est penché sur le choix discutable des termes «delocalizatio», «anticonceptio» et «sterilizatio», approuvant en revanche les choix de «plenior libertas» pour libéralisation, et «fanaticus furor» pour fanatisme. Parmi les curiosités, le terme «fontes alterius generis» pour traduire «sources alternatives d’énergie» et «fontes energiae qui non renovantur» pour ressources énergétiques non renouvelables.

L’initiative du Pape d’instituer une nouvelle Académie Pontificale est un signal important, d’attention renouvelée. «Le latin éduque à avoir de l’estime pour les belles choses – explique don Nicolini, qui a diffusé en milieu scolaire dix mille exemplaires d’une brochure gratuite d’introduction à la langue latine et est en train de répandre l’appel pour la faire revenir parmi les matières du cursus scolaire – et nous apprend aussi à donner de l’importance à nos racines».

Parmi ceux qui travaillent à renouveler le lexique latin pour pouvoir communiquer dans la langue de Cicéron, il y a aussi don Roberto Spataro, 47 ans, professeur de littérature chrétienne antique et secrétaire du Pontificium Institutum Altioris latinitatis, voulu par Paul VI auprès de l’actuelle Université pontificale salésienne de Rome. «Comment traduire « corbeau »? Je m’attendais à cette question … Eh bien, je dirais: “Domesticus delator” o “Intestinus proditor”», répond le prêtre. Et il explique comment sont formés les néologismes latins: «Il ya deux écoles de pensée. La première, qu’on pourrait appeler anglo-saxonne, considère qu’avant de créer un néologisme pour traduire les mots modernes, il faut passer au crible tout ce qui a été écrit en latin au cours des siècles, pas seulement en latin classique. L’autre école, que, par commodité nous appellerons latine, croit que l’on peut être plus libre en créant une périphrase qui rend bien l’idée et le sens du mot moderne, tout en conservant la saveur du latin classique, de Cicéron ».

Spataro appartient à la seconde école et invite « à feuilleter la dernière édition du “Lexicon recentis latinitatis”, édité par don Cleto Pavanetto, excellent latiniste salésien et publié en 2003, avec pas moins de 15.000 vocables modernes traduits en latin». Par exemple, photocopie se traduit par “exemplar luce expressum”, billet de banque devient “charta nummária”, basket-ball “follis canistrique ludus”, best seller “liber máxime divénditus”, blue-jeans “bracae línteae caerúleae”, et but (au football) “retis violátio”. Les mini jupes deviennent “brevíssimae bracae femíneae”, la TVA est traduit par “fiscale prétii additamentum”, parachute devient “umbrella descensória”.
Dans le lexique manquent toutefois les références à l’Internet. «En effet, il n’y en a pas – explique don Spataro – mais au cours des neuf dernières années, parmi ceux qui écrivent et parlent en latin, de nouvelles expressions ont été forgées. Ainsi, l’Internet est “inter rete”, et l’adresse email “inscriptio cursus electronici”».

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B- Donnons quelques compléments sur ce sujet si important. Nous verrons, au passage, quels furent et quels sont les vrais obéissants à la pensée romaine… L’Histoire aura, un  jour,  beaucoup de choses à corriger….au temps où l’on pourra dire le vrai sans craindre les anathèmes.

Puisque l’occasion m’ en est donnée avec cette annonce très heureuse de la Création d’une académie de latinité,  parlons du latin, du latin dans la liturgie en l’Eglise occidentale et de sa disparition..

Cette disparition du latin dans la liturgie romaine, à l’issue du Concile Vatican II, est une des manifestations,  avec ce que Jean Madiran a appelé « le processus de la communion dans la main » et  la célébration de la messe face au peuple, de la subversion qui a agité  l’Eglise après le Concile Vatican II

En, effet trois traits caractérisent cette période conciliaire et post-conciliaire en matière liturgique :

C’est une période de désordre et de subversion : « Un vent de désordre et de subversion » a soufflé dans l’Eglise et tout particulièrement sur le plus beau de ses biens : la messe et la langue liturgie, le latin »

C’est une période de mépris systématique de la loi : « Un encouragement au mépris systématique pour la législation existante, même récente »,

– En conséquence,  c’est une période de vacance de la loi laissant la porte ouverte à tout abus de pouvoir: « l’établissement de facto d’une sorte de vacance de la légalité de plus en plus étendue laissant la porte ouverte à tout abus de pouvoir, à toute subversion.

Oui! La disparition du latin liturgique en est une des preuve évidentes. 

Nous nous sommes dressés contre…

Je reprends ici les éléments qu cours que je donne aux séminaristes de l’IBP en année de spiritualité:

« Ainsi avant même la publication du NOM, ce vent de désordre et de subversion systématique, curieusement mené « au nom de Concile » soufflait dans l’Eglise surtout au sujet du latin.
Nous allons en faire l’histoire.

§-1 Le Latin et la Constitution sur la liturgie.

L’article 36 de la Constitution règle la question du latin dans ses trois premiers paragraphes :

§1 : « L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé (1) dans les rites latins ».

§2 : « Toutefois, soit dans la messe, soit dans l’administration des sacrements, soit dans les autres parties de la liturgie, l’emploi de la langue du pays peut être souvent très utile pour le peuple : on pourra donc lui accorder une plus large place, surtout dans les lectures et les monitions, dans un certain nombre de prières et de chants, conformément aux normes qui sont établies sur cette matière dans les chapitres suivants, pour chaque cas ».

§3 « Ces normes étant observées il revient à l’autorité ecclésiastique qui a compétence sur le territoire, mentionnée à l’article 22, § 2 (même, le cas échéant, après avoir délibéré avec les évêques des régions limitrophes de même langue), de statuer si on emploie la langue du pays et de quelle façon, en faisant agréer, c’est-à-dire ratifier, ses actes par le Siège apostolique.
§ 4 : « La traduction du texte latin dans la langue du pays, à employer dans la liturgie, doit être approuvée par l’autorité ecclésiastique ayant compétence sur le territoire, dont il est question ci-dessus ».
Il est difficile de marquer plus clairement le rapport hiérarchique et concret qui est fixé entre le latin et les langues vernaculaires. Le latin est la langue normale, la langue principale, la langue de base, et il est accordé aux langues vernaculaires une place éventuellement plus large que celle qu’elles occupaient avant le Concile. Tous les mots des trois paragraphes le disent positivement. Ils le disent aussi en quelque manière négativement, car il est bien évident que si le Concile avait voulu donner la priorité aux langues vernaculaires, la construction du texte aurait été inverse. Nous aurions lu quelque chose comme ceci : « l’usage des langues vernaculaires sera introduit dans le rite latin…. », et les exceptions ou les réserves au bénéfice de la langue latine eussent ensuite été énumérées.

Tous les autres passages de la Constituions où il est question du latin assignent cette première place notamment les articles 39, 54, 63, 101

Lisons l’article 54 : « Usage de la langue du pays »
« On pourra donner la place qui convient à la langue du pays dans les messes célébrées avec concours de peuple, surtout pour les lectures et la « prière commune », et, selon les conditions locales, aussi dans les parties qui reviennent au peuple, conformément à l’article 36 de la présente Constitution.
On veillera cependant à ce que les fidèles puissent dire ou chanter ensemble en langue latine aussi les parties de l’ordinaire de la messe qui leur reviennent.
Mais si quelque part un emploi plus large de la langue du pays dans la messe semble opportun, on observera ce qui est prescrit à l’article 40 de la présente Constitution. »
C’est bien clair. La pensée du Concile sur l’usage du latin n’est nullement ambiguë.
Or que constatons-nous ?

Morceau par morceau, le latin a déserté la messe, au point que c’est le vernaculaire qui est devenu la langue de fond et que, si les choses continuaient et si la Tradition n’avait pas réagi le latin ne subsisterait même plus dans la liturgie. En quelques années la Constitution conciliaire eut été anéantie.

Le Concile, en maintenant le latin comme langue de base dans la liturgie, avait clairement manifesté sa volonté d’éviter toute cassure avec la tradition. Le vernaculaire se voyait offrir des chances nouvelles, mais sans risque d’excessives aventures.

C’est le témoignage formel du cardinal Stickler. (Cf : témoignage d’un expert au Concile p.38).

Voyons sa pensée exprimée dans ce petit livre, résumé de ses interventions publiques en matière liturgique.

§-2 : La pensée du Cardinal Stickler

Le latin, comme langue liturgique

Le Cardinal exprime sur ce sujet – du latin comme langue liturgique – son étonnement. Il ne comprend pas comment, après ce que demandèrent les Pères conciliaires sur ce point, on en soit arrivé à la suppression générale et au triomphe des langues vernaculaires.

Ce passage de la conférence est fort intéressant. Quand je le découvris pour la première fois, j’étais moi-même dans l’étonnement… admiratif.

Il faut le citer aussi dans son intégralité. Il donne un témoignage historique, puis l’enseignement magistériel, enfin les arguments théologiques.

Notre Cardinal fut vraiment – durant le Concile – au coeur du problème.

a- Et tout d’abord, son témoignage personnel:

« A ce stade, il convient de mentionner une disposition du Concile qui a été non seulement mal comprise mais, plus encore, complètement répudiée: la langue cultuelle. Je me permettrai ici, une fois encore, d’étayer mon argument par un souvenir personnel. En qualité d’expert de la Commission pour les séminaires, on m’avait confié le rapport sur la langue latine. Il fut clair et bref et, après mûre discussion, rédigé sous une forme qui correspondait aux souhaits de tous les membres avant d’être soumis à l’aula conciliaire. C’est alors que, sans que l’on s ÿ attendît, le Pape Jean XXIII signa en toute solennité, à l’autel de Saint-Pierre, la lettre apostolique « Vetera, Sapientia », ce qui, de l’avis de la Commission, rendait superflue la déclaration conciliaire sur le latin dans l’Église: cette lettre présentait non seulement le rapport entre la langue latine et la liturgie mais encore toutes les autres fonctions de cette langue dans la vie de l’Église. Lorsque, plusieurs jours durant, la question de la langue du culte fut discutée dans l’aula conciliaire, je suivis avec beaucoup d’attention tout ce débat, ainsi d’ailleurs que la discussion, jusqu’au vote final, des différentes formulations incluses dans la Constitution sur la Sainte Liturgie. Je me rappelle très bien que, à la suite de quelques propositions radicales, un évêque sicilien se leva et adjura les Pères de procéder, sur cette question, avec prudence et intelligence car, sinon, le risque était que la Messe fût dite dans sa totalité en langue vernaculaire, ce qui fit bruyamment éclater de rire toute l’aula conciliaire. Et c’est pourquoi je n’ai jamais compris comment, dans ses Mémoires publiés en 1983, Mgr Bugnini, à propos du passage radical et complet du latin obligatoire à la langue vernaculaire comme langue cultuelle exclusive, ait pu écrire que le concile avait pratiquement dit que la langue vernaculaire était, dans toute la Messe, une nécessité pastorale (op. cit. pp. 108-121 dans l’édition italienne originale). «À l’encontre de cela, je puis témoigner que les formulations de la Constitution conciliaire sur ce point, tant dans sa partie générale (Art. 36) que dans les dispositions particulières relatives au Sacrifice de la Messe (Art. 54) ont été approuvées quasiment à l’unanimité dans les discussions des Pères conciliaires et surtout lors du vote final : 2152 oui et 4 non ».

b- Ensuite l’enseignement magistériel sur le latin :

« Au cours des recherches que j’ai effectuées pour préparer le rapport sur la tradition sur lequel devait s’appuyer ce décret conciliaire sur la langue latine, j’ai constaté que toute la Tradition était absolument unanime sur ce point, jusqu’au Pape Jean XXIII : elle s’est toujours prononcée clairement contre toutes les tentatives antérieures visant à renverser cet ordre des choses. Je pense ici en particulier à la décision du Concile de Trente, sanctionnée d’un anathème, contre Luther et le Protestantisme, à Pie VI contre l’Évêque Ricci et le Synode de Pistoia, et à Pie XI qui, à propos de la langue cultuelle de l’Église, a prononcé un clair « non vulgaris » ».

Là, le Cardinal ne fait que citer mais ses citations sont parfaitement fondées ! Jugez en effet.

Le Concile de Trente enseigne bien dans son canon 9 dans sa 22e session : « Si quelqu’un dit… que la Messe ne doit n’être célébrée qu’en langue vernaculaire… qu’il soit anathème ». Et dans son chapitre doctrinal — au chapitre VIII de la même session — on lit: « Bien que la Messe contienne un riche enseignement pour le peuple fidèle, il n’a cependant pas paru bon aux Pères qu’elle soit célébrée indistinctement en langue vulgaire ».

Toutefois, ordre était donné aux pasteurs d’âmes de donner régulièrement des instructions pour expliquer le sens des belles pièces du Missel romain.

Quant au Pape Pie VI invoqué par le Cardinal, on peut, de fait, citer entre autres, la proposition 66: « La proposition qui affirme qu’il est contraire à la pratique apostolique et aux conseils de Dieu, de ne pas préparer au peuple des voies plus faciles pour joindre sa voix à la voix de toute l’Église, si elle est entendue en ce sens qu’il faut introduire l’usage de la langue vulgaire dans les prières liturgiques, est fausse, téméraire, perturbe l’ordre présent pour la célébration des mystères, produit facilement de nombreux maux ».

Voici qui est bien dit. Voilà la vraie tradition catholique que Mgr Bugnini et son personnel devaient défendre et respecter, et qu’ils n’ont pas défendue, ni respectée. Vraiment, le Cardinal prouve bien son jugement : « L’Ordo Missae — celui issu du Concile Vatican II — est radicalement nouveau », ne respectant pas la tradition catholique.

c- Enfin les arguments développés par le Cardinal pour le maintien du latin comme langue liturgique

« Il faut bien voir que la raison n’en est pas uniquement d’ordre cultuel, même si cet aspect est toujours mis en avant. C’est aussi une question de révérence, de crainte respectueuse : comme le voile recouvre les vases sacrés, le latin sert de protection contre la profanation — à la manière de l’iconostase des Églises orientales derrière laquelle s’accomplit l’anaphore — et aussi contre le danger de vulgariser, en utilisant la langue vernaculaire, toute l’action liée au mystère, ce qui se produit effectivement souvent de nos jours. Mais cela tient aussi à la précision du latin, qui sert comme nulle autre langue la doctrine dogmatiquement claire ; au danger d’obscurcir ou de fausser la vérité dans les traductions, ce qui d’ailleurs pourrait aussi porter gravement préjudice à l’élément pastoral, si important ; et aussi à l’unité qui est ainsi manifestée et renforcée dans toute l’Église ».

« Toujours du point de vue pastoral, l’abandon du latin comme langue liturgique, à l’encontre de la volonté expresse du Concile, engendre une deuxième source d’erreurs, plus graves encore : je veux parler de la fonction de langue universelle qu’assume le latin, qui unit toute l’Église, justement, dans le culte public, sans déprécier aucune langue vernaculaire vivante. Et précisément à notre époque où le concept d’Église qu’on voit se développer met l’accent sur l’ensemble du peuple de Dieu considéré comme Corps mystique du Christ, aspect d’ailleurs toujours souligné dans la réforme, il se fait que, par l’introduction de l’usage exclusif des langues vernaculaires, et même de dialectes, l’unité de l’Église universelle est remplacée par une diversité d’innombrables chapelles populaires, jusqu’au niveau des communautés villageoises et églises paroissiales, qui sont séparées les unes des autres par une véritable différence de tension naturelle qui, entre elles, est et ne peut qu’être insurmontable. D’un point de vue pastoral, comment alors un Catholique peut-il retrouver sa Messe dans le monde entier, et comment peut-on abolir les différences entre races et peuples dans un culte commun, grâce à une langue liturgique sacrée commune, ainsi que l’a expressément souhaité le Concile, alors qu’il y a tant d’occasions, dans un monde devenu si petit, de prier ensemble ? Dans quelle mesure alors chaque prêtre a-t-il la possibilité pastorale d’exercer le sacerdoce suprême de la Sainte Messe n’importe où, surtout dans ce monde où les prêtres sont devenus si rares ? ».

Le Concile ne décrète pas l’élimination totale du latin. Il décrète exactement le contraire :
« l’usage de la langue latine, sauf cas particulier, sera observé dans les rites latins » (art 36)
Seulement s’il y a eu le Concile, il y a eu aussi l’après Concile ; il y a eu, il y a cette mentalité post-conciliaire, dénoncée par Paul VI – n’a-t-il pas parlé d’autodestruction de l’Eglise – de fumée de Satan dans l’Eglise – et Benoît XVI – souvenez-vous de sa conférence du 22 décembre 2005 – et qui consiste à porter partout la subversion. Les novateurs veulent la substitution complète du français au latin, non pas seulement et non pas tant parce que les cérémonies religieuses seraient ainsi plus intelligibles, mais parce qu’il s’agit d’affirmer clairement et visiblement qu’on en a fini avec le passé et la tradition, qu’on marche avec son temps et sa modernité et qu’on s’oriente vers l’avenir.

Cette attaque contre le latin, comme langue sacrée, comme langue du culte est une caractéristique de l’hérésie anti-liturgique si bien décrite par Dom Guéranger dans ses « Institutions Liturgique (T I p 419).

§-3 Dom Guéranger et le latin

C’est très Important. C’est la huitième proposition :

« 8- La réforme liturgique ayant pour une de ses fins principales l’abolition des actes et des formules mystiques, il s’ensuit nécessairement que ses auteurs devaient revendiquer l’usage de la langue vulgaire dans le service divin. Aussi est-ce là un des points les plus importants aux yeux des sectaires. Le culte n’est pas une chose secrète, disent-ils ; il faut que le peuple entende ce qu’il chante. La haine de la langue latine est innée au coeur de tous les ennemis de Rome ; ils voient en elle le lien des Catholiques dans l’univers, l’arsenal de l’orthodoxie contre toutes les subtilités de l’esprit de secte, l’arme la plus puissante de la Papauté. L’esprit de révolte qui les pousse à confier à l’idiome de chaque peuple, de chaque province, de chaque siècle, la prière universelle, a, du reste, produit ses fruits, et les Réformés sont à même tous les jours de s’apercevoir que les peuples catholiques, en dépit de leur prières latines, goûtent mieux et accomplissent avec plus de zèle les devoirs du culte que les peuples Protestants. A chaque heure du jour, le service divin a lieu dans les Eglises Catholiques ; le fidèle qui y assiste laisse sa langue maternelle sur le seuil ; hors les heures de la prédication, il n’entend que des accents mystérieux qui même cessent de retentir dans le moment le plus solennel, au Canon de la Messe ; et cependant ce mystère le charme tellement qu’il n’envie pas le sort du Protestant dont l’oreille n’entend jamais que des sons dont elle perçoit la signification. Tandis que le Temple Réformé réunit, à grand peine, une fois la semaine, les Chrétiens puristes, l’Eglise Papiste voit sans cesse ses nombreux autels assiégés par ses religieux enfants, qui s’arrachent à leurs travaux pour venir entendre ces paroles mystérieuses qui doivent être de Dieu, car elles nourrissent la foi et charment les douleurs. Avouons le, c’est un coup de maître du Protestantisme d’avoir déclaré la guerre à la langue sainte ; s’il pouvait réussir à la détruire, son triomphe serait bien avancé. Offertes aux regards profanes, comme une vierge déshonorée, la Liturgie, dès ce moment, a perdu son caractère sacré, et le peuple trouvera bientôt que ce n’est pas trop la peine qu’il se dérange de ses travaux ou des ses plaisirs pour aller entendre comme on parle sur la place publique. Otez à l’Eglise Française ses déclamations radicales et ses diatribes contre la prétendue vénalité du clergé, et allez voir si le peuple ira longtemps écouter le soi-disant Primat des Gaules crier : « Le Seigneur est avec vous » ; et d’autres lui répondre ; « Et avec votre esprit ».Nous traiterons ailleurs, d’une manière spéciale, de la langue liturgique ».

Résumons la pensée de Dom Guéranger :
-les ennemis de Rome ont la haine du latin ;
-le latin est au principe de l’unité des catholiques ;
-le latin est l’arsenal de l’orthodoxie ;
-le latin n’éloigne pas les fidèles du devoir de rendre leur culte à Dieu. Les églises catholiques restent pleines, celles des Réformés se vident de plus en plus ;
-le latin par son caractère sacré permet de garder le sens du mystère nécessaire à la foi du peuple..

§-4 Mgr Lefebvre et le latin liturgique :

Mgr Lefebvre dans son « Itinéraire spirituelle » n’a pas de mot assez fort pour fustiger ce refus de la Romanité, de la langue latin dans le culte divin : C’est sa 3ème notes complémentaires. Elle a pour titre

3- Le choix providentiel de Rome, comme Siège de Pierre et les bienfaits de ce choix pour la croissance du Corps mystique de NSJC

« Je crois devoir ajouter quelques lignes pour attirer l’attention de nos prêtres et de nos séminaristes sur le fait incontestable des influences romaines sur notre spiritualité, sur notre liturgie, et même sur notre théologie

On ne peut nier que ce soit là un fait providentiel : Dieu qui conduit toutes choses, a dans sa sagesse infinie préparé Rome a devenir le siège de Pierre et le centre du rayonnement de l’Evangile. D’où l’adage « Unde Christo e Romano ».

Dom Guéranger dans son « Histoire de sainte Cécile » montre la grande part qu’ont pris les membres des grandes familles romaines dans la fondation de l’Eglise, donnant leurs biens et leur sang pour la victoire et le règne de Jésus-Christ. Notre liturgie romaine en est le témoin fidèle.

La Romanité n’est pas un vain mot. La langue latine en est un exemple important. Elle a porté l’expression de la foi et du culte catholique jusqu’aux confins du monde. Et les peuples convertis étaient fiers de chanter leur foi dans cette langue, symbole réel de l’unité de la foi catholique.

Les schismes et les hérésies ont souvent commencé par une rupture avec la Romanité, rupture avec la liturgie romaine, avec le latin, avec la théologies des Pères et des théologiens latins et romains.

C’est cette force de la foi catholique enracinée dans la Romanité, que la Maçonnerie a voulu faire disparaître en occupant les Etats pontificaux et en enfermant la Rome catholique dans la Cité du Vatican. Cette occupation de Rome par les maçons a permis l’infiltration dans l’Eglise, du modernisme et la destruction de la Rome catholique par les clercs et les Papes modernistes qui s’empressent de détruire tout vestiges de « Romanité » : la langue latine, la liturgie romaine. Le pape slave est le plus acharné à changer le peu que gardait le Traité du Latran et le Concordat. Rome n’est plus ville sacrée. Il encourage l’implantation des fausses religions à Rome, y accomplit de scandaleuses réunions œcuméniques, pousse partout à l’inculturation de la liturgie, détruisant les derniers vestiges de la liturgie romaine. Il a modifié dans la pratique le statut de l’Etat du Vatican. Il a renoncé au couronnement, refusant ainsi d’être chef d’Etat. Cet acharnement contre la « Romanité » est un signe infaillible de rupture avec la foi catholique, qu’il ne défend plus.

Les Universités pontificales romaines sont devenues des chaires de pstilence moderniste. La mixité de la Grégorienne est un scandale perpétuel.
Tout est à restaurer in Christo Domino, à Rome comme ailleurs.

Aimons scruter comme les voies de la Providence et de la Sagesse divine passent par Rome et nous conclurons qu’on ne peut être catholique sans être romain. Cela s’applique aussi aux catholiques qui n’ont ni la langue latine ni la liturgie romaine ; s’ils demeurent catholiques, c’est parce qu’ils demeurent romains – comme les maronites par exemple, par les liens de la culture française catholique et romaine qui les a formés.

C’est d’ailleurs faire une erreur, à propos de la culture romaine, que de parler de culture occidentale. Les juifs catholiques ont apportés avec eux de l’Orient tout ce qui était chrétien, tout ce qui dans l’Ancien Testament était une préparation et allait être un apport au Christianisme, tout ce que NSJC a assumé et que l’Esprit Saint a inspiré aux Apôtres d’utiliser. Que de fois les épîtres de saint Paul nous enseignent à ce sujet !
Dieu a voulu que le Christianisme, coulé en quelque sorte dans le moule romain, en reçoive une vigueur et une expansion exceptionnelles. Tout est grâce dans le plan divin et Notre divin Sauveur a tout disposé, comme il est dit des Romains, « cum consillio et patientia » ou « suaviter et fortiter » !
A nous aussi de garder cette Tradition romaine voulue par NS, comme Il a voulu que nous ayons Marie pour Mère ». (Cf p. 90-92)

On peut donc conclure, de la pensée de Mgr Lefebvre, que, dans le domaine liturgique, c’est l’abandon du latin qui résume la défaite de Rome et le triomphe de la subversion moderniste.

§-5 Les raisons de l’abandon.

Mais pourquoi cet abandon ?

Pour des raisons simples qui tiennent au conditionnement.

Toute la presse a fait campagne pour le français. Où trouverait-on une population qui résiste à la presse unanime, sans parler de la radio et de la télévision ? Les arguments mis en avant étaient ceux qui convainquent les foules. On disait : c’est le progrès, il faut sortir du Moyen-âge. Qui voudrait être contre le progrès ? La nouveauté, le changement, la mode séduisent toujours. Qui voudraient faire partie des passéistes, des rétrogrades, des réactionnaires, des traditionalistes ? Mieux valait évidement être pour la réforme, la révolution, l’avenir, les lendemains qui chantent.

On disait aussi : c’est pour que votre religion soit intelligible, pour que vous la compreniez et qu’ainsi vous puissiez mieux participer aux cérémonies du culte. Comment refuser cet appel, flatteur, à l’intelligence ? Si nous sommes adultes, il va de soi que nous devons tutoyer Dieu et lui parler en quelque sorte d’égal à égal, en personnes libres et intelligentes capables de dialoguer au même niveau
On disait encore : le latin n’est connu que d’une minorité de privilégiés ; or l’Eglise est l’Eglise des pauvres, sa prière est pour tout le monde et non pour ceux qui ont eu la chance de faire des études supérieures. L’argument est irrésistible…

§-6 Jean XXIII et le latin.

Pourquoi donc y avait-il le latin ?

Faisons parler Jean XXIII qui nous l’a dit lui-même dans sa constitution « Veterum Sapientiae » signée sur l’autel du Bernin avec grande solennité le 22 février 1962. En voici le texte :
Constitution Apostolique du 22 février 1962
sur l’emploi de la langue latine
JEAN, ÉVÊQUE, SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU
POUR LA PERPÉTUELLE MÉMOIRE DE LA CHOSE
IOANNES EPISCOPUS SERVUS SERVORUM DEI
AD PERPETUAM REI MEMORIAM
La sagesse des Anciens, recueillie dans la littérature des Grecs et des Romains, ainsi que les illustres enseignements des peuples de l’Antiquité, peuvent être considérés comme une aurore annonciatrice de la vérité évangélique que le Fils de Dieu, arbitre et maître de la grâce et de la doctrine, lumière et guide de l’humanité [1], est venu apporter sur la terre. Les Pères et les docteurs de l’Église ont, en effet, vu dans ces importants monuments de la littérature de l’Antiquité une certaine préparation des âmes à recevoir les richesses surnaturelles que Jésus-Christ dans l’économie de la plénitude des temps [2] a communiquées aux hommes ; il apparaît ainsi manifestement qu’avec l’avènement du christianisme rien n’a péri de ce qu’il y avait de vrai, de juste, de noble et de beau dans ce que les siècles précédents avaient produit.
2.
C’est pourquoi la sainte Église a toujours eu une grande vénération pour ces monuments de sagesse, et particulièrement pour les langues grecque et latine, qui sont comme un manteau d’or de sa propre sagesse. Elle a aussi admis l’usage d’autres langues vénérables qui se sont épanouies en Orient et dont l’apport a été grand pour le progrès du genre humain et de la civilisation ; utilisées soit dans la liturgie, soit dans les versions de la Sainte Écriture, elles sont toujours en vigueur dans certaines régions, comme l’expression d’un antique usage qui n’a pas cessé de rester vivant.
3.
Au milieu de cette variété de langues, il y en a une qui surpasse les autres, celle qui, née dans le Latium, est devenue ensuite un admirable instrument pour la diffusion du christianisme en Occident. Ce n’est pas sans une disposition de la providence divine que cette langue, qui pendant de nombreux siècles avait réuni une vaste fédération de peuples sous l’autorité de l’Empire romain, est devenue la langue propre du Siège apostolique [3], et que, transmise à la postérité, elle a constitué un étroit lien d’unité entre les peuples chrétiens d’Europe.
Le latin en effet, de sa nature même, convient parfaitement pour promouvoir dans tous les peuples toutes les formes de culture. En effet, il ne suscite pas de jalousies, il est impartial envers toutes les nations, il n’est le privilège d’aucune, il est accepté par toutes tel un ami. De plus, il ne faut pas oublier que le latin est empreint d’une noblesse caractéristique ; il a un style concis, varié, harmonieux, plein de majesté et de dignité [4] qui incite d’une façon inimitable à la précision et à la gravité.
4.
C’est pour ces raisons que le Siège apostolique a toujours veillé jalousement à maintenir le latin, et qu’il a toujours estimé que ce splendide vêtement de la doctrine céleste et des saintes lois [5] était digne d’être utilisé dans l’exercice de son magistère, et devait également être utilisé par ses ministres. Les ecclésiastiques en effet, de quelque nationalité qu’ils soient, peuvent aisément, grâce au latin, prendre connaissance de ce qui vient du Saint-Siège, et communiquer avec celui-ci ou entre eux.
Cette langue est unie à la vie de l’Église, et sa connaissance, acquise par l’étude et l’usage, intéresse les humanités et la littérature, mais plus encore la religion [6], pour reprendre les termes de Notre prédécesseur d’immortelle mémoire, Pie XI, qui indiquait, en donnant des arguments à l’appui, trois qualités rendant cette langue particulièrement adaptée à la nature de l’Église : En effet, l’Église qui groupe en son sein toutes les nations, qui est destinée à vivre jusqu’à la consommation des siècles… a besoin de par sa nature même d’une langue universelle, définitivement fixée, qui ne soit pas une langue vulgaire [7].
5.
Puisqu’il est nécessaire que toute Église s’unisse [8] à l’Église romaine, et puisque les Souverains Pontifes ont un pouvoir vraiment épiscopal, ordinaire et immédiat sur toutes et chacune des Églises, sur tous et chacun des pasteurs et fidèles [9] de quelque rite, nationalité ou langue qu’ils soient, il semble éminemment convenable qu’il y ait un instrument de communication universel et uniforme, tout spécialement entre le Saint-Siège et les Églises de rite latin. C’est pourquoi tant les Pontifes romains, s’ils veulent transmettre un enseignement aux peuples catholiques, que les dicastères de la Curie romaine, s’ils ont à traiter une affaire, publier un décret intéressant tous les fidèles, utilisent toujours le latin, que d’innombrables nations écoutent comme la voix de leur mère.
La langue de l’Église doit non seulement être universelle, mais immuable. Si en effet les vérités de l’Église catholique étaient confiées à certaines ou à plusieurs des langues modernes changeantes dont aucune ne fait davantage autorité que les autres, il résulterait certainement d’une telle variété que le sens de ces vérités ne serait ni suffisamment clair ni suffisamment précis pour tout le monde : et de plus, aucune langue ne pourrait servir de règle commune et stable pour juger du sens des autres. Par contre, le latin, à l’abri depuis longtemps de l’évolution que l’usage quotidien introduit généralement dans le sens des mots, doit être considéré comme fixe et immuable ; les sens nouveaux qu’ont revêtus certains mots latins pour répondre aux besoins du développement, de l’explication et de la défense de la doctrine chrétienne, sont en effet depuis longtemps stabilisés.
7.
Enfin, l’Église catholique, parce que fondée par le Christ Seigneur, surpasse de loin en dignité toutes les sociétés humaines, et il est juste qu’elle utilise une langue non pas vulgaire, mais noble et majestueuse.
8.
Par ailleurs, le latin, qu’on peut à bon droit qualifier de langue catholique [10] parce que consacrée par l’usage ininterrompu qu’en a fait la chaire apostolique, mère et éducatrice de toutes les Églises, doit être considéré comme un trésor… d’un prix inestimable [11], et comme une porte qui permet à tous d’accéder directement aux vérités chrétiennes transmises depuis les temps anciens et aux documents de l’enseignement de l’Église [12] ; il est enfin un lien précieux qui relie excellemment l’Église d’aujourd’hui avec celle d’hier et avec celle de demain.
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9.
Il n’est personne qui puisse mettre en doute l’efficacité spéciale du latin ou de la culture humaniste pour le développement et la formation des tendres intelligences des adolescents. En effet, le latin cultive, mûrit, perfectionne les principales facultés intellectuelles et morales ; il aiguise l’intelligence et le jugement ; il rend l’esprit de l’enfant plus à même de bien comprendre toutes choses et de les estimer à leur juste valeur ; il apprend enfin à penser ou à s’exprimer avec méthode.
10.
Si l’on pèse bien tous ces mérites, on comprendra facilement pourquoi les Pontifes romains, si souvent et abondamment, ont non seulement exalté l’importance et l’excellence du latin, mais en ont prescrit l’étude et l’usage aux ministres sacrés de l’un et l’autre clergé et ont dénoncé clairement les dangers qui découleraient de son abandon.
Ces motifs très graves Nous incitent, Nous aussi, tout comme Nos prédécesseurs et des synodes provinciaux [13], à vouloir fermement Nous efforcer de promouvoir toujours davantage l’étude et l’usage de cette langue, rendue à sa dignité. De nos jours l’usage du latin est l’objet de controverses en de nombreux endroits, et en conséquence beaucoup demandent quelle est la pensée du Siège apostolique sur ce point ; c’est pourquoi Nous avons décidé de prendre des mesures opportunes, énoncées dans ce document solennel, pour que l’usage ancien et ininterrompu de la langue latine soit maintenu pleinement, et rétabli là où il est presque tombé en désuétude.
D’ailleurs Nous croyons avoir déjà exprimé avec suffisamment de clarté Notre pensée sur ce sujet lorsque Nous avons dit à d’illustres latinistes : Beaucoup, malheureusement, sont démesurément captivés par l’extraordinaire progrès des sciences et veulent rejeter ou réduire l’étude du latin et d’autres de ce genre… C’est précisément la pression de cette nécessité qui Nous fait penser qu’il faut suivre une voie inverse. Lorsque l’esprit se pénètre plus intensément de ces choses qui conviennent hautement à la nature humaine et à sa dignité, il n’en doit que davantage acquérir ce qui fait sa culture et son ornement, pour que les pauvres mortels ne deviennent pas semblables aux machines qu’ils fabriquent : froids, durs et sans amour [14].
11.
Après avoir bien examiné et pesé toutes ces choses, dans la sûre conscience de Notre charge et de Notre autorité, Nous décidons et ordonnons ce qui suit :
§1. Les évêques et les supérieurs généraux des ordres religieux veilleront à ce que dans leurs séminaires ou leurs écoles, où des jeunes gens se préparent au sacerdoce, tous aient à cœur d’obéir à la volonté du Saint-Siège sur ce point et observent scrupuleusement Nos prescriptions ici énoncées.
§2. Ils veilleront avec une paternelle sollicitude à ce qu’aucun de leurs subordonnés, par goût de la nouveauté, n’écrive contre l’usage de la langue latine, soit dans l’enseignement des sciences sacrées, soit dans la liturgie, ou bien, par préjugé, n’atténue la volonté du Siège apostolique sur ce point ou n’en altère le sens.
§3. Comme il est dit dans le Code de droit canon (can. 1364) ou dans les prescriptions de Nos prédécesseurs, les séminaristes, avant de commencer les études proprement ecclésiastiques, doivent apprendre le latin selon des méthodes appropriées pendant un temps suffisant, avec des maîtres bien capables, pour éviter aussi cet autre inconvénient de voir les élèves, quand ils passeront aux matières supérieures, incapables, par ignorance de cette langue, de pénétrer à fond le sens de la doctrine comme de prendre part aux discussions scolastiques où s’aiguise si harmonieusement l’esprit des jeunes gens en vue de la défense de la vérité [15]. Et Nous voulons que cela s’applique également à ceux qui ont été appelés au sacerdoce à l’âge mûr après avoir fait des études classiques insuffisantes ou sans en avoir fait du tout. Personne en effet ne sera admis à faire des études de philosophie ou de théologie s’il n’est pleinement et parfaitement formé dans cette langue et s’il n’en possède l’usage.
§4. Nous voulons que là où, pour se conformer aux programmes des écoles publiques, l’étude du latin a connu un certain recul au détriment de la vraie et solide formation, l’enseignement de cette langue retrouve intégralement la place traditionnelle qui lui revient ; car chacun doit être bien persuadé que là aussi il faut maintenir religieusement le caractère propre de la formation des séminaristes, en ce qui concerne non seulement le nombre et le genre des matières, mais le temps qui est consacré à leur enseignement. Si les circonstances de temps et de lieu exigent que d’autres matières soient ajoutées à celles qui sont habituelles, on devra alors soit prolonger le cours des études, soit enseigner ces disciplines d’une façon abrégée, soit en reporter l’étude à un autre moment.
§5. Les principales disciplines sacrées, comme cela a été prescrit à plusieurs reprises, doivent être enseignées en latin, langue qui est, comme nous le montre une expérience multiséculaire, très apte à expliquer avec beaucoup de facilité et de clarté la nature intime et profonde des choses [16] ; outre qu’elle a été enrichie depuis longtemps de termes propres et bien définis permettant de défendre l’intégrité de la foi catholique, elle est en effet aussi particulièrement propre à couper court au verbiage creux. Ceux qui enseignent ces disciplines dans les universités ou dans les séminaires sont en conséquence tenus de parler latin et d’utiliser des ouvrages d’enseignement écrits en latin. Ceux qui, à cause de leur ignorance du latin, ne peuvent pas appliquer ces prescriptions, seront progressivement remplacés par des professeurs qui en sont capables. Les difficultés qui peuvent surgir de la part soit des élèves soit des professeurs, devront être surmontées tant par la ferme résolution des évêques et des supérieurs que par la bonne volonté des maîtres.
§6. Le latin est la langue vivante de l’Église. Et afin de l’adapter aux nécessités linguistiques sans cesse croissantes, en l’enrichissant donc de nouveaux termes précis et appropriés, d’une façon uniforme, universelle et correspondant au caractère propre de la vieille langue latine – ainsi que l’ont fait les Pères et les meilleurs scolastiques – Nous ordonnons à la congrégation des Séminaires et Universités de pourvoir à la création d’une Académie de la langue latine. Cet institut, qui devra être constitué de professeurs spécialisés dans le latin et le grec, provenant des diverses parties du monde, aura pour fin principale – tout comme les diverses académies nationales destinées à développer la langue de leur pays – de veiller au progrès bien ordonné du latin, en enrichissant s’il le faut le dictionnaire latin de mots qui correspondent au caractère et à la saveur de cette langue ; il devra en même temps y avoir des écoles pour le latin de chaque époque, particulièrement de l’époque chrétienne. Dans ces écoles seront formés à une connaissance plus parfaite du latin et à son usage, à un style écrit propre et élégant, ceux qui sont destinés soit à enseigner le latin dans les séminaires et les collèges ecclésiastiques, soit à rédiger des décrets et des sentences, soit à faire la correspondance dans les dicastères du Saint-Siège, dans les curies épiscopales et dans les organismes des ordres religieux.
§7. Le latin étant très étroitement lié au grec par sa structure et l’importance des œuvres qui nous ont été transmises, il est nécessaire que les futurs prêtres apprennent cette dernière langue dès les classes inférieures et celles de l’enseignement secondaire, ainsi que cela a été prescrit à plusieurs reprises par Nos prédécesseurs ; de sorte que lorsqu’ils arriveront à l’enseignement supérieur, particulièrement s’ils aspirent aux grades académiques en Écriture sainte ou théologie, ils soient à même de lire et de bien comprendre non seulement les sources grecques de la philosophie scolastique, mais les textes originaux de la Sainte Écriture, de la liturgie et des Pères grecs [17].
§8. Nous ordonnons de plus à cette même sacrée congrégation de préparer un programme de l’étude du latin, auquel tous devront fidèlement se conformer, et qui permettra à ceux qui le suivent d’acquérir une connaissance et une pratique convenables de cette langue. Ce programme pourra, si cela est nécessaire, être organisé d’une façon différente par les Commissions des Ordinaires, sans cependant en changer ou atténuer la nature. Cependant, avant d’appliquer ces décisions, les Ordinaires devront les soumettre à la sacrée congrégation.
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12.
Nous voulons et ordonnons, de par Notre autorité apostolique, que tout ce que Nous avons établi, décrété et ordonné dans cette Constitution reste définitivement ferme et arrêté, nonobstant toutes choses contraires, même dignes de mention particulière.
IOANNES PP. XXIII

Voilà ce que disait le pape. Non pas un Pape d’il y a mille ans. Non pas un pape du 19 siècle, mais le pape de Vatican II. Il le disait voilà seulement une cinquantaine d’années. . Et non pas en passant, dans une allocution improvisée, mais dans une constitution solennelle et qu’il tint à promulguer personnellement à Saint Pierre, en présence de quarante cardinaux et de je ne sais combien d’évêques, de curés et de notabilités romaines.

§-7 Que s’est-il passé ?

Il s’est passé que des siècles de tradition, la pensée de tous les papes et de Jean XXIII, le pape du Concile et enfin le Concile lui-même, Vatican II, dont la Constitution liturgique prescrit expressément que « l’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera observé dans les rites latins » (art 36), il s’est passé que tout cela a craqué devant la subversion moderniste implantée à l’intérieur de l’Eglise en invoquant même l’autorité du Concile, se cachant derrière « l’esprit du Concile ».

§-8 Paul VI et le latin

Il s’est passé aussi et surtout la venue de Paul VI, un pape équivoque et contradictoire…
Il est certain que la manière de Paul VI déconcerte beaucoup.

Dans un article des Etudes (Juillet-Août 1967 p 81) le P. Rouquettes rapporte le propos d’un ami romain, réel ou imaginaire, selon lequel « si les paroles de Paul VI sont souvent des mises en garde contre les excès de la réforme, ses décisions pour la plupart vont dans le sens de cette réforme » (II s’agit de la Reforme de l’Eglise et non pas uniquement de la réforme liturgique).

Un tel propos correspond à une impression assez générale.

Que faut-il en penser ?

En premier lieu ce qu’il faut dire c’est que c’est le pape qui réforme.
II ne va pas dans le sens d’une réforme qui lui serait proposée ou imposée. Il réforme lui-même.
Et donc la vraie question qui se pose, ce n’est pas de savoir si Paul VI va ou non dans le sens de la réforme voulue par les novateurs, mais quelle est sa pensée personnelle et sur quelle voie il entend mener l’Eglise.
Cette question, elle se pose notamment à propos de l’extension du français à toute la messe. Il y a la une réforme qui est conforme au désir des novateurs, mais qui est contraire à l’esprit et à la lettre de la Constitution sur la liturgie. Or c’est un fait que Paul VI ne l’a pas empêchée. Il l’a tacitement du moins, approuvée, c’est-à-dire qu’il a, dans sa souveraineté pontificale, aboli partiellement un texte conciliaire. Son droit n’est pas douteux. Mais le paradoxe de la situation c’est que, dans son attitude, ce n’est pas la plénitude de l’exercice de son droit que l’on voit ; on voit au contraire le triomphe des réformateurs qui auraient été assez puissants pour soumettre sa volonté à leur volonté propre.
§-9 En est-il ainsi ?
Le pape a-t-il cédé ?
Ou a-t-il accompli une reforme qu’il était résolu personnellement à accomplir ?

A ces questions personne ne peut répondre avec une certitude absolue.

Mais nous pouvons conjecturer.
Tout d’abord en ce qui me concerne, je suis convaincu que la volonté du pape n’a plié devant aucune autre volonté. Ce n’est qu’une conviction personnelle mais elle est pleine et entière. Le pape sait ce qu’il veut et il a certainement voulu ce qu’il a fait.

A quelle fin ?
Voilà plutôt sur quoi l’on peut s’interroger.

Peut-être pour que le peuple ait une meilleure intelligence de la foi et de la liturgie.
C’est du moins ce qu’il a exprimé à deux reprises : le 7 mars 1965 et le 26 novembre 1969.

Voici les textes :
Le 7 mars 1965, il déclarait aux fidèles massés sur la place Saint Pierre :

« C’est un sacrifice que l’Eglise accomplit en renonçant au latin, langue sacrée, belle, expressive, élégante. Elle a sacrifié des siècles de tradition et d’unité de langue pour une aspiration toujours plus grande à l’universalité ».

Ce « sacrifice », dans l’esprit de Paul VI, il semble définitif.

Il s’en expliquait de nouveau, le 26 novembre 1969, en présentant, le nouveau rite de la messe : « Ce n’est plus le latin, disait-il, mais la langue courante, qui sera la langue principale de la messe. Pour quiconque connaît la beauté, la puissance du latin, son aptitude à exprimer les choses sacrées, ce sera certainement un grand sacrifice de la voir remplacé par la langue courante. Nous perdrons la langue des siècles chrétiens, nous devenons comme des intrus et des profanes dans le domaine littéraire de l’expression sacrée. Nous perdons ainsi en grande partie cette admirable et incomparable richesse artistique et spirituelle qu’est le chant grégorien. Nous avons, certes, raison d’en éprouver du regret et presque du désarroi… »

Les mots sont si forts – qu’on les relise – qu’on ne peut s’empêcher de poser la question : mais alors pourquoi ?

« La réponse semble banale et prosaïque, dit Paul VI, mais elle est bonne, parce que humaine et apostolique. La compréhension de la prière est plus précieuse que les vétustes vêtements de soie dont elle s’est royalement parée. Plus précieuse est la participation du peuple, de ce peuple d’aujourd’hui qui veut qu’on lui parle clairement, d’une façon intelligible qu’il puisse traduire dans son langage profane. Si la noble langue latine nous coupait des enfants, des jeunes, du monde du travail et des affaires, si elle était un écran opaque au lieu d’être un cristal transparent, ferions-nous un bon calcul, nous autres pêcheurs d’âmes, en lui conservant l’exclusivité dans le langage de la prière et de la religion ? »

C’est donc l’argument de l’intelligibilité (source de participation) que retient Paul VI.

Observons cependant deux points :

En premier lieu, à sa manière toujours balancée, Paul VI déclare, d’un côté, que la langue courante remplacera désormais la latin à la messe et, d’un autre côté, que le latin n’aura plus « l’exclusivité » dans la prière et la religion. On est mal fixé sur la part respective des deux langues, quoique la volonté pontificale soit non douteuse. C’est la langue courante qu’il veut.

En second lieu, c’est dans des allocutions que le pape donne son mot d’ordre. Mais des allocutions ne sont pas des décisions. Le pape indique une préférence personnelle, mais il n’abroge pas, comme il en a le droit, la Constitution conciliaire sur la liturgie. Seule celle-ci demeure la loi et c’est nécessairement la loi qui prime. On peut donc espérer qu’on y reviendra.

§-10 Jean Madiran commentait ce discours en ces termes :

« Ce sont là des « affirmations objectivement et manifestement contraire à la loi en vigueur, non abrogée, telle que nous venons de la rappeler ; contraire aussi au numéro 116 de la Constitution liturgique, que nous n’avons pas encore cité, et auquel on se réfère trop rarement au sujet du latin ; numéro 116 qui stipule : « L’Eglise reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine; c’est donc lui qui,dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place ».
Sans latin plus de grégorien.
Si le grégorien est le chant propre de la liturgie romaine, c’est donc que le latin en est obligatoirement la langue propre.
Si le grégorien doit occuper la première place dans les actions liturgiques, c’est donc, obligatoirement, que le latin doit y occuper la première place.
Le pape a sans doute le pouvoir d’abroger la loi conciliaire ; mais une simple allocution, même du pape n’a pas de soi ce pouvoir.
Au demeurant Paul VI déclare à jet continu que le Concile en général et la Constitution liturgique en particulier doivent toujours être tenus pour loi de l’Eglise…
Donc quand Paul VI déclare dans son allocution du 26 novembre 1969 : « Ce n’est plus le latin, mais la langue courante qui sera la langue principale de la messe » quand il précise sans équivoque que désormais « la latin sera remplacé par la langue courante », quand il ajoute : « Nous perdons la langue des siècles chrétiens, nous devenons comme des intrus et des profanes dans le domaine littéraire de l’expression sacrée », il énonce ainsi son opinion privée, sa tendance personnelle, sa préférence particulière, dont il donne d’ailleurs aussitôt le motif : il en espère une plus grande « compréhension », il pense que le latin risque de « nous couper des enfants, des jeunes, du monde du travail et des affaires ». C’est une opinion. Ce n’est qu’une opinion. Rien ne nous impose d’y adhérer. Rien ne nous interdit de la critiquer (beaucoup de raisons, enseignées par l’Eglise nous y invitent au contraire). Cette opinion n’est nullement proposée à notre obéissance par un acte du Magistère. C’est une confidence sur un état d’âme (et cette confidence, bien sûr, nous renseigne terriblement). C’est une volonté individuelle : la volonté déclarée de « remplacer » le latin par le vernac. C’est une impulsion, c’est un encouragement donnés à tout un parti dans l’Eglise, le plus puissant, le plus dévastateur : celui qui veut nous transformer en intrus et en profanes dans le domaine de l’expression religieuse. Mais enfin il est bien clair que cette volonté personnelle de remplacer le latin par le vernac dans la liturgie est contraire aux lois de l’Eglise en général et à la loi de Vatican 11 en particulier. Cette infraction aux lois nous en prenons acte, sans irrespect, sans plaisir, mais sans faiblesse » (Intinéraires n°146)

Nous trouvons ainsi une nouvelle caractéristique de la période qui a précédé de quelques années l’introduction dans l’Eglise du nouvelle Ordo Missae, nouvelle caractéristique que l’on peut ainsi formuler : c’est l’encouragement au mépris systématique pour la législation existante, même récente, et l’établissement de facto d’une sorte de vacance de la légalité de plus en plus étendue laissant la porte ouverte à tout abus de pouvoir, à toute subversion. Nous nous sommes dressés contre…

Ce système – de la vacance de la loi – nous le voyons clairement en ce qui concerne l’introduction dans l’Eglise de la langue vernaculaire au mépris évident de la loi la plus récente du Concile de Vatican.
Nous le constatons également dans ce que Jean Madiran a appelé « le processus de la communion dans la main ».
L’apparition du « processus » de la communion dans la main est un fait capital et décisif, par tout ce qu’il comporte et par tout ce qu’il révèle.
Nous allons l’étudier. Mais finissons d’abord la question du latin et sa défense dans l’Elise latine comme sa langue liturgique propre.

§-11 L’importance du latin.

Il s’agit d’une question d’une extrême importance pour elle-même et parce qu’elle en commande beaucoup d’autres.
Il ne s’agit pas de savoir si j’aime la messe en latin. Il s’agit de savoir si c’est bien et si c’est le mieux.

A- La messe en latin assure l’unité du peuple chrétien. C’est pourquoi ce sont les grandes prière communes pour lesquelles l’observation du latin (ou du grec) semble en priorité s’imposer : le Kyrie, le Gloria, le Credo, le Sanctus, le Pater, l’Agnus Dei… Dites ou chantées, ces parties doivent être sues par tous les catholiques afin que sur la surface entière de la terre, ils puisent se reconnaître et se sentir en communion à la messe… surtout dans les grands rassemblements…

Tous les fidèles ont droit au latin dans toutes les messes et il faut qu’ils aient ce latin conformément à la Constitution liturgique.

La bonne solution et il n’y en a qu’une c’est le respect de la Constitution conciliaire, c’est-à-dire ne donner aux langues vernaculaires que la place qui convient et rendre au latin sa place première, notamment pour les grandes prières communes.

L’unité catholique est mise en pièce par la suppression de la langue commune qui en est à la fois le symbole, l’expression et le plus ferme support.
On dit souvent que, pour les grandes cérémonies internationales, à Rome, dans les pèlerinages, dans le congrès… le latin subsisterait. Mais comment subsisterait-il, ou à quoi servirait-il, si personne ne le sait plus ? Ceux qui à Rome, à Lourdes…. chantent aujourd’hui encore ensemble le Credo, le chantent parce qu’ils le savent ; ils ne le chanteraient évidemment plus s’ils ne le savaient plus. Et comment le sauraient-ils s’ils ne l’apprenaient plus au catéchisme et s’ils ne le chantaient plus dans les paroisses et dans les cérémonies nationales ?

Cette ignorance passerait tout naturellement des laïcs aux clercs. Et si les prêtres ne disent plus la messe en latin, s’ils ne récitent plus le bréviaire en latin, ils ne sauront plus le latin qu’ils se refuseront d’ailleurs à apprendre. Comme il faudrait tout de même bien une langue internationale à Rome, cette langue se fera au bénéfice de l’anglais et de l’allemand, le protestantisme renforçant ainsi sa prééminence dans le dialogue oecuménique.
Ne nous faisons pas d’illusion : l’attentat contre le latin c’est un attentat contre Rome et contre le catholicisme. Si le latin doit disparaître de nos églises si on ne l’y chante plus, si on ne l’y entend plus, la liturgie catholique et la doctrine catholique ne résisteront pas à la pression du monde moderne.

B- Notre civilisation est attaquée et nous devons nous retremper dans nos sources, nos origines, notre tradition et notre histoire. Pour affronter le monde extérieur nous devons d’abord rester nous-mêmes, être nous-mêmes. Nous le devons comme occidentaux en même temps que comme catholiques. Le problème du latin qui est celui de notre religion est aussi celui de notre civilisation. Vouloir nous en couper serait un véritable suicide.

Serait-il difficile d’obtenir des catholiques le respect de la Constitution conciliaire en ce qui concerne le latin ?

Ce serait d’autant moins difficile qu’il en a toujours été ainsi. Pourquoi, tout d’un coup, serait-il difficile de faire ce qui s’est toujours fait sans le moindre encombre au cours des siècles et jusqu’à ces dernières années ? Les fidèles ne demanderaient pas mieux.
Si on objecte qu’ils ont adopté le français et qu’ils ne veulent plus le latin, je répondrai que ce n’est pas vrai. Ils sont satisfaits du français pour certaines prières où le latin peut être un obstacles à leur participation mais le refus général du latin ne correspond nullement à leur pensée qui est, à cet égard, violée par tous les procédés classiques du viol des foules. Que les raisons profondes du maintien du latin là il doit être maintenu leur soient expliquées, ils les comprendront aussitôt et s’y rallieront avec joie. Aujourd’hui où les jeunes, notamment, sont si sensibles à tout ce qui peut les unir au-delà des rivalités nationales, comment ne sentiraient-ils pas le lien d’unité et de solidarité que constitue une même prière dite dans la même langue sur tous les points du globe. Qu’ils prennent conscience qu’ils reconnaîtront ces prières dans toutes les églises chaque fois qu’ils voyagent, qu’ils prennent conscience enfin qu’ils pourront les dire ensemble quand ils se retrouveront en n’importe quel lieu pour n’importe quelle réunion… voilà qui emportera toujours leur accord sur la place que doit conserver la latin dans leur religion.
Il est affreux de penser que ces vérités élémentaires qui ont toujours été reçues comme des évidences dans l’Eglise, du sommet de la hiérarchie au dernier des fidèles, puissent être aujourd’hui battues en brèche par un « gang de révolutionnaires » dont le seul but est la destruction du catholicisme, destruction à laquelle ils amènent hélas ! tant d’esprits honnêtes à coopérer, en la présentant comme une rénovation.

C-Enfin et ultimement et surtout, le latin est essentiel parce qu’il est lié à tout le reste et qu’il permet de voir clairement le processus de la désagrégation de la liturgie.

En supprimant le latin, en effet, on affirme nettement la rupture avec tout le passé et on ouvre la voie à toutes les innovations. A lui seul il est un rempart contre les extravagances. Le rempart abattu, tout devient possible, et permis, et recommandable. Parce que des siècles et des siècles d’usage l’ont rendu sacré, il suffit de l’abolir pour instaurer la « désacralisation » dans tous les domaines. Ce qui est un objectif hautement avoué. Avec le sacré, c’est aussi le mystère qui disparaît. Or il s’agit justement de faire disparaître le mystère. Le christianisme doit être clair intelligible, compréhensible, fonctionnel, rationnel, rationaliste. La foi doit devenir raison. Balayons les obstacles. Le latin en est un.

§-12 Benoît XVI s’engage pour « plus de latin » dans l’Église.
ou
Le retour du latin dans la liturgie romaine

Interview du Père Gero Weishaupt, latiniste à la rédaction de langue allemande de Radio Vatican, par Kath Net.

J’ai trouvé cette interview intéressante. La pensée me parait juste, même si je me serais exprimé un peu différemment sur certains points, en particulier sur l’enseignement du Concile de Trente sur le latin et sur la position du Concile Vatican II sur le même sujet. Mais la pensée ici exprimée me parait juste pour l’essentiel. Sur ce dernier sujet — le latin à Vatican II – je vous renvoie à ce qu’en a dit le cardinal Stickler (cf « en hommager au cardinal Stickler » Regards sur le monde au 21 décembre, n° 151)

Kath.net; Pourquoi le latin a-t-il une telle importance pour l’Église ?

Gero W.: l’usage du latin dans l’Église tire sa force d’une triple signification symbolique: il est l’expression de l’universalité, de l’unité, et de la transcendance. Les Papes ont toujours insisté sur l’importance du latin dans l’Église catholique. Ainsi le pape Pie XI, dans sa Lettre Officium omnium du 1 er août 1922, constatait: « Comme l’Eglise englobe tous les peuples, et qu’elle est destinée à durer jusqu’à la fin des temps, il est conforme à sa nature de posséder une langue universelle et immuable. Cette langue est le latin. » D’après Jean XXIII, la langue latine convient parfaitement à l’essence même de l’Église comme communauté universelle dont la foi est immuable. C’est ce qu’il écrit dans la Constitution apostolique Veterum Sapientiae du 22 février 1962, un texte mémorable, digne d’être lu et étudié.
L’Église catholique est universelle: elle englobe toute la terre et relie tous les peuples entre eux.

En tant que communauté universelle et unifiante, elle mérite de posséder une langue qui, depuis le déclin de l’Empire romain, n’a plus été parlée par aucun peuple, et qui, de ce fait, se situe pareillement au-dessus de toute langue vivante actuelle. Il devient alors évident d’user du latin dans les textes destinés à toute l’Église à travers le monde – on pense ici aux livres juridiques de l’Église (Codex Iuris Canonici), aux documents pontificaux telles que les Encycliques, les Constitutions Apostoliques ou les Exhortations post-synodales -. L’emploi du latin dans ce type de textes montre clairement qu’ils s’adressent à tous les catholiques dans le monde entier.
L’usage du latin permet d’éviter de privilégier un peuple en particulier, ce qui adviendrait inévitablement si les documents officiels de l’Église étaient publiés dans une langue

.C’est l’une des raisons pour laquelle la Curie romaine ne diffuse pas les documents de l’Église universelle en anglais ou en espagnol, mais en latin.
Rome a toujours été, en tant que la ville de S. Pierre, le centre de l’Église universelle et le garant de l’unité dans l’universalité. Et comment peut-elle mieux exprimer cette unité, et et le lien de tous les catholiques avec le Successeur de Pierre sur le siège épiscopal de Rome qu’à travers cette langue latine, qui a été de tout temps la langue maternelle de cette ville, et qui, au moins depuis le IVème siècle est la langue universelle de l’Orbis Catholicus.
Mais le latin fait bien plus qu’exprimer l’unité et le lien entre tous les peuples. En tant que langue sacrée, il possède une autre force symbolique: celle de traduire la transcendance. Parce qu’il s’agit d’une langue qui ne se réfère pas au temps et que comme « langue morte » elle n’est soumise à aucune altération de sens, elle symbolise aussi l’éternité, l’immutabilité, et par là devient un signe majeur de la transcendance divine.
Qui est familier des oraisons latines en reconnaît facilement le style prégnant, concis, élégant dans sa syntaxe, enrichi d’expressions verbales et d’effets sonores, usant d’une précision quasi-juridique. C’est ce style caractéristique de la pensée romaine qui donne à la liturgie latine sa grandeur, sa simplicité, sa dignité et son objectivité. Telle une iconostase, la langue latine, langue cultuelle de l’Église catholique, constitue une enveloppe protectrice du sacré.

Kath.net: Mais la langue de l’Église ne devrait-elle pas être le grec ancien ou l’araméen ?

Gero W: La langue cultuelle de la première génération de chrétiens en Palestine était bien l’araméen; et ce fut aussi la langue parlée par Jésus et ses apôtres. L’arrivée des chrétiens dans l’espace culturel hellénistique fut plus tard l’occasion pour eux d’adopter la langue grecque pour leur liturgie. C’est ainsi qu’au début, la langue liturgique dans la ville de Rome fut le grec. Ceci est à mettre en relation aussi avec le fait que, suite aux conquêtes opérées dans l’Est de l’Empire, de nombreux immigrants de langue grecque venant de la partie orientale de l’Empire, se sont établis à l’Ouest, et particulièrement à Rome. Toutefois, le grec parlé à l’époque n’était déjà plus le grec classique d’un Homère ou d’un Platon, mais la langue simplifiée de la koiné, celle de la Septante et du Nouveau Testament. Ce grec de la koiné eut une influence sur la langue liturgique latine naissante.
Au cours du IIème siècle après J.C. une tendance à la latinisation du culte chrétien se fit jour, et se propagea depuis l’Afrique du Nord jusqu’à Rome. Ce processus pourra être considéré comme achevé à la fin du IVème siècle, sous la règne du Pape Damase. Et c’est à partir de ce moment-là que dans toute l’Orbis Catholicus du monde occidental, la liturgie sera célébrée en latin.
L’araméen, la langue de Jésus n’a pas pu s’imposer dans le monde occidental. De même que le grec, en Orient, restera limité à la Syrie. C’est ainsi que, profitant de ces aléas historico¬culturels, c’est le latin qui l’emporta à l’Ouest de l’Empire, en particulier quant à son usage comme langue liturgique de l’Occident.

Kath.net: Quel lien voyez-vous entre le latin et la messe dite « ancienne » ?

Gero W: Avant de répondre à cette question, je dois préciser que je ne suis pas un spécialiste en liturgie. Pourtant je crois pouvoir affirmer que je ne vois là aucun lien essentiel. L’histoire de la liturgie en elle-même montre qu’il n’y aucun lien intrinsèque entre la langue latine et la liturgie.

Jésus n’a pas parlé le latin lors de la dernière Cène. Si le latin devait être lié à l’essence de la liturgie, Jésus l’aurait certainement utilisé. Les premières générations chrétiennes de Palestine célébraient la messe en araméen, celles de Rome durant les deux premiers siècles en grec. Plus tard, au IXème siècle, à une époque où le latin était depuis longtemps utilisé comme langue liturgique, les saints Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves, ont introduit dans la liturgie romaine la première langue populaire non latine. Cet usage a été approuvé par l’Église au plus tard par le pape Jean VII.
Le Concile de Trente lui-même n’a pas exclu la possibilité de célébrer la messe dans la langue du peuple. Il est intéressant de remarquer à ce propos que, malgré la forte revendication de la part des promoteurs de la Réforme protestante en faveur de l’usage des langues vernaculaires, les participants au Concile de Trente n’ont formulé leur attachement au latin qu’en termes très mesurés: « Si quis dixerit lingua tantum vulgari Missa celebrari debere A.S » (DS 1749) (Si
quelqu’un dit que la messe ne peut être célébrée qu’en langue vulgaire qu’il soit anathème)
Il ne faudrait pas négliger ce terme « tantum » (seulement, uniquement) dans le texte latin de ce Concile. Il met en évidence le fait que seule une utilisation « exclusive » (tantum) de la langue vernaculaire, position défendue par les promoteurs de la Réforme protestante, a été condamnée par le Concile de Trente. Et par là, les Pères conciliaires de Trente n’ont nullement exclu que la messe, ou certaines parties de la messe, puissent être célébrées en langue vernaculaire. Il restait donc absolument possible d’utiliser la langue du peuple, par exemple pour les Lectures ou certaines prières.
L’existence de telles exceptions me font dire qu’il ne peut pas y avoir de lien intrinsèque entre le rite « tridentin », ce qu’on appelle aujourd’hui la forma extraordinaria de la messe, et la langue latine. Cela ne contredit cependant pas l’idée que la langue latine soit parfaitement adaptée au rite du pape S. Pie V, si l’on repense au fait que justement, une des caractéristiques du rite dit « tridentin » est son orientation marquée vers la transcendance, et que, comme cela a été déjà dit, le latin est une expression, un symbole, de cette transcendance. Dans ce sens, il y a bien sûr un lien entre la langue latine et la messe dite « ancienne ».

Kath.net: Le latin va-t-il reprendre de l’importance aussi dans la « forma ordinaria » ?

Gero W.: Une chose est sûre: les Pères du Concile Vatican II se sont montrés très attachés au latin comme langue sacrée. Ainsi lit-on dans la Constitution Sacrosanctum Concilium ces termes sans équivoque: « L’usage de la langue latine doit être conservée dans la liturgie catholique. » (N° 36 § 1) En même temps, pour des raisons pastorales, on accordera une place plus grande à la langue maternelle, avant tout pour les Lectures, pour certaines oraisons et certains chants (N°36 § 2). Ainsi donc, le Concile n’a pas aboli l’usage du latin. Celui qui veut célébrer la messe en latin, n’a pas à se justifier. Il ne fait rien d’autre que ce que le Concile a demandé.
Le texte même du Concile plaide pour une préférence de la langue latine comme langue du culte. Les Pères conciliaires étaient trop convaincus de la valeur irremplaçable du latin pour l’Église et son culte, pour être tentés d’abandonner cette langue qui de plus, a depuis toujours marqué la culture de l’Occident, et sans laquelle l’Europe serait impensable.
Le Pape Benoît XVI, lui aussi, s’est exprimé en différentes occasions sur la langue latine, disant qu’il ne faudrait pas sous-estimer son importance pour l’Église et l’Europe. Et tout récemment encore dans son Exhortation post Synodale « Sacramentum Caritatis » du 22
février 2007 (N°64), il insistait sur l’usage du latin dans la liturgie. Il devient évident dés lors, que l’heure a sonné pour une « renaissance » du latin dans la liturgie catholique sous sa forme ordinaire, c’est à dire selon le rite post-conciliaire. Il serait grand temps, que, plus de 43 ans après la Constitution Sacrosanctum Consilium sur la liturgie, la langue latine obtienne enfin la place qui lui revient selon les souhaits des Pères conciliaires.
Je suis bien conscient que cela ne pourra pas se faire du jour au lendemain, alors que depuis des décennies d’autres ont régné en maîtres dans nos paroisses. Le pape Benoît XVI, pourtant, nous met sur les rails: il nous engage sur le chemin d’une concrétisation du Concile dans le domaine liturgique, en particulier en ce qui concerne l’usage de la langue latine dans la liturgie.

Kath.net.: Voyez-vous en Benoît XVI un promoteur du latin dans la liturgie ?

Gero W.: Deux ans après l’élection du nouveau pape, il devient évident qu’avec le pontificat de Benoît XVI de nouvelles voies sont ouvertes pour la réception de Vatican II, suivant en cela les efforts engagés durant les pontificats précédents en faveur de la mise en oeuvre du Concile. Il convient ainsi de lire et d’interpréter les textes du Concile dans le sens exclusif d’une « herméneutique de la continuité », comme l’a dit le Pape lui-même dans son allocution à la Curie du 22 décembre 2005, discours programmatique s’il en fut ! Les textes du Concile doivent être compris à la lumière de la Tradition, et traduits ainsi dans la pratique liturgique de l’Église.
Depuis l’époque de la Paix Constantinienne au IVème siècle, le latin est la langue officielle de gouvernement et de culte dans l’Église catholique. En ce qui concerne son utilisation dans la liturgie, les Pères conciliaires de Vatican II se sont prononcés pour son maintien, sans équivoque et pour de bonnes raisons.

La pratique post-conciliaire a pourtant -malheureusement – suivi d’autres chemins. Au cours des 40 dernières années, l’usage du latin dans la liturgie a été largement négligé, parfois même été banni hors des célébrations.

Il faut le dire clairement et sans détours: cette pratique est en contradiction flagrante avec le Concile. Cette situation a été favorisée par les évolutions culturelles et historiques de ces dernières décennies. La prédominance de l’enseignement des langues étrangères modernes et la domination du scientifique dans les études, suivant en cela l’évolution d’une société de plus en plus influencée par la technologie, ont conduit à un recul de l’enseignement des langues anciennes (grec et latin). Le climat culturel actuel ne favorise évidemment en aucun cas la langue latine. Chez de nombreux clercs, et sans doute un nombre non négligeable d’évêques, parmi les plus jeunes, on ne peut plus espérer trouver aujourd’hui une connaissance suffisante des langues anciennes, et donc du latin.

L’évolution historico-culturelle de notre époque se trouve avoir un parallèle dans les siècles passés. Au temps des Mérovingiens, la culture européenne a vécu un déclin: à la suite des grandes migrations de cette époque, et de l’expansion des peuples germaniques au coeur de l’ancien Empire romain, il y eut une érosion linguistique. Un manque de soin apporté à l’étude du latin a eu pour conséquence une méconnaissance de l’ancienne langue de l’Église. On possède un exemple marquant de cet état de fait dans le témoignage de S. Boniface qui, en 749, se plaignait de ce qu’en Bavière, les prêtres baptisaient « in nomine patria et filia » (au lieu de « in nomine patris et filii »). Un grand mérite, qu’il ne faudrait certes pas minimiser quant à sa signification historique, revient ici à Charlemagne, roi des Francs, qui, par le biais d’une politique culturelle bien menée, réussit à rétablir une formation latine classique – surtout pour le clergé – et à mener celle-ci à un nouvel épanouissement. Cette restauration entrera dans l’histoire sous le nom de « Renaissance carolingienne ». On peut être reconnaissant envers Charlemagne d’avoir relevé tous les niveaux de la culture et d’avoir apporté un soin particulier à la langue latine.

Je crois pouvoir affirmer qu’il se passe quelque chose d’analogue de nos jours, avec pourtant une différence: celui qui redonne ses lettres de noblesse au latin n’est plus un empereur, mais un pape. Dès la première heure, le pontificat de Benoît XVI s’est inscrit sous le signe de la langue latine. Qui ne se souvient de la toute première homélie donnée par le Pontife allemand devant les cardinaux dans la Chapelle Sixtine, aussitôt après son élection ? Depuis lors, les liturgies pontificales à Rome se célèbrent plus souvent en latin. En novembre 2005, le pape Benoît XVI accueillait en audience les participants au Congrès de Certamen Vaticanum, et lançait loin au-delà de ce rassemblement un fervent appel en faveur de la langue latine. Il disait alors: « Je veux vous encourager et vous exhorter, non seulement à conserver avec respect et entrain notre littérature latine, qu’elle soit antique ou moderne, laïque ou sacrée, mais encore à l’enseigner par des méthodes modernes et la rendre accessible aux jeunes générations. »
Deux documents, parus au cours de l’année 2007, ont pourtant à mes yeux une importance toute particulière pour ce qui est la résurrection du latin dans la liturgie: l’Exhortation apostolique post Synodale Sacramentum Caritatis du 22 février 2007 et le Motu Proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007.

Après que le pape eut conseillé, dans Sacramentum Caritatis, de célébrer la messe en latin, en particulier lors des rencontres internationales, il demande, dans le même document que « les futurs prêtres soient préparés dès le temps de leur séminaire à comprendre et à célébrer la sainte messe en latin, et aussi à se servir de texte rédigés en latin » Par ailleurs, il demande que « tous les croyants aussi soient amenés à connaître les principales prières en latin » (N° 62). Il faut donc que la formation des futurs prêtres fassent, davantage que par le passé, la part belle à la langue latine. Par là, le pape se place résolument dans la ligne des décisions prises lors du Concile Vatican II (cf Optatam Totius N°13) et du droit canonique (cf can 249 et 928) La possibilité de célébrer plus largement la forme tridentine de la messe, la forma extraordinaria, contribuera certainement aussi, et de façon non négligeable à la renaissance du latin dans la liturgie. Le pape a clairement exprimé le voeu que « les deux formes de célébrations du rite romain puissent se féconder l’une l’autre ».
Dans la Lettre d’accompagnement au Motu proprio à l’adresse des évêques, le pape relève que « dans la célébration de la messe selon le Missel de Paul VI on pourra, davantage que par le passé, faire apparaître ce caractère sacré qui attire tant de personnes vers l’ancien rite. » Et ce qui attire vers la célébration de l’ancien rite, c’est en particulier la langue latine dans laquelle est célébrée la liturgie dite tridentine. Motivé par l’appel à une fécondation mutuelle des deux formes du rite romain, et aussi par un regard en avant vers une possible « réforme de la réforme » dont le pape Benoît XVI (respectivement le Cardinal Ratzinger) a souvent parlé ces dernières années, le Motu proprio ouvre de nouvelles voies pour une attention renouvelée au latin, aussi dans la forme extraordinaire de la célébration de la messe.
On peut ainsi, à mon avis, prétendre avec aplomb et raison que Benoît XVI s’engage pour « plus de latin » dans l’Église. Cette dernière a toujours oeuvré en faveur de la culture: ainsi, la renaissance du latin au cours de ce pontificat pourrait-elle bien avoir une influence positive sur le développement de la culture en Europe.
Ainsi, après une « renaissance carolingienne » au VIIIème siècle, il semblerait bien qu’on assiste en ce début de IIIème millénaire à une « renaissance bénédictine » à la Benoît XVI. Traduction: MH/Pro Liturgia
Ex :Un regard sur le monde politique et religieux
au 5 janvier 2008
N° 153

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