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L’Osservatore Romano attaque « Dominus Jesus » et la Commission Ecclesia Dei

publié dans nouvelles de chrétienté le 1 mars 2011


M l’abbé Laguérie recommand tout particulièrement, dans son blog, la lecture de cet article publié dans le site « Disputationes theologicae » sous le titre: « l’Osservatore Romano attaque « Dominus Jesus et la commissio Ecclesiae Dei » et souis-titré: « Entre invitation implicite au syncrétisme religieux et accusationsvoilées contre le rite traditionel« . C’est un commentaire d’un article récent publié dans l’Osservatore Romano.

Entre invitation implicite au syncrétisme religieux et accusations voilées contre le rite traditionnel

 

L’Osservatore romano de ces derniers temps semble s’écarter de sa coutumière prudence et de l’hommage déférent que ce journal se doit de rendre au Saint-Siège, pour se donner à des initiatives d’importances diverses mais qui, si l’on y regarde bien, se situent toutes sur la même ligne éditoriale. Dans un article du 2 février 2011, sous le titre « Une exigence plus aigue de transparence et de simplification », c’est le vice-rédacteur du journal lui-même, Carlo di Cicco, qui est intervenu. Commentant et donnant son appréciation à propos d’une récente étude, il se livre à une sorte de méditation canonique portant sur les situations étranges de certains nouveaux instituts de vie consacrée. Après de longues circonvolutions verbales à propos de certaines sociétés religieuses, parfois très peu connues et au style de vie véritablement singulier, il en arrive à ce qui semble être sa cible véritable : les sociétés qui dépendent de cet « étrange organisme » plus connu sous le nom de « Ecclesia Dei ».

Quel est le message qu’en tire un lecteur de cet article habilement rédigé sous forme d’une anodine recension par le vice-directeur ? Ecclesia Dei serait une singulière commission, dotée de pouvoirs canoniques sui generis, qui aurait besoin de sérieuses réglementations dans tous les domaines, en particulier dans le domaine doctrinal. Car elle érigerait des instituts et en dirigerait le fonctionnement ; des instituts qui, selon le code (promulgué en 1983, donc avant que Jean-Paul II ne mette en place l’actuelle structure de la Commission), devraient dépendre de la Congrégation des religieux. Le ton de l’article est celui d’un légalisme kantien, qui semble ne pas tenir compte du primat de la réalité sur le droit positif – péché véniel, il est vrai, pour les juristes de notre époque.

Moins tolérable est le reproche à peine voilé adressé au Saint-Siège, qui ne s’embarrasserait pas des canons du Droit. Comme si on oubliait que les Pontifes Romains jouissent d’une juridiction « extensive universalis et intensive summa » et que le Pape, en érigeant la Commission Ecclesia Dei et en lui confiant des pouvoirs extraordinaires, ne fait rien d’autre qu’exercer son Primat – Primat qui d’ailleurs, n’en déplaise aux canonistes, n’est pas soumis au Code, puisqu’il peut demain étendre encore les pouvoirs d’Ecclesia Dei, comme cela est réclamé par plusieurs, sans que ce soit le Code qui puisse en limiter les actions. Mais en ces temps de gallicanisme épiscopal, ce concept semble peu perméable aux mentalités des journalistes catholiques : il est théologiquement, et donc aussi canoniquement ridicule de discuter sur la meilleure façon de plier les choix du Pape à l’uniformité du droit canonique positif, puisque celui-ci tire toute son efficacité de la promulgation papale, et non des urnes d’un quelconque parlement. L’auteur de notre article n’est pas allé aussi loin, mais dans son juridisme bien éloigné du réel, il parvient quasiment à insinuer, en faisant siennes les conclusions d’études qu’il mentionne, que les approbations canoniques d’Ecclesia Dei seraient à réexaminer. Il faudrait réévaluer les pouvoirs effectifs de la Commission, dans le passé et le présent, et réexaminer ses approbations, même de façon rétroactive. Et le journaliste – on ne comprend pas bien, à cet endroit, s’il parle ex abundantia cordis ou s’il reprend les conclusions des canonistes qu’il cite – écrit, non sans une certaine audace, que les instituts qui dépendent de la Commission en question seraient encore passibles d’un examen de contrôle portant sur leur orthodoxie ! Pour saisir à quel point la réalité dépasse la fantaisie, nous en rapportons les termes : « En ce qui concerne les instituts approuvés par Ecclesia Dei, on pourrait étudier si, une fois examiné que tout est en ordre sous l’aspect doctrinal, l’approbation ne pourrait pas être concédée par la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, un peu comme lorsqu’on demandait le nihil obstat du Saint Office pour approuver les instituts religieux ».

L’Osservatore Romano semble insinuer au lecteur non seulement que l’approbation canonique dont bénéficient les instituts d’Ecclesia Dei serait encore « sub iudice », mais par-dessus tout, le journaliste prétend que ces sociétés religieuses seraient encore passibles de vérifications sur la catholicité de leur doctrine. Citons de nouveau : « une fois examiné que tout est en ordre sous l’aspect doctrinal ».

Précisons en passant que de telles préoccupations n’étaient pas intervenues lorsque, un peu plus haut, il avait été question des problèmes posés par les « nouvelles communautés religieuses » qui excluent le célibat tout en prévoyant la vie conventuelle mixte. Mais l’Osservatore Romano semble être bien plus préoccupé par ceux qui célèbrent le rite de saint Pie V que par les problèmes qui peuvent naître de la promiscuité conventuelle…

Quant aux doutes à peine voilés sur l’orthodoxie doctrinale des instituts Ecclesia Dei, nous ne savons pas ce qui ne plaît pas à l’Osservatore : peut-être la formation traditionnelle, à la suite de saint Thomas d’Aquin et du Magistère de l’Eglise, peut-être aussi l’exigence théologique, qui ose critiquer les dérives auxquelles l’Osservatore nous a malheureusement habituées. Nous admettons volontiers que la ligne théologique du journal n’est pas la nôtre, mais nous croyons que l’examen du Saint-Office mentionné ici serait bien plus opportun pour la rédaction que pour les instituts mis en accusation. En décembre 2010, en effet, notre revue Disputationes Theologicae s’était déjà unie à une réclamation publique auprès de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, suite à des publications du même journal ouvertement opposées à la doctrine de l’Eglise.

Le 10 novembre 2010, en page 5 du quotidien, le « Président de l’Union des Communautés hébraïques Italiennes », Renzo Gattegna, dans un article intitulé « Un futur d’amitié », publié sans aucun commentaire ni aucune précision – comme s’il s’agissait du texte de n’importe lequel des journalistes mandatés par la rédaction du journal – s’exprimait en ces termes :

« Dans le but de poursuivre les initiatives dédiées à la compréhension réciproque et à l’amitié, un geste utile, nécessaire et certainement apprécié serait une déclaration ouverte de renonciation, de la part de l’Eglise, à toute manifestation volontaire d’appel à la conversion des Juifs, accompagnée de l’élimination de ce souhait dans la liturgie du Vendredi qui précède la Pâque. Ce serait un signal fort et significatif de l’acceptation d’une relation établie sur une dignité égale ».

Ces affirmations, condamnées par le Magistère constant, et encore récemment désapprouvées dans l’encyclique Redemptoris Missio[1] et dans la déclaration Dominus Jesus[2] – sans compter les innombrables condamnations précédentes – sont hérétiques, contraires à la Révélation Divine, car en contradiction évidente avec les paroles du Christ (Mc. 1615-16 ; Mt. 2818-20)[3] et « contraires à la foi catholique »[4]. Renoncer à la conversion est contraire à la nature même de l’Eglise catholique. Il est donc absolument scandaleux de lire de telles affirmations sur le journal du Saint-Siège. Sans parler de ce qui est écrit à propos du Vendredi Saint (qui dans le texte n’est plus même « Saint », mais est devenu « le vendredi qui précède la Pâque »), dont la prière pour la conversion des Juifs (approuvée par Benoît XVI) devrait être tout simplement éliminée parce qu’elle ne respecterait pas l’égale dignité entre les religions. Publier de telles énormités est chose grave. Et on ne peut pas se cacher derrière la signature du Président de la communauté hébraïque pour véhiculer l’erreur de l’indifférentisme religieux, sous prétexte de liberté de la presse, avec le plus total mépris des recommandations du Magistère. L’erreur n’a pas de droits, et si la rédaction est convaincue qu’il s’agit d’erreurs, elle se trouve dans l’obligation morale de spécifier que de telles positions sont insoutenables pour tout catholique, en tant que solennellement condamnées comme incompatibles avec la foi catholique. Que la communauté juive ne reconnaisse pas Jésus-Christ comme l’unique Sauveur du Monde, nous le savons au moins depuis saint Paul – et au fond Gattegna, à qui on a demandé son avis, n’a rien fait d’autre que le répéter. Mais que le journal du Saint-Siège se fasse l’écho de tels blasphèmes, sans même y ajouter un commentaire, cela est bien plus grave.

A notre avis, l’Osservatore Romano ferait bien de respecter un peu plus dans ses articles le Pontife Romain et ses choix, qu’ils soient liturgiques ou canoniques, de même que le Magistère de l’Eglise, et éviter ainsi par la même occasion d’accuser insidieusement les instituts Ecclesia Dei d’hétérodoxie. A plus forte raison lorsque sur ses colonnes paraissent des affirmations contre l’unicité salvifique de Jésus-Christ, accompagnées d’une invitation implicite à ne pas se convertir à la foi catholique. Nous ne parvenons pas non plus à comprendre comment le journal du Saint-Siège peut inviter Renzo Gattegna, qui jusqu’à preuve du contraire n’est pas même membre de l’Eglise, à jeter le discrédit sur la liturgie catholique et sur ses oraisons pour la conversions des Juifs. Ces oraisons, pourtant, avaient été récemment promulguées pour le rite traditionnel, entre mille polémiques prétendues, par le Pontife régnant jusqu’auquel s’étend le discrédit, avec la plus grande irrévérence. Il est donc d’autant plus inopportun et offensif d’insinuer que la Commission Pontificale Ecclesia Dei érige canoniquement et dirige des instituts dont l’orthodoxie doctrinale serait encore à vérifier. Nous invitons donc encore une fois la rédaction au respect des institutions ecclésiastiques et à la prudence dans ses affirmations, affirmations qui peuvent léser gravement la réputation des membres de ces institutions. A ce propos, un recours aux tribunaux ecclésiastiques compétents, n’est pas exclu afin que soit faite la lumière nécessaire et pour que des excuses publiques soient présentées aux instituts Ecclesia Dei et aux membres de ces sociétés, gravement lésés par les insinuations de l’article en question.

A l’issue de ces réflexions, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le Souverain Pontife rencontre tant de difficulté dans son œuvre de réforme de l’Eglise, ni pourquoi les instituts traditionnels rencontrent tant d’obstacles à leur expansion. Si on propage à leur encontre, et à l’encontre de la liturgie qu’ils célèbrent (comme par exemple sur le Vendredi Saint) un tel discrédit, il est naturel que les autorités ecclésiastiques locales soient méfiantes envers eux, comme il arrive en pratique. Comment s’étonner que l’épiscopat soit généralement hostile au rite traditionnel, à l’œuvre de réforme menée par le Pape et aux instituts traditionnels, lorsqu’on voit le quotidien du Saint-Siège se permettre d’affirmer gratuitement qu’ils doivent encore être approuvés, « une fois examiné que tout est en ordre sous l’aspect doctrinal » ?

Nous souscrivons sans réserve aux paroles de l’évêque de San Marino, S. E. Mgr Neri, qui a déclaré il y a peu (Il Timone, janvier 2011) : « Le Pape s’épuise à mettre en œuvre cette « réforme de la réforme » – mais il y a des tendances négatives de résistance, et qui ne sont pas aussi passives qu’on peourrait le croire… »

Don Stefano Carusi

(Une copie du présent article a été envoyée à la rédaction de l’Osservatore Romano, accompagnée d’une demande de rectification : le journal se trouve en effet dans l’obligation morale de dissiper les équivoques, tant à propos de l’article qui invite au syncrétisme religieux qu’à propos des insinuations sur les instituts Ecclesia Dei. Une copie de ce texte a aussi été envoyée au secrétariat du Souverain Pontife, à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et à la Commission Pontificale « Ecclesia Dei »).

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[1] Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris Missio du 7 décembre 1990, n. 55 : « Le dialogue ne dispense pas de l’évangélisation ».

[2] Congrégation pour la doctrine de la Foi, déclaration Dominus Jesus, 6 aout 2000, n. 14 : « Il faut donc croire fermement comme vérité de foi catholique que la volonté salvifique universelle du Dieu Un et Trine est manifestée et accomplie une fois pour toutes dans le mystère de l’incarnation, mort et résurrection du Fils de Dieu ».

[3] Dominus Jesus, n. 1 : « Le Seigneur Jésus, avant de monter aux cieux, a transmis à ses disciples le commandement d’annoncer l’Évangile au monde entier et de baptiser toutes les nations: « Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé; celui qui ne croira pas, sera condamné » (Mc 16,15-16) ; « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin de l’âge » (Mt 28,18-20; voir aussi Lc 24,46-48; Jn 17,18; 20,21 Ac 1,8) ».

[4] Dominus Jesus, n. 6.

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