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De la parole de Dieu

publié dans couvent saint-paul le 13 novembre 2010


Prédication pour le 25ème dimanche après la Pentecôte
De la parole de Dieu

Vous avez peut-être fait attention à la postcommunion de cette messe. Elle nous parle des « délices célestes » et prie Dieu que nous en vivions toujours abondamment « per quae veraciter vivimus ».
Mais quels sont donc ces « délices célestes » sinon les « verba Dei », sinon la « parole de Dieu », la « parole du Seigneur », sinon l’Evangile.

Or il se trouve que Benoît XVI vient de publier le jeudi 11 novembre 2010, son exhortation apostolique post-synodale intitulée « Verbum Domini ».

J’ai pensé que nous pourrions nous en inspirer dans cette homélie dominicale et suivre quelques unes de ses « intuitions ». Certes, dans cette exhortation post-synodale, il prend en compte – abondamment – les propositions des pères synodaux qui s’étaient réunis à Rome sur ce même thème « la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Eglise» en 2008…Mais le Pape dépasse ces seules propositions et nous donne sa propre « méditation ». Il centre sa « méditation » sur le texte de l’Evangile de saint Jean et de son Prologue : « J’entends, dit-il, présenter et approfondir les résultats du Synode en faisant une référence constante au Prologue de l’Évangile de Jean (Jn 1, 1-18) ».

Le Verbe « depuis le commencement est auprès de Dieu », mais « Il s’est fait chair et a habité parmi nous (cf. Jn1, 14). Dès lors « Jésus, le Dieu Incarné, est aussi « la Sagesse de Dieu », il est sa « Parole éternelle » qui s’est faite homme, « qui s’est fait sujet à la mort», et donc il révèle la Parole éternelle. Il la révèle aux Apôtres, à l’Eglise qui la garde fidèlement pour la prêcher aux générations qui viennent.

Or cette Parole de Dieu, c’est la vie éternelle qui est source de joie. Et le pape de citer saint Jean, sa première épître : « «Nous vous annonçons cette vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous, – par son Verbe-. Ce que nous avons contemplé, ce que nous avons entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et nous, nous sommes en communion avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ» (1 Jn 1, 2-3). Ainsi la « parole de Dieu » est-elle d’abord principe d’unité, de communion.

Aussi le Pape nous demande-t-il de faire l’expérience de cette rencontre avec le Verbe incarné, avec « la Parole de Dieu incarnée ». Telle est, du reste, la vie chrétienne : « j’exhorte tous les fidèles à refaire l’expérience de la rencontre personnelle et communautaire avec le Christ, Verbe de Vie qui s’est rendu visible, et à s’en faire les messagers pour que le don de la vie divine, la communion, s’étende toujours davantage dans le monde entier ».

Et dans cette rencontre de la Parole de Dieu, soyez persuadé, nous dit le pape, il y revient souvent dans ce très long document, de rencontrer aussi la « plénitude de la joie : « En effet, participer à la vie de Dieu, (par cette parole connue), est plénitude de joie (cf. 1 Jn 1, 4). Et c’est un don et une tâche incontournable de l’Église de communiquer la joie qui vient de la rencontre avec la Personne du Christ, Parole de Dieu, présente au milieu de nous. « Dans un monde qui souvent considère Dieu comme superflu ou lointain, nous confessons comme Pierre que lui seul a «les paroles de la vie éternelle» (Jn 6, 68). Il n’existe pas de priorité plus grande que celle-ci: ouvrir à nouveau à l’homme d’aujourd’hui l’accès à Dieu, au Dieu qui parle et qui nous communique son amour pour que nous ayons la vie en abondance (cf. Jn 10, 10).

Or l’accès à Dieu, nous l’avons par la fréquentation de la « Parole de Dieu » dans le Christ, son Verbe, sa Parole. « Et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. […] Et le Verbe s’est fait chair» (Jn 1, 1. 14)
C’est ainsi que Dieu se fait connaître par « sa Parole », son Verbe. Il s’adresse aux hommes « dans l’immensité de sa charité » et « les invite à entrer en communion avec Lui » (cf. Dei Verbum) par Amour. Comme le dit le Pape, « Dieu se fait connaître à nous comme Mystère d’amour infini dans lequel le Père depuis l’éternité exprime sa Parole dans l’Esprit Saint. Par conséquent le Verbe, qui depuis le commencement est auprès de Dieu et est Dieu, nous révèle Dieu lui-même, i.e. le dialogue d’amour des Personnes divines et il nous invite à y participer. « C’est pourquoi, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu amour, nous ne pouvons nous comprendre nous-mêmes que dans l’accueil du Verbe et dans la docilité à l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est à la lumière de la Révélation opérée par le Verbe divin que se clarifie définitivement l’énigme de la condition humaine ».

Combien est donc précieuse cette « parole de Dieu » qui n’est rien d’autre que « la Personne de Jésus-Christ, le Fils éternel du Père, fait homme » et combien il faut s’en nourrir toujours davantage. Voilà les « délices célestes » dont nous parle notre oraison dominicale.

La Parole de Dieu, « est le fondement de toute la réalité » poursuit le Pape s’appuyant toujours sur le Prologue de Saint Jean. C’est «par lui que tout s’est fait et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui» (Jn 1, 3). C’est pourquoi « en conservant toutes choses par le Verbe, Dieu offre aux hommes dans les choses créées un témoignage durable de lui-même». Aussi peut-on comprendre l’admiration et l’attention que les saints portaient aux oeuvres de Dieu. Elles sont comme un poème de Dieu et sur Dieu et combien ils étaient décidés au respect de la « loi naturelle », oeuvre du Logos. Et en conséquence, nous dit le pape « L’écoute de la Parole de Dieu – créant toute chose – nous porte avant tout à apprécier l’exigence de vivre selon cette loi «écrite dans notre cœur» (cf. Rm 2, 15; 7, 23).

Mais plus encore, la connaissance de cette « parole divine », du « Verbe fait chair » me permet de connaître le vrai sens de ma vie. Le pape écrit dans le n° 10 : « Celui qui connaît la Parole divine connaît aussi pleinement la signification de toute créature. Si toutes les choses, en effet, «subsistent» en Celui qui est «avant toutes choses» (cf. Col 1, 17), alors celui qui construit sa propre vie sur sa Parole bâtit vraiment de manière solide et durable. La Parole de Dieu nous pousse à changer notre idée du réalisme: la personne réaliste est celle qui reconnaît dans le Verbe de Dieu, le fondement de tout. Nous en avons particulièrement besoin à notre époque, où de nombreuses choses sur lesquelles nous nous appuyons pour construire notre vie, sur lesquelles nous sommes tentés de mettre notre espérance, se révèlent éphémères. L’avoir, le plaisir et le pouvoir se manifestent tôt ou tard incapables de réaliser les aspirations les plus profondes du cœur de l’homme. En effet, pour construire sa vie, celui-ci a besoin de fondements solides, qui demeurent même lorsque les certitudes humaines s’estompent. En réalité, puisque «pour toujours, ta parole, Seigneur, se dresse dans les cieux» et que la fidélité du Seigneur dure «d’âge en âge» (cf. Ps 119, 89-90), celui qui bâtit sur cette Parole construit la maison de sa vie sur le roc (cf. Mt 7, 24). Que notre cœur puisse dire tous les jours à Dieu: «Toi mon abri, mon bouclier, j’espère en ta parole» (Ps119, 114) et, comme saint Pierre, que nous puissions agir tous les jours en nous en remettant au Seigneur Jésus: «sur ton ordre, je vais jeter les filets» (Lc 5, 5)! »

De plus, il faut reconnaître que notre religion catholique n’est pas d’abord un discours, une philosophie, une éthique, une « figure rhétorique ». Elle est une vie avec le Christ parce que : « Le verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1 14). Notre religion qui est contemplation du « Verbe fait chair » est donc d’abord une « expérience vécue » : « Nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1 14) Il en est ainsi de notre religion –c’est son aspect délicieux – parce que « la Parole éternelle s’est faite petite – si petite qu’elle peut entrer dans une mangeoire. Elle s’est faite enfant, afin que la Parole devienne pour nous saisissable». À présent, « la Parole n’est pas seulement audible, elle ne possède pas seulement une voix, maintenant la Parole a un visage, qu’en conséquence nous pouvons voir: Jésus de Nazareth » qui n’en reste pas moins toujours le « Logos du Père », mais qui, dans la chair, réalise la sainte volonté et nous l’enseigne, nous enseignant ainsi « le langage de la Croix ». Et ici, sur ce mystère de la Croix, la méditation du Pape se fait sublime : « Le Verbe se tait, il devient silence de mort, car il s’est «dit» jusqu’à se taire, ne conservant rien de ce qu’il devait communiquer. De manière suggestive, les Pères de l’Église, contemplant ce Mystère, mettent sur les lèvres de la Mère de Dieu cette expression: «Sans parole est la parole du Père, laquelle a créé toute la nature parlante, sans mouvement sont les yeux éteints de celui par la parole et le geste de qui est mû tout ce qui se meut». Ici, nous est vraiment révélé l’amour le «plus grand», celui qui donne sa vie pour ses propres amis (cf. Jn 15, 13). Et il poursuit : « Dans ce grand Mystère, Jésus se manifeste comme la Parole de l’Alliance Nouvelle et Éternelle: la liberté de Dieu et la liberté de l’homme se sont définitivement rencontrées dans sa chair crucifiée, en un pacte indissoluble, à jamais valable. Au cours de l’institution de l’Eucharistie, Jésus lui-même – à la dernière Cène – avait parlé de «la Nouvelle et Éternelle Alliance», scellée par son Sang versé (cf. Mt26, 28; Mc 14, 24; Lc 22, 20), se montrant comme le véritable Agneau immolé, en qui s’accomplit la libération définitive de l’esclavage. »

Et c’est la que se trouve, « dans cette victoire sur la mort », c’est là que se trouve, nous dit le Pape « l’espérance et la joie » « c’est là, en définitive, le contenu libérateur de la Révélation pascale. À Pâques, Dieu se révèle lui-même ainsi que la puissance de l’Amour trinitaire qui anéantit les forces destructrices du mal et de la mort ».

Enfin face à la parole de Dieu, parce qu’elle est vérité, l’homme n’a qu’une réponse : la foi.

Le modèle de cette réception de la Parole de Dieu est bien évidemment Notre Dame, dans sa « foi obéissante ». De l’Annonciation à la Pentecôte, elle se présente à nous « comme la femme totalement disponible à la volonté de Dieu ». Elle est l’Immaculée Conception, celle qui est «pleine de la grâce» de Dieu (cf. Lc 1, 28), docile à la Parole divine de façon inconditionnelle (cf. Lc 1, 38). Sa foi obéissante place son existence à chaque instant face à l’initiative de Dieu. « Vierge à l’écoute, elle vit en pleine syntonie avec la volonté divine; elle garde dans son cœur les événements de la vie de son Fils, en les ordonnant en une seule mosaïque » (cf. Lc 2, 19.51), nous dit le Pape.

Voilà les « délices merveilleux » de la Parole de Dieu. Notre Dame en a vécus. Il faut que nous l’imitions. Nous en savons la condition : la réception plénière et obéissante de la Parole de Dieu dans la foi. Le pape parlera lui, « de la familiarité de Marie avec la Parole de Dieu ». C’est ce qui resplendit avec une force particulière dans le Magnificat. En effet, Il dit que « le Magnificat est entièrement tissé de fils de l’Ecriture Sainte, de fils extraits de la Parole de Dieu ».

Ce sont bien là nos « merveilles, les « mirabilia Dei », sa « parole ». « Elle parle et pense, nous dit le Pape, au moyen de la Parole de Dieu. La parole de Dieu devient sa parole et sa parole naît de la Parole de Dieu…Etant profondément pénétrée par la Parole de Dieu, elle peut devenir la mère de la Parole incarnée. »

Puis le pape parle du sujet très important de l’interprétation de l’Ecriture dans la Sainte Eglise. Il insiste sur le respect dû au Magistère. Il parle de l’accueil de la Parole de Dieu dans l’Eglise et plus particulièrement dans la liturgie. Il a un long développement sur la Mission de l’Eglise. Et il nous encourage tous à la « lectio divina » qui est la rencontre de Dieu dans la Sainte Ecriture. Ecoutez : « S’il est vrai que la liturgie est le lieu privilégié pour la proclamation, l’écoute et la célébration de la Parole de Dieu, il est tout aussi vrai que cette rencontre doit être préparée dans le cœur des fidèles et surtout être approfondie et assimilée par eux. En effet, la vie chrétienne est caractérisée essentiellement par la rencontre avec Jésus-Christ qui nous appelle à le suivre. C’est pourquoi … avec les Pères du Synode, j’exprime le vif désir que fleurisse «une nouvelle saison de plus grand amour pour la Sainte Écriture, de la part de tous les membres du Peuple de Dieu, afin que la lecture orante et fidèle dans le temps leur permette d’approfondir leur relation avec la personne même de Jésus».

Dans l’histoire de l’Église, les recommandations des saints sur la nécessité de connaître l’Écriture pour grandir dans l’amour du Christ ne manquent pas. C’est un fait particulièrement évident chez les Pères de l’Église. Saint Jérôme, grand «amoureux» de la Parole de Dieu se demandait: «Comment pourrait-on vivre sans la science des Écritures, à travers lesquelles on apprend à connaître le Christ lui-même, qui est la vie des croyants?». Il était bien conscient que la Bible est l’instrument «par lequel Dieu parle chaque jour aux croyants». Il conseille ainsi Leta, une matrone romaine, pour l’éducation de sa fille: «Assure-toi qu’elle étudie chaque jour un passage de l’Écriture… À la prière fais suivre la lecture, et à la lecture, la prière… Plutôt que les bijoux et les vêtements de soie, qu’elle aime les Livres divins». Ce que saint Jérôme écrivait au prêtre Neposianus vaut aussi pour nous: «Lis fréquemment les divines Écritures; et même, que le Livre Saint ne soit jamais enlevé de tes mains. Apprends-y ce que tu dois enseigner». À l’exemple du grand saint qui consacra sa vie à l’étude de la Bible et qui donna à l’Église sa traduction latine, la Vulgate, et de tous les saints qui ont placé au centre de leur vie spirituelle la rencontre avec le Christ, renouvelons notre engagement à approfondir la Parole que Dieu a donnée à l’Église. De cette façon nous pourrons tendre à ce «haut degré de la vie chrétienne ordinaire», souhaité par le Pape Jean-Paul II au commencement du troisième millénaire chrétien, qui se nourrit constamment de l’écoute de la Parole de Dieu.

Et c’est à cette condition que, comme saint Paul, vous pourrez dire : « je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20) et que vous connaîtrez « la libération de l’esclavage du péché pour entrer dans la liberté des fils de Dieu ». Car le Christ, le Verbe de Dieu est, comme le dit le Pape, « le Logos de l’espérance » (cf. 1 P 3, 15). Or «l’homme a besoin de la ‘grande Espérance’ pour vivre son présent, la grande Espérance qui est «Dieu qui possède un visage humain et qui nous ‘aima jusqu’à la fin’ (Jn 13, 1)».

Avec le pape concluons : « Nous ne devons jamais oublier qu’à la base de toute spiritualité chrétienne authentique et vivante, se trouve la Parole de Dieu annoncée, écoutée, célébrée et méditée dans l’Église », que cette parole de Dieu est source de la vraie joie : « l’annonce de la Parole crée la communion et apporte la joie, comme le dit saint Jean. Il s’agit d’une joie profonde qui jaillit du cœur même de la vie trinitaire et qui se communique à nous dans le Fils. Il s’agit de la joie, comme don ineffable, que le monde ne peut donner. On peut organiser des fêtes, mais pas la joie. Selon l’Écriture, la joie est un fruit de l’Esprit Saint (cf. Ga 5, 22), qui nous permet de pénétrer dans la Parole et de faire en sorte que la Parole divine entre en nous en portant ses fruits pour la vie éternelle. En annonçant la Parole de Dieu dans la force de l’Esprit Saint, nous désirons communiquer aussi la source de la vraie joie, non une joie superficielle et éphémère mais celle qui jaillit de la conscience que seul le Seigneur Jésus a les paroles de la vie éternelle (cf. Jn 6, 68).

Comme elle est belle notre oraison de cette messe : « L’âme nourrie des délices célestes, nous vous prions, Seigneur, de nous donner toujours faim de cet aliment – la parole de Dieu – qui est la véritable source de notre vie » et de notre bonheur.
Amen.

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