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Entraide et Tradition

Le pape se raconte. Une avant-première

publié dans magistère de benoît XVI le 27 novembre 2010


 

D‘autres extraits du livre du Pape « Lumière du Monde »

Le pape se raconte. Une avant-première

Les passages les plus piquants du dernier livre-entretien de Benoît XVI. À propos du préservatif, des abus sexuels, du sacerdoce féminin, des juifs, de la burqa… Mais surtout à propos de l’avenir du christianisme, que le pape voit lumineux

par Sandro Magister

ROME, le 22 novembre 2010 – Le très attendu livre-entretien de Benoît XVI, « Lumière du monde », sera dans les librairies des cinq continents, en plusieurs langues, à partir de mardi 23 novembre.

Dimanche 21, différents journaux en ont proposé en avant-première quelques passages qui leur avaient été fournis par la Libreria Editrice Vaticana, détentrice des droits d’auteur.

Mais déjà, dans l’après-midi du samedi 20, une autre avant-première du livre – avec des passages bien plus piquants – avait été publiée par « L’Osservatore Romano ». Avec un retentissement immédiat dans les médias mondiaux.

Samedi et dimanche étaient les jours où a eu lieu le consistoire, avec la création de 24 nouveaux cardinaux et les homélies que le pape a consacrées à expliquer que l’autorité dans l’Église a comme modèle le règne du Christ : un règne qu’un vieil hymne liturgique chante en ces termes : « Regnavit a ligno Deus », un règne exercé par le Dieu crucifié qui dit au bon larron : « Aujourd’hui tu seras avec moi au paradis ».

Mais le consistoire a été balayé de l’actualité, conquise et envahie par les passages du livre proposés en avant-première par « L’Osservatore Romano ».

Un passage entre tous : celui dans lequel Benoît XVI justifie l’emploi du préservatif par un prostitué (au masculin dans le texte original – en allemand – du livre : « ein Prostituierter »). Un emploi que la doctrine morale catholique admet déjà – de même que le recours au préservatif par des époux dont l’un est atteint par le virus HIV – mais qui est approuvé publiquement pour la première fois par un pape.

Mais aussi : les passages concernant les abus sexuels commis par le clergé, l’encyclique « Humanae vitae », Pie XII et les juifs, les femmes prêtres, la burqa…

Peter Seewald, qui a fait l’interview, l’a enregistrée lors de six rencontres successives avec Benoît XVI, d’une heure chacune, cet été à Castel Gandolfo (photo).

Seewald a présenté préalablement au pape un projet, mais les entretiens ont été réalisés librement et Benoît XVI n’a éludé aucune question. Le pape n’a apporté que de petites corrections de forme à la transcription de l’ensemble, en allemand.

On trouvera ci-dessous les passages proposés en avant-première par « L’Osservatore Romano ». Les titres des paragraphes sont également ceux du journal du Vatican.

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« LUMIÈRE DU MONDE » / UNE ANTHOLOGIE

par Benoît XVI

La joie du christianisme

Toute ma vie a été traversée par le fil conducteur suivant : le christianisme donne de la joie, il élargit les horizons. En définitive une existence vécue toujours et uniquement « contre » serait insupportable.

Un mendiant

En ce qui concerne le pape, il est aussi un simple mendiant devant Dieu, plus encore que tous les autres hommes. Naturellement je prie toujours en premier notre Seigneur, avec lequel je me sens lié, pour ainsi dire, par une vieille connaissance. Mais j’invoque aussi les saints. Je suis lié d’amitié avec Augustin, avec Bonaventure, avec Thomas d’Aquin. On dit aussi à de tels saints : « Aidez-moi »! Et la Mère de Dieu est toujours, de toute façon, un grand point de référence. En ce sens, je pénètre dans la communauté des saints. Avec eux, renforcé par eux, je parle ensuite avec le Bon Dieu, en mendiant, d’abord, mais aussi en remerciant, ou tout simplement rempli de joie.

Les difficultés

J’en avais tenu compte. Mais, avant tout, il faut être très prudent quand on évalue un pape, pour décider s’il est important ou non, alors qu’il est encore vivant. Ce n’est que par la suite que l’on peut dire quelle place une chose ou une personne déterminée occupe dans l’ensemble de l’histoire. Mais il était évident que l’atmosphère ne serait pas toujours joyeuse en raison de la situation mondiale actuelle, avec toutes les forces de destruction s’y trouvent, avec toutes les contradictions qui y vivent, avec toutes les menaces et les erreurs. Si j’avais continué à ne recevoir que des approbations, j’aurais dû me demander si j’étais vraiment en train d’annoncer l’Évangile tout entier.

Le choc des abus sexuels

Les faits ne m’ont pas pris par surprise. À la congrégation pour la doctrine de la foi, je m’étais occupé des affaires américaines ; j’avais également vu s’aggraver la situation en Irlande. Mais, en tout cas, l’ampleur du problème a été un choc énorme. Depuis mon élection au siège de Pierre, j’avais sans cesse rencontré des victimes d’abus sexuels. Il y a trois ans et demi, en octobre 2006, dans un discours aux évêques irlandais, je leur avais demandé d’ »établir la vérité sur ce qui s’est produit dans le passé, de prendre toutes les mesures tendant à éviter que cela ne recommence à l’avenir, de faire en sorte que les principes de justice soient pleinement respectés et, surtout, de guérir les victimes et tous ceux qui ont été frappés par ces crimes hors norme ». Voir le sacerdoce souillé à l’improviste de cette façon, et par là l’Église catholique elle-même, a été difficile à supporter. Mais à ce moment-là il était important de ne pas perdre de vue le fait que, dans l’Église, le bien existe et pas seulement ces choses terribles.

Les médias et les abus sexuels

Il était évident que l’action des médias n’était pas guidée uniquement par la pure recherche de la vérité, mais qu’il y avait aussi une complaisance à rendre l’Église ridicule et, si possible, à la discréditer. Cependant ce qu’il fallait rendre clair, c’est que, tant qu’il s’agit de mettre la vérité en lumière, nous devons en être reconnaissants. La vérité, unie à l’amour bien compris, est la valeur numéro un. Et puis les médias n’auraient pas pu faire ces comptes-rendus s’il n’y avait pas eu du mal dans l’Église. Ce n’est que parce que le mal était dans l’Église que les autres ont pu le retourner contre elle.

Le progrès

On perçoit le côté problématique du terme « progrès ». La modernité a cherché sa voie en étant guidée par l’idée de progrès et par celle de liberté. Mais qu’est-ce que le progrès ? Aujourd’hui nous voyons que le progrès peut aussi être destructeur. Nous devons donc réfléchir aux critères à adopter pour que le progrès soit vraiment progrès.

Un examen de conscience

Au-delà de chaque plan financier, un examen de conscience global est absolument inévitable. Et l’Église a cherché à y contribuer par l’encyclique « Caritas in veritate ». Elle ne donne pas de réponse à tous les problèmes. Elle veut être un pas en avant pour regarder les choses sous un autre angle, qui ne soit pas seulement celui de la faisabilité et du succès, mais celui selon lequel il existe une normativité de l’amour du prochain qui s’oriente sur la volonté de Dieu et pas seulement sur nos désirs. En ce sens il faudrait donner des impulsions pour qu’une transformation des consciences ait vraiment lieu.

La vraie intolérance

La vraie menace à laquelle nous sommes confrontés est que la tolérance soit abolie au nom de la tolérance elle-même. Il y a un danger que la raison, ce que l’on appelle la raison occidentale, affirme qu’elle a enfin compris ce qui est juste et qu’elle avance dès lors une prétention à la globalité qui est ennemie de la liberté. Je crois qu’il faut dénoncer avec force cette menace. Personne n’est obligé d’être chrétien. Mais personne ne doit être forcé à vivre selon la « nouvelle religion », comme si c’était la seule et la vraie, contraignante pour l’humanité tout entière.

Mosquées et burqa

Les chrétiens sont tolérants et, en tant que tels, ils permettent aux autres d’avoir d’eux une perception particulière. Nous sommes heureux qu’il y ait, dans les pays du Golfe (Qatar, Abou Dhabi, Dubaï, Koweït), des églises dans lesquelles les chrétiens peuvent célébrer la messe et nous espérons qu’il en soit ainsi partout. Il est donc naturel que, chez nous aussi, les musulmans puissent se réunir pour prier dans les mosquées.

En ce qui concerne la burqa, je ne vois pas de raison pour une interdiction généralisée. On dit que certaines femmes ne la portent pas volontairement mais que c’est en réalité une sorte de violence qui leur est imposée. Il est clair que l’on ne peut pas être d’accord avec cela. En revanche, si elles décident volontairement de la porter, je ne vois pas pourquoi on devrait les en empêcher.

Christianisme et modernité

Le fait d’être chrétien est en soi quelque chose de vivant, de moderne, qui traverse toute la modernité en la formant et en la modelant, et qui, en un certain sens, l’embrasse vraiment. Un grand combat spirituel est donc nécessaire, comme j’ai voulu le montrer avec la récente institution d’un « Conseil Pontifical pour la nouvelle évangélisation ». Il est important que nous cherchions à vivre et à penser le christianisme de telle sorte qu’il adopte la modernité bonne et convenable, et donc qu’en même temps il s’éloigne et se distingue de ce qui est en train de devenir une contre-religion.

Optimisme

Si l’on observe plus attentivement – et c’est ce que je peux faire grâce aux visites que me rendent les évêques du monde entier et à bien d’autres rencontres – on constate que le christianisme développe aussi en ce moment une créativité tout à fait nouvelle. […] La bureaucratie est usée et fatiguée. Ce sont des initiatives qui naissent de l’intérieur, de la joie des jeunes. Peut-être le christianisme va-t-il prendre un nouveau visage, peut-être aussi un aspect culturel différent. Le christianisme ne détermine pas l’opinion publique mondiale, ce sont d’autres personnes qui sont aux commandes. Mais le christianisme est la force vitale sans laquelle les autres choses ne pourraient pas continuer à exister. C’est pourquoi, sur la base de ce que je vois et dont je réussis à faire l’expérience personnelle, je suis très optimiste quant au fait que le christianisme se trouve face à une dynamique nouvelle.

La drogue

Beaucoup d’évêques, surtout ceux d’Amérique Latine, me disent que là où passe le chemin de la culture et du commerce de la drogue – c’est le cas dans une grande partie de ces pays – c’est comme si un animal monstrueux et méchant étendait sa patte sur ce pays pour détruire les gens. Je crois que ce monstre du commerce et de la consommation de drogue qui envahit le monde est une puissance dont nous n’arrivons pas toujours à nous faire une juste idée. Il détruit les jeunes, il détruit les familles, il incite à la violence et menace l’avenir de pays entiers. C’est là aussi une terrible responsabilité de l’Occident : il a besoin de drogues et crée pour cela des pays qui lui fournissent ce qui finira par les consumer et les détruire. Une faim de bonheur est apparue, qui ne parvient pas à se rassasier avec ce qui existe et qui se réfugie ensuite, pour ainsi dire, dans le paradis du diable et détruit complètement l’homme.

Dans la vigne du Seigneur

En effet j’avais une fonction de direction, mais je n’avais rien fait tout seul et j’avais toujours travaillé en équipe ; j’étais vraiment comme l’un des très nombreux ouvriers de la vigne du Seigneur, ayant probablement fait du travail préparatoire, mais, en même temps, n’étant pas fait pour être le premier ni pour prendre la responsabilité de tout. J’ai compris qu’à côté des grands papes, il faut aussi de petits pontifes qui apportent leur contribution personnelle. J’ai donc dit à ce moment ce que je ressentais vraiment […] Le concile Vatican II nous a enseigné, à juste titre, que la collégialité est un élément constitutif de la structure de l’Église ; autrement dit, que le pape est le premier dans le partage et non pas un monarque absolu qui prend des décisions dans la solitude et fait tout par lui-même.

Le judaïsme

Je dois dire que, dès le premier jour de mes études théologiques, j’ai clairement perçu, en quelque sorte, la profonde unité entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance, entre les deux parties de notre Sainte Écriture. J’avais compris que nous ne pouvions lire le Nouveau Testament qu’en lien avec ce qui l’a précédé, sans quoi nous ne le comprendrions pas. Et puis, bien sûr, ce qui est arrivé sous le Troisième Reich nous a frappés en tant qu’Allemands et nous a encore plus incités à regarder le peuple d’Israël avec humilité, honte et amour.

Au cours de ma formation théologique ces éléments se sont liés et ont marqué le parcours de ma pensée théologique. Il était donc clair pour moi – et là aussi en totale continuité avec Jean-Paul II – que je devais mettre au centre de mon annonce de la foi chrétienne ce nouveau lien, affectueux et compréhensif, entre Israël et l’Église, fondé sur le respect de la manière d’être de chacun et de leur mission respective. […]

Il m’a aussi paru nécessaire d’apporter un changement dans l’ancienne liturgie. En effet, la formule était telle qu’elle blessait vraiment les juifs et elle n’exprimait sûrement pas de manière positive la grande, la profonde unité entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Voilà pourquoi j’ai pensé qu’une modification de l’ancienne liturgie était nécessaire, en particulier en ce qui concerne notre rapport avec nos amis juifs. Je l’ai modifiée de telle sorte qu’elle contienne notre foi, à savoir que le Christo est le salut de tous. Qu’il n’existe pas deux voies de salut, que le Christ est donc aussi le Sauveur des juifs et pas seulement celui des païens. Mais aussi de telle sorte que l’on ne prie pas directement pour la conversion des juifs au sens missionnaire, mais pour que le Seigneur hâte l’heure historique où nous serons tous unis. C’est pourquoi les arguments utilisés contre moi de façon polémique par un certain nombre de théologiens sont hasardeux et ne rendent pas justice à ce qui a été fait.

Pie XII

Pie XII a fait tout son possible pour sauver des gens. Bien sûr, on peut toujours se demander : « Pourquoi n’a-t-il pas protesté de manière plus explicite » ? Je crois qu’il a compris quelles auraient été les conséquences d’une protestation publique. Nous savons qu’il a beaucoup souffert personnellement de cette situation. Il savait que, dans l’absolu, il aurait dû parler, mais la situation l’en empêchait. Aujourd’hui, des personnes plus raisonnables admettent que Pie XII a sauvé beaucoup de vies mais elles soutiennent qu’il avait des idées désuètes à propos des juifs et qu’il n’était pas à la hauteur du concile Vatican II. Toutefois le problème n’est pas là. L’important, c’est ce qu’il a fait et ce qu’il a cherché à faire, et je crois qu’il faut vraiment reconnaître qu’il a été un des grands justes et que, comme personne d’autre, il a sauvé un très grand nombre de juifs.

La sexualité

Se concentrer uniquement sur le préservatif, c’est banaliser la sexualité et cette banalisation est justement la raison dangereuse pour laquelle tant de gens ne voient plus dans la sexualité l’expression de leur amour, mais seulement une sorte de drogue, qu’ils s’administrent eux-mêmes. C’est pourquoi la lutte contre la banalisation de la sexualité fait aussi partie du grand effort pour que la sexualité soit perçue de manière positive et puisse exercer son effet positif sur l’être humain dans sa totalité. Il peut y avoir des cas individuels justifiés, par exemple quand un prostitué [ein Prostituierter] utilise un préservatif, et cela peut être le premier pas vers une moralisation, un premier acte de responsabilité pour développer à nouveau la conscience du fait que tout n’est pas permis et que l’on ne peut pas faire tout ce que l’on veut. Cependant ce n’est pas la véritable manière de vaincre l’infection du virus HIV. Une humanisation de la sexualité est vraiment nécessaire.

L’Église

Paul ne voyait donc pas l’Église comme une institution, comme une organisation, mais comme un organisme vivant dans lequel tous agissent l’un pour l’autre et l’un avec l’autre, en étant unis à partir du Christ. C’est une image, mais une image qui va en profondeur et qui est très réaliste, ne serait-ce que parce que nous croyons que, dans l’eucharistie, nous recevons vraiment le Christ, le Ressuscité. Et si chacun reçoit le même Christ, alors nous sommes vraiment tous réunis dans ce nouveau corps ressuscité qui est comme le grand lieu d’une nouvelle humanité. Il est important de le comprendre et donc de voir l’Église non pas comme un dispositif qui doit faire de tout – le dispositif lui appartient aussi, mais dans certaines limites – mais bien comme un organisme vivant qui provient du Christ lui-même.

L’encyclique « Humanae vitae »

Les perspectives tracées par « Humanae vitae » restent valables, mais trouver des chemins qui puissent être parcourus par les hommes, c’est autre chose. Je crois qu’il y aura toujours des minorités intimement persuadées de la justesse de ces perspectives et qui, les vivant, en seront pleinement satisfaites au point de devenir pour d’autres un fascinant modèle à suivre. Nous sommes pécheurs. Mais nous ne devons pas en tirer argument contre la vérité quand cette haute morale n’est pas vécue. Nous devons chercher à faire tout le bien possible, nous soutenir et nous supporter mutuellement. Exprimer aussi tout cela du point de vue pastoral, théologique et conceptuel dans le contexte de la sexologie et de la recherche anthropologique d’aujourd’hui, c’est une grande tâche à laquelle il faut se consacrer plus et mieux.

Les femmes

La formulation de Jean-Paul II est très importante : « L’Église n’a en aucune façon la faculté de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes ». Il ne s’agit pas de ne pas vouloir mais de ne pas pouvoir. Le Seigneur a donné une forme à l’Église avec les Douze puis leur succession, avec les évêques et les presbytres (les prêtres). Ce n’est pas nous qui avons créé cette forme de l’Église, même si elle en est un élément constitutif à partir de lui. La respecter est un acte d’obéissance, peut-être l’un des plus difficiles dans la situation actuelle. Mais il est vraiment important que l’Église montre qu’elle n’est pas un régime arbitraire. Nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons. Il y a au contraire une volonté du Seigneur pour nous, à laquelle nous adhérons, même si c’est pénible et difficile dans la culture et la civilisation d’aujourd’hui. Par ailleurs, les fonctions confiées aux femmes dans l’Église sont si grandes et significatives que l’on ne peut pas parler de discrimination. Il en serait ainsi si le sacerdoce était une sorte de domination, alors qu’il doit au contraire être totalement un service. Si l’on regarde l’histoire de l’Église, on se rend compte que la signification des femmes – de Marie à Monique et jusqu’à Mère Teresa – est si éminente que, par bien des côtés, les femmes définissent plus que les hommes le visage de l’Église.

Les fins dernières

C’est une question très sérieuse. Notre prédication, notre annonce, est en effet largement orientée, de manière unilatérale, vers la création d’un monde meilleur, alors que le monde réellement meilleur n’est presque plus mentionné. Ici nous devons faire un examen de conscience. Bien sûr, on cherche à aller à la rencontre de son auditoire, à lui dire ce qui est dans son horizon. Mais nous avons en même temps le devoir d’aller au-delà de cet horizon, de l’élargir, et de regarder les choses ultimes. Les fins dernières sont comme du pain dur pour les hommes d’aujourd’hui. Elles leur paraissent irréelles. Ils voudraient, à la place, des réponses concrètes pour aujourd’hui, des solutions pour leurs souffrances quotidiennes. Mais ce sont des réponses qui restent à mi-chemin si elles ne permettent pas aussi de pressentir et de reconnaître que je vais au-delà de cette vie matérielle, qu’il y a le jugement et qu’il y a la grâce et l’éternité. En ce sens, nous devons aussi trouver des mots et des gestes nouveaux, pour permettre à l’homme de passer le mur du son du fini.

La venue du Christ

Il est important que chaque époque soit près du Seigneur. Que nous aussi, ici et maintenant, nous soyons sous le jugement du Seigneur et que nous nous laissions juger par son tribunal. On parlait d’une double venue du Christ, une à Bethléem et une à la fin des temps, jusqu’au moment où saint Bernard de Clairvaux a parlé d’un « Adventus medius », une venue intermédiaire à travers laquelle le Christ rentre sans cesse périodiquement dans l’histoire. Je crois que saint Bernard a trouvé la tonalité juste. Nous ne pouvons pas dire quand la fin du monde aura lieu. Le Christ lui-même dit que personne ne le sait, pas même le Fils. Mais nous devons rester, pour ainsi dire, toujours près de sa venue, et surtout être sûrs que, dans nos souffrances, il est près de nous. En même temps, nous devons savoir que nous sommes soumis à son jugement pour nos actions.

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