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Entraide et Tradition

Les quatre mousquetaires du pape

publié dans flash infos le 27 novembre 2010


Les quatre mousquetaires du pape

Par Raphaël Stainville dans le Figaro.

Princes de l’Eglise : Mgr Burke, Mgr Piacenza, Mgr Ranjith et Mgr De Paolis (de gauche à droite), créés cardinaux par le pape Benoît XVI le samedi 20 novembre dans la basilique Saint- Pierre, comptent parmi les visages les plus prometteurs de l’Eglise. (Galazka/SIPA – Photomontage Le Figaro Magazine)
Samedi dernier, BenoîtXVI n’a pas seulement créé vingt-quatre nouveaux cardinaux. Il a aussi choisi quatre de ses fidèles pour qu’ils exercent les tout premiers rôles. Portrait de cette nouvelle garde.

À Rome, samedi dernier, les évêques présents et les prêtres les plus au courant du mode de fonctionnement de l’Eglise et des rapports de force discrets qui s’y opèrent avaient tous noté dans leurs agendas d’aller plus particulièrement rendre visite dans l’après-midi à quatre des vingt-quatre nouveaux cardinaux créés le matin même par le pape Benoît XVI. Par amitié souvent. Par calcul aussi, tant il est vrai qu’il se murmure déjà que Mgr Ranjith, Mgr Piacenza, Mgr Burke et Mgr De Paolis font partie de la nébuleuse ratzingérienne qui, bon gré mal gré, en dépit de réelles oppositions, s’installe aux commandes du Vatican.

Aux côtés d’autres prélats déjà en place, ces nouveaux cardinaux sont appelés à jouer les premiers rôles dans les prochaines années du pontificat de ce pape. Certains même, comme Mgr Ranjith ou Mgr Piacenza, font déjà figure, à peine revêtus de la pourpre cardinalice, de papabile sérieux. On comprend mieux, dès lors, pourquoi les salons du palais apostolique où se tenaient ces audiences se sont animés au milieu de l’après-midi d’une foule de fidèles et d’ecclésiastiques. Ils se pressaient pour beaucoup, pareils à un cortège de courtisans, dans un concert d’étoffes et une houle de soutanes. Etrange contraste pour qui connaît ces lieux. Habituellement, le palais apostolique, qui abrite non loin les appartements du pape, est un monde d’ombres et de silence. Ces salles et ces longs couloirs, sur lesquels veillent des gardes suisses, ne bruissent que de discrets conciliabules. C’est ici, avant que Jean-Paul II ne fasse bâtir la maison Sainte-Marthe pour loger les cardinaux pendant l’élection, qu’à l’occasion d’un conclave, entre deux votes du Sacré Collège dans le secret de la chapelle Sixtine, lors de ces fameuses visites de «chaleur» (l’après-midi) ou de« pantoufles » (le soir), que les cardinaux électeurs, en petits comités, tentaient de se mettre d’accord sur le nom d’un successeur au trône de Pierre. Samedi dernier, le palais apostolique avait des allures de Journées du patrimoine pour ceux qui, la première fois, pénétraient ces salles d’apparat d’une beauté inouïe. Ce n’en était pas moins un air aux accents très politiques qui se jouait dans ce décor Renaissance.

S’ils s’étaient dévêtus de la mosette pourpre qui, le matin, dans la basilique Saint-Pierre, couvrait leurs épaules, et du rochet de dentelle blanche qui tombait sur leur soutane rouge, les cardinaux ,dans leur nouvel habit, n’en avaient pas moins l’air de princes de l’Eglise. Spécialement leurs Eminences le cardinal Burke et le cardinal Piacenza, qui recevaient dans la salle ducale. Dans ces salons en enfilade où plane une draperie en stuc soulevée par deux amours que réalisa le Bernin, sous une voûte décorée de grotesques, l’Américain Raymond Leo Burke, 62 ans, la tempe à peine grisonnante, affichait son habituel sourire bonhomme. Il n’en est pas moins un prélat à poigne, au verbe parfois fort peu diplomatique, qui n’hésite pas à tancer vertement les politiques américains lorsqu’ils s’opposent à la culture de vie prônée par le Saint-Siège. S’il s’est créé quelques inimitiés solides outre-Atlantique et jusqu’au sein de la curie, où les prélats italiens veillent au prestige et au rayonnement de la Vieille Europe contre l’arrivée d’un cow-boy, il a su se faire remarquer, en son temps, de Jean-Paul II, qui le tenait en haute estime. Benoît XVI le savait.

Mgr Piacenza a ses entrées dans les appartements pontificaux

Burke partage avec le pape le souci de la belle liturgie. Celui-ci n’a pas tardé à appeler ce protecteur de l’Institut du Christ Roi (communauté de prêtres français installée en Toscane) à la curie, le nommant en 2008 préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique. Mais son influence s’étend au-delà de la cour de cassation du Vatican, puisqu’il est également membre de la Congrégation pour le clergé, membre du conseil pontifical pour les textes législatifs et membre de l’importante Congrégation pour les évêques qui, lors de ses réunions hebdomadaires du vendredi, décide des candidatures des évêques qui seront soumises à l’approbation du Saint-Père.

Non loin de lui, le cardinal Mauro Piacenza, moins volubile peut-être, paraissait plus effacé. Il n’en demeure pas moins que, à 66 ans, le tout nouveau préfet de la Congrégation pour le clergé connaît une trajectoire étonnante et prometteuse. Formé à l’école de l’archevêque de Gênes(son Eminence le cardinal Giuseppe Siri, qui fut longtemps le chef de file des conservateurs au sein du Sacré Collège), Mauro Piacenza est un exemple assez rare, pour ne pas dire unique, d’un simple official comme on a coutume de dire au Vatican pour désigner les bureaucrates au sein des dicastères parvenu à gravir tous les échelons de son ministère. Fin politique, ce professeur qui enseigna de longues années à la faculté de théologie de l’Italie septentrionale a toujours su se faire écouter de ses supérieurs. On ne s’étonnera donc pas si, avant même d’accéder à la plus haute fonction de son dicastère, il était déjà le fer de lance de la Congrégation pour le clergé, pourtant présidée par le cardinal Hummes. En pleine crise des prêtres pédophiles, c’est lui qui a eu l’idée de promouvoir dans tous les diocèses de l’Eglise une campagne d’adoration perpétuelle pour la sanctification du clergé. C’est encore lui qui pilota l’année sacerdotale qui vient de s’achever. Comme le dit l’un de ses anciens collaborateurs,« le cardinal Hummes a eu l’humilité de s’enthousiasmer pour les projets de son subalterne ». Le pape ne s’y est pas trompé. Il en a fait l’un de ses plus proches collaborateurs. Il compte parmi les rares prélats qui ont leurs entrées auprès du Saint-Père. Quand nombre de chefs de dicastère ne voient BenoîtXVI qu’à l’occasion de séances plénières, une ou deux fois dans l’année, Mauro Piacenza, alors même qu’il n’était que secrétaire de la Congrégation pour le clergé, était déjà régulièrement consulté et possédait ses entrées dans les appartements pontificaux. Un privilège rare.

Des hommes forts à des postes clés de la curie romaine

Le cardinal Velasio De Paolis est moins connu du grand public. Mais il y a longtemps que cet éminent professeur de droit canon, par ailleurs grand théologien, s’est fait connaître de nombre d’universités catholiques à travers le monde. Il y a cinq ans, à 70 ans passés, il donnait encore des cours dans quantité d’universités, notamment à la Grégorienne et au Latran. Prêtre appartenant à l’ordre des Scalabriniens, dont le charisme est de s’occuper des migrants et des déracinés, Velasio De Paolis est l’un des professeurs les plus consultés par la curie. Benoît XVI, qui apprécie cet intellectuel dont il sent la grande proximité, l’a propulsé en 2008 au poste délicat de président des Affaires économiques du Saint-Siège. Preuve, là encore, de la grande confiance du pape à l’égard de ce prélat rompu aux affaires difficiles, c’est lui que Benoît XVI est allé chercher pour prendre en charge la Congrégation des légionnaires du Christ, toujours traumatisée par le scandale lié à la vie de son fondateur.

Reste son Eminence le cardinal Ranjith. Quoique originaire du Sri Lanka, Mgr Albert Malcom Ranjith Patabendige Don, de son état civil complet, n’était pas le moins entouré à Romela semaine dernière dans l’immense salle Paul VI. Près de 1 000 fidèles de son archevêché de Colombo, des prêtres aussi, dans leur soutane blanche immaculée ceinturée de noir, avaient fait le voyage pour assister à la création du deuxième cardinal de leur pays. Il pouvait aussi compter sur ses supporters au sein de la curie. Car ce prélat asiatique est aussi très romain. Ancien sous-secrétaire de la puissante Congrégation pour l’évangélisation des peuples (autrefois appelée Congrégation pour la propagation de la foi) avant d’être nommé non ce en Indonésie et au Timor-Oriental, puis secrétaire de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements jusqu’en 2009 aux côtés du cardinal Cañizares, qui chercha en vain à conserver près de lui ce précieux collaborateur , Mgr Ranjith est peut-être avant tout un pasteur qui sait se rendre disponible à tous. Présent à Jakarta lors du terrible tsunami de 2004, Mgr Ranjith se rendit au plus vite auprès de la communauté catholique de Banda Aceh et de l’île de Nias, dormant dans un campement de fortune, sans eau ni électricité, parmi les décombres et les morts. Avec ce prélat, BenoîtXVI tient un prêtre de choc, droit sur le dogme, liturgiste passionné, un coeur généreux et attendrissant, représentant de l’Eglise du tiers monde.

A l’heure où, patiemment, le pape tente par l’exemple d’imposer sa réforme liturgique à travers le monde, Benoît XVI ne pouvait rêver mieux, pour introduire auprès de tous ce renouveau liturgique, que la figure joyeuse de ce prélat asiatique. Considéré comme un ratzingérien «pur jus»,Mgr Ranjith fait partie de ceux qui font école et sur lesquels le pape sait pouvoir s’appuyer. Et si, comme le dit un vaticaniste, il existe à Romedeux sortes de cardinaux, « les hommes bons et les hommes forts », incontestablement, Mgr Ranjith est à ranger dans la seconde catégorie. De ceux qui sauront répondre à l’appel que le pape leur a adressé dans son homélie : être fidèle à la pourpre cardinalice et« suivre le Christ sur la croix, si nécessaire, jusqu’à l’effusion de leur sang».

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