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Entraide et Tradition

Le sacerdoce catholique. Quatrième conférence

publié dans la doctrine catholique le 3 décembre 2010


Quatrième conférence :

« domus salutis » (1)

Nous avons dit que le prêtre est un « alter Christus ». C’est une vérité qui éclate à l’évidence à l’autel du Seigneur. Les paroles de la consécration sont dites « au nom du Christ », « in persona Christi » : « Hoc est corpus meum ». L’identité est totale. « Hic est enim calix sanguinis mei, novi et aeterni testamenti, mysterium fidei, qui pro vobis et pro multis effundetur in remissionem peccatorum ». Le prêtre s’identifie à l’œuvre du Christ, une œuvre salvifique : « in remissionem peccatorum ». C’est une œuvre de salut que le Christ est venu accomplir. C’est le salut des âmes que NSJC est venu accomplir. C’est l’enseignement du Concile de Trente et de son catéchisme. C’est l’enseignement du chapitre 12 de l’Apocalypse ! « Maintenant le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu, et l’autorité à son Christ »

C’est pourquoi, le prêtre, étant un « alter Christus », doit avoir même préoccupation : l’œuvre salvifique. L’être du prêtre doit s’identifier à l’être du Christ, au Christ, à son œuvre.

Or l’œuvre du Christ se résume en son sacrifice. C’est pourquoi l’œuvre du prêtre, c’est la messe, c’est le sacrifice. Il n’ y a rien de plus important pour le prêtre que la messe. Il n’y a rien de plus éloquent que ces phrases que le prêtre dit à la messe : « Offerimus praeclarae majestati tuae, de tuis donis ac datis, hostiam puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam, panem sanctum vitae aeternaeet calicem salutis perpetuae » (nous offrons à Votre Majesté suprême, l’Hostie pure, l’Hostie sainte, l’Hostie sans tache, le pain sacré de la vie éternelle et Calice de l’éternel salut »).

Voilà la fonction du prêtre, sa raison d’être. Offrir la Victime sainte : offerimus Hostiam sanctam.

C’est que le Christ fut de son sacrifice, la Victime. C’est pourquoi, nous, prêtres, nous sommes prêtres, en conséquence, d’un sacerdoce d’immolation. Telle est l’œuvre du salut, son mode. « sanglant »

Oui ! La messe est la grande « œuvre » du prêtre parce qu’elle fut la grande œuvre du Christ, le calvaire : œuvre de salut des âmes, œuvre d’immolation. La rédemption est une œuvre de salut par l’immolation d’une Victime sainte.

Voilà ce que je voudrai contempler avec vous maintenant dans cette conférence. « Domus salutis »

Le mystère de la Rédemption : Œuvre du salut des âmes.

Cette « œuvre » du salut des âmes, saint Paul l’appelle aussi l’œuvre de la piété, en I Timothée 3 16 : « Et de l’aveu de tous, il est grand le mystère de la piété, Jésus-Christ, qui a été manifesté en chair et justifié en Esprit, a été vu des anges et prêché parmi les nations, a été cru dans le monde et élevé dans la gloire ».

« Il est grand le mystère de la piété, Jésus-Christ ».

Quel est « ce mystère de la piété » ? Quel est son objet ?
C’est le « Christ ». Et quel est ce « Christ » ? C’est celui qui est venu accomplir le salut voulu par le Père, accepté par le Fils, réalisé en l’Esprit Saint. Dès lors le « mystère de la piété » c’est, dira le Père Spicq, « le secret de Dieu relatif au salut des hommes ».

Et si le Christ est le salut du Père, je veux dire son réalisateur, le prêtre, un « alter Christus », doit faire de ce « mystère de la piété » le tout de sa vie sacerdotale. D’où l’importance d’en bien connaître l’objet.

Le père Spicq a, sur ce sujet, des paroles très fortes qu’il vous faut méditer :

« Un prêtre n’est au service de l’Eglise que pour en recevoir la communication, s’en instruire, puis le révéler aux hommes, en leur appliquant toute sa puissance salutaire. Il n’est peut-être pas de vérité plus importante à rappeler de nos jours que cette « essence du christianisme » et cette fonction de l’apostolat chrétien, (qui est aussi l’essence du sacerdoce). Les prêtres du Christ poursuivent l’œuvre de leur Maître, le mystère de la piété ; ils ne sont pas les gardiens d’une civilisation terrestre ni les agents d’une révolution sociale ; ils n’ont même pas pour premier but de transformer les mœurs et encore moins d’assurer le bonheur en ce monde de leurs contemporains. Toute leur vocation est de sauver les hommes » (Spiritualité sacerdotale p. 17) parce que toute la vie du Christ fut de sauver les âmes. C’est la raison de son Incarnation. C’est sa raison : le salut par son sacrifice. Réaliser la volonté salvatrice de Dieu par le sacrifice de la Croix. C’est pourquoi le sacrifice, c’est son « heure » ; Il ne vit que pour cette « heure ». « Mon heure n’est pas encore venue, dira-t-il à sa Mère lors des fêtes de Cana. « Mon heure vient ». Mon « heure est venue ». Quelle est cette heure ? C’est l’heure de son sacrifice. Il est « focalisé » par son sacrifice, par « cette heure ».
Alors qu’il est transfiguré sur le Thabor, au lieu de contempler sa propre gloire, il s’entretient avec Moïse et Elie, des douleurs de son sacrifice qui doit être consommé à Jérusalem.

Là, il faut se rappeler les belles méditations de Louis Chardon.

Les méditations de Louis Chardon vous permettront de comprendre qu’il y a dans l’âme du Christ comme un poids qui l’incline à la Croix.

Cette « thèse » a été particulièrement expliquée par le Père Garrigou Lagrande dans son livre « l’amour de Dieu et la Croix de Jésus », surtout en son chapitre 4 du premier tome, et plus particulièrement dans son paragraphe intitulé : « le désir de la croix et de notre salut dans la prédication du Sauveur » (p 211 et suivantes).

La révélation divine est formelle.

« Saint Paul a écrit dans l’Epître aux Hébreux 10 7 : « Le Christ dit en entrant dans le monde : « Vous n’avez voulu ni sacrifice, ni oblation ( du sang des taureaux et des boucs) mais vos m’avez formé un corps…Me voici, je viens , O mon Dieu, pour faire votre volonté ». Cet acte d’oblation de lui-même, NSJC l’a incessamment renouvelé au cours de sa vie ; c’est ainsi qu’il marchait vers le but de sa mission rédemptrice. C’est ce même acte qu’il exprime à nouveau à Gethsémani, en disant : « Mon Père, s’il est possible que ce calice s’éloigne de moi ! Cependant que votre volonté soit faite et non la mienne » (Mt 26 39-42. Il y a ici l’angoisse de la croix toute proche et le désir efficace d’être pleinement fidèle à la mission de prêtre et de victime, et c’est ce désir qui l’emporte pour se réaliser dans le Consummatum est.

Cette soif ardente de notre salut a été comme l’âme de l’apostolat de NSJC.

Des modernistes ont prétendu que l’idée de sacrifice de la Croix était une invention du génie de saint Paul et qu’elle était étrangère à la prédication de Jésus. Mais c’est à chaque instant qu’elle fut affirmé par lui, non seulement sous la forme où elle nous est rapportée par saint Jean, mais sous les formes variées conservées dans les trois premiers évangiles.

C’est dans l’Evangile selon saint Mathieu (20 28) que Jésus dit : « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la rédemption de beaucoup » (Mc 10 45 Lc 1 68 ; 2 38 ; 21 28)

Dans une de ses plus belles paraboles, Jésus dit : Je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme mon Père me connaît et comme je connais mon Père, et je donne ma vie pour mes brebis…Il y aura une seule bergerie, un seul pasteur. C’est pour cela que mon Père m’aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre. Personne ne me la ravit, mais je la donne de moi-même ; j’ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre : tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père » ( Jn 10 11-18)

La même pensée revient toujours dans la prédication de Jésus : « Je suis venu jeter le feu sur la terre, et que désiré-je, sinon qu’il s’allume ? Je dois encore être baptisé d’un baptême, et quelle angoisse en moi jusqu’à ce qu’il soit accompli » (Lc 12 49). Il parlait du baptême de sang, le plus parfait de tous.
« Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tout à moi. Ce qu’il disait, ajoute saint Jean, pour marquer de quelle mort il devait mourir » (Jn 12 32)

Lorsque Pierre, ne pouvant porter l’annonce de la Passion, prend à part NSJC et se met à le reprendre en disant : « A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera pas », Jésus répond : « Retire-toi de moi, Satan, tu m’es en scandale ; car tu n’as pas l’intelligence des choses de Dieu ; tu n’as que des pensées humaines » (Mt 16 23)De fait, les pensées humaines de Pierre en cet instant étaient contraires au mystère même de la Rédemption et à toute l’économie de notre salut, du plan de salut..

La pensée et le désir de la croix sont si fréquents chez NSJC qu’il la présente à tous comme l’unique voie du salut. Comme le rapporte saint Luc (9 23) : « S’adressant à tous il dit : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il porte sa croix chaque jour et me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera ». De même il dit plus loin en saint Luc (14 27) : « Quiconque ne porte pas sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple ».

Aux fils de Zébédée : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ; pouvez vous boire le calice que je dois boire ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? (Marc 10 38)

La grandeur du désir qu’il avait d’accomplir sa mission de Prêtre et de victime, Jésus l’exprima encore la veille de la Passion, à la Cène, en instituant le sacrifice eucharistique, qui s’identifie en substance avec celui de la croix. Comme il est rapporté en saint Luc (22 15) : « Il dit alors : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir, antequam patiar. Car je vous le dis, je ne la mangerai plus jusqu’à la Pâque parfaite, célébrée dans le royaume de Dieu…et prenant du pain, après avoir rendu grâce, il le rompit et le leur donna en disant : Ceci est mon Corps, qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. Il fit de même pour la coupe, après le souper disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est versé pour vous »
C’est au sortir de la Cène, en allant au jardin de Gethsémani, que Jésus dit encore : « Le Prince de ce monde vient, et il n’a rien en moi, mais afin que le monde sache que j’aime mon Père et que j’agis selon le commandement que mon Père m’a donné, levez-vous, partons d’ici » (Jn 14 31). Comme le remarque saint Thomas d’Aquin, Jésus parle manifestement ainsi selon l’inspiration de son Père, qui le porte à vouloir mourir pour nous par amour et par obéissance.

Un peu plus loin (Jn 15 13) il dit plus clairement encore : « Il n’y a point de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » et dans l’oraison sacerdotale : « Père saint…sanctifie-les dans la vérité.. . Je me sacrifie moi-même pour eux afin qu’eux aussi soient sanctifiés en vérité » (Jn 17 17).
C’est ce qui fait dire à Saint Jean : « Nous avons connu l’amour de Dieu, en ce qu’il a donné sa vie pour nous ; nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères » (I J 3 16)

En d’autres termes, cet effet de la plénitude de grâce en NSJC doit se retrouver selon une participation plus ou moins parfaite dans les membres de son corps mystique.

La croix et toutes ses circonstances douloureuses étaient ainsi comprises dans le décret de la Rédemption, consommation de l’œuvre du Christ et de sa destinée de prêtre et de victime.
La sainte âme de Jésus, du fait qu’elle a été personnellement unie au Verbe et constituée tête de l’Eglise, a contracté l’obligation de satisfaire pour l’humanité. La tête doit réparer le désordre auquel les membres se sont livrés. La plénitude de grâce, disposant Jésus au parfait accomplissement de sa mission, est donc en lui comme un poids qui l’incline vers la Croix et la lui fait ardemment désirer pour notre salut. » (p.211-215)

Louis Chardon a magistralement mis en lumière, vous dis-je, ce point de doctrine, en montrant que la grâce du Christ est le principe de deux forces, de deux poids, qui le tirent, pour ainsi parler, en sens inverse : le poids de la gloire et l’inclination à la croix. Même au Thabor, Jésus pense surtout à s’offrir et c’est de sa Passion qu’il parle avec Moïse et Elie.

Nous trouvons ce commentaire dans « La Croix de Jésus » au T 1 p 94, au chapitre 8.
Cf. p. 96 : « Sur le Thabor….
Cf. p 98 : « Lors de son entrée à Jérusalem…

Louis Chardon, de ces deux exemples, tire la conclusion : « Jésus met sa grandeur dans les tourments de sa passion, et l’amour qu’il a pour la croix ne peut permettre à aucune autre pensée d’altérer l’attrait que la grâce lui donne de mourir entre ses bras. C’est pourquoi il incline son souvenir vers sa condition d’homme mortel, et se plaît à exposer les circonstances qui doivent le faire paraître en proie à la honte, aux opprobres et à la souffrance. Il supprime ainsi, autant qu’il le peut, les conditions qui le rendent adorable et le montrent plein de la gloire qui lui est due. De cette gloire il ne parle que sobrement et le moins possible, si ce n’est lorsqu’il se souvient que sa qualité de Fils de Dieu doit être cause de sa mort. Sans cesse et en tout lieu, il s’appelle le Fils de l’homme, parce qu’il veut prendre de sa nature mortelle le devoir de souffrir et le motif d’éloigner de sa pensée tout ce qui peut le réjouir ». (p 101)

C’est à cette lumière que Louis Chardon explique l’attitude de Jésus à l’égard de Marthe et de sa sœur Marie Madeleine :
Cf p.101 : « De cette hauteur….

Il en conclut : « A vrai dire, la vie lui est à charge tant qu’il ne la donne point pour le salut des hommes. C’est pourquoi il loue Marie et paraît blâmer Marthe. Il console celle-là et l’approuve publiquement de sa piété, tandis qu’il manifeste ne goûter que peu les actives sollicitudes de sa sœur aînée, si généreuse pourtant, et si pleine de foi. On dirait que ce qui ne porte pas le caractère de sa mort lui est pénible ; au lieu que ce qui en révèle les moindres traces est pour son esprit un sujet de joie ». (p 104)

C’est encore à cette lumière que Louis Chardon interprète la scène du baptême de Jésus et sa fuite au désert

Cf. p. 106-107 : « Lors du baptême de Jésus….
Et il conclut : ‘Proclamé, par la bouche même de Dieu, l’Image de sa gloire, il (Jésus) semble ne plus oser paraître en la présence des hommes » (p. 107)

C’est encore à cette lumière que Louis Chardon interprète la scène de Jésus et de saint Pierre lors de la confession de Césarée, ainsi que l’attitude de Jésus à l’égard de Judas lors de l’arrestation ;

Cf. p. 115-124 : Avec saint Pierre….
Cf. p. 124-128 : Avec Judas…

Manifestement la plénitude de grâce produisit en la sainte âme de Jésus un très ardent désir de l’accomplissement parfait de sa mission de Rédempteur ; c’est le motif même de l’incarnation, qui a été voulue par Dieu surtout comme Incarnation rédemptrice.

Le Père Garrigou Lagrange soutient cette idée comme tous les dominicains thomistes. Cf, « L’amour de Dieu pour nous » T 1 p. 217-220.

C’est pourquoi, nous l’avons déjà dit, Jésus parlait souvent de son « heure », l’heure de sa passion, son heure par excellence ; elle avait infailliblement été déterminée de toute éternité par la divine Providence, et avant qu’elle en fut arrivée ses ennemis ne pouvaient rien contre lui…Il a voulu souffrir jusqu’au couronnement d’épines, jusqu’à la flagellation, qui réduisit tout son corps à n’être qu’une plaie…Il a voulu être cloué sur la croix…Il a voulu souffrir à notre place de la malédiction due au péché…Le Seigneur a voulu le briser par la souffrance. Il est le serviteur souffrant d’Isaïe.

La plénitude de grâce a conduit NSJC jusqu’à cette extrémité ; c’était là sa mission de Rédempteur et de Victime.
C’était ainsi que devait s’accomplir l’œuvre du salut.

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