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Entraide et Tradition

Le sacerdoce catholique. Cinquième conférence

publié dans la doctrine catholique le 3 décembre 2010


Cinquième conférence.

« Domus salutis » (2)

Le Christ, Rédempteur et Victime.

Ainsi, de même que le regard du Christ fut comme « focalisé » par le Golgotha, de même le prêtre doit être « obsédé » par la volonté salvatrice de Dieu, par l’amour du sacrifice de la messe, par le salut, en vivre, le méditer, le contempler pour l’annoncer, pour se sanctifier – ce que nous verrons plus tard.

Aussi vous ne serez pas étonnés d’entendre saint Paul résumer aussi clairement qu’il est possible sa conception et son expérience du ministère ecclésiastique en disant : « Notre Sauveur Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité. Car il n’y a qu’un seul Dieu, un seul médiateur aussi de Dieu et des hommes : le Christ Jésus, qui, s’est donné lui-même en rançon pour tous ; ce témoignage fut rendu en son temps, pour lequel j’ai été établi héraut et apôtre…docteur des nations dans la foi et la vérité » (1 Tim 2 3-7).

C’est pourquoi saint Paul prétendait n’avoir qu’une science, celle de Jésus-Christ et de Jésus Christ rédempteur : « 1 Cor 2 2 : Car je n’ai pas jugé que je dusse savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié ».

« Annoncer le Christ et le Christ crucifié » : telle est la mission de Saint Paul. Ce qui nous permet de dire que le prêtre, en tant que prêtre et ministre du « Christ Crucifié » et donc du « Dieu Sauveur » par le sacrifice, n’a pas à apporter aux hommes une panacée de leurs maux physiques et sociaux, ce qui, du reste, serait une contradiction radicale avec la charte des béatitudes évangéliques, mais il doit annoncer le salut de leur âme, l’accès du Royaume de Dieu. Il est le « héraut » du Royaume de Dieu.

Le salut est l’initiative de Dieu seul. Ce salut est un don gratuit de Dieu indépendamment de nos propres qualités, mieux, alors que nous étions pécheurs…. Ce salut, voulu par simple miséricorde divine, a suscité la stupeur et l’enthousiasme d’abord des apôtres… C’est saint Jean qui le confesse : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3 16).

Commentaire.

Ainsi de ce salut, Saint Jean en a scruté les raisons, en a explicité les effets : la vie éternelle, en a défini l’étendu : « quiconque croit en Lui », un salut universelle.
On peut dire que le mystère de la « sotériologie universelle » dans et par le Christ est la raison essentielle de toute la prédication des apôtres. Ils expliquent tout, l’Ancien Testament, l’Histoire Sainte, l’Histoire du peuple hébreu en fonction de ce salut apporté par le Christ. Le Christ est le point central de tout. On comprendra pourquoi saint Jean parle du Christ comme étant l’ « Alpha et l’Oméga », le « Principe et la Fin » de tout. Tel est l’axe de sagesse de leur vue sur le monde et l’objet unique peut-on dire de leur prédication. Ce qu’ils ont contemplé, ils l’ont annoncé. Fasse le Ciel qu’ils en soient de même pour vous.

Voyez votre séminaire comme ce lieu de contemplation du Christ Crucifié, le lieu du sacrifice du Christ à aimer et à adorer, ce lieu où l’on contemple l’œuvre du salut : « Domus salutis».

C’est cette doctrine centrale de l’économie du salut que Saint Paul évoque dans l’expression : « le mystère de la piété».

Il ne cesse d’en parler dans ces Epîtres : « De cette Eglise, je suis de venu le ministre, en vertu de la charge que Dieu m’a confiée parmi vous d’annoncer dans sa plénitude la parole de Dieu, (à savoir) le mystère tenu caché aux siècles et aux générations, mais qui vient d’être révélé à ses saints, auxquels Dieu a daigné faire connaître quelle est pour les Gentils la richesse et la gloire de ce mystère qui n’est autre que le Christ en nous l’espérance de votre béatitude » ( Col 1 25-27)

Voir aussi : 1 Cor 2 7-10 ; Ephg 1 8-10 ; Eph 3 9-11.

Saint Grignon de Montfort

Ce « mystère de la piété » est donc le mystère de l’amour de Dieu pour nous. De cet amour, Saint Grignon de Montfort en a merveilleusement parlé dans son petit chef d’œuvre : « L’amour de la sagesse éternelle »

NB : Saint Grignon de Montfort.

Il contemple d’abord la création du monde, puis de l’homme, sa déchéance suite au péché originel et la volonté de la Trinité sainte de procéder au salut de l’homme. Sa description est assez palpitante

Saint Grignon parle donc de la beauté de cette création et de sa finesse : les fleurs, les abeilles, les fourmis…Et cela en deux numéros. Les n° 33 et 34.
Puis arrive son texte sur la création de l’homme : « 38. Tout dans l’homme était lumineux sans ténèbres, beau sans laideur, pur sans souillure, réglé sans désordre et sans aucune tache ni imperfection. Il avait pour apanage la lumière de la Sagesse dans son esprit, par laquelle il connaissait parfaitement son Créateur et ses créatures. Il avait la grâce de Dieu dans son âme, par laquelle il était innocent et agréable aux yeux du Très-Haut. Il avait dans son corps l’immortalité. Il avait le pur amour de Dieu dans son coeur, sans crainte de la mort, par lequel il l’aimait continuellement, sans relâche, et purement, pour l’amour de lui-même. Enfin il était si divin, qu’il était continuellement hors de lui-même, transporté en Dieu, sans qu’il eût aucune passion à vaincre ni aucun ennemi à combattre.
O libéralité de la Sagesse éternelle envers l’homme! O heureux état de l’homme dans son innocence! »
Mais voilà que cette si belle créature commit le péché :
39. Mais, malheur des malheurs! Voilà ce vaisseau tout divin qui se brise en mille morceaux; voilà cette belle étoile qui tombe; voilà ce beau soleil qui est couvert de boue; voilà l’homme qui pèche, et qui, en péchant, perd sa sagesse, son innocence, sa beauté, son immortalité. Et enfin il perd tous les biens qu’il avait reçus, et est assailli d’une infinité de maux. Il a l’esprit tout hébété et ténébreux: il ne voit plus rien. Il a le coeur tout glacé pour Dieu: il ne l’aime plus. Il a l’âme toute noire de péchés: elle ressemble au démon. Il a des passions toutes déréglées: il n’en est plus le maître. Il n’a que la compagnie des démons, il en est devenu la demeure et l’esclave. Il est attaqué des créatures: elles lui font la guerre. Voilà l’homme en un instant devenu l’esclave des démons, l’objet de la colère de Dieu et la victime des enfers! Il se paraît à lui-même si hideux que de honte il va se cacher. Il est maudit et condamné à la mort; il est chassé du paradis terrestre et il n’en a plus dans les cieux. Il doit mener, sans aucune espérance d’être heureux, une vie malheureuse sur la terre maudite. Il y doit mourir en criminel, et, après sa mort, être comme le diable, à jamais damné dans son corps et dans son âme, lui et tous ses enfants.
Tel est le malheur épouvantable où l’homme, en péchant, tomba; tel est l’arrêt équitable que la justice de Dieu prononça contre lui.
40. Adam, en cet état, est comme désespéré; il ne peut recevoir de remède ni des anges ni des autres créatures. Rien n’est capable de le réparer parce qu’il était trop beau et trop bien fait en sa création, et qu’il est, par son péché, trop hideux et trop souillé. Il se voit chassé du paradis et de la présence de Dieu, il voit la justice de Dieu qui le poursuit avec toute sa postérité; il voit le ciel fermé et l’enfer ouvert, et personne pour lui ouvrir l’un et fermer l’autre ».
C’est là alors qu’éclate la bonté de la Sagesse éternelle en décidant en accord avec son Père de s’incarner et de s’offrir pour le salut de tous. C’est l’objet du chapitre 4 qui a pour titre : « Merveilles de la bonté et miséricorde de la Sagesse éternelle » :
« 41. La Sagesse éternelle est vivement touchée du malheur du pauvre Adam et de tous ses descendants. Elle voit, avec un grand déplaisir, son vaisseau d’honneur brisé, son portrait déchiré, son chef-d’oeuvre détruit, son vicaire sur la terre renversé.
Elle prête tendrement l’oreille à sa voix gémissante et à ses cris. Elle voit avec compassion les sueurs de son front, les larmes de ses yeux, les peines de ses bras, la douleur de son coeur et l’affliction de son âme.

C’est alors que la Trinité décide l’Incarnation.
« 42. Il me semble voir cette aimable Souveraine appeler et assembler une seconde fois, pour ainsi dire, la Sainte Trinité pour réparer l’homme, comme elle avait fait pour le former. Il me semble que, dans ce grand conseil, il se fait une espèce de combat entre la Sagesse éternelle et la Justice de Dieu.
43. Il me semble que j’entends cette Sagesse qui, dans la cause de l’homme, dit qu’à la vérité l’homme mérite, par son péché, avec sa postérité, d’être à jamais damné avec les anges rebelles; mais qu’il faut avoir pitié de lui, parce qu’il a plus péché par faiblesse et par ignorance que par malice. Elle représente, d’un côté, que c’est un grand dommage qu’un chef- d’oeuvre si accompli demeure pour jamais l’esclave de son ennemi, et que des millions de millions d’hommes soient à jamais perdus par le péché d’un seul. Elle montre, de l’autre, les places du ciel vacantes par la chute des anges apostats, qu’il est à propos de remplir, et la grande gloire que Dieu recevra dans le temps et l’éternité si l’homme est sauvé.
44. Il me semble que j’entends la Justice qui répond que l’arrêt de mort et de damnation éternelle est porté contre l’homme et ses descendants, et qu’il doit être exécuté sans remise et sans miséricorde, ainsi que contre Lucifer et ses adhérents; que l’homme est un ingrat pour les bienfaits qu’il a reçus; qu’il a suivi le démon en sa désobéissance et en son orgueil, et qu’il le doit suivre dans ses châtiments, parce qu’il faut nécessairement que le péché soit puni.
45. La Sagesse éternelle, voyant qu’il n’y avait rien dans l’univers qui fût capable d’expier le péché de l’homme, de payer la justice et d’apaiser la colère de Dieu, et voulant cependant sauver le pauvre homme qu’elle aimait d’inclination, trouve un moyen admirable.
Chose étonnante, amour incompréhensible qui va jusqu’à l’excès, cette aimable et souveraine Princesse s’offre elle- même en sacrifice à son Père pour payer sa justice, pour calmer sa colère et pour nous retirer de l’esclavage du démon et des flammes de l’enfer et nous mériter une éternité de bonheur.
46. Son offre est acceptée; le conseil en est pris et arrêté: la Sagesse éternelle, ou le Fils de Dieu, se fera homme dans le temps convenable et dans les circonstances marquées ».

Voilà comment Saint Grignon de Montfort raconte ce « mystère de la piété » don t parle saint Paul.

Il importe de dégager les éléments de ce mystère :

a- La mystère avant sa révélation.

La sagesse divine qui est une Providence a donc conçu le dessein de sauver tous les hommes et elle a constitué, « prédestiné » (1 Cor 2 7) tout un plan de réalisation et de promulgation de ce salut. C’est le mystère du bon vouloir divin et cette volonté divine ne s’est destinée que d’après son bon vouloir (Eph 1 9). Ce propos sauveur et que Dieu s’est fixé de toute éternité, selon une initiative par conséquent absolument gratuite, a été tu (Rm 16 25), caché aux siècles et aux générations passées (1 Cor 2 7 ; Eph 3 5, 9 ; Col 1 26) ; il est par nature inconnaissable aux hommes aussi longtemps qu’il n’est pas manifesté (Eph 3 5). Ce dessein rédempteur est donc essentiellement un mystère, c’est-à-dire un secret, une connaissance réservée, la propriété de Dieu seul (Eph 3 9). Ce n’est qu’à la plénitude des temps, à l’âge messianique qui clôt l’histoire de l’humanité, que Dieu en a décrété l’exécution et la révélation (Eph 1 10). La sagesse de Dieu est donc dans l’établissement de ce plan de salut, dans la garde de ce secret jusqu’à la révélation de ce secret et sa promulgation de cette économie salvifique. Et donc révéler ce secret c’est parler de la sagesse de Dieu.

b- Le contenu du Mystère.

Ce dessein éternel conçu par Dieu depuis toujours et que Paul et les apôtres ont reçu la charge de mettre en lumière dans les derniers temps, c’est donc la « sagesse » multiforme de Dieu (Eph 3 10), c’est-à-dire le salut de tous, notre gloire ( 1 Cor 2 7) c’est-à-dire la vie éternelle qui commence dès ici bas par la connaissance de la vérité et comme une récompense de l’amour qu’on a pour Dieu. Le contenu de ce secret, c’est donc le bonheur du ciel et l’ensemble des moyens infiniment variés de miséricorde par lesquels Dieu entend conduire les fidèles à cette rédemption consommée. Mais il est un moyen essentiel, hors de pair, qui est au centre de ce dessein et vers lequel tout converge, c’est le Christ Jésus. C’est pourquoi saint Paul identifie le mystère de piété » au Christ lui-même et donc à la sagesse de Dieu, au « mystère de Dieu » (Col 2 2 ; 4 3) Il s’agit de la personne même du Seigneur, de son avènement sur la terre, de son rôle salutaire, de tous les biens qu’il communique aux hommes – ce que l’Apôtre appelle « la richesse insondable du Christ » ( Eph 3 8) et notamment de son habitation dans les chrétiens : « Le Christ en vous l’espérance de la gloire » ( Col 1 27)

Le Christ, si vous le voulez, est comme l’expression et comme le porteur de la sagesse cachée de Dieu (1 Cor 1 24) : il la notifie, il en exécute les desseins et en quelque sorte la résume, la réalise. De fait, si Dieu veut sauver tous les hommes et les faire parvenir au ciel, c’est le Christ qui est le sauveur de l’humanité, l’unique médiateur, obtenant pour tous ses frères en humanité la vie éternelle. Donc en le Christ se concentre et se dévoile le « mystère de Dieu ».

L’un des objets de ce mystère sur lequel saint Paul insiste davantage, c’est l’appel des païens à la foi du Christ et au salut. La doxologie de l’Epître au Romains signale expressément cette vocation de toutes les nations : Rm 16 25-27. Dieu veut les faire participer par la foi aux biens du salut communiqués par le Christ. L’Epître aux Ephésiens affirme que les païens sont admis au même héritage que le peuple élu, donc de posséder les mêmes dons spirituels ; à constituer avec eux un même corps, donc à constituer une même Eglise ; enfin a bénéficier des mêmes promesses, donc à n’avoir qu’un seul et même esprit : Eph 3 3-6. D’après Col 1 27, c’est aux païens que le Christ est révélé, c’est à eux qu’il réside comme un gage d’espérance certaine. Présent, vivant et agissant dans les Gentils et les comblant de ses dons, il les fait bénéficier en particulier de la béatitude.

La formule la plus compréhensive du mystère est donnée par Eph 1 10, où il est dit que Dieu s’est proposé de « tout réunir dans le Christ ». Dans son dessein de salut, le Dieu éternel a décrété que le Christ Seigneur serait le centre, le lien vivant, le principe de convergence, d’harmonie et d’unité de toutes créatures quelles qu’elles soient, terrestres, humaines et célestes.

Vous le voyez : mystère, Evangile, prédication, salut, Eglise, sacerdoce : toutes ces notions coïncident et elles sont unies dans le Christ. Le Christ est tout, la raison de tout.

En ce sens que le Christ est le « mystère de Dieu», c’est l’objet de Evangile, c’est l’objet de la prédication, c’est le salut, c’est même l’Eglise, et par suite c’est le sacerdoce. Oui ! Toutes ces réalités coïncident ; elles ont toutes le même objet ; elles recouvrent toutes les mêmes réalités, elles visent les mêmes destinataires et sont toutes harmonieusement unies dans le dessein éternel de Dieu en faveur de l’humanité. Le Christ, son avènement, sa médiation, ses dons, le succès de son œuvre rédemptrice, ce sont les éléments composants du mystère ; c’est l’objet même de l’Evangile, le thème central de la prédication, la vérité, le dépôt dont l’Eglise a la garde et que le sacerdoce met en œuvre. Y adhérer par la foi c’est s’insérer dans le plan de salut et obtenir la vie éternelle.

Dès lors on ne saurait trop se convaincre que l’objet du ministère sacerdotal ne peut être que prêcher Jésus-Christ, exposer le mystère de salut par la foi au Christ, annoncer l’Evangile du Christ et en exprimer toutes les grâces aux âmes de bonne volonté. (Eph 6 18-20)

Voilà ce qu’est le salut. C’est d’une profondeur inouïe, une profondeur toute divine. Le prêtre doit en vivre, le connaître. Voilà la doctrine du prêtre : se mouvoir dans la pensée salvifique de Dieu.

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