Magdi Cristiano Allam, le baptisé du Pape, répond aux questions de “Présent”
publié dans regards sur le monde le 11 décembre 2012
Il faut lire cet article, absolument
Magdi Cristiano Allam, le baptisé du Pape, répond aux questions de “Présent”
Lors de son passage à Paris en octobre, nous avons pu longuement rencontrer Magdi Cristiano Allam, Italien d’origine égyptienne et musulmane, et qui a choisi le Christ. Cet ancien rédacteur en chef du grand quotidien italien Il Corriere della Sera a été baptisé en la nuit de Pâques 2008 par Benoît XVI lui-même, 18 mois après le fameux discours de Ratisbonne où le pape évoquait l’islam, déclenchant le tollé que l’on sait. Spectaculaire conversion, puisque le baptême a été retransmis par les chaînes de télévision du monde entier.
Tout en poursuivant sa carrière de journaliste en Italie, Magdi Cristiano Allam est depuis entré en politique, il est député au Parlement européen et a fondé son propre mouvement en 2009, « Io amo l’Italia ». Il est d’un rare franc-parler, il connaît l’islam de l’intérieur, il se multiplie en conférences et en écrits pour défendre l’identité chrétienne de l’Europe, comme ont pu le constater et l’apprécier les centaines de personnes qui ont assisté à sa conférence à Paris le 13 octobre dernier . – J.S.
—Vous vous êtes converti après avoir été en contact avec beaucoup de chrétiens qui vous ont impressionné ; vous avez été également converti au christianisme par les écrits de Benoît XVI. Deux questions : avant votre conversion, étiez-vous musulman pratiquant, et qu’est-ce qui a vraiment déterminé votre adhésion au Christ ?
— J’ai été un musulman pratiquant à certaines époques de ma vie ; j’ai adhéré à l’islam en tant que religion, identité, culture à d’autres moments. Je me suis même investi pour qu’en Italie puisse exister un islam modéré. Je crois avoir été celui qui, plus que les autres, au cours des années 1980 et 1990, a œuvré pour que l’islam soit perçu comme une religion respectueuse des droits fondamentaux de la personne.
Cependant j’ai dû prendre acte du fait que les personnes peuvent être modérées, mais que l’islam en tant que religion n’est pas modéré. C’est précisément en raison de mon adhésion aux droits fondamentaux de la personne, aux valeurs non négociables, au caractère sacré de la vie, à l’égale dignité de l’homme et de la femme, à la liberté religieuse, que j’ai été condamné à mort par des musulmans qui, au nom du Coran, au nom de Mahomet, ont dit que j’étais un traître à l’islam.
Ma conversion au christianisme s’est produite sur une voie parallèle, où j’ai graduellement pris acte du fait que le christianisme est la religion de la syntonie entre l’homme et Dieu : Dieu qui s’est fait homme. C’est la religion de la foi et de la raison. C’est la religion dans laquelle les valeurs non négociables font partie intégrante des dogmes de la foi. La rencontre avec la pensée et avec la personne de Benoît XVI a été comme un phare qui m’a éclairé de l’intérieur et qui m’a conduit à toucher du doigt la bonté, la beauté, la fascination du christianisme en tant que demeure naturelle des valeurs non négociables.
— Avez-vous rencontré Benoît XVI alors qu’il était encore cardinal ou après son élection, et avez-vous maintenu des liens ?
— Je ne l’ai connu personnellement que lorsqu’il était déjà pape. J’ai d’abord connu sa pensée, que j’ai beaucoup appréciée. Je l’ai défendu lorsque, le 12 septembre 2006 à Ratisbonne, il a été durement attaqué par les pays islamiques en même temps qu’il était critiqué par l’Europe, par l’Occident chrétien, pour avoir fait référence aux paroles de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue, selon qui l’islam s’est diffusé sur l’autre rive de la Méditerranée par la violence. J’ai défendu le droit de dire la vérité et le droit à la liberté d’expression. J’ai compris que le pape incarnait ceux qui, en Europe, ne veulent pas se soumettre au terrorisme des « coupe-langues ». On voudrait nous imposer l’islamiquement correct. Ne rien dire, ne rien faire qui puisse choquer ou heurter la sensibilité islamique.
— Votre baptême à la face du monde entier a été magnifique et spectaculaire. A-t-il entraîné des conséquences pour vous ? Estimez-vous que c’est un message ?
— Le baptême est un acte public. C’est un acte personnel, mais ce n’est pas un acte privé. Le baptême est une fête : la fête du peuple chrétien qui accueille en son sein les nouveaux fidèles qui ont accueilli le Christ. J’ai été invité à participer en tant que nouveau chrétien à cette occasion extraordinaire de recevoir le baptême du Saint-Père. C’était la nuit de la Veillée pascale, le 22 mars 2008. J’ai accepté avec joie. Je considère cela comme le don, et aussi le jour le plus beau de ma vie. Et j’aimerais que tous les musulmans qui, librement, choisissent de se convertir à la foi au Christ, puissent le faire en effet librement. Qu’ils puissent le faire publiquement, sans peur, sans devoir subir la condamnation à mort pour apostasie.
Mais il y a eu des critiques, même de la part de certains évêques qui demandaient si c’était vraiment nécessaire de faire ce baptême publiquement, avec les télévisions qui ont repris l’événement et l’ont transmis dans le monde entier. On avait peur. On avait peur, même, d’être pleinement nous-mêmes, ici, dans notre maison. Plus grave encore, c’est à l’intérieur de l’Eglise que d’aucuns ont dit qu’il n’était pas « opportun » de voir un musulman se convertir au christianisme, et que s’il devait le faire quand même, il était préférable que ce soit secrètement.
— C’est dramatique.
— Oui, cela correspond en effet à l’avilissement, à la dilution, à la relativisation du christianisme, et à la perte de notre foi, de notre capacité à être pleinement nous-mêmes en terre chrétienne.
— Peut-on dire que finalement, vous avez vécu cette conversion plus comme un enracinement que comme un déracinement ?
— Il y a eu deux processus parallèles. D’une part j’ai consciemment abandonné l’islam, ayant compris que l’islam, à cause de ce qui est écrit dans le Coran, à cause de ce qui a été dit et fait par Mahomet, n’est pas modéré, n’est pas compatible avec les droits fondamentaux de la personne. Parallèlement, j’ai pris acte, à travers les actions concrètes d’authentiques témoins de la foi chrétienne, que le christianisme est la demeure naturelle des valeurs non négociables qui sous-tendent l’essence de notre commune humanité à partir de l’amour du prochain, le commandement nouveau que nous a apporté Jésus-Christ.
— L’islam ne peut pas envisager et considère même comme blasphème le fait d’appeler Dieu, « Père ». Vous êtes entré dans la religion qui fait de nous la famille de Dieu le Père : nous sommes ses enfants. Pour un ancien musulman, ou un musulman d’aujourd’hui, est-il difficile de se considérer comme un enfant de Dieu ? Vous, l’avez-vous vécu comme un retour à la maison ?
— Dans mon cas, il s’est agi d’un parcours qui a commencé lorsque j’étais enfant : j’avais quatre ans. J’ai eu la possibilité de connaître directement, et de l’intérieur, la réalité du christianisme à travers des témoins de la foi. J’ai donc touché du doigt cette réalité positive. Ainsi les sœurs, les prêtres, et aussi les laïcs catholiques accueillaient chacun avec amour, sans faire de différence selon la foi, la culture, la langue. Cela a indubitablement constitué la base de mon adhésion, et de la fascination que j’ai ressentie en rencontrant le christianisme. Je crois donc que cette expérience directe est fondamentale. C’est la raison pour laquelle je crois qu’aujourd’hui nous avons besoin d’authentiques témoins de la foi chrétienne. Il ne suffit pas de lire l’Evangile. Il ne suffit pas d’entendre parler des personnes qui connaissent la religion. Il est fondamental qu’à travers les œuvres bonnes le musulman puisse prendre acte du fait que le christianisme est la religion du Dieu qui aime la personne, du Dieu qui choisit de se donner pour la personne. C’est la religion où notre raison est respectée, celle qui ne s’impose pas, où l’on trouve ce que l’on cherche, ce qui est bien pour nous.
— Quel dialogue est possible avec les musulmans ? Vous avez dit que ce n’est pas une fin, mais un moyen.
— L’erreur qui existe jusqu’à l’intérieur de l’Eglise, celle où on est tombé, c’est de concevoir le dialogue comme sa propre fin, comme si à force de dialoguer, on obtiendra tôt ou tard un résultat positif. Donc il faut dialoguer, dialoguer, dialoguer… Si nous considérons le résultat après vingt ou même trente années de dialogue, nous découvrons qu’aujourd’hui les musulmans se sont fortement implantés en Europe, ils ont un réseau toujours plus étendu de mosquées, d’écoles coraniques, d’organismes islamiques d’assistance, de tribunaux islamiques. Ils sont au pouvoir sur l’autre rive de la Méditerranée. Pendant ce temps les chrétiens dans les pays islamiques sont toujours moins nombreux, ils sont persécutés, discriminés, tués, contraints à fuir ou de se convertir à l’islam alors que les musulmans sont toujours plus forts en Europe. J’ai pris acte du fait que le dialogue n’a pas seulement été une erreur, mais qu’il a été contre-productif.
Nous devrions donc réfléchir sur la notion elle-même de dialogue. Et retourner vers un dialogue qui ne soit plus une fin en soi mais un moyen de réaliser un but. Je pense qu’il est nécessaire qu’au départ, entre « dialoguants », on soit clair à propos des bases sur lesquelles le dialogue devra s’établir, et que l’on soit clair sur l’objectif à atteindre. Sans quoi nous continuerons de légitimer notre bourreau en puissance.
— Pensez-vous qu’il est possible de vivre en paix, côte à côte dans un même pays, avec une communauté musulmane, chrétiens et musulmans ensemble ? Et à quelles conditions ?
— Si nous parlons de l’Europe, la cohabitation n’est possible que si nous sommes conscients, si nous sommes sûrs, si nous sommes fiers d’être qui nous sommes ; si nous sommes conscients de nos racines, de notre foi, de nos valeurs, de notre identité, des règles qui fondent la cohabitation dans la société, si nous avons la fierté de notre civilisation. Si nous devons accueillir un hôte dans notre maison, nous devons lui demander qu’il y respecte des règles, règles grâce auxquelles nous avons pu l’accueillir en tant qu’hôte, car c’est grâce à ces règles que nous avons pu disposer d’un bien-être matériel et que nous avons pu accéder à une civilisation qui nous invite précisément à accueillir notre prochain, à l’amour de notre prochain.
Ces règles signifient un équilibre entre les droits et les devoirs. Les droits sont garantis à tous sans discrimination à l’égard de quiconque, mais les devoirs lient aussi chacun sans aucune exception.
Si nous n’avons ni la capacité, ni le courage de demander que soient respectées ces règles, notre maison finira par devenir inhabitable, nous ne pourrons plus vivre chez nous mais elle ne servira pas non plus aux autres. Dans la maison commune, dans une cité, dans une province, dans un Etat, ici en Europe, nous devons exiger qu’il y ait une plateforme faite de règles, de valeurs non négociables. Il doit être clair par exemple qu’ici il n’est pas permis de tuer une personne parce qu’elle a des idées différentes ou parce qu’elle professe une religion différente, et qu’il n’est pas permis d’user de violence dans les rapports avec les femmes parce qu’on les considérerait comme des êtres inférieurs. Qu’il n’est pas possible de condamner pour apostasie un musulman qui se convertit à une autre religion.
Nous devons être capables de faire respecter ces règles.
Donc, la cohabitation est possible seulement si nous sommes forts de l’intérieur et si nous avons la capacité de faire respecter les lois, les règles, les valeurs non négociables.
— Vous parlez de « nos racines », « notre maison ». C’est un signe d’espoir. Cela veut dire qu’un musulman qui, en Europe, devient chrétien, peut partager ses racines et se sentir chez lui.
— Certainement. Je crois qu’il y a beaucoup de musulmans – et je pense surtout à tant de femmes musulmanes – qui étant venus en Europe, ayant touché du doigt le fait que cette civilisation veut du bien à la personne, aux femmes, les aime, reconnaît pleinement leur dignité et leur liberté, leur accorde de bien vivre même du point de vue du bien-être matériel, l’acceptent pleinement.
Ce qui pose problème, aujourd’hui, c’est la crise des valeurs. Nous leur donnons seulement la dimension matérielle de la modernité, mais nous ne sommes pas capables de leur donner la dimension spirituelle de la modernité parce que nous sommes nous-mêmes en crise. La renaissance d’une Europe avec une âme, le recouvrement de ses valeurs, de ses racines, de la foi dans chaque Etat européen constitue la condition pour que beaucoup de musulmans puissent se reconnaître pleinement dans notre civilisation.
— Vous avez écrit un article intitulé : « C’est la faute de l’Eglise si l’Italie embrasse l’islam ». C’est un jugement très dur. Porte-t-il sur toute l’Eglise ? Comment peut-elle en finir avec cela ?
— Je faisais référence à la position officielle de l’Eglise par rapport à l’islam. Il s’agit des documents officiels du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux qui parlent des « trois grandes religions monothéistes, révélées, abrahamiques, du Livre », mettant sur le même plan l’hébraïsme, le christianisme et l’islam, légitimant ce dernier comme religion, et où Mahomet est présenté comme un prophète. Il y a eu une déclaration conjointe de la part de ce Conseil pontifical avec un groupe d’oulémas, de jurisconsultes islamiques, où l’on parle du christianisme et de l’islam qui « aiment d’une même manière le prochain », et où l’on parle d’un « Dieu commun », d’un Dieu « unique ».
Je crois que c’est cela qui représente la vraie menace pour l’Eglise. Car si nous croyons que Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, né, mort et ressuscité, représente le fondement du christianisme, et qu’en Jésus-Christ la Révélation s’est achevée, s’Il est le sceau de la prophétie, nous ne pouvons pas en même temps considérer qu’un homme, sept siècles plus tard, puisse dire : « Je suis le Prophète qui achève la Révélation », qu’il se prétende le sceau de la prophétie et qu’il nous dise que Coran est Dieu lui-même, le Dieu « intextué » dans le Coran. Si nous légitimons l’islam, nous considérons que le Coran est un texte sacré, que Mahomet est un véritable prophète, et cela signifie que nous nions le christianisme. C’est l’un ou c’est l’autre. Ou bien l’on croit exclusivement au christianisme comme unique vérité, ou bien l’on est musulman, et l’on légitime véritablement l’islam. Je suis désormais de plus en plus convaincu que l’avenir du christianisme et même de l’Eglise dépendra de la capacité de celle-ci à prendre une position très claire face à l’islam.
— Cela est finalement plus respectueux même de l’islam, puisqu’il s’agit de tenir un langage de vérité.
— Cela est surtout plus respectueux du christianisme, et c’est assurément un vrai témoignage de vérité dans la liberté, étant clairement affirmé que nous ne cultivons aucun préjugé dans les rapports avec les musulmans en tant que personnes. Nous aimons toute personne, les musulmans compris. Mais nous ne renonçons pas à notre droit et à notre devoir de juger les mérites de l’islam comme religion et de prendre acte du fait que l’islam en tant que religion n’est pas modéré.
— Des sociologues disent qu’on finit par ressembler à la divinité qu’on adore. Etes-vous d’accord avec cela, et connaissons-nous assez le dieu de l’islam ?
— J’ai une formation sociologique. Je pense que chacun de nous a sa spécificité. Elle est la synthèse d’une complexité où la dimension personnelle, la dimension familiale, communautaire, sociale, économique, culturelle, éducative, ensemble avec la dimension religieuse, ont une importance dans la détermination de notre personnalité ; sont aussi importants notre vécu, notre quotidien. Les personnes ne sont pas la transposition automatique et sans critique des dogmes de la foi – heureusement pour nous. Car aujourd’hui dans le monde il y a un milliard trois cent cinquante millions de musulmans. S’ils étaient chacun la transposition automatique et sans critique de ce qui est écrit dans le Coran et de ce que Mahomet a fait et dit, nous devrions réellement être inquiets.
— Mais il serait important pour nous de mieux connaître le Coran.
— Cela est fondamental. Et il faut donc le lire et le faire lire, pour comprendre quelle est la vraie source pour les musulmans. Je crois que ceux-ci ne connaissent pas le Coran dans son intégralité. Il en a certainement été ainsi pour moi. J’ai vécu pendant vingt ans dans une Egypte laïque où le Coran était accepté dans certains lieux, mais où il était ignoré ou nié dans d’autres. La connaissance du Coran sert à comprendre comment aujourd’hui il nous convient de nous méfier, de prévenir des erreurs qui risquent d’avoir des conséquences irréversibles, qui ne permettront pas de revenir en arrière, comme celle de créer toujours davantage de mosquées, toujours plus d’instituts islamiques, sans savoir ce qui s’y dit. Tout cela parce que nous ne connaissons pas le Coran.
— Vous animez le mouvement « Io amo l’Italia » (J’aime l’Italie). Parvient-il à se faire entendre en Italie, notamment sur le plan du respect de la vie et du soutien à la famille ? On a l’impression qu’il n’y a pas de grand parti qui fasse quoi que ce soit pour cela. Quel espoir avez-vous ?
— « Io amo l’Italia » est un mouvement politique fondé en 2009. Il croit au caractère central de la personne, de la famille naturelle, de la communauté locale, des valeurs et des règles, et du bien commun. Le mouvement a décidé de participer aux prochaines élections politiques nationales qui se tiendront en Italie au printemps prochain, de manière totalement autonome, sans s’allier avec d’autres partis existants. Nous avons décidé cela précisément parce que nous prenons acte du fait que, tous partis confondus, on ne respecte pas les valeurs non négociables. C’est l’argent qui y est mis au centre, c’est l’intérêt.
Nous, nous voulons promouvoir un nouveau modèle de développement, un nouveau modèle d’Etat, un nouveau modèle de société qui favorise une croissance saine des Italiens, en les aidant sur le plan de l’économie réelle. Nous voulons y aider par une réforme de l’Etat qui parte du bas et qui mette au centre les citoyens. Mais ce sera aussi sur le plan de la croissance de la vie, parce que l’Italie est aujourd’hui tout en bas du tableau mondial des taux de natalité.
Nous avons par exemple œuvré pour promouvoir la reconnaissance du droit des femmes, des mères, de choisir de se dévouer à plein temps à leur famille, à leurs enfants, à leur foyer, et de recevoir pour cela un revenu. Si la croissance de la natalité est aujourd’hui une sorte d’urgence nationale, nous devons nous en occuper avec le plus grand sérieux et la plus grande détermination.
— Vous avez parlé de la mainmise de la finance sur l’Europe, et du « gouvernement des banques ». Comment en sortir ?
— Nous devons prendre acte du fait qu’aujourd’hui le monde est profondément affecté par un amoncellement de monnaie fictive et de titres dérivés dont la valeur est douze fois plus importante que celle du Produit intérieur brut de tous les pays du monde réunis. Nous devons donc prendre acte du fait qu’avoir donné la prérogative d’émettre monnaie à la Banque centrale européenne, qui est une entité privée – les propriétaires de la BCE sont des banquiers privés – conduit les Etats nationaux à devoir l’acheter en s’endettant, en émettant des titres d’Etat qui créent de la dette puisqu’ils se remboursent avec des intérêts.
La voie pour sortir de cette dictature financière, qui se traduit aujourd’hui par la présence de gouvernements technocratiques, qui n’ont pas été élus par les citoyens, et qui ne répondent de leurs actes à personne, est le recouvrement de notre souveraineté monétaire. Autrement dit, l’Etat doit recommencer à émettre lui-même la monnaie, en faisant s’évanouir la différence entre la valeur réelle de la monnaie, qui est voisine de zéro, et la valeur nominale, faciale de la monnaie. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons relancer le développement en Europe. En Italie, par exemple, l’Etat doit aux entreprises 100 milliards d’euros. Et il y a beaucoup d’entreprises en Italie qui font faillite non parce qu’elles sont mal gérées, mais parce que l’Etat n’honore pas ses dettes et qu’elles ne peuvent plus payer les salaires, charges et autres achats. La seule manière pour que l’Etat puisse disposer de cet argent est de l’émettre directement, car l’alternative est suicidaire : pour rembourser les dettes il faut contracter de nouvelles dettes.
— Pour finir une question plus personnelle, plus indiscrète. Familialement, votre conversion a-t-elle été bien vécue, cela s’est-il bien passé ?
— Ma femme et mes enfants l’ont acceptée de manière positive. Ma femme est italienne, catholique, elle y était évidemment favorable. Quant à ma famille d’origine – je ne parle pas de ma mère et de mon père, que j’ai perdus il y a bien des années déjà – j’ai décidé de ne pas l’impliquer dans ma décision de ma conversion au christianisme, car je suis conscient que cela aurait créé pour mes parents des problèmes sur le plan de la sécurité. Donc, quelque temps avant de prendre la décision de me convertir, j’ai intentionnellement coupé les liens, pour leur bien. Car ils vivent dans un pays, l’Egypte, où la conversion est considérée comme une apostasie, et l’apostasie est passible de la condamnation à mort. Je n’ai pas voulu que quiconque puisse les considérer comme complices de mon choix personnel.
Propos recueillis par Jeanne Smits et Olivier Figueras
Article extrait du n° 7741
du Samedi 1er décembre 2012