Le colloque Sacra Liturgia à Rome : le sens d’un événement
publié dans nouvelles de chrétienté le 12 juillet 2013
Le colloque Sacra Liturgia à Rome : le sens d’un événement
par l’abbé Claude Barthe
Du 25 au 28 juin dernier, s’est tenu à l’Université Pontificale de la Sainte-Croix (Opus Dei), le colloque Sacra Liturgia, présidé par Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, « afin d’étudier, promouvoir et renouveler la formation liturgique, l’esprit, et le sens de la célébration dans ses fondements pour la mission de l’Eglise, en particulier à la lumière de l’enseignement et de l’exemple de Sa Sainteté, le Pape Benoît XVI ».
Le colloque regroupait près de 350 participants, dont de nombreux clercs (anglo-saxons, italiens, français, etc.). L’organisation millimétrée était dirigée par le P. Alcuin Reid, assisté par le P. Uwe Michael Lang, de l’Oratoire de Londres.
Parmi les conférences : « La Sainte Liturgie, culmen et fons vitæ et missionis Ecclesiæ », par le cardinal Ranjith, très en verve à l’endroit des célébrants qui sont autant de réformateurs permanents de la liturgie ; « Le droit liturgique dans la Mission de l’Eglise », par le cardinal Burke ; « La Sainte Liturgie et les Communautés nouvelles », par Mgr Aillet, avec une vibrante défense du latin liturgique ; « La liturgie, le rituel et l’homme contemporain – liens anthropologiques et psychologiques », une contribution particulièrement intéressante du P. Michael John Zielinski. Peut-être, la plus marquante des interventions fut-elle celle de Mgr Alexander Sample, « L’Evêque : gouverneur, promoteur et le gardien de la vie liturgique du diocèse », au cours de laquelle l’archevêque de Portland insista sur la lourde responsabilité de l’évêque en ces matières, intervention qu’il acheva par une action de grâce pour l’immense bienfait qu’a représenté la remise en honneur de la messe traditionnelle.
Pour bien comprendre la « ligne » du colloque, il importe de dire qu’il était « biformiste », c’est-à-dire que les célébrations (office divin, messes) étaient alternativement célébrées dans la basilique Saint-Apollinaire, toute de marbre et d’or, selon la forme ordinaire et selon la forme extraordinaire du rite romain. Le cardinal Brandmüller y a célébré une messe pontificale extraordinaire somptueuse. Quant à la forme ordinaire, elle a été au maximum extraordinarisée (Dictionnaire de l’Académie, édition 2020…), comme le permettent au reste parfaitement les rubriques : le cardinal Cañizares, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, a célébré une messe pontificale ordinaire en latin, plain chant, polyphonie romaine, face au Seigneur, ritualisation optimale. Y a-t-il eu, demandaient certains à l’issue de la cérémonie, une réforme liturgique ? Cela fait penser aux reproches du cardinal Marty à l’abbé Guérin, au motif qu’il célébrait une « messe traditionnelle », rue Notre-Dame-des-Champs, à Paris. Comme ce dernier assurait qu’il n’en était rien et que sa messe était bien une « messe nouvelle », mais en latin, etc., le cardinal rétorquait : « Vous me prenez pour un couillon ? » (sic).
Alessandro Speciale, dans un article de Vatican Insider, du 27 juin, tant à propos du colloque Sacra Liturgia que de la présentation du pèlerinage Summorum Pontificum faite au même moment à La Trinité-des-Pèlerins, remarquait : « Il ne s’est manifesté aucun scepticisme particulier ou aucun jugement défavorable vis-à-vis du Pape François, bien que ses aspirations et ses inclinations soient autres que celles des acteurs du retour de la messe tridentine libéralisée par Benoît XVI avec son Motu Proprio Summorum Pontificum. On a la sensation qu’on ne veut pas rouvrir une époque de “guerre culturelle”, comme celle qui a caractérisé les décennies passées. » Voire. Il en est, à la Curie, qui virent d’un fort mauvais œil cette manifestation tranquille de « retour » liturgique et le firent savoir. Mécontentement sans conséquence : on a l’impression que, sous le Pape François, une grande liberté intellectuelle et pratique s’offre à l’ensemble des sensibilités qu’il est convenu de qualifier de « restauratrices ». Elles ne bénéficient plus, c’est vrai, de la référence au sommet qu’elles avaient sous Benoît XVI (« le pape a dit… », « le cardinal Ratzinger avait écrit… », « la pensée du pape est que… »), mais elles n’ont désormais plus à s’inquiéter d’entraîner l’approbation du pape ou d’encourir sa réprobation en contournant des services curiaux hostiles par d’autres bureaux favorables. Car du pape François, ce n’est pas le souci : il ne tient qu’à elles de continuer à se développer paisiblement et de faire par elles-mêmes leurs preuves.
C.B.
Article extrait du n° 7894
du Samedi 13 juillet 2013