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Entraide et Tradition

Le cardinal Rodriguez Maradiaga

publié dans nouvelles de chrétienté le 5 janvier 2015


CARDINAL OSCAR ANDRES RODRIGUEZ MARADIAGA

LE « PREMIER MINISTRE diagaBIS » DU PAPE FRANÇOIS

Le "Premier ministre bis" du pape François
Son Eminence Oscar Andres Rodriguez Maradiaga, cardinal et archevèque de Tegucigalpa au Honduras© Eric VANDEVILLE/ABACA
UN ENTRETIEN AVEC CAROLINE PIGOZZI

Un entretien avec Son Eminence Oscar Andres Rodriguez Maradiaga, cardinal et archevèque de Tegucigalpa au Honduras, nouvel homme fort du pape François et coordinateur de la réforme de la curie romaine.

Paris Match. Eminence, le pape François vous a nommé à un poste clé au Vatican

Son Eminence Oscar Andres Rodriguez Maradiaga. Vous voulez parler du C9, qui regroupe les neuf cardinaux des cinq continents chargés de conseiller le Pape sur la réforme de la curie romaine, dont je suis le coordinateur. Nous nous réunissons au Vatican tous les deux mois pendant trois jours, autour du Pape, pour étudier les divers sujets. Dans l’intervalle, nous travaillons chez nous, transmettons des rapports et des suggestions au Saint Père et communiquons par e-mails, mais seulement pour les documents officiels… C’est une règle élémentaire de prudence.

Cela fait de vous une sorte de très puissant “Premier ministre bis” ! [Il rit.]

Aux yeux du monde, sûrement. Mais pas selon mes critères. Même si l’on me courtise, je n’y pense pas. Je suis là pour servir l’Eglise. Debout à 5 heures du matin tous les jours que Dieu fait, je suis également fort occupé par la présidence de Caritas Internationals [fédération d’organisations caritatives] depuis 2007. Etant le seul cardinal du Honduras et l’archevêque de Tegucigalpa, où je passe la moitié de l’année, rejoindre Rome est pour moi à chaque fois un véritable périple. Il me faut deux jours pour venir et autant pour rentrer, via RomeMadrid, Madrid-Guatemala, Salvador et enfin le Honduras… Avec d’interminables attentes dans les aéroports, des retards, et le décalage horaire ! Mais c’est important d’être d’abord auprès de mes prêtres, de prêcher les retraites, de passer du temps dans mon diocèse.

Le pape François a donc choisi quelqu’un de son monde ?

 J’appartiens à l’ordre des salésiens de Don Bosco et non à la Compagnie de Jésus ; ce qui est vrai c’est que nous sommes deux religieux, mais surtout que nous nous connaissons bien à cause du Celam, le Conseil des évêques d’Amérique latine. Cette organisation permet à ses membres de s’impliquer dans de multiples projets communs, à travers les conférences générales et les assemblées plénières. De plus, avec Jorge Mario Bergoglio, nous avions pris en charge la rencontre de l’épiscopat latino-américain en 2007 à Aparecida. Nous militions tous les deux sur le terrain pour combattre la pauvreté en gardant le souci d’une Eglise plus sobre. Archevêque de Buenos Aires, le Pape était le rédacteur en chef du document final et, en tant que membre de cette commission, j’ai passé des heures avec lui pour rédiger les textes.

Un pape converti par les pauvres ?

Non, il n’est pas converti, car son existence a toujours été auprès d’eux, avec miséricorde et bonté. En Amérique latine, notre priorité est d’abord auprès des plus démunis. Bien que nombre d’organismes internationaux déclarent en théorie, chiffres à l’appui, que la pauvreté diminue, la réalité est qu’il n’en est rien. Les exclus le sont aussi des données économiques mondiales. Au Honduras, pour ne citer que ma patrie, qui compte 7,5 millions d’habitants, nous cumulons pauvreté, chômage, analphabétisation, corruption, narcotraficant, sectes…, tous ces fléaux contre lesquels Sa Sainteté ne cesse d’élever la voix. Il faut savoir que, dans certains endroits perdus d’Amérique latine, il n’y a ni routes ni eau potable, aucune hygiène de vie. Pensez aussi à Haïti, où le Pape pour la première fois a créé un cardinal, Mgr Chibly Langlois. Ce geste va apporter de l’espoir à cette île extrêmement pauvre. Dans un tel contexte, nous sommes incités au dialogue, à une grande fraternité, au dépouillement plus qu’à la solennité, et à l’enfermement. Les évêques qui vont à Rome chez le Pape découvrent que son style n’est pas feint lorsque, par exemple, il se rend à pied de la résidence Santa Marta, où il habite, à la salle Paul-VI, lieu des débats du synode. Cela correspond à sa nature chaleureuse et crée moins de distance que de le voir arriver en voiture officielle.

Un pape qui, néanmoins, murmure-t-on, a du caractère !

Le Pape n’a pas vraiment changé depuis son élection. S’il a parfois le visage sombre, c’est parce qu’à son âge il accuse quand même la fatigue. Il n’arrête jamais de travailler, et cette charge suprême, qui requiert une concentration constante, peut lui donner l’air crispé. L’une de ses grandes qualités est sa capacité d’écoute. Lors de nos réunions consultatives du C9, il fait un tour de table, donne à chaque interlocuteur le temps nécessaire pour mettre en valeur ses arguments, sans avoir les yeux rivés sur sa montre. Ensuite il décide, seul. Au-delà de sa première encyclique, publiée en juin dernier, “Lumen Fidei”, précisant sa pensée, ce qui me frappe est son “encyclique des gestes”, presque aussi importante que sa doctrine. Lorsque, en marge du sévère protocole, il fait arrêter son automobile en Calabre pour embrasser une jeune fille en état végétatif sur son brancard, ou, place Saint-Pierre, un homme au visage déformé par les tumeurs, il insuffle de l’espoir aux malades. Ce pape, qui ne pratique que l’italien et l’espagnol, parle le langage universel du cœur. Un Souverain Pontife également plein d’humour… Je puis en témoigner. Après ma fracture du pied, en avril 2013, il m’a téléphoné à l’hôpital à Tegucigalpa. Quand je lui ai dit “On vient de me poser cinq vis en métal”, il m’a répondu sans hésiter : “Heureusement qu’on te les a mises dans le pied et pas dans la tête !” Et alors que je lui demandais de bénir un jeune couple proche de moi dont le mari était anglais et l’épouse espagnole, il les a questionnés : “Dans quelle langue vous disputez-vous ?” C’est aussi un pape qui va directement au but.

 Quelles sont les priorités de votre C9 ?

D’abord assainir la banque du Vatican, l’IOR, c’est-à-dire réformer l’économie interne pour plus de transparence. Après l’affaire VatiLeaks, il était essentiel de faire un audit – récemment on a encore fait d’étonnantes découvertes, ainsi ces quelque 57 millions d’euros oubliés dans les bilans officiels de l’IOR –, importait de se pencher sur les questions sociales, les mêmes que celles de la société civile d’aujourd’hui. Je reviens à nouveau sur la pauvreté qui, d’une façon plus générale, ne pénalise pas seulement les catholiques mais ceux qui souhaitent fonder une famille et n’ont même pas les moyens de se loger… Comment penser avoir des enfants lorsqu’on n’a pas de quoi manger, qu’on est au chômage ? La paix dans le monde est une autre priorité, en essayant de faire prendre conscience à l’humanité que les armes qui servent à des conflits en Irak, en Syrie ou ailleurs sont fabriquées par de grandes nations occidentales… Notre tâche est de rappeler également à l’Arabie saoudite que ces guerres tuent leurs congénères, puisque ceux qui meurent sont généralement des Arabes. Pourquoi ne pourrait-on pas parvenir à un Etat palestinien avec des frontières respectées par les Israéliens et les Palestiniens ? N’oublions pas le sort tragique des immigrés, et le geste du Pape à Lampedusa a commencé à alerter la communauté internationale sur ce drame. Sans oublier, en Amérique latine, le trafic des êtres humains, des enfants vendus autour de 5 000 dollars aux Etats-Unis… Sa Sainteté tient à dénoncer la corruption politique qui appauvrit nos pays lorsque le chef de l’Etat et ses hauts responsables volent en toute impunité la nation et que leurs familles voyagent luxueusement, parés de bijoux… Et cela avec la carte de crédit professionnelle ! Je ne reviens pas sur les problèmes de pédophilie, vivement combattus par le cardinal américain Sean Patrick O’Malley…

Et le mariage gay ?

C’est un sujet international récurrent, car les hommes politiques de bon nombre de pays craignent le lobby gay, qui représente un réel poids électoral. Le plus affligeant est que l’Onu, dont la première vocation devrait être le maintien de la paix et de la sécurité internationale, soit aujourd’hui une organisation en faveur de l’avortement et du mariage gay.

Parlez-moi des femmes dans l’Eglise.

Il va y en avoir davantage dans les dicastères [ministères du Vatican], concernant les questions familiales notamment. Des laïques seront demain dans des dicastères, mais pas à leur tête. J’espère aussi qu’elles occuperont des places dans les instances internationales catholiques.

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Avec lui, François aime travailler, refaire le monde et rire. En nommant le cardinal Maradiaga à la tête du Conseil des cardinaux pour l’aider à réformer la curie romaine, le Souverain Pontife a déclenché une petite révolution. Celui qui est aussi archevêque de Tegucigalpa est une sorte de « Premier ministre bis ».Eric VANDEVILLE

Croyez-vous proche le mariage des prêtres ?

Quelle drôle de question ! Nous sommes mariés à l’Eglise, à laquelle nous consacrons notre vie. C’est un choix. Ne m’opposez pas le clergé catholique de rite oriental, qui correspond à une culture différente et à d’autres formes de vocation ! En Amérique latine, c’est le cas dans mon pays, je ne pourrais pas entretenir 150 prêtres diocésains s’ils avaient une famille. Sur ce continent, nous vivons de la charité publique, il n’y a pas de salaire minimum… D’ailleurs, les anciens pasteurs anglicans – qui, eux, peuvent être mariés – n’acceptent pas, quand ils sont convertis au catholicisme, d’aller dans les paroisses pauvres ou sur les terres de mission car leurs femmes ne sont pas prêtes à les suivre là où il n’y a pas d’école… Vous comprenez pourquoi je ne puis envisager le mariage pour les prêtres.

Comment réagissez-vous lorsque le Pape déclare qu’il renoncera sans doute un jour ?

C’était une boutade ! En revanche, il est vraisemblable que le jour où il sentira ses forces décliner, François partira. Le Saint Père, qui la semaine dernière a fêté ses 78 ans, est cohérent avec lui-même. D’aucuns, ambitieux, souvent sournois, commencent à prétendre qu’il ne va pas très bien. Vu son âge, ce genre de rengaine est quasiment inévitable. D’ailleurs, ajoutent-ils perfidement, ses médicaments le font grossir… En fait, lorsqu’il était à Buenos Aires, le pape François marchait beaucoup, circulait à pied, en bus, en métro… Il mène maintenant une existence plus sédentaire et prend ses repas à des heures régulières. Mais il ne se préoccupe pas plus de son physique. La preuve : il a gardé ses pantalons noirs sous la soutane et ses grosses chaussures de marche. Et ça, pour un pape, c’est vraiment une première !

Un Jorge Mario Bergoglio heureux ?

Il ne me l’a jamais confessé mais il suffit, pour quelqu’un comme moi qui le connaît depuis longtemps, de voir son rayonnant sourire. On comprend alors, même s’il ne s’attendait pas à monter sur le siège de Pierre, combien le pape François est heureux.

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