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Entraide et Tradition

Tome 9 Psaumes du dimanche à Complies Psaume 4

publié dans couvent saint-paul le 30 octobre 2020


Tome 9

Psaumes du dimanche à Complies

Psaume 4.

« Cum invocarem exaudivit me Deus justitiae meae, in tribulatione dilatasti mihi » «  Lorsque j’invoquais, le Dieu de ma justice m’a exaucé Vous m’avez mis au large dans la tribulation».

Ce psaume se divise en deux parties très inégales. Le psalmiste dans les deux premiers versets exprime son action de grâce  pour les bienfaits reçus. Ensuite fort de cette expérience, il exhorte les autres à se tourner vers Dieu et cela à partir du verset 3 : « Fils des hommes, jusque à quand aurez-vous le cœur appesanti ?… ».

Le premier verset fait allusion, nous dit saint Thomas, dans son commentaire « des bienfaits passés ». En effet le psalmiste rend grâce d’abord « parce qu’il a été exaucé ». Il expose d’abord sa prière et son exaucement. Voilà pourquoi il dit : «  le Dieu de ma justice m’a exaucé ». Mais il n’a pas été exhaussé sans « qu’il crie », sans qu’il prie. C’est à retenir. C’est pourquoi il dit : « Lorsque j’invoquais », ce qui signifie :  implorer le secours dans la nécessité. C’est pourquoi il dit: « au milieu de ma tribulations ».  : « Lorsque j’étais dans la tribulation, vers le Seigneur, j’ai crié et il m’a exaucé » parce que ce cri vient d’un cœur juste, voilà pourquoi il dit «le Dieu de ma justice », ce qui laisse entendre que, de cette  justice, Dieu en est l’auteur. La justification vient de lui. « Les yeux du Seigneur sont sur les justes ». Autrement dit: ce qui est fondamental, commente saint Thomas, c’est que l’homme attribue sa propre justice à Dieu et non à lui ; et c’est pourquoi il dit : « le Dieu de ma justice ». Saint Thomas résume et affirme que dans la prière : « L’homme doit donc d’abord attribuer son propre bien à Dieu, ensuite avoir la justice, puis crier, enfin être exaucé ».Il y a un ordre dans la prière. Voilà bien exprimée la pensée du psalmiste.

C’est une thèse de la théologie morale. Notre justice vient de Dieu. C’est affirmé dans le chapitre 3 du Concile de Trente, sur le péché originel. En raison de la malice infinie du péché originel en ce sens qu’il s’oppose à l’infinie bonté de Dieu, selon l’axiome : injuria in injuriato, seul le Christ, pouvait être notre « justification, notre réconciliation, notre rédemption» parce que seul il pouvait poser un acte d’une valeur infinie, et racheter le péché d’Adam et nos péchés personnels. Voici ce chapitre 3 fondamental :  3. Si quelqu’un affirme que ce péché d’Adam – qui est un par son origine et, transmis par propagation héréditaire et non par imitation, est propre à chacun -, est enlevé par les forces de la nature humaine ou par un autre remède que le mérite de l’unique médiateur notre Seigneur Jésus Christ qui nous a réconciliés avec Dieu dans son sang, devenu pour nous justice, sanctification et rédemption ; ou s’il nie que ce mérite de Jésus Christ soit appliqué aussi bien aux adultes qu’aux enfants par le sacrement du baptême conféré selon la forme et l’usage de l’Eglise : qu’il soit anathème. Car il n’est pas d’autre nom sous le ciel qui ait été donné aux hommes par lequel nous devons être sauvés. D’où cette parole : Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde, et celle-ci : Vous tous qui avez. été baptisés, vous avez revêtu le Christ ».La parole du psalmiste : « le Dieu de ma justice » est en parfaite harmonie avec la doctrine catholique. Je retiens cette expression : « le Dieu de ma justice ».

« Dans la tribulation tu m’as mis au large. Aie pitié de moi, et exauce ma prière ». « Tu m’as mis au large », c’est-à-dire tu m’as libéré m’accordant la dilatation du cœur ou la force de soutenir l’épreuve. Ensuite il dit : « Aie pitié de moi », c’est-à-dire en écartant tout ce qui subsiste de l’épreuve passée, « et exauce [-moi], moi qui prie pour les biens futurs » (St Thomas) .

Fils des hommes, jusques à quand aurez-vous le cœur appesanti ? Pourquoi aimez-vous la vanité, et cherchez-vous le mensonge ?

« Fils des hommes » : là, le psalmiste se tourne vers les autres pour les encourager à fuir l’iniquité.  Il commence par blâmer les pécheurs.  Ensuite il les exhorte à se corriger. Il leur  rappelle leur condition de pécheurs. Ils sont bien fils d’Adam et d’Eve, c’est ce qu’il veut dire en disant : «  Fils des hommes », en tant qu’ils sont corruptibles et enclins à pécher selon leur nature inférieure : « des êtres de chair » : « Mon esprit ne demeurera pas toujours dans l’homme puisqu’il est chair. » dira Dieu à la veille du déluge. Ou encore, « Fils des hommes »: le sentiment et la pensée de l’homme sont inclinés au mal dès sa naissance. C’est dit dans le psaume 50 : » Miserere mihi Domine ».  Donc « Fils des hommes » pour dire : vous vous montrez fils des hommes, c’est-à-dire pécheurs, à savoir fils d’Ève et d’Adam : jusques à quand aurez-vous le cœur appesanti ? – « Malheur à la nation pécheresse, au peuple accablé par l’iniquité, à la race perverse, aux enfants scélérats » dit l’Ecriture, ils ont abandonné le Seigneur, ils ont blasphémé le Saint d’Israël, ils sont retournés en arrière. »

Alors il les exhorte à se corriger : « jusques à quand aurez-vous le cœur appesanti »

Là, il reprend leur faute : jusques à quand aurez-vous le cœur appesanti Pourquoi aimez-vous la vanité, etc. ? Donc jusques à quand vous ne vous convertirez pas à Dieu ? Et c’est bien ce que lit la version de  Jérôme, dit saint Thomas : « Filii viri, usquequo inclyti mei ignominiose diligitis vanitatem, quaerentes mendacium (Fils d’homme, jusques a quand, mes enfants illustres, aimerez-vous honteusement la vanité, en cherchant le mensonge ?). Le psalmiste, comme il convient,  blâme cette faute : Pourquoi aimez-vous, etc. ? Or dans le péché deux choses sont à prendre en considération : la volonté s’attachant à l’objet, et l’intention déterminée. Il traite d’abord de l’amour désordonné quand il dit : Pourquoi aimez-vous la vanité ?  La « vanité » c’est-à-dire ce qui est vain, sans consistance ; c’est qu’en effet les réalités temporelles sont vaines, car elles n’ont pas de fondement, tandis que le bien se perpétue : « Vanité des vanités, et tout est vanité. » Pourquoi donc aimez-vous la vanité ?, autrement dit : pourquoi aimez-vous les réalités temporelles ?

Puis il traite de la mauvaise intention lorsqu’il dit : et cherchez-vous le mensonge ? C’est-à-dire pourquoi aimez-vous les richesses, afin d’y trouver votre contentement ? Car « l’avare ne sera pas rassasié par l’argent ». – « J’ai regardé la terre, et voici qu’elle était vide. » Ou bien le mensonge, c’est-à-dire l’idole « qui n’est rien ». Jusques à quand donc aimerez-vous et chercherez-vous cela, sans vous convertir à Dieu ?

Et sachez que le Seigneur a fait merveille pour son saint : le Seigneur m’exaucera, lorsque je crierai vers lui.

Là, dans ce verset, le psalmiste exhorte les pécheurs à se corriger. Et à cette fin, il rappelle d’abord les bienfaits prodigués par  Dieu envers lui. Ainsi dit-il : « Et sachez » etc. Quant au bienfait qu’il rappelle, il est double, l’un se rapportant au passé et l’autre au futur : le Seigneur m’exaucera. Concernant le premier bienfait il dit : Et sachez, etc. Et sachez – Quoi ? – que le Seigneur a fait merveille. Voici tout le bien qu’il m’a fait : car il a fait merveille, c’est-à-dire m’a rendu admirable. N’importe quel juste est aussi admirable, « Dieu est admirable dans ses saints. » Et si l’on voit ici une allusion au Christ. Il faut se souvenir que le Christ est souverainement admirable. C’est affirmé dans l’Apocalypse : « Et son nom sera appelé Admirable. »

Le Seigneur m’exaucera. – C’est là le second bienfait selon l’Ecriture elle-même : « Avant qu’ils crient, moi je les exaucerai ; eux parlant encore, j’écouterai. »

Irritez-vous et ne péchez pas ; ce que vous dites dans vos cœurs, repassez-le avec componction sur vos couches.

« Irritez-vous et ne péchez pas ». Là, il  les exhorte à corriger leur vie et donc  à s’éloigner du mal. Et ensuite à tendre au bien. « A s’éloigner du mal », en corrigeant l’irascible, la raison et le concupiscible. C’est là les causes du mal, nous dit saint Thomas, dans son commentaire.  Le psalmiste leur dit  qu’il faut  s’éloigner « de la corruption de l’irascible ». C’est pourquoi il dit : « Irritez-vous, mais ne péchez pas ». Notre auteur, ici, parle de « la colère désordonnée » autrement dit : il est permis qu’un mouvement de colère naisse en nous, mais non de le poursuivre jusqu’à commettre un péché : « Irritez-vous et ne péchez point ; que le soleil ne se couche point sur votre colère. » Cela peut vouloir aussi dire : «  Irritez-vous, contre vos péchés : irritez-vous contre les péchés passés pour que vous n’en commettiez point d’autres. C’est la componction du cœur.  Mais cela peut s’entendre aussi «  de la colère due au zèle ». Les Disciples devant la colère de Jésus chassant à coup de fouet les vendeurs du Temple, se sont souvenus, dit saint Jean dans son Evangile de la phrase de l’Ecriture disant: « le zèle de ta Maison Seigneur me dévore ». Donc Irritez-vous par une colère due au zèle.

Ou encore, c’est toujours saint Thomas qui en fait la remarque : « Irritez-vous contre les vices d’autrui, mais cependant ne péchez pas en les corrigeant de manière désordonnée, car la colère doit être mesurée par la raison ». C’est bien ainsi du prêtre dans son apostolat.

Ensuite il écarte le péché qui naît de la corruption de la raison, c’est-à-dire la simulation, c’est-à-dire : «  n’ayez pas dans le cœur une pensée autre que celle que vous proférez » (St Thomas). « Que votre oui soit oui votre non soit non ». La vérité est une vertu sociale nécessaire et indispensable. La « simulation » est un vice horrible.

Enfin « il écarte le péché qui naît de la corruption du concupiscible. »

«  Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur. Beaucoup disent : Qui nous montrera les biens ? »

Le psalmiste les exhorte à accomplir le bien. Il les amène tout d’abord vers le principe du bien. C’est ce qu’il veut exprimer lorsqu’il dit : «  Offrez un sacrifice de justice », c’est-à-dire un sacrifice de satisfaction et de pénitence : Offrez vos corps en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu. Puis « il les amène vers la finalité du bien, en disant : et espérez dans le Seigneur, etc., autrement dit : soyez remplis d’espérance dans le Seigneur, qui vous a donné d’accomplir ces sacrifices » (St Thomas).

« Qui nous montrera les biens ? »

Et le psalmiste résout cette question lorsqu’il dit :

«  La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur, etc. », La loi naturelle qui n’est rien d’autre que le reflet de la sagesse de Dieu en nos âmes nous permet de discerner le bien du mal. C’est pourquoi il dit : La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur, etc. C’est-à-dire que le visage de Dieu, commente saint Thomas est ce par quoi Dieu est connu, telle est la vérité de Dieu. « À partir de cette vérité divine la ressemblance de sa lumière brille dans nos âmes. Et c’est comme une lumière participée, et elle est gravée sur nous, … et elle est comme un signe sur nos visages, aussi pouvons-nous grâce à cette lumière connaître le bien. En plus de cela nous sommes aussi marqués du sceau de l’Esprit : « Ne contristez point l’Esprit-Saint en qui vous avez été marqués d’un sceau. » Et en outre par le signe de la croix, dont le sceau a été gravé en nous au baptême, et que chaque jour nous devons appliquer : « Pose-moi comme un sceau sur ton cœur. »

« Tu as mis la joie dans mon cœur ». Tu as mis la joie, c’est-à-dire la joie spirituelle, dans mon cœur, c’est-à-dire « pour que je me réjouisse de toi » commente saint Thomas. C’est bien vu. C’est la parfaite définition de la joie. La joie demande la présence de l’objet aimé, ce qui est le fruit de la charité. Saint Thomas traite de la joie dans la II II art 28 et il nous dit que la joie : « est causée par l’amour, ou bien parce que celui que nous aimons est présent, ou bien encore parce que lui-même est en possession de son bien propre, et le conserve ».

Limitons notre commentaire à la proposition : la raison de la joie est bien parce que celui que nous aimons est présent » : C’est l’interprétation que donne saint Thomas de notre strophe : Tu as mis la joie dans mon cœur.
La joie est causée par la présence de l’objet aimé, nous dit tout d’abord saint Thomas. Et c’est le cas, grâce à la charité : par la charité qui a pour objet Dieu, l’âme jouit de la présence de Dieu qu’elle aime puisque, par la grâce, Dieu habite dans l’âme humaine d’une manière toute spéciale et intime, à titre d’ami. « Quiconque demeure dans la Charité, demeure en Dieu, nous dit saint Jean et Dieu en Lui » (I Jn 4 16). Nous pourrions multiplier les citations scripturaires.

Ainsi si l’on cherche les raison des dépressions nombreuses actuelles, elle se situe, dans la perte de l’amour de Dieu. Comme le disait saint François d’Assise parcourant la campagne d’Assise, « l’amour n’est pas connu, l’amour n’est pas aimé ». Dieu n’est plus aimé. Voilà la raison profonde de la dépression actuelle de nombreuses personnes.
Insistons. C’est tellement important : La joie est causée, nous dit saint Thomas, par la présence de l’objet aimé dans l’âme qui est la vertu de charité. .
Oui ! Cette présence de l’objet aimé, c’est la définition même de la vertu de charité. C’est sa raison. La charité est une amitié. L’amitié est un amour de bienveillance, i.e. elle veut du bien à l’être aimé. Mais l’amitié exige en outre que cette bienveillance soit réciproque entre les amis : réciprocité qui est elle-même fondée sur une certaine communauté de vie, permettant les échanges. Or il existe quelque chose de commun entre Dieu et l’homme du fait que Dieu se propose de communiquer à l’homme sa propre béatitude : « par lui, vous êtes appelés à entrer dans la société de son Fils, nous dit saint Paul (1 Cor 1 9). C’est sur cette base qu’est fondée la Charité : elle est une amitié entre Dieu et l’homme. Et dans cette amitié créée par la charité, nous sommes en possession de Dieu d’une manière imparfaite ici-bas et d’une manière parfaite au ciel où les élus contemplent sa face (Apoc 22 3)
Et donc Saint Thomas a raison de dire que la « joie est causée par l’amour » qui est raison de la présence de l’objet aimé dans l’âme. Vous comprendrez alors pourquoi beaucoup de gens aujourd’hui sont tristes et dépressifs. L’amour de Dieu diminue dans le cœur humain. Malheur !

Tant les humains sont préoccupés des choses de la terre.

Voilà pourquoi l’auteur nous dit : « Ils se sont multipliés par l’abondance de leur froment, de leur vin et de leur huile »
Ils sont uniquement préoccupés des biens de la terre. Ils oublient la vraie finalité de la vie : le ciel. C’est que Saint Ignace de Loyola nous dit dans ses Exercices merveilleux : « L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu et pas ce moyen sauver son âme ». C’est ce qui donne la paix à l’âme : « Et moi je dormirai et me reposerai en paix. Parce que vous Seigneur m’avez affermi dans une espérance singulière » « In pace in idipsum dormiam et requiescam ; quoniam tu, Domine, singulariter in spe constituisti me ». « parce que vous Seigneur, m’avez affermi dans une espérance singulière ».

« je me reposerai en paix » : lorsqu’il dit : En paix, il expose la supériorité des biens spirituels sur les biens temporels, Il est en paix « parce qu’il a  la joie du cœur », parce que ces biens spirituels sont  « éternels », tandis que ceux-là sont temporels, vains et caduques. Il continue en disant : « « parce que vous Seigneur, m’avez affermi dans une espérance singulière ».  Ainsi se déclare-t-i1 : En paix : parce qu’il n’est pas entravé de l’extérieur ; parce que ces biens spirituels sont  « stables », c’est pourquoi il est sans inquiétude, d’où : je m’endormirai. Là, je pense à l’enseignement de saint Pierre dans sa Ière épitre merveilleuse : « 3 Béni soit Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui selon sa grande miséricorde nous a régénérés par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts pour une vivante espérance ; 4 pour un héritage incorruptible, sans souillure et inflétrissable, qui vous est réservé dans les cieux, 5 à vous que la puissance de Dieu garde par la foi pour le salut, qui est prêt à se manifester au dernier moment. 6 Dans cette pensée, vous tressaillez de joie, bien qu’il vous faille encore pour un peu de temps être affligés par diverses épreuves, 7 afin que l’épreuve de votre foi beaucoup plus précieuse que l’or périssable que l’on ne laisse pourtant pas d’éprouver par le feu, vous soit un sujet de louange, de gloire et d’honneur lorsque se manifestera Jésus-Christ. 8 Vous l’aimez sans l’avoir jamais vu ; vous croyez en lui, bien que maintenant encore vous ne le voyiez pas ; et vous tressaillez d’une joie ineffable, et pleine de gloire, 9 sûrs que vous êtes de remporter le prix de votre foi, le salut de vos âmes. » Vraiment, on ne peut pas trouver meilleur commentaire que ce texte de saint Pierre pour commenter ce deux strophes de ce psaume. « Parce que toi, Seigneur, tu m’as établi tout particulièrement dans l’espérance, autrement dit : en toi seul j’espère » (St Thomas).

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