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Les hymnes en l »honneur de ND du Très Saint Rosaire

publié dans la doctrine catholique le 1 octobre 2016


Le 7 Octobre

 

NOTRE-DAME DU T. S. ROSAIRE

Commentaire spirituel des hymnes de cette fête, tout à l’honneur de Notre Dame

A Matines

Hymne

Nous constatons que les hymnes de la fête du Très Saint Rosaire sont, précisément, un vrai et beau commentaire des mystères du Rosaire, des mystères joyeux, douloureux, et glorieux. C’est l’objet, en effet, des hymnes de Martines et de Laudes. L’hymne des Vêpres est un chant glorieux en l’honneur de Notre Dame.

Voyons comment notre auteur, un vrai poète, va présenter ces mystères.

Les mystères joyeux

Premier mystère

Le Mystère de l’Annponciation

« Cæléstis aulæ Núntius, arcána pandens Núminis, plenam salútat grátia Dei Paréntem Vírginem ».

« De la céleste cour, le Messager, découvrant les secrets divins, salue pleine de grâce la Vierge Mère de Dieu ».

Je remarque, en premier lieu, la grandeur du Messager « Nuntius » par son origine. Il vient de la cour céleste « Caelestis aulae », mais aussi grandeur du Messager en raison de sa mission : il vient révéler, dévoiler les « secrets » de Dieu, le plan sauveur du Seigneur : « arcana pandens Numinis ». Je remarque ensuite la solennité de cette salutation, le respect du Messager à l’égard de la Vierge Marie. Il en rappelle la dignité ; « elle est pleine de grâce » et elle est « la Mère de Dieu », la toujours « Vierge »: « Dei Parentem Virginem ». « Parentem » de « parere » qui veut dire « mettre au monde, créer, produire ». Mais « parere », « parens » dit plus que « Mère ». Il dit aussi « sujet » et donc soumise. C’est le sens même du mot, de ce participe présent de « parere » : il se traduit par « obéissant ». Et de fait Notre Dame fut « un sujet obéissant » à la parole de l’ange Gabriel. C’est pourquoi elle  est devenue la Mère de Dieu. « Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon votre parole ». Notre auteur est fidèle au récit évangélique de Saint Luc : « L’ange Gabriel, nous dit saint Luc, est envoyé « de Dieu » « a Deo »… Et l’Ange, entré près d’elle, la salue en ces termes solennels: « Ave gratia plena, Dominus tecum, benedicta in mulieribus ». Il lui annonce ensuite sa maternité divine : « Ne timeas, Maria, invenisti enim gratiam apud Deum ; ecce concipies in utero et paries filium» C’est bien ce que dit l’auteur de notre hymne : il salue la Vierge, pleine de grâce, la Mère de Dieu. Il utilise le même verbe que Saint Luc : Saint Luc dit « et paries filium » ; notre auteur salue Marie la présentant comme celle qui est « parens Dei ». La foi de notre auteur est fondée sur les Écritures. La foi est objective. La Révélation nous vient de Dieu par l’Eglise qui, par ses docteurs, confesseurs et aussi poètes, la transmet de génération en génération.

Deuxième mystère

Le mystère de la Visitation.

« Virgo propínquam sánguine matrem Ioánnis vísitat, qui, clausus alvo, géstiens adésse Christum núntiat ».

La Vierge, à sa cousine, mère de Jean, rend visite; et lui, au sein clos, tressaillant, dénonce le Christ présent.

Suit immédiatement, dans cette seconde strophe, l’annonce du mystère de la Visitation de la Vierge Marie à sa cousine Elisabeth. Elizabeth est désignée comme celle « qui est proche par le sang » « propinquam sanguine », on traduit par « cousine » ; on la présente comme « la mère de Jean » « matrem Joannis » C’est parfaitement l’affirmation de saint Luc, l’Evangéliste. A peine Marie a-t-elle donné son consentement à la parole de l’Ange qu’elle part vers « la cité de Judée » visiter sa cousine. « Exurgens autem Maria in diebus illis abiit in montana cum festinatione in civitatem Juda”. On imagine la vigueur, l’énergie mise dans cette décision et dans ce déplacement. La Judée est loin de la Galilée. Les mots expriment l’énergie dans la décision: « Exsugere » : « se lever avec énergie »… énergie qui se manifeste dans la « hâte » avec laquelle Marie rejoint la Judée, « cum festinatione » : « avec hâte » A peine arrivée, Elle la salue et de cette salutation, l’enfant, encore dans le sein de sa mère, trésaille d’allégresse: « Exultavit infans in utero eius », nous dit saint Luc. Le verbe « exsultare » est un verbe très expressif. Il veut dire « sauter, bondir, bouillonner », d’où le sens de « se réjouir vivement ». Tel est Jean Baptiste, encore dans le sein de sa mère, « clausus alvo », à la salutation de la Mère de Dieu. Notre auteur, lui, n’utilise pas le mot : « exultare », mais le verbe « gestiens », de « gestire ». Ce verbe a absolument le même sens. Il veut dire : « sauter de joie, tressaillir d’allégresse, être très heureux ». Et la raison de cette joie : c’est la présence du Christ, du Fils de Dieu qu’il a pour mission d’annoncer. Il est là. « Adesse », présent. C’est ce que confessera aussi Elisabeth, sa mère : « D’où met-il donné que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? », « soit là »

Troisième Mystère

Le mystère de l’Incarnation

Verbum, quod ante sǽcula e mente Patris pródiit, e Matris alvo Vírginis, mortális Infans, náscitur.

Le Verbe qui, avant les siècles, a procédé de la pensée du Père, du sein d’une Mère Vierge, naît enfant mortel.

Voilà le mystère de l’Incarnation confessé dans cette strophe, mais avec quelle précision. Tout est dit en quelques mots. Celui qui va s’incarner, n’est rien d’autre que le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu « Verbum » – c’est le Terme même de saint Jean dans le Prologue de son Évangile -, qui procède, de toute éternité, « ante saecula » de l’intelligence du Père. On ne peut rien dire de plus beau sur la divinité du Fils sinon d’utiliser les mots de saint Jean : « In principium erat Verbum et Verbum erat apud Deum et Deux erat Verbum. Hoc erat in principio apud Deum » (Jn 1 1-2). On ne se lassera jamais de prononcer ces mots solennels à la fin de la sainte Messe. Et c’est un «assassin », celui qui a osé les enlever de la bouche du prêtre à l’issue de la Messe… Et celui qui n’est rien d’autre que le « Verbum quod ante saecula e mente Patris prodiit », Dieu lui-même, né de Dieu, s’est fait homme, nait « enfant mortel » « mortalis Infans nascitur ». Quel réalisme dans l’expression. Il insiste sur ce réalisme en faisant remarquer qu’il est né des entrailles « alvus » d’une Vierge Mère : « e Matris alvo Virginis ». C’est ce qu’enseigne saint Luc : « Et pendant qu’ils étaient là (Bethléem), le temps où elle devait enfanter s’accomplit. Et elle mit au monde –« peperit », de « parere », « mettre au monde », son fils premier-né, l’enveloppa de langes » (Lc 26-7). Belle confession du mystère étonnant de l’Incarnation : d’un Dieu qui se fait homme par miséricorde. Le « ex » du texte latin met bien en évidence le réalisme de l’origine, « du sein d’une Vierge Mère ».

Quatrième mystère

Le mystère de la Présentation de l’Enfant Jésus au Temple

Templo puéllus sístitur, legíque paret Légifer, hic se Redémptor páupere prétio redémptus ímmolat.

Au Temple, l’enfançon est présenté, à la Loi, obéit le Législateur; ici le Rédempteur s’immole, racheté au prix du pauvre.

Après avoir confessé le mystère de l’Annonciation, le mystère de la Visitation, de l’Incarnation, dans les trois premières strophes, comme dans notre récitation du Rosaire, c’est vraiment les mystères de notre chapelet qui défilent, notre auteur commente celui de la Présentation de l’Enfant-Jésus au Temple. – C’est le quatrième mystère des mystères joyeux. – « Templo puellus sistitur ». « Sistere » qui veut dire « comparaître ». Ce verbe est bien choisi puisque, tout de suite, il va parler de loi…On comparaît devant un tribunal. Et de fait, conformément à la Loi de Moïse, il convenait que l’enfant, « puellus » le « premier né » soit présenté au Temple. C’est ce que firent Marie et Joseph, nous dit saint Luc : « Puis lorsque les jours de la purification furent accomplis, selon la Loi de Moïse, Marie et Joseph portèrent l’Enfant à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, suivant ce qui est écrit dans la Loi du Seigneur : « Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur ». C’est ce qu’ils font. Ce que notre auteur commente très joliment en disant : « à la Loi, obéit le Législateur » « legíque paret Légifer »….C’est pourquoi lors de notre chapelet dans ce mystère nous demandons la vertu d’obéissance. « et pour offrir en sacrifice, ainsi que le prescrit la loi du Seigneur, une paire de tourterelles ou de petites colombes » (Lc 2 22-24) C’est l’offrande du pauvre. Ce qui nous donne ce magnifique commentaire de notre auteur : « ici le Rédempteur s’immole, racheté au prix du pauvre. » On ne peut dire mieux. « Paupere pretio redemptus ». Notre auteur utile le mot juste pour parler de la rédemption. La rédemption c’est un « rachat », d’où le verbe « redemptus », le participe passé du verbe « redimere » : « racheter », d’où l’expression dans le Bornec (dictionnaire latin) : « redimere captos e servitute ». Ce qui est tout à fait le dogme de la rédemption. « Redimere » aura donc le sens de « sauver, délivrer, acheter ». D’où l’expression très juste de saint Paul : « Vous avez été achetés d’un grand prix ».

Cinquième mystère

Le recouvrement de l’Enfant Jésus au Temple.

Quem iam dolébat pérditum, mox læta Mater ínvenit ignóta doctis méntibus edisseréntem Fílium.

Celui qu’elle pleurait perdu, la Mère a bientôt la joie de le trouver. Ce qu’ignoraient de doctes esprits, son Fils le leur expliquait.

Et nous voilà arrivés, au cinquième mystère du chapelet, le mystère du recouvrement de l’enfant Jésus au Temple. Vous connaissez l’histoire. Elle nous est conté par saint Luc au chapitre 2 versets 40 et suivants. L’enfant ayant atteint l’âge requis, se joignit à ses parents, Marie et Joseph, pour le pèlerinage de Jérusalem qu’ils faisaient chaque année à la fête de Pâque. Les dévotions faites, et les jours de la fête accomplis, ils retournent à Nazareth. Ils le croient dans la colonne. Point du tout… L’enfant est resté à Jérusalem. Ils le cherchent dans la colonne. Ils ne le trouvent pas. Ils retournent à Jérusalem, ils le cherchent tout inquiets…Enfin au bout de trois jours, ils le trouvent au Temple, enseignant les docteurs de la Loi. Ce mystère est parfaitement rendu sous la plume de notre auteur. On sait par saint Luc que la Mère et Joseph recherchèrent l’Enfant avec grande affliction, « tout affligés » : « Et sa Mère lui dit : « Mon enfant pourquoi avez-vous agi ainsi avec nous ? Votre Père et moi nous vous cherchions tout affligés » (Lc 249) « Ecce pater tuus et ego dolentes qaerebamus » « Dolentes » de « dolere » : ils le cherchaient avec « douleur » « avec pleurs ». Notre auteur utilise le même verbe dans sa strophe : « Celui qu’elle pleurait, perdu…. » « Quem iam dolébat pérditum », Finalement, elle le retrouve, bientôt « mox », « joyeuse, » « mox læta Mater ínvenit ». Il faut admirer l’opposition entre la douleur, le chagrin, l’affliction de la perte et la joie des retrouvailles : « laeta ». C’est une joie intense, vive. « Laetitia » c’est une vive allégresse. La liturgie utilise ce mot pour exprimer la joie pascale, de la Résurrection du Seigneur. Ils le retrouve dans le Temple « assis au milieu des docteurs de la Loi les écoutant et les interrogeant. Et tous étaient ravis de son intelligence et de ses réponses », selon le témoignage de Saint Luc, détails qui nous viennent de la Vierge Marie. Ce que transcrit notre poète disant : « Ce qu’ignoraient de doctes esprits, son Fils le leur expliquait ». « Ignóta doctis méntibus edisseréntem Fílium » « Edisserere » veut dire : exposer en détail, en entier, développer.De quoi étonner d’admiration venant d’un enfant. Il avait tout juste 12 ans.

 

B- Les mystères douloureux

Premier Mystère

L’agonie de Jésus au Jardin des oliviers

In monte olívis cónsito Redémptor orans prócidit, mæret, pavéscit, déficit, sudóre manans sánguinis.

Sur le mont planté d’oliviers, le Rédempteur priant est prosterné, il est triste, effrayé, défaillant, sa sueur coule en gouttes de sang.

Avec cette nouvelle strophe, nous arrivons aux mystères douloureux, au premier mystère douloureux, l’agonie de Jésus au jardin des Oliviers. L’auteur rappelle tout d’abord le lieu où se déroula cette agonie du Seigneur. C’est sur « le mont, planté d’oliviers », « olivis consito », du verbe « conserere » « planter ». C’est parfaitement conforme à l’Ecriture. Saint Luc affirme bien qu’après l’institution de la sainte Eucharistie et son fameuse discours sacerdotale que nous transcrit saint Jean, le Christ partit « hors de la Ville » et « s’en alla selon sa coutume, vers le mont des Oliviers et ses disciples le suivirent » (Lc22 39) Etant entré dans ce domaine, appelé Gethsémani, il laissa ses disciple à l’entrée du domaine, prit avec lui, cependant, « Pierre, Jacques et Jean », les deux fils de Zébédée, et commença « à éprouver de la tristesse et de l’angoisse : « Mon âme est triste jusqu’à la mort, leur dit-il, demeurer ici et veillez avec moi » (Mt 26 37-38). Il s’éloigna d’eux « d’un jet de pierre », nous dit saint Luc ; il « se prosterna ». Saint Luc nous dit, lui : « il se mit à genou », et se mit à prier, suppliant son Père de lui épargner ce calice : « mon Père, s’il est possible que ce calice passe loin de moi ! Cependant non pas comme je veux, mais comme vous voulez ». (Mt 26 39). Il répéta par trois fois cette supplique douloureuse. « Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faites ». C’est alors qu’apparait du ciel un ange qui le fortifiait « Et se trouvant en agonie, il priait plus instamment et sa sueur devint comme des gouttes de sang découlant jusqu’à terre ». (Lc 22 43-44) Cette sueur montre l’intensité de la souffrance du Christ, de son angoisse. Notre auteur est très fidèle au récit évangélique. Il contemple le Christ « prosterné et priant ». Là encore le verbe latin est bien choisi : « procidere » qui veut dire « tomber en avant, tomber à genou » : « Redémptor orans prócidit ». C’est l’attitude précisément de l’orant. C’est le verbe qui est toujours utilisé dans l’Ecriture pour exprimer l’adoration, la reconnaissance, l’action de grâce, la supplique. C’est l’attitude des 24 vieillards de l’Apocalypse que contemple saint Jean : « les vingt-quatre vieillards se prosternent – procidebant 24 seniores ante sedem – devant Celui qui est assis sur le trône » Et dans cette attitude, ils confessent leur prière, leur adoration : « ils adorent celui qui vit aux siècles des siècles et ils jettent leurs couronnes devant le trône, – c’est-à-dire leurs prières – en disant : « vous êtes digne, Notre Seigneur, et notre Dieu, de recevoir la gloire et l’honneur et la puissance, car c’est vous qui avez créé toutes choses et c’est à cause de votre volonté qu’elles ont eu l’existence et qu’elles ont été créées » (Ap 4 10). « Procidere ». C’est le même mot utilisé par saint Mathieu pour exprimer la prière du Christ à Gethsémani : « Et s’étant un peu avancé, il se prosterna la face contre terre –c’est le verbe procidere , vous dis-je, qui est utilisé – priant et disant : « Et progressus pusilum procidit in faciem suam orans et dicens… » . C’est aussi le même verbe utilisé dans le magnifique récit de la guérison de l’aveugle par le Seigneur. A la fin du très beau dialogue, le Christ lui demande : « Crois-tu au Fils de l’homme ». Il répondit : « qui est-il, Seigneur, afin que je crois en lui » ? Jésus lui dit : « tu l’as vu ; et celui qui te parle, c’est lui-même ». « Je crois Seigneur, lui dit-il, Jésus venait de le guérir « et se jetant à ses pieds,, il l’adora » (Jn 9 38) « Credo Domine. Et procidens adoravit eum ». Voyez comme notre auteur est fidèle au récit de l’Ecriture. A la lettre ! Mieux au mot même ! « Redemptor orans procidit ». Il poursuit sa contemplation et exprime la douleur que connaît, à cet instant, le Christ dans son agonie : « il est triste, effrayé, défaillant, sa sueur coule en gouttes de sang », « mæret, pavéscit, déficit, sudóre manans sánguinis ». C’est tout à fait conforme au récit que nous avons vu en saint Luc. En cette méditation, comment ne pas pleurer nos péchés qui sont la cause de tant de souffrance du Rédempteur ?

Deuxième mystère douloureux

Jésus est chargé de sa Croix.

Ce mystère est l’objet de cette nouvelle strophe.

A proditóre tráditus raptátur in pœnas Deus, durísque vinctus néxibus, flagris cruéntis creditur.

Par un traître livré, Dieu est traîné au supplice, lié de dures chaînes il est fouetté jusqu’au sang.

L’agonie est à peine terminée que Judas, le traite, à la tête d’une cohorte armée, approche pour se saisir du Christ. Il connaissait le lieu où le Christ et ses disciples avaient l’habitude de se retirer. Il y était venu souvent…. Plus exactement, c’est le Christ qui va vers eux, au témoignage de saint Marc : « Il revint une troisième fois et leur dit : « Dormez maintenant et reposez-vous. C’est assez ! L’heure est venue ; voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous allons ; celui qui me trahi est près d’ici » (Mc 14 41-42). Le texte de Marc utilise le verbe « tradere », « tradetur » « tradet ». « Tradere » a les deux sens : « livrer par trahison », d’où « trahir ». Le texte de l’hymne est encore bien fidèle au récit évangélique puisque l’auteur écrit : « Par un traite livré », « a proditore traditus ». Plus je vais dans l’analyse de ces hymnes, plus je suis frappé de la précision du vocabulaire. Cela montre la réflexion avec laquelle ces hymnes sont écrits. Dieu est traîné au supplice, « raptátur in pœnas Deus » Ces hymnes sont écrits, non seulement avec précision, mais aussi avec une profonde foi, une profonde émotion. La victime, c’est Dieu lui-même qui est mené violemment au supplice. C’est le sens du verbe « raptare » qui veut dire : « emporter, emmener, entrainer violemment ou vivement ». Il veut dire aussi « dérober, enlever, ravir, piller ». C’est de là que vient notre mot français « rapt », « vol » qui est une action violente. Il exprime toujours une nuance de violence. Ainsi de la Passion de NSJC. C’est dans la violence qu’elle se fit. « lié de dures chaînes » « durísque vinctus néxibus », il est fouetté jusqu’au sang. « flagris cruéntis creditur ». Là, notre auteur fait allusion à la très cruelle flagellation de Notre Seigneur Jésus Christ qu’il subit des soldats de Pilate : « Alors Pilat prit Jésus et le fit flageller – notre auteur précise « jusqu’au sang », « flagris cruéntis creditur – Et les soldats ayant tressé une couronne d’épines, la mirent sur sa tête et le revêtirent d’un manteau de pourpre ; puis s’approchant de lui, ils disaient : « Salut , Roi des Juifs » et ils le souffletaient » (Jn 19 1-3). La scène du couronnement d’épine, ici raconté par saint Jean, est l’objet de la strophe suivante de l’hymne

C’est le troisième mystère douloureux

Le couronnement d’épines

Intéxta acútis séntibus, coróna contuméliæ, squalénti amíctum púrpura, regem corónat glóriæ.

Tressée d’épines aiguës, la couronne d’ignominie, avec un haillon de pourpre, couronne le roi de gloire.

Je suis sensible à la description qu’en fait notre auteur. Tous les mots portes et donnent une signification poignante de la scène chez Pilate. Cette couronne n’est pas quelconque. Elle est « tressée » ; elle tressée « d’épines aiguës ». Elle est une véritable injure. L’auteur utilise l’expression « corona contumeliae ». « Contumelia –ae » veut dire : « affront, outrage, injure ». Elle est la couronne de l’outrage parce qu’elle couronne le Roi de gloire. Une vraie dérision. Mais notre auteur ne remarque pas seulement la couronne. Il insiste aussi sur « le manteau de pourpre » : « squalenti amictum purpura ». Ainsi la couronne de l’humiliation, le vêtement de la dérision, cet habit de pourpre « couronne le roi de gloire » ! Quel drame. L’humiliation est totale.

Le quatrième mystère

Le portement de la Croix

Molis crucem ter árduæ, sudans, anhélans, cóncidens, ad montis usque vérticem gestáre vi compéllitur.

Trois fois sous le dur poids de la croix suant, haletant, il succombe; jusqu’au sommet de la montagne, il est contraint de la porter.

L’auteur retient les trois chutes du Christ dans son chemin vers le Golgotha. Ce nombre est traditionnel dans la coutume ecclésiale. Mais Le Christ, au vrai, s’est trainé tout le long du chemin de Croix. Tellement il était épuisé par la nuit passée sans sommeil, flagellé, couronné d’épine, humilié. Les soldats durent faire appel à Simon, qui revenait des champs, pour aider Jésus à porter sa croix jusqu’au sommet. Elle est trop lourde. Et malgré cette aide, il succombe. Le verbe latin est bien choisi : « concidere » veut dire, « tomber », mieux « s’écrouler, tomber (mort, évanoui), succomber, être ruiné, détruit ». Vous le voyez, l’expression est forte. Le Christ est épuisé. Il s’écroule « sous le dur poids de la Croix ». Elle est une vraie « masse », un vraie « fardeau ». Et pourtant il faut qu’il la porte jusqu’au sommet de la Montagne, « ad montis usque verticem » (vertex- icis : sommet de la montagne). L’obligation est très forte. Il ne peut renoncer à la Passion. Il doit y arriver coute que coute. « Que votre volonté soit faite… ». Cette résolution de totale soumission résonne dans son cœur. Cette obligation est parfaitement exprimée dans le texte latin, bien mieux que dans la traduction : « gestáre vi compéllitur ». « Compellittur », « compellere » veut dire « pousser à », « forcer ». Il est forcé à porter la Croix, certes, par les soldats romains qui l’y obligent, mais aussi par l’ordre reçu de son Père qu’il veut accomplir et par sa libre acceptation. Compellere ne suffit à notre auteur. Il ajoute merveilleusement ce petit mot de deux lettres : « vi » de « vis » qui veut dire : « force », « force exercée contre quelqu’un » d’où le sens de « violence ». On ne peut mieux exprimer la violence dont le Christ fut l’objet dans son chemin de Croix.

Cinquième Mystère douloureux

La mort de Jésus cloué sur la Croix

Confíxus atro stípite inter sceléstos ínnocens, orándo pro tortóribus, exsánguis efflat spíritum.

Cloué à l’affreux poteau, entre des scélérats, l’innocent, priant pour ceux qui le torturent, n’ayant plus de sang, rend l’esprit.

Nous trouvons toujours la même fidélité au récit évangélique. Au sommet du Golgotta, il est crucifié, il est mis en Croix, « Confixus » participe passé du verbe « configere ». Il est cloué. O combien ! Ses pieds et ses mains. Il est « percé » « sur cet affreux poteau », « confixus atro stipite ». Il est cloué entre deux scélérats – C’est le récit évangélique – Lui, l’Innocent. Il prie pour ces bourreaux. Le récit évangélique est formel : « Père, pardonnez leur, car ils ne savent ce qu’ils font » (Lc 23 34). Puis, exangue (exanguis), il rend l’esprit s’écriant d’une voix forte : « Père, je remets mon esprit entre vos mains ». Et « en disant ces mots, il expira » (Lc 23 46).

Et notre hymne se termine par une strophe où l’auteur rend gloire à Jésus, fils de Marie, au Père et à l’Esprit Saint. A la Trinité qui a accompli en la deuxième personne de la Trinité, dans le Fils fait chair, le Christ, une si belle œuvre pour le salut des hommes.

Iesu, tibi sit glória, qui natus es de Vírgine, cum Patre, et almo Spíritu, in sempitérna sǽcula. Amen.

Jésus, gloire soit à vous qui êtes né de la Vierge, ainsi qu’au Père et à l’Esprit de vie, dans les siècles éternels. Ainsi soit-il

On trouvera la méditation des mystères glorieux dans l’hymne de Laudes.

B – Aux Laudes

Hymne

Les mystères glorieux

Premier mystère glorieux

La résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ

Iam morte, victor, óbruta, ab ínferis Christus redit, fractísque culpæ vínculis, cæli reclúdit límina.

Déjà vainqueur de la mort ensevelie, des enfers, le Christ revient; ayant brisé les liens du péché, il ouvre les entrées du ciel.

Tout est dit dans cette strophe sur le mystère de la Résurrection. Elle est une victoire du Christ sur la mort. Le Christ sort victorieux du tombeau. « Victor ». « Victorieux ». Il est « le vainqueur de la mort ». C’est ce que dit saint Paul aux Corinthiens. Et il utilise, précisément, le même mot « victor ». Ecoutez : « la mort a été engloutie par la victoire » (1Cor 15 54) « Absorpta est mors in victoria ». Saint Paul utilise le mot « absorpta», citant le prophète Osée (Os 13-14), pour parler de la victoire du Christ en sa Résurrection : « la mort a été engloutie » , « absorpta» par cette victoire. Notre auteur utilise, lui, le verbe « obruta » de « obruere » qui a absolument le même sens. « Obruere » : « enfouir, écraser, effacer, éclipser, ensevelir ». C’est la même signification. La Résurrection est une victoire complète du Christ sur la mort. Elle est engloutie. Essayons de comprendre ce mystère! « Le salaire du péché, c’est la mort », « stipendia peccati mors », -voyez le péché originel -le fruit de la Résurrection c’est la vie éternelle. C’est ce que fait très bien comprendre saint Paul aux Hébreux commentant cette victoire en ces mots sublimes : « Puis donc que les enfants ont eu en partage le sang et la chair, lui aussi(le Christ) y a participé (hors le péché) afin de briser par sa mort la puissance de celui qui a l’empire de la mort, c’est-à-dire le diable, et de délivrer ceux que la crainte de la mort retenait toute leur vie assujettie à la servitude… » (Hb 2 14-17). Ce qui permet à Saint Paul de dire aux Corinthiens : « O mort où est ta victoire ? O mort où est ton aiguillon…Grâces soient rendues à Dieu qui nous a donné la victoire par Notre Seigneur Jésus-Christ » en sa Résurrection (1 Cor 15 55-57) Cette victoire du Christ est d’abord une destruction de celui qui avait l’empire de la mort « qui habebat mortis imperium, id est diabolum » (Hb 2 14). Il l’a « brisé » par sa résurrection. Saint Paul parle de « destruction ». Il utilise le verbe « Destruere » qui veut dire « démolir, ruiner, détruire ». On retrouve l’« obruere » de notre auteur et « absorpta » de saint Paul aux Corinthiens. Et la conséquence de cette destruction de celui qui avait l’empire de la mort, c’est la libération « de la « crainte et de la servitude de la mort » et aussi la « délivrance » des liens du péché », Notre auteur nous dit qu’il a « brisé les liens du péché » « fractísque culpæ vínculis ». « Fractis » participe passé de « frangere » qui, veut dire « briser, casser, mettre en pièce ». C’est particulièrement évocateur. Et s’il en est ainsi, il est facile de comprendre l’autre effet merveilleux de la Résurrection, à savoir, que le Christ ressuscité « ouvre les entrées du ciel », « caeli recludit limina », puisque c’est le péché, nous dit saint Thomas, qui tenait le ciel fermé. (III 49 5) et que par sa Passion et sa Résurrection, le Christ l’a vaincu, lui et son auteur, Satan.

Le deuxième Mystère glorieux

L’Ascension de Notre Seigneur

Visus satis mortálibus ascéndit ad cæléstia, dextrǽque Patris ássidet consors Patérnæ glóriæ.

Suffisamment vu des mortels, il monte aux régions célestes et s’assied à la droite du Père, associé à la gloire paternelle.

Notre auteur médite ici le mystère de l’Ascension. Après avoir contemplé, dans les strophes précédentes, les humiliations du Verbe. Qu’y a-t-il, en effet, de plus bas, de plus abject pour le Verbe de Dieu, Dieu lui-même, que d’avoir pris notre nature avec ses faiblesses, que d’avoir bien voulu souffrir et mourir pour nous ? Avouez ! Mais là dans ce mystère de l’Ascension, comme dans le mystère de la Résurrection, nous allons contempler sa Gloire et sa divine Majesté. Ce mystère nous est enseigné par saint Luc dans les Actes des Apôtres. Voici le récit : « Un jour qu’il était à table avec eux(les disciples), il leur recommanda de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis, « ce que, leur dit-il, vous avez appris de ma bouche ; car Jean a baptisé dans l’eau, mais sous peu de jours, vous serez baptisés dans l’Esprit Saint ». Eux donc, étant réunis, lui demandèrent : « Seigneur le temps est-il venu où vous rétablirez le royaume d’Israël ? Il leur répondit : « ce n’est pas à vous de connaître les temps ni les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais lorsque le Saint-Esprit descendra sur vous, vous serez revêtus de force et vous me rendrez témoignage à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. Après qu’il eut ainsi parlé, il fut élevé en leur présence et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils avaient leurs regards fixés vers le ciel pendant qu’il s’éloignait, voici que deux hommes parurent auprès d’eux, vêtus de blanc, et dirent ; « Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez vous à regarder le Ciel ? Ce Jésus qui du milieu de vous, a été enlevé au ciel, en reviendra de la même manière que vous l’avez vu monter » (Act 1 4-12) C’est ici le fait historique de l’Ascension qui nous est rapporté pour, comme le dit Saint Jean , nous croyons. Mais notre Credo dit plus que cela. La foi catholique confesse « qu’il est monté aux cieux, qu’il est assis à la droite de Dieu, le Père tout puissant ». C’est le sixième article du Symbole des Apôtres. C’est ce que confesse l’auteur de cette strophe. Il commence son commentaire d’une manière qui, me semble, de prime abord, un peu surprenante : « Suffisamment vu des mortels » « Visus satis mortálibus ». « Satis » « Assez » « Suffisamment » ? Comment les mortels, que nous sommes, pourraient-ils se lasser d’être auprès du Seigneur, le plus beau des enfants des hommes, à l’enseignement si suave ? A l’écouter, la foule en perdait le boire et manger. Souvenez-vous du récit de la multiplication des pains. Plus de 5000 hommes, sans compter les femmes et les enfants le suivirent trois jours durant, pour entendre son enseignement. Cette remarque, me semble-t-il, ne peut vouloir dire que les hommes, en particuliers ses disciples, étaient là de sa présence. Non ! Ce n’est pas là le sens de cette expression. Cette strophe vient précisément juste après le récit de la Résurrection. Elle doit être relative aux apparitions du Seigneur après sa Résurrection. C’est donc en la Résurrection qu’il faut en trouver le sens. Voici. Il donna assez de preuves de la réalité de sa Résurrection. A ces manifestations nombreuses, Saint Thomas y consacre une question entière, la question 55 de la III pars : « de manifestatione resurrectionis » et dans l’article 6, il répond que les manifestations qui ont entouré le fait de la Résurrection du Seigneur ont été amplement suffisantes pour en prouver la réalité historique. Voilà le sens qu’il faut donner, me semble-t-il, à cette expression : « Suffisamment vu des mortels » « Visus satis mortalibus ». Il a suffisamment prouvé la réalité de sa Résurrection, à savoir, que son âme s’est bien réunie, par sa propre puissance, à son corps, à ce corps qui a bien subi la Passion. Il fit voir en effet ses plaies, son côté transpercé, il mangea avec eux, il parla avec… « Voyez mes mains et mes pieds ; c’est bien moi. Touchez-moi et considérez qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai. Ayant ainsi parlé, il leur montra ses mains et ses pieds. Comme dans leur joie, ils hésitaient encore à croire, il leur dit : « Avez-vous ici quelques choses à manger. Ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon de miel. Il les prit et en mangea devant eux » (Lc 24 39-43) Suffisamment prouvé la réalité de sa Résurrection, « suffisamment vu des mortels », « il monte, poursuit la strophe, aux régions célestes et s’assied à la droite du Père, associé à la gloire paternelle ». Voilà confessée la réalité du mystère de l’Ascension dans sa totalité. C’est la foi catholique. Elle est confessée par les Apôtres. Saint Luc, dans son Evangile, nous venons de lire son récit des Actes des Apôtres, est très explicite : « Puis il les conduisit hors de la Ville jusque vers Béthanie, – la ville de son ami Lazare, frère de Marthe et de Marie Madeleine -, et ayant levé les mains, il les bénit. Pendant qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il fut enlevé au Ciel » (Lc 24 50-52) Saint Marc ajoute « et s’assit à la droite de Dieu » (Mc 16 19). C’est-à-dire, il participe à la Gloire de son Père. C’est ce que Saint Paul confesse aux Ephésiens lorsqu’il dit : « Son Père, après l’avoir ressuscité d’entre les morts, l’a fait asseoir à sa droite dans le ciel, au-dessus de toutes les Principautés, de toutes les Puissances, de toutes les Vertus, de toutes les Dominations et de tout ce que l’on peut trouver de plus grand, soit dans le siècle présent, soit dans le siècle futur, et Il a mis toutes choses sous ses pieds » (Eph 1 20) De telles paroles, nous dit le Catéchisme du Concile de Trente, font voir manifestement que cette gloire est tellement propre et particulière à Notre Seigneur, qu’elle ne peut convenir à aucune autre créature. Et c’est ce qui fait dire au même Apôtre dans un autre endroit : « Qui est celui des Anges à qui Dieu a jamais dit : asseyez-vous à ma droite ? » (Hb 1 13).

Troisième Mystère glorieux

Le Mystère de la Pentecôte.

Quem iam suis promíserat, sanctum datúrus Spíritum, linguis amóris ígneis mæstis alúmnis ímpluit.

Celui qu’aux siens il avait promis, l’Esprit-Saint qu’il devait donner, en langues de feu d’amour, il le répand sur ses disciples tristes.

« Celui qu’aux siens il avait promis » « Quem iam suis promíserat » : notre auteur dit vrai ; il est fidèle aux récits évangéliques. Souvenez-vous des récits évangéliques. Et d’abord, de celui de Saint Luc : « Moi, je vais envoyer sur vous le don promis par mon Père ; et vous restez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une force d’en haut » (Lc 24 49). Mais c’est surtout Saint Jean, qui, sur ce sujet, est le plus explicite. Nous sommes au cénacle, après l’institution de la sainte Eucharistie, Jésus adresse aux disciples un long discours que l’on appelle « discours après la Cène » ou « prière sacerdotale »: « Si vous m’aimez, gardez mes commandements. Et moi je prierai le Père et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu’il demeure toujours avec vous ; c’est l’esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure au milieu de vous ; et il sera en vous….je vous ai dit ces choses pendant que je demeure avec vous. Mais le Consolateur, l’Esprit saint, que mon Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit…Il vous est bon que je m’en aille ; car si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas en vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. Et quand il sera venu, il convaincra le monde au sujet du péché…j’ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez les porter à présent. Quand le Consolateur, l’esprit de vérité, sera venu, il vous guidera dans toute la vérité » (Jn 15) Notre auteur dit vrai lorsqu’il écrit : « Celui qu’aux siens il avait promis ». Il ne peut être plus clair. Et il est bien juste de dire également « l’Esprit-Saint qu’il devait donner », Jésus ne cesse de le répéter dans la prière sacerdotale. Nous venons de le voir. « en langues de feu d’amour, il le répand sur ses disciples tristes ». Tout est exact, conforme à l’Ecriture. C’est bien sous forme de « langue de feu » que les disciples reçurent le Saint Esprit, le jour de la Pentecôte. « Le jour de la Pentecôte, nous dit saint Luc dans ses Actes des Apôtres, étant arrivé, ils étaient tous ensemble en un même lieu. Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent qui souffle avec force et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent paraître comme des langues de feu qui se partagèrent et se posèrent sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis du Saint Esprit et ils se mirent à parler d’autres langues selon que l’Esprit-Saint leur donner de s’exprimer » (Act 2 14) « L’Esprit-Saint qu’il devait donner » « sanctum datúrus Spíritum » ? Le Christ, de fait, s’est bien engagé à le leur envoyer : « Il vous est bon que je m’en aille ; car si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas en vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai » « sanctum daturus Spiritum » Notre auteur nous précise le symbolisme de ces langues de feu. Le feu c’est l’âtre, c’est la chaleur. C’ est le symbole de l’amour. L’Esprit Saint qui est l’amour échangé entre le Père et le Fils, communique l’amour. C’est « un feu d’amour ». « en langues de feu d’amour ». C’est absolument l’enseignement de toute la Tradition, de Pères de l’Eglise. Notre auteur ajoute une petite note importante. Un adjectif qui concerne les disciples, « alumnis ». Il fait allusion à leur tristesse. Ils sont abattus. « Il répand l’Esprit Saint sur ses disciples tristes ». « mæstis alúmnis ímpluit ». « Maestus –a-um », « triste, abattu », mot qui vient du verbe « maerere » « être profondément affligé ». Telle est en effet l’attitude des disciples : dans la crainte des Juifs, ils sont enfermés dans le Cénacle. Et Jésus annonce cette tristesse lorsqu’il leur parle de l’Esprit Saint qui sera donné par le Père et le Fils. Nous sommes toujours dans la prière sacerdotale en Saint Jean. Jésus parle ouvertement de l’état d’âme des disciples : « Jésus connut qu’ils voulaient, l’interroger et leur dit : « vous vous questionnez entre vous sur ce que j’ai dit : « Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps et vous me verrez. En vérité je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez tandis que le monde se réjouira ; vous serez affligés, mais votre affliction se changera en joie….Vous donc vous êtes maintenant dans l’affliction, mais je vous reverrai et votre cœur se réjouira et nul vous ravira votre joie » (Jn 16 19-21). Vous le voyez, Jésus utilise trois mots pour exprimer la douleur des disciples à la séparation d’avec Lui: « Vous pleurerez » « plorabitis » de » plorare » qui veut dire, certes, pleurer, mais « pleurer abondamment », sangloter », « se lamenter, pousser des cris de douleurs » ; Vous le voyez, ce verbe exprime des sentiments très intenses. Ensuite : « Vous vous lamenterez », « flebitis » de « flere » c’est toujours la même intensité : « pleurer abondamment, à chaudes larmes ». Enfin : « Vous serez affligés » « contristabimini » de « contristare » qui veut dire « être attristé, être sombre ». « Vous êtes maintenant dans l’affliction », « tristitam habetis » « tristita » qui veut dire : « tristesse, être sombre ». « Vous êtes dans l’affliction » C’est bien traduit. Telles sont les sentiments profonds des disciple avant la Pentecôte : « Mais votre tristesse se changera en joie ». « tristitia verstra vertetur in gaudium ». (Jn 16 21)

Quatrième mystère

l’Assomption de Notre Dame

Solúta carnis póndere ad astra Virgo tóllitur, excépta cæli iúbilo et Angelórum cánticis.

Libérée du poids de la chair, aux astres la Vierge est emportée, reçue par la joie du ciel et les cantiques des Anges.

Voilà affirmé par notre écrivain très pieux, le dogme de l’Assomption défini solennellement, d’une manière infaillible – d’une manière « ex cathedra » – par le pape Pie XII, le Ier novembre 1950. Dogme qui a toujours été, cependant, cru dans l’Eglise. La liturgie en est la preuve, ainsi que l’art sacré et les textes des Père et Docteurs de l’Eglise. Il n’est donc pas étonnant qu’il soit ici confessé avant même la déclaration solennelle du Pape Pie XII en 1950. Le pape Pie XII déclara en effet dans sa Constitution apostolique « Munificentissimus Deus » qu’ après avoir adressé à Dieu d’incessantes et suppliantes prières, et invoqué les lumières de l’Esprit de vérité, pour la gloire du Dieu Tout-Puissant, qui prodigua sa particulière bienveillance à la Vierge Marie, pour l’honneur de son Fils, Roi immortel des siècles et vainqueur de la mort et du péché, pour accroître la gloire de son auguste Mère et pour la joie et l’exultation de l’Eglise tout entière, par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par la Nôtre, Nous proclamons, déclarons et définissons que c’est un dogme divinement révélé que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste. Et le caractère infaillible de la Constitution est ici affirmé dans le numéro 45 et 47 : « C’est pourquoi, si quelqu’un — ce qu’à Dieu ne plaise — osait volontairement nier ou mettre en doute ce que Nous avons défini, qu’il sache qu’il a fait complètement défection dans la foi divine et catholique… Qu’il ne soit permis à qui que ce soit de détruire ou d’attaquer ou contredire, par une audacieuse témérité, cet écrit de Notre déclaration, décision et définition. Si quelqu’un avait la présomption d’y attenter, qu’il sache qu’il encourrait l’indignation du Dieu Tout-Puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul ». Ce dogme de l’Assomption de ND au Ciel a toujours été cru, vous dis-je, dans l’Eglise. Les preuves en sont nombreuses, tant liturgiques que patristiques, scripturaires que théologiques. C’est la Tradition catholique depuis toujours. Retenons ici seulement les preuves théologiques en les prenant de la constitution du pape Pie XII. Tous les arguments et considérations des Saints Pères et des théologiens « s’appuient sur les Saintes Lettres comme sur leur premier fondement. Celles-ci nous proposent, comme sous nos yeux, l’auguste Mère de Dieu dans l’union la plus étroite avec son divin Fils et partageant toujours son sort. C’est pourquoi il est impossible de considérer Celle qui a conçu le Christ, l’a mis au monde, nourri de son lait, porté dans ses bras et serré sur son sein, séparée de lui, après cette vie terrestre, sinon dans son âme, du moins dans son corps. Puisque notre Rédempteur est le Fils de Marie, il ne pouvait certainement pas, lui qui fut l’observateur de la loi divine le plus parfait, ne pas honorer, avec son Père éternel, sa Mère très aimée. Or, il pouvait la parer d’un si grand honneur qu’il la garderait exempte de la corruption du tombeau. Il faut donc croire que c’est ce qu’il a fait en réalité ». « Il faut surtout se souvenir que, depuis le IIe siècle, les Saints Pères proposent la Vierge Marie comme une Eve nouvelle en face du nouvel Adam et, si elle lui est soumise, elle lui est étroitement unie dans cette lutte contre l’ennemi infernal, lutte qui devait, ainsi que l’annonçait le protévangile , aboutir à une complète victoire sur le péché et la mort, qui sont toujours liés l’un à l’autre dans les écrits de l’Apôtre des Nations. C’est pourquoi, de même que la glorieuse Résurrection du Christ fut la partie essentielle de cette victoire et comme son suprême trophée, ainsi le combat commun de la Bienheureuse Vierge et de son Fils devait se terminer par la « glorification » de son corps virginal ; car, comme le dit ce même Apôtre, « lorsque ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans sa victoire». « C’est pourquoi l’auguste Mère de Dieu, unie de toute éternité à Jésus-Christ, d’une manière mystérieuse, par « un même et unique décret » de prédestination, immaculée dans sa conception, Vierge très pure dans sa divine Maternité, généreuse associée du Divin Rédempteur qui remporta un complet triomphe du péché et de ses suites, a enfin obtenu comme suprême couronnement de ses privilèges d’être gardée intacte de la corruption du sépulcre, en sorte que, comme son Fils, déjà auparavant, après sa victoire sur la mort, elle fut élevée dans son corps et dans son âme, à la gloire suprême du ciel où Reine, elle resplendirait à la droite de son fils, Roi immortel des siècles. ». « Alors, puisque l’Eglise universelle, en laquelle vit l’Esprit de vérité, cet Esprit qui la dirige infailliblement pour parfaire la connaissance des vérités révélées, a manifesté de multiples façons sa foi au cours des siècles, et puisque les évêques du monde entier, d’un sentiment presque unanime, demandent que soit définie, comme dogme de foi divine et catholique, la vérité de l’Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie — vérité qui s’appuie sur les Saintes Lettres et ancrée profondément dans l’âme des fidèles, approuvée depuis la plus haute antiquité par le culte de l’Eglise, en parfait accord avec les autres vérités révélées, démontrée et expliquée par l’étude, la science et la sagesse des théologiens, — nous pensons que le moment, fixé par le dessein de Dieu dans sa Providence, est maintenant arrivé où nous devons déclarer solennellement cet insigne privilège de la Vierge Marie ». C’est donc à juste titre que notre auteur peut écrire : « Libérée du poids de la chair », « soluta carnis pondere » « Soluta » c’est la participe passé du verbe « solvere » qui veut dire : « affranchir, détacher, délier, délivrer ». Libérée du poids de la chair, la Vierge Marie « aux astres la Vierge est emportée », « ad astra Virgo tóllitur ». C’est la définition même du dogme par Pie XII : « Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste ». Notre auteur utilise le verbe « Tollere » « élever », mieux « enlever ». Pie XII, lui, utilise le verbe « assumere » : Immaculatam Deiparam semper Virginem Mariam, expleto terrestris vitae cursu, fuisse corpore et anima ad caelestem gloriam assumptam. ». C’est par la puissance de Dieu que Marie est montée au ciel. « Assumere » le laisse largement entendre comme le verbe « tollere ». Elle ne connut pas la corruption de la chair mais fut «reçue par la joie du ciel et les cantiques des Anges », « excépta cæli iúbilo et Angelórum cánticis ». Comment imaginer la chose autrement. C’est la Mère de Dieu qui arrive, leur Reine, la Reine des anges. Ils lui ont fait fête. Comment ne pas confesser la joie du Ciel, alors que saint Jean, dans son Apocalypse a vu et entendu le chant des Anges : « Et j’entendis un son qui venait du ciel, pareil au bruit de grandes eaux et à la voix d’un puissant tonnerre ; et le son que j’entendis ressemblait à un concert de harpistes jouant de leur instruments. Et ils chantaient comme un cantique nouveau » (Apoc 14 2-3). C’est ainsi que les anges accueillirent la Vierge Marie, la Mère de Dieu, la reine des anges, au chant d’un « cantique nouveau ».

Cinquième mystère glorieux

Le couronnement de Notre Dame.

Bis sena cingunt sídera almæ paréntis vérticem: throno propínqua Fílii cunctis creátis ímperat.

Deux fois six astres couronnent la tête de la Mère de vie; tout près du trône de son Fils elle commande à tout le créé.

La première partie de la strophe est parfaitement fidèle à la Révélation. C’est en effet 12 étoiles qui couronnent la Vierge, Mère de Dieu, au ciel. Le livre de l’Apocalypse est formel : « Puis il parut dans le ciel un grand signe : une femme revêtue du soleil, la lune sous les pieds et une couronne de 12 étoiles sur sa tête » (Ap 12 1-2). Et l’auteur ne craint pas de dire que la Mère de Dieu est « Mère de vie » : « almae parentis ». C’est ce que nous chantons dans le chant du « Salve Regina » : « Salut, o Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre consolation, notre espérance, salut ! », « Salve Regina, Mater misericordiae, : vita, dulcedo et spes nostra salve ». Marie est vraiment la Nouvelle Eve, comme Jésus est le Nouvel Adam. L’un et l’autre sont au principe de vie en tant que Rédempteur et Co-Rédemptrice, alors qu’Adam et Eve sont au principe de mort en ayant mangé le fruit défendu. « Stipendia peccati mors » dit saint Paul « le salaire du péché c’est la mort ». Oui ! aimons saluer Notre Dame, comme Mère de la Vie, elle est la Mère de Vie étant la Mère de Jésus qui donna la Vie par son sang. Retenons cette expression de notre auteur : « almae parentis », « la Mère de Vie ». Pie XII dans son document magistral sur la Royauté de Marie aima s’arrêter, lui aussi, sur cette idée dans des paroles magnifiques : « dans l’œuvre du salut spirituel, Marie fut, par la volonté de Dieu, associée au Christ Jésus, principe de salut, et cela d’une manière semblable à celle dont Ève fut associée à Adam, principe de mort, …le genre humain, assujetti à la mort par une vierge, se sauve aussi par l’intermédiaire d’une vierge ». On ne peut magnifier plus joliment la Mère de Dieu, source de salut et de vie. « tout près du trône de son Fils elle commande à tout le créé », « throno propínqua Fílii cunctis creátis ímperat ». Pour commenter cette partie de cette strophe, méditons les belles phrases du saint Pape Pie XII dans son encyclique instituant la fête de la Royauté de Notre Dame. Là aussi, Il cite, dans ce document, les arguments patristiques, liturgiques, scripturaires, théologiques. Nous nous arrêterons sur les arguments théologiques : « l’argument principal sur lequel se fonde la dignité royale de Marie, déjà évident dans les textes de la tradition antique et dans la sainte Liturgie, est sans aucun doute sa maternité divine. Dans les Livres Saints, en effet, on affirme du Fils qui sera engendré par la Vierge :  » Il sera appelé Fils du Très-Haut et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père, et il régnera dans la maison de Jacob éternellement et son règne n’aura pas de fin  » ; en outre, Marie est proclamée  » Mère du Seigneur « . Il s’ensuit logiquement qu’elle-même est Reine, puisqu’elle a donné la vie à un Fils qui, dès l’instant de sa conception, même comme homme, était, à cause de l’union hypostatique de la nature humaine avec le Verbe, Roi et Seigneur de toutes choses. Saint Jean Damascène a donc raison d’écrire :  » Elle est vraiment devenue la Souveraine de toute la création au moment où elle devint Mère du Créateur  » (4 et l’Archange Gabriel lui-même peut-être appelé le premier héraut de la dignité royale de Marie. Cependant la Bienheureuse Vierge doit être proclamée Reine non seulement à cause de sa maternité divine mais aussi parce que selon la volonté de Dieu, elle joua, dans l’œuvre de notre salut éternel, un rôle des plus éminents.  » Quelle pensée plus douce – écrivait Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire, Pie XI – pourrait Nous venir à l’esprit que celle-ci : le Christ est notre Roi non seulement par droit de naissance mais aussi par un droit acquis, c’est-à-dire par la Rédemption ? Que tous les hommes oublieux du prix que nous avons coûté à notre Rédempteur s’en souviennent :  » Vous n’avez pas été rachetés par 1’or ou l’argent qui sont des biens corruptibles, … mais par le sang précieux du Christ, Agneau immaculé et sans tache « . Nous n’appartenons donc plus à nous-mêmes, parce que c’est  » d’un grand prix « , que  » le Christ nous a rachetés « . Dans l’accomplissement de la Rédemption, la Très Sainte Vierge fut certes étroitement associée au Christ ; aussi chante-t-on à bon droit dans la Sainte Liturgie :  » Sainte Marie, Reine du ciel et maîtresse du monde, brisée de douleur, était debout près de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ « . Et un pieux disciple de Saint Anselme pouvait écrire au Moyen-âge :  » Comme… Dieu, en créant toutes choses par sa puissance, est Père et Seigneur de tout, ainsi Marie, en restaurant toutes choses par ses mérites, est la Mère et la Souveraine de tout : Dieu est Seigneur de toutes choses parce qu’il les a établies dans leur nature propre par son ordre, et Marie est Souveraine de toutes choses en les restaurant dans leur dignité originelle par la grâce qu’elle mérita « . (47) En effet  » Comme le Christ pour nous avoir rachetés est notre Seigneur et notre Roi à un titre particulier, ainsi la Bienheureuse Vierge est aussi notre Reine et Souveraine à cause de la manière unique dont elle contribua à notre Rédemption, en donnant sa chair à son Fils et en l’offrant volontairement pour nous, désirant, demandant et procurant notre salut d’une manière toute spéciale « . De ces prémisses, on peut tirer l’argument suivant : dans l’oeuvre du salut spirituel, Marie fut, par la volonté de Dieu, associée au Christ Jésus, principe de salut, et cela d’une manière semblable à celle dont Ève fut associée à Adam, principe de mort, si bien que l’on peut dire de notre Rédemption qu’elle s’effectua selon une certaine  » récapitulation  » en vertu de laquelle le genre humain, assujetti à la mort par une vierge, se sauve aussi par l’intermédiaire d’une vierge ; en outre on peut dire que cette glorieuse Souveraine fut choisie comme Mère de Dieu précisément  » pour être associée à lui dans la rédemption du genre humain  » ; réellement  » ce fut elle qui, exempte de toute faute personnelle ou héréditaire, toujours étroitement unie à son Fils, l’a offert sur le Golgotha au Père Éternel, sacrifiant en même temps son amour et ses droits maternels, comme une nouvelle Ève, pour toute la postérité d’Adam, souillée par sa chute misérable  » ; on pourra donc légitimement en conclure que, comme le Christ, nouvel Adam, est notre Roi parce qu’il est non seulement Fils de Dieu, mais aussi notre Rédempteur, il est également permis d’affirmer, par une certaine analogie, que la Sainte Vierge est Reine, et parce qu’elle est Mère de Dieu et parce que, comme une nouvelle Ève, elle fut, associée au nouvel Adam. Sans doute, seul Jésus-Christ, Dieu et homme, est Roi, au sens plein, propre et absolu du mot ; Marie, toutefois, participe aussi à sa dignité royale, bien que d’une manière limitée et analogique, parce qu’elle est la Mère du Christ Dieu et qu’elle est associée à l’oeuvre du Divin Rédempteur dans sa lutte contre ses ennemis et dans son triomphe remporté sur eux tous. En effet par cette union avec le Christ Roi Elle atteint une gloire tellement sublime qu’elle dépasse l’excellence de toutes les choses créées : de cette même union avec le Christ, découle la puissance royale qui l’autorise à distribuer les trésors du Royaume du Divin Rédempteur ; enfin cette même union avec le Christ est source de l’efficacité inépuisable de son intercession maternelle auprès du Fils et du Père. Aucun doute par conséquent que la Sainte Vierge ne dépasse en dignité toute la création et n’ait sur tous, après son Fils, la primauté.  » Toi enfin – chante Saint Sophrone – tu as dépassé de loin toute créature. Que peut-il exister de plus élevé que cette grâce dont toi seule as bénéficié de par la volonté de Dieu ?  » Et Saint Germain va encore plus loin dans la louange :  » Ta dignité te met au-dessus de toutes les créatures ; ton excellence te rend supérieure aux anges « . Saint Jean Damascène ensuite en vient jusqu’à écrire cette phrase :  » La différence entre les serviteurs de Dieu et sa Mère est infinie  » ».

Conclusion

Iesu, tibi sit glória, qui natus es de Vírgine, cum Patre, et almo Spíritu, in sempitérna sǽcula. Amen.

Jésus, gloire soit à vous qui êtes né de la Vierge, ainsi qu’au Père et à l’Esprit de vie, dans les siècles éternels. Ainsi soit-il.

C- Aux Vêpres

Hymne

Cet hymne, que l’on chante aux Vêpres, est un chant à la gloire de la Vierge Marie, à sa louange. L’auteur contemple, de nouveau, la Vierge dans tous les Mystères où elle est unie à son Fils. Il pénètre en son âme et veut la magnifier.

Te gestiéntem gáudiis, te sáuciam dolóribus, te iugi amíctam glória, o Virgo Mater, pángimus.

C’est vous, tressaillante de joie, vous, broyée par les douleurs, vous, revêtue d’éternelle gloire, que nous chantons, ô Vierge Mère.

Ainsi dans cette première strophe, il contemple la joie profonde que Notre Dame connut, en particulier, dans le mystère de l’Annonciation, de l’Incarnation, de la Nativité. Nul doute que dans tous ces mystères, Notre Dame fut inondée de joie et d’honneur : être choisie pour être la Mère de Dieu ! La salutation de l’ange Gabriel nous fait comprendre cette joie: « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes ». Alors notre auteur est bien inspiré en la saluant « tréssaillante de joie » « C’est vous, tressaillante de joie », « Te gestiéntem gáudiis », « gestientem », vient du verbe « gestire « qui exprime une joie très intense ». Il se traduit par « sauter de joie » « tressaillir d’allégresse », « être très heureux de ». Cette joie profonde, Notre Dame l’exprime dans son chant du « Magnificat » : « mon âme glorifie le Seigneur et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur Parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante ». En latin, nous avons : « Magnificat anima mea Dominum et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo ». Or « exsultare » a le même sens : il veut dire « bondir », « se réjouir vivement ». Telle était la joie exsultante de Notre Dame en ces premiers Mystères. Elle connaissait une joie débordante. Notre auteur dit juste quand il contemple Marie, « tressaillant de joie », « Te gestientem gaudiis ». Mais aussi « broyée de douleurs » dans le Mystère de la Passion de son Fils. « te sáuciam dolóribus ». « Broyée » est une bonne traduction puisque « « saucius » qui vient de « sauciare » veut dire « blesser », mais aussi « ouvrir la terre », « la terre blessée par une charrue » ; dans le Bornec nous avons l’expression : « Tellus vomeribus saucia », « la terre blessée par la charrue ». Et dans le cas de Notre Dame, il faut dire que son cœur fut blessé par la lance qui transperça le cœur de son Fils en Croix. Comme toujours, les verbes sont bien choisis par notre auteur. « Vous, revêtue d’éternelle gloire » « Te iugi amíctam glória » : Notre auteur contemple ici Marie dans le Mystère de l’Assomption où, elle est couronnée de gloire, parce que Reine de tout l’univers, gloire qui ne s’arrête pas, qui coule toujours, (jugi), qui est éternelle. « c’est vous…que nous chantons, ô Vierge Mère », « o Virgo Mater, pángimus ». Cette strophe me fait penser au chant du « Pange lingua ». Il est « bâti » de la même manière. Comme cet hymne, le « Pange lingua » chante les merveilles du Fils dans ses différents Mystères, dans le Mystère de la Nativité dans le Mystère de la Passion : « Chante, o ma langue, le mystère du corps glorieux de Jésus, et du sang précieux que ce roi des nations, sorti d’un sein généreux, a versé pour le salut du monde ». Pareillement cette strophe de notre hymne chante les merveilles de Notre Dame dans ces différents Mystères, l’Annonciation et sa joie, la Rédemption et sa terrible douleur, l’Assomption et sa gloire. « o Virgo Mater » « ô Vierge Mère » : avec ces deux mots joints, notre auteur affirme la Virginité de Marie tout autant que sa Maternité : « ô Vierge Mère ». Marie a gardé sa virginité dans la conception, l’enfantement. Comme le dit la théologie, Marie est restée Vierge, « avant, pendant, et après » sa Maternité. Je ferai remarquer pour terminer ce commentaire la belle construction latine qui met en début de phrase ce « Te » qui désigne la Vierge Mère en l’honneur de laquelle cet hymne est dédiée : « c’est Toi, ô Vierge Mère que nous chantons, Toi qui a connu la joie, la douleur et la gloire ». Nous trouvons une construction latine identique dans le fameux Te Deum ».

Ave, redúndans gáudio dum cóncipis, dum vísitas; et edis, offers, ínvenis, mater beáta, Fílium.

Salut à vous, inondée de joie en l’Annonciation, en la Visitation, quand vous mettez au jour, offrez et retrouvez ô bienheureuse Mère, votre Fils.

Notre auteur revient sur les premiers Mystères de Notre Dame, ceux dans lesquels elle a été « inondée de joie », en celui de l’Annonciation : « inondée de joie en l’Annonciation », alors qu’elle concevrait par l’opération du Saint Esprit, comme le lui enseigne l’ange. « Redundans gaudio dum concipis ». « Redundans » c’est le participe présent du verbe « redundare » qui veut dire : « déborder, être exubérant, être très abondant, regorger ». « Inondée de joie », est donc bien traduit. « Inondée de joie en la Visitation » « dum visitas. Le chant du « Magnificas » en est la preuve. : « Et exultavit spiritus meus » (Lc 1 47). « Inondée de joie », également, lors de la conception » en la Nativité, à Bethléem, « lorsqu’elle met au jour », c’est le sens précis du verbe « edere » : « mettre au jour », « faire voir ». On peut le croire. Telle est en effet la situation de toute mère, lors de la naissance d’un enfant…Il ne peut en être autrement pour la Vierge Mère ! « Inondée de joie » lors de la Présentation de l’Enfant Jésus au Temple de Jérusalem, « dum offers », Mystère qui est une véritable offrande du premier-né comme le demande la loi de Moïse. Inondée de joie,« Dum invenis….Filium », ils l’avaient perdu. Le recherchent dans l’inquiétude et l’angoisse. Ils le retrouvent dans la joie extrême et le soulagement. J’aime beaucoup cette succession de verbe : « dum cóncipis, dum vísitas, dum edis, dum offers, dum ínvenis Fílium ». La phrase est ainsi très nerveuse, parce très regroupée. C’est très vivant. C’est beaucoup mieux, m’est avis, que le simple énoncé des Mystères comme fait ici la traduction française. Cette traduction française est plus conceptuel.

Ave, dolens, et íntimo in corde agónem, vérbera, spinas crucémque Fílii perpéssa, princeps Mártyrum.

Salut à vous, dolente en votre cœur, de l’agonie, de la flagellation, des épines, de la croix de votre Fils, en votre souffrance, Reine des Martyrs.

Après avoir évoqué sobrement les Mystères joyeux, notre auteur parle des Mystères douloureux, en la Passion de son Fils à laquelle elle a particulièrement été unie. Il nous la présente comme « souffrant, à l’intimité de son cœur », l’agonie de son Fils. « Dolens agonem » « souffrant l’agonie de son Fils ». « agonem » c’est l’accusatif. Il faut le joindre au verbe « dolere » : souffrant l’agonie de son Fils et non pas de l’agonie de son Fils. Souffrant l’agonie de son Fils exprime mieux la souffrance de Marie. L’agonie de son Fils, l’expression ainsi traduite, est sa propre agonie. Ce fut cela ! « Souffrante au plus intime de son cœur » « et intimo in corde ». Souffrant la flagellation : « verbera », i.e. souffrant les « coups de fouets » ; ils l’atteignent dans sa propre chair. « Souffrant les épines » de la couronne, « spinas». « Souffrant la Croix », c’est toujours l’accusatif qui se rapporte à la souffrance de Marie : « dolens crucem ». On comprend que l’auteur puisse nous présenter Marie comme ayant « beaucoup souffert » en la Passion de son Christ. Alors le mot « perpessa » est, là encore, très bien choisi. C’est le participe passé du verbe : « perpeti » qui veut dire « souffrir beaucoup ». C’est pourquoi on peut légitimement la saluer de ce compliment : « vous, la Reine des Martyrs ».

Ave, in triúmphis Fílii, in ígnibus Parácliti, in regni honóre et lúmine, Regína fulgens glória.

Salut pour les triomphes du Fils, les flammes du Paraclet, l’honneur et l’éclat de votre règne, Reine, brillante de gloire.

Notre auteur parle maintenant des Mystères glorieux. Notre Dame y fut plus que tout autre, participante. Elle fut au cœur de tous ces Mystères glorieux. Elle se réjouit du triomphe de son Fils dans la Résurrection. Elle en fut gratifiée la première, au dire de tous les auteurs, même si cette apparition de son Fils n’est pas racontée dans l’Evangile. Comment penser le contraire. C’était à sa Mère qu’il devait ce premier témoignage…Même si, jamais, elle ne douta de ses paroles, annonçant la Résurrection : « …et le troisième jour, je ressusciterai ».Elle fut, le jour de la Pentecôte, au milieu des Apôtres et connut les «flammes du Paraclet » « in ígnibus Parácliti » (Act 2 1-4). Et si une personne a connu « l’honneur et l’éclat de votre règne », c’est bien elle. Elle en fut le sujet. Aussi peut-elle, à juste titre, être saluée comme la Reine du Ciel « brillante de gloire »

Veníte, gentes, cárpite ex his rosas mystériis, et pulchri amóris ínclytæ Matri corónas néctite.

Venez, nations, et cueillez, à ces mystères, des roses, et à la gloire du bel amour, à sa Mère, tressez des couronnes.

C’est tout simplement magnifique, une conclusion pleine d’amour. Venez tous, « gentes », cueillir des roses « rosas » en ces mystères et tressez des couronnes « coronas » à la gloire du bel amour : « pulchri amoris ». Mais les couronnes dont il est ici question, ce sont les prières des saints, comme nous l’enseigne l’Apocalypse de saint Jean : « « et ils jettent leurs couronnes devant le trône en disant : « Vous êtes digne notre Seigneur et notre Dieu de recevoir la gloire et l’honneur et la puissance, car c’est vous qui avez créé toutes choses car c’est à cause de votre volonté qu’elles ont eu l’existence et qu’elles ont été créées » (Apo 4 4 10-11) C’est donc un appel à la prière envers Marie. Celui qui entendra cet appel, connaîtra des joies ineffables, sublimes d’une intensité incommensurable et d’une délicatesse particulière. J’ai dit ! Enfin comme toutes les hymnes, notre auteur conclut par une action de grâce en l’honneur de la Trinité. Iesu, tibi sit glória, qui natus es de Vírgine, cum Patre, et almo Spíritu, in sempitérna sǽcula. Amen. Jésus, gloire soit à vous qui êtes né de la Vierge, ainsi qu’au Père et à l’Esprit de vie, dans les siècles éternels. Ainsi soit-il.

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