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Histoire de la messe interdite (6)

publié dans un disciple le 7 décembre 2017


Histoire de la messe interdite (6)

 Livre 2

 Chapitre 2

 

La Critique de la Nouvelle Messe

Analyse du Bref Examen Critique.

Comparaison entre la messe de saint Pie V et la Nouvelle Messe

 

 

Ce chapitre 2 aura deux parties : Une critique générale du Novus Ordo Miassae (NOM)  et  une comparaison entre la messe dite de saint Pie V et le Nouvel Ordo Missae.

 

 

Introduction :

 

J’ai donnée en France, tout au début de mon apostolat comme supérieur de District de la FSSPX, vers les années 1976-1977 cette critique du Nouvel Ordo Missae. Elle  fut diffusée d’abord dans une petite plaquette : « La raison de notre combat : la Messe catholique », aux Editions saint Gabriel (Suisse), puis dans le livre publié aux éditions  Clovis dans le livre Le combat de la messe. Je me suis inspiré, pour une grande part, du livre de Arnaldo Xavier Da Silveira, avocat brésilien, avec lequel Mgr de Castro Mayer était en plein « accord », comme il l’écrit dans sa lettre au Pape Paul VI du 25 janvier 1974, Je me suis inspiré aussi  du « Bref Examen Critique ». Ce livre de Da Silveira a deux parties, l’une consacrée à l’étude du NOM, l’autre à l’étude de l’hypothèse théologique d’un pape hérétique. Ce livre a été diffusé en France par « la diffusion de la Pensée Française » de Chiré, puis fut retiré et mis au pilon par l’éditeur lui-même. Je n’en ai jamais su la raison. De sorte que l’on ne trouve plus ce livre. Je l’ai en mains parce que en 2006, les représentants de la TFP en France, tout proche du séminaire de Courtalain, sont venus me le porter…Pourquoi ? Je ne sais. Par sympathie ! Je suppose. (NB C’est eux qui ont amené en même temps le tableau du « Bon Pasteur » que vous avez dans l’escalier majeur de la Maison Générale).

 

Comme je vous l’ai dit dans le chapitre précédent sur l’histoire du Nouvel Ordo Missae, ce texte du Bref Examen Critique  est un  texte important à deux titres :

-En raison de ses signataires : il a été présenté au Pape Paul VI  par deux Cardinaux de « premier plan » le Cardinal Ottaviani, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et le Cardinal Bacci.

-En raison des erreurs en matière liturgique que  ce texte dénonce  et au sujet desquelles l’autorité ecclésiale semble vouloir réagir avec le Cardinal Stickler, le cardinal Ratzinger, hier le pape Benoît XVI, avec la collaboration éminente de Mgr Schneider, qui semble vouloir passer une étape supplémentaire dans la critique de la réforme liturgique. Il est manifestement soutenu par le Pape et le Cardinal Rinjith…, personnalités aujourd’hui de premier plan.

 

Nous allons étudier tout cela de près.

 

Section I : La Critique du Nouvel Ordo Missae (NOM)

 

 

Le combat que nous menons depuis quarante ans  est le combat de la foi, de la défense de la foi dans son unité, dans son apostolicité, dans sa catholicité ou universalité, dans sa sainteté

 

Or la foi catholique est mise en péril par la réforme liturgique issue du concile Vatican II et en particulier par la réforme touchant l’ordonnance de la messe, par le nouvel Ordo Missae,(le NOM), par la « nouvelle messe », dite de Paul VI.

 

§-1 : Les arguments d’autorité

 

A-   Mgr Lefebvre

 

En effet, est mise en péril cette foi, Monseigneur Lefebvre nous le disait  très souvent: « Ce rite nouveau de la messe exprime une nouvelle foi, une foi qui n’est plus la nôtre, une foi qui n’est plus la foi catholique. Cette nouvelle messe est un symbole, une expression, une image d’une foi nouvelle, moderniste, d’une foi protestante ».

 

Et Monseigneur Lefebvre n’était pas le seul, dans l’Église, à parler de la sorte.

 

Qu’il me soit permis d’invoquer l’autorité des cardinaux Ottaviani et Bacci. Lorsqu’ils présentèrent, en effet, le « Bref examen critique » au Saint Père, ils écrivirent, dans leur lettre de présentation, ces paroles très graves, que vous devez connaître tous par cœur :

 

« Le nouvel Ordo Missae s’éloigne, de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe, telle qu’elle a été formulée à la XXIIéme   session du Concile de Trente. »

 

L’affirmation est grave.

 

Qu’il me soit permis également d’invoquer, non seulement l’autorité de Monseigneur Lefebvre, non seulement celle des cardinaux Ottaviani et Bacci, mais également celle de M. Louis Salleron qui écrit dans la nouvelle édition de son livre sur la « nouvelle messe » : « La réforme liturgique consiste simplement dans l’abolition de fait du concile de Trente et dans la conversion du catholicisme au protestantisme, sous les espèces de l’oecuménisme ».

 

Vous le voyez, la foi, la Tradition catholique, est gravement mise en péril par la réforme liturgique ; telle est l’affirmation de Monseigneur Lefebvre et des cardinaux Ottaviani et Bacci, de M Louis Salleron.

 

On peut également invoquer l’autorité de Mgr De Castro Mayer qui fit parvenir au Souverain Pontife Paul VI, par lettre du 25 janvier 1974, et dans un esprit oh combien déférent, trois études, trois études critiques, l’une sur « l’encyclique « Octogesima Adveniens », une autre sur « la liberté religieuse » et enfin la troisième sur la Nouvelle Messe : cette dernière, dit-il, écrite par l’avocat Arnaldo Vidigal Xavier de Silveira, avec laquelle, « je suis d’accord » dit-il. (Lettre de Mgr Castro Mayer à Paul VI en date du 25 janvier 1974, publiée à la page 113-114 du livre sur notre évêque : « la Gueule de Lion »). Or ce livre arrivait à la conclusion que « les textes de 1970 de la nouvelle messe, comme ceux de 1969 (minutieusement analysés par l’auteur) ne peuvent en conscience être acceptés ». Il reprend cette conclusion à la fin du livre : « Au vu des considérations que nous avons exposées, l’on se trouve dans l’obligation de conclure que la nouvelle messe ne peut être acceptée ni dans sa version de 1969 ni dans celle de 1970… » Car elle exprime « une rupture formelles avec les habitudes fondées sur la tradition apostolique, surtout en matière de culte »…Elles expriment l’une et l’autre version une « tendance à « désacraliser » la liturgie. « Or, la tendance à « désacraliser » la liturgie n’a pas sa source dans la tradition ; au contraire, elle constitue une rupture formelle et violente avec toutes les règles qui ont jusqu’ici guidé le culte catholique » (p 335)

 

Il conclut : « Pour éviter des malentendus qui pourraient fausser notre position, il faut qu’il soit bien clair que les réserves exprimées par nous sur divers passages de la nouvelle messe, ne revêtent pas toutes la même importance. Au cours de notre étude, nous avons toujours cherché à exprimer le sens et la portée précise de chacune de nos observations. Mais toutes convergent dans la même direction ; il en résulte que les nouveaux textes de la messe, dans leur ensemble, méritent des réserves plus graves que chaque partie prise isolément. .Répétons ici que notre position n’a pas pour motif des velléités « contestataires ». Nous ne mettons aucunement en question le principe de l’autorité dans la Sainte-Eglise. Mais nous nous demandons dans quelle mesure ce principe même de l’autorité, selon la doctrine catholique la plus sure, nous oblige à accepter ou à rejeter la nouvelle liturgie de la messe. Sur cette base, nous nous trouvons dans l’obligation de conclure que, pour l’amour de l’Eglise et de la foi que nous tenons de nos ancêtres, non possumus » (p. 338)

 

Et Mgr de Castro Mayer dit, dans sa lettre à Paul VI, faire siennes ces paroles.

C’est la position également  de Mgr Lefebvre dans sa fameuse déclaration du 21 novembre 1974, c’est le principe même qu’il invoque dans cette déclaration :

 

« Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité.

Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues.

Toutes ces réformes, en effet, ont contribué et contribuent encore à la démolition de l’Église, à la ruine du Sacerdoce, à l’anéantissement du Sacrifice et des Sacrements, à la disparition de la vie religieuse, à un enseignement naturaliste et teilhardien dans les Universités, les Séminaires, la catéchèse, enseignement issu du libéralisme et du protestantisme condamnés maintes fois par le magistère solennel de l’Église.

Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le magistère de l’Église depuis dix-neuf siècles.

« S’il arrivait, dit saint Paul, que NOUS-MÊME ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit anathème. » (Gal. 1, 8.)

N’est-ce pas ce que nous répète le Saint-Père aujourd’hui? Et si une certaine contradiction se manifestait dans ses paroles et ses actes ainsi que dans les actes des dicastères, alors nous choisissons ce qui a toujours été enseigné et nous faisons la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l’Église.

On ne peut modifier profondément la « lex orandi » sans modifier la « lex credendi ». A messe nouvelle correspond catéchisme nouveau, sacerdoce nouveau, séminaires nouveaux, universités nouvelles, Église charismatique, pentecôtiste, toutes choses opposées à l’orthodoxie et au magistère de toujours.

Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est tout entière empoisonnée ; elle sort de l’hérésie et aboutit à l’hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d’adopter cette Réforme et de s’y soumettre de quelque manière que ce soit.

La seule attitude de fidélité à l’Église et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d’acceptation de la Réforme.

C’est pourquoi sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l’étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la Sainte Église Catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures.

C’est pourquoi nous nous en tenons fermement à tout ce qui a été cru et pratiqué dans la foi, les mœurs, le culte, l’enseignement du catéchisme, la formation du prêtre, l’institution de l’Église, par l’Église de toujours et codifié dans les livres parus avant l’influence moderniste du concile en attendant que la vraie lumière de la Tradition dissipe les ténèbres qui obscurcissent le ciel de la Rome éternelle.

Ce faisant, avec la grâce de Dieu, le secours de la Vierge Marie, de saint Joseph, de saint Pie X, nous sommes convaincus de demeurer fidèles à l’Église Catholique et Romaine, à tous les successeurs de Pierre, et d’être les « fideles dispensatores mysteriorum Domini Nostri Jesu Christi in Spiritu Sancto ». Amen.

 

Mgr Marcel Lefebvre

 

Ce « non possumus » fut aussi celui d M l’abbé Dulac exprimé très souvent dans le Courrier de Rome et ses articles d’Itinéraires, il fut celui du Père Calmel. Sa fameuse déclaration en est la preuve :

 

B-    Déclaration du R.P Calmel, O.P

 

« Je m’en tiens à la Messe traditionnelle, celle qui fut codifiée, mais non fabriquée, par saint Pie V, au XVIe siècle, conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc l’Ordo Missae de Paul VI.

Pourquoi ? Parce que, en réalité, cet Ordo Missae n’existe pas. Ce qui existe c’est une Révolution liturgique universelle et permanente, prise à son compte ou voulue par le Pape actuel, et qui revêt, pour le quart d’heure, le masque de l’Ordo Missae du 3 avril1969. C’est le droit de tout prêtre de refuser de porter le masque de cette Révolution liturgique. Et j’estime de mon devoir de prêtre de refuser de célébrer la Messe dans un rite équivoque.

Si nous acceptons ce rite nouveau, qui favorise la confusion entre la Messe catholique et la Cène protestante – comme le disent équivalemment deux Cardinaux et comme le démontrent de solides analyses théologiques (1) – alors nous tomberons sans tarder d’une Messe interchangeable (comme le reconnaît du reste un pasteur protestant) dans une Messe carrément hérétique et donc nulle. Commencée par le Pape, puis abandonnée par lui aux églises nationales, la réforme révolutionnaire de la messe ira son train d’Enfer. Comment accepter de nous rendre complices ?

Vous me demanderez : en maintenant, envers et contre tout, la Messe de toujours, avez-vous réfléchi à quoi vous vous exposez ? Certes. Je m’expose, si je peux dire, à persévérer dans la voie de la fidélité à mon sacerdoce, et donc à rendre au Souverain Prêtre, qui est notre Juge Suprême, l’humble témoignage de mon office de prêtre. Je m’expose encore à rassurer des fidèles désemparés, tentés de scepticisme ou de désespoir. Tout prêtre en effet qui s’en tient au rite de la Messe codifié par saint Pie V, le grand Pape dominicain de la Contre-Réforme, permet aux fidèles de participer au Saint Sacrifice sans équivoque possible ; de communier, sans risque d’être dupe, au Verbe de Dieu incarné et immolé, rendu réellement présent sous les saintes espèces. En revanche, le prêtre qui se plie au nouveau rite, forgé de toutes pièces par Paul VI, collabore pour sa part à instaurer progressivement une Messe mensongère où la présence du Christ ne sera plus véritable, mais sera transformée en un mémorial vide ; par le fait même le Sacrifice de la Croix ne sera plus réellement et sacramentellement offert à Dieu ; enfin la communion ne sera plus qu’un repas religieux où l’on mangera un peu de pain et boira un peu de vin ; rien d’autre comme chez les protestants. – Ne pas consentir à collaborer à l’instauration révolutionnaire d’une Messe équivoque, orientée vers la destruction de la Messe, ce sera se vouer à quelles mésaventures temporelles, à quels malheurs en ce monde ? Le Seigneur le sait dont la grâce suffit. En vérité la grâce du Coeur de Jésus, dérivée jusqu’à nous par le Saint Sacrifice et par les sacrements, suffit toujours. C’est pourquoi le Seigneur nous dit si tranquillement : celui qui perd sa vie en ce monde à cause de moi la sauve pour la vie éternelle.

Je reconnais sans hésiter l’autorité du Saint Père. J’affirme cependant que tout Pape, dans l’exercice de son autorité, peut commettre des abus d’autorité. Je soutiens que le Pape Paul VI commet un abus d’autorité d’une gravité exceptionnelle lorsqu’il bâtit un rite nouveau de la Messe sur une définition de la Messe qui a cessé d’être catholique. « La Messe, écrit-il dans son Ordo Missae, est le rassemblement du peuple de Dieu, présidé par un prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. » Cette définition insidieuse omet de parti ­pris ce qui fait catholique la Messe catholique, à jamais irréductible à la Cène protestante. Car dans la Messe catholique il ne s’agit pas de n’importe quel mémorial; le mémorial est de telle nature qu’il contient réellement le Sacrifice de la Croix, parce que le corps et le sang du Christ sont rendus réellement présents par la vertu de la double consécration. Cela apparaît à ne pouvoir s’y méprendre dans le rite codifié par saint Pie V, mais cela reste flottant et équivoque dans le rite fabriqué par Paul VI . De même, dans la Messe catholique, le prêtre n’exerce pas une présidence quelconque ; marqué d’un caractère divin qui le met à part pour l’éternité, il est le ministre du Christ qui fait la Messe par lui ; il s’en faut de tout que le prêtre soit assimilable à quel­que pasteur, délégué des fidèles pour la bonne tenue de leur assemblée. Cela, qui est tout à fait évident dans le rite de la Messe ordonné par saint Pie V, est dissimulé sinon escamoté dans le rite nouveau.

La simple honnêteté donc, mais infiniment plus l’honneur sacerdotal, me demandent de ne pas avoir l’impudence de trafiquer la Messe catholique, reçue au jour de l’Ordination. Puisqu’il s’agit d’être loyal, et surtout en une matière d’une gravité divine, il n’y a pas d’autorité au monde, serait-ce une autorité ponti­ficale, qui puisse m’arrêter. Par ailleurs la première preuve de fidélité et d’amour que le prêtre ait à donner à Dieu et aux hommes c’est de garder intact le dépôt infiniment précieux qui lui fut confié lorsque l’évêque lui imposa les mains. C’est d’abord sur cette preuve de fidélité et d’amour que je serai jugé par le Juge Su­prême. J’attends en toute confiance de la Vierge Marie, la Mère du Souverain Prêtre, qu’elle m’obtienne de res­ter fidèle jusqu’à la mort à la Messe catholique, véritable et sans équivoque.

TUUS SUM EGO, SALVUM ME FAC.

 

(1) Entres autres, Pensée catholique n° 122 et Courrier de Rome depuis le n° 49.

 

 

§-2 : Les arguments théologiques

 

Mais il ne suffit pas, bien que cela soit primordial dans l’Église, il ne suffit pas de se limiter à l’argument d’autorité, il faut encore essayer de justifier théologiquement, doctrinalement, ces positions.  Pourquoi les cardinaux ont raison de dire que cette réforme liturgique s’éloigne de la doctrine catholique.

 

Vous comprendrez mieux, je l’espère, après cet exposé, la raison et le bien-fondé de notre attitude. Il faut que le combat continue. Il a été fait par vos anciens. Il faut qu’il continue par vous.

 

Comment porter un jugement de valeur sur cette réforme liturgique ?

 

Comment justifier les affirmations des cardinaux Ottaviani et Bacci, de Monseigneur Lefebvre et de M. Louis Salleron, de Mgr de Castro Mayer, l’abbé Dulac?

 

A- L’Institutio Genarlis Missalis Romani.

 

Pour porter un jugement de valeur sur cette réforme liturgique issue du concile Vatican II, il faut connaître un texte, le texte essentiel de la réforme liturgique : l’Institutio generalis missalis romani. L’Institutio generalis est le texte qui a été promulgué par le souverain pontife en 1969 dans sa Constitution apostolique Missale romanum.

 

Par cette Constitution, en effet, le pape promulguait deux textes ; le premier c’est l’Institutio generalis missalis romani et le deuxième c’est le Novus Ordo Missae proprement dit, c’est-à-dire l’ensemble des rites, la nouvelle ordonnance de la messe.

 

Oui, si nous voulons porter un jugement de valeur sur cette réforme liturgique, il faut connaître cet Institutio generalis, (1) le premier texte de cette Constitution apostolique.

 

(1) Ce texte a été préparé par la « Commission pontificale pour l’application de la Constitution sur la Sainte Liturgie ». Le Pape a donné à cette « Institutio » le caractère et l’autorité d’un document pontifical. Elle comprend 341 articles.

 

Pourquoi ?

 

Parce que dans ce texte sont minutieusement expliqués, en même temps que sont établis, les principes théoriques et pratiques pour la célébration de la messe.

 

L’Institutio generalis, c’est ce texte doctrinal qui révèle clairement les options théologiques qui ont présidé à l’établissement du nouveau rite ; si vous préférez, l’Institutio generalis, c’est le commentaire doctrinal de la réforme liturgique.

 

Certes, vous le savez sans doute, la première rédaction de ce texte doctrinal a subi de graves critiques lors de sa promulgation, en mai 1970. Des théologiens se sont étonnés de certains passages. Ils présentèrent de graves objections. La Congrégation pour le culte divin fut sans doute impressionnée. Ainsi devant les critiques, le texte de l’Institutio generalis promulguée le 3 avril 1969 subit des modifications variées à l’occasion de la publication du nouveau missel en mai 1970.

 

Mais quoi qu’il en soit de ces modifications, pour juger la réforme liturgique, il faut connaître le texte de l’Institue generalis dans sa première rédaction, dans sa première version de 1969.

 

Pourquoi ?

 

Parce que les modifications intervenues dans le texte de 1970 n’ont eu aucune incidence, aucune conséquence sur le nouvel Ordo proprement dit — le nouvel Ordo restant identique, inchangé, et surtout parce que, de manière explicite, de manière officielle, c’est encore et toujours à la première rédaction de l’Institutio generalis que l’épiscopat français continue de se référer aujourd’hui, ignorant les modifications, les changements intervenus en 1970.

 

En effet, le Conseil permanent de l’épiscopat français a publié, le 2 décembre 1976, des précisions sur la « célébration eucharistique ».

 

« Nous invitons les pasteurs, y est-il écrit, à relire les textes majeurs de la réforme (liturgique) pour y retrouver ses motifs, ses grandes orientations et les directives d’application ».

 

Et comme texte majeur, le Conseil permanent indique l’Institutio generalis, mais en spécifiant bien, M. Louis Salleron l’a fait remarquer, qu’il faut la lire dans son édition d’avril 1969, dans sa première édition non corrigée.

 

Ainsi, l’Institutio generalis dans sa première rédaction de 1969 demeure la grande orientation doctrinale de la réforme liturgique.

 

Si donc nous voulons porter un jugement de valeur sur cette réforme, il faut connaître et étudier de près ce texte doctrinal, l’Institutio generalis, dans sa première version. C’est ce que nous allons faire.

 

Mais nous porterons ensuite, dans une deuxième critique, notre attention sur les modifications imposées au texte lors de sa publication, en mai 1970. Il faut d’abord connaître le texte original de 1969 pour pouvoir se prononcer sur le texte de 1970 de la nouvelle messe.

 

B- La foi catholique sur la sainte messe

 

Mais avant de présenter la critique de ce document que l’on peut faire et que beaucoup ont faite, mais qu’il est bon aujourd’hui de bien connaître, il me semble nécessaire de rappeler rapidement la foi catholique sur le saint sacrifice de la messe. (Je vous en ai fait la synthèse dans le chapitre I de ce cours).

 

Il nous faut rappeler brièvement les principes immuables de la foi catholique sur ce qui constitue essentiellement notre sainte messe.

Je résumerai la doctrine catholique en trois propositions.

La première proposition est la suivante, que vous connaissez, bien sûr.

 

a-Un vrai et authentique sacrifice

 

A la messe, on offre à Dieu un vrai et authentique sacrifice. C’est là une proposition de foi divine, catholique, définie. Si donc quelqu’un nie, avec pertinacité s’entend, cette vérité, il est hérétique, il n’a pas la foi catholique.

 

Permettez-moi simplement d’évoquer et de vous lire rapidement l’enseignement que nous donne l’Église dans ce fameux catéchisme du concile de Trente, dont l’autorité est grande, puisque ce catéchisme a été rédigé par les grands cardinaux qui ont participé à cette sainte assemblée qu’est le concile de Trente.

 

Ces grands cardinaux demandent aux pasteurs, aux curés de paroisse qui ont charge d’âmes, d’enseigner les raisons pour lesquelles Notre Seigneur Jésus-Christ a institué l’Eucharistie.

 

Il y en a deux, disent –ils.

 

La première raison : Notre Seigneur Jésus-Christ a institué l’Eucharistie pour se donner en nourriture à nos âmes.

La seconde : «Afin que I ‘Église possédât un sacrifice perpétuel capable d’expier nos péchés, et au moyen duquel notre Père céleste, trop souvent offensé d’une manière grave par nos iniquités, pût être ramené de la colère à la miséricorde et des justes rigueurs du châtiment à la clémence ».

 

C’est là la première vérité que vous croyez. C’est bien là la doctrine de l’Église, car le concile de Trente, au canon premier de la session XXème, affirme bien, en effet, et précise bien, face au protestantisme, la chose suivante :

 

«  Si quelqu’un dit qu’à la messe on n’offre pas à Dieu un sacrifice véritable et authentique, ou que cette offrande est uniquement dans le fait que le Christ nous est donné en nourriture, qu’il soit anathème. »

 

Il faut que vous vous rappeliez également les finalités de ce sacrifice de la messe, de cette action « sacrificiel ».

 

b-Les finalités du sacrifice de la messe

 

Vous le savez, le sacrifice a quatre finalités.

 

La première finalité de cette action, c’est d’être une action latreutique, du grec latreia, « action de louange, action de gloire ». Le sacrifice de la messe est un sacrifice de louange. « Per ipsum et cum ipso et in ipso… omnis honor et gloria ».

 

La deuxième finalité du sacrifice de la messe est d’être une action eucharistique. On parlera, en ce sens, du sacrifice eucharistique, du grec eucharistia, « action de grâces ».

 

La troisième finalité du sacrifice de la messe, c’est d’être un sacrifice propitiatoire, c’est-à-dire de nous rendre Dieu clément, favorable. Il nous devient, par l’oblation de ce sacrifice, favorable, clément, propice.

 

Et enfin la quatrième finalité du sacrifice de la messe c’est d’être impétratoire, du latin impetrare, « obtenir après une demande » ; nous demandons, par l’offrande du sacrifice, les grâces dont nous avons besoin pour vivre chrétiennement.

 

Mais, notez-le bien, parmi ces quatre finalités, il y en a une essentielle, c’est le caractère propitiatoire de la messe.

 

Les protestants admettent bien que la messe soit une action de louange, une action de supplication. Taizé admet tout cela. Mais ils refusent de croire au caractère propitiatoire de la sainte messe. C’est cette note, ce caractère, cette finalité, qui distingue la foi catholique de la position protestante.

 

En effet, je n’invente rien ; vous savez votre catéchisme. Invoquons le canon 3 de la session XXIIe du concile de Trente et vous verrez bien que l’Église insiste sur le caractère propitiatoire de la messe.

 

« Si quelqu’un dit que le sacrifice de la messe n’est qu’un sacrifice de louange et d’action de grâces ou une simple commémoration du sacrifice accompli à la croix, mais non un sacrifice propitiatoire, qu’il soit anathème. »

Et dans le chapitre second de la session XXe, il est bien dit :

 

« Parce que, dans ce divin sacrifice, qui s’accomplit à la messe, ce même Christ, qui s’est offert lui-même une fois de manière sanglante sur l’autel de la croix, est contenu et immolé de manière non sanglante, le saint concile enseigne que ce sacrifice est vraiment propitiatoire. »

 

Telle est la foi catholique

 

C’était là la première proposition qu’il me fallait vous rappeler, pour que vous suiviez mieux la critique que nous adressons à la réforme liturgique et à ce document de l’Institutio generalis.

 

 

c-La présence réelle

 

 

La deuxième proposition qu’il faut que vous me permettiez de vous rappeler est la suivante : il faut à tout sacrifice une victime. Il n’y a pas de sacrifice sans victime.

 

Or quelle est la victime du saint sacrifice de la messe ? C’est Notre Seigneur Jésus-Christ, présent vraiment, réellement et substantiellement sous les apparences du pain et du vin.

C’est la deuxième proposition que vous croyez et qu’il faut croire pour être catholique. C’est une proposition qui est de foi divine, catholique, définie. Dès lors, qui nierait avec pertinacité une telle proposition serait hérétique.

 

 

L’Église, pour justifier sa foi, vous le savez, invoque l’Écriture sainte et la Tradition apostolique.

 

L’Écriture sainte. L’Église invoque naturellement la phrase et l’affirmation de Notre Seigneur Jésus-Christ : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Et l’Église précise bien, au concile de Trente en particulier, que ces phrases ne peuvent pas être interprétées dans un sens symbolique mais doivent être interprétées dans un sens littéral, à la lettre.

 

L’Église invoque également les phrases de saint Paul aux Corinthiens :

 

« Que l’homme s’éprouve donc lui-même et qu’après cela il mange de ce pain et boive de ce calice, car celui qui le mange et le boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, ne discernant pas le corps du Seigneur » (1 Co 11, 28).

 

Également, saint Paul dit :

 

« Le calice de bénédiction que nous bénissons, n’est-il pas la communication du sang de Jésus-Christ ? Et le pain que nous rompons, n’est-ce pas la participation du corps du Seigneur ? » (I Co 10, 16).

 

L ‘Église invoque non seulement l’Écriture sainte, mais la Tradition apostolique, saint Ambroise, saint Jean Chrysostome, saint Augustin. Tous les Pères affirment la présence réelle, substantielle, de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie.

 

 

Et il faut également vous rappeler que Notre Seigneur Jésus-Christ est présent dans l’Eucharistie tout entier, dans son corps, dans son âme, dans sa divinité, dans son humanité, dans son sang. Il est présent tout entier dans chacune des espèces, vous le savez. Il est présent dans son corps, sous l’espèce du pain : « Ceci est mon corps ». Saint Thomas d’Aquin, dans la Somme, dit : « vi verborum », en raison même de la force des paroles de la consécration prononcées par le prêtre in persona Christi.

Mais Notre Seigneur Jésus-Christ est présent sous les espèces du pain, non seulement avec son corps, mais il est présent sous les espèces du pain avec son sang, avec son humanité, son âme, sa divinité.

 

Et pourquoi cela ? En raison, non point de la  forme du sacrement, mais par « concomitance », et le catéchisme du concile de Trente l’explique très bien : « parce que le sang et l’âme et la divinité sont inséparables du corps, toutes ces choses seront aussi dans le sacrement, non en vertu de la consécration, mais par l’union qu’elles ont avec le corps ou, comme disent les théologiens, « par concomitance ».

 

Donc Notre Seigneur Jésus-Christ est présent tout entier dans l’Eucharistie ; et il est une vérité qui suit nécessairement cette affirmation, sur laquelle l’Église insiste beaucoup, c’est la conversion de la substance du pain en la substance du corps de Notre Seigneur Jésus-Christ, la conversion de la substance du vin en la substance du sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

Et l’Église explique cette conversion, ce changement substantiel, par un mot très approprié, très catholique, et que vous connaissez tous, le mot transsubstantiation.

 

 

C’est la foi catholique que je vous rappelle. En effet, prenez la session XIIIe du concile de Trente, cette grande œuvre de l’Église : l’Église consacre, dans cette XIIIe session, deux canons à l’Eucharistie :

 

« Si quelqu’un nie que dans le très Saint-Sacrement de l’Eucharistie soient contenus vraiment (retenez bien ces termes), réellement, substantiellement, le corps, le sang conjointement avec l’âme et la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ et, par conséquent, le Christ tout entier, et s’il dit qu’ils n’y sont qu’en signe, en figure, qu’il soit anathème. »

 

Le deuxième canon nous parle bien de la conversion, du changement de la substance :

« Si quelqu’un dit que, dans le très Saint-Sacrement de 1 ‘Eucharistie, la substance du pain et du vin demeure, avec le corps et le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ (ce que la théologie protestante appelle « impanation ») et s’il nie le changement, cette conversion admirable et unique de toute la substance du pain en son corps et de toute la substance du vin en son sang, tandis que demeurent les apparences du pain et du vin, changement (retenez bien cela) que l’Église catholique appelle de manière très appropriée la transsubstantiation, qu’il soit anathème. »

Telle est la foi catholique sur ce deuxième point, sur la victime de nos autels, Notre-Seigneur dans sa divinité, dans son humanité substantiellement présente.

 

d- Sacrifice de la messe — Sacrifice de la croix

 

Enfin, la troisième vérité qu’il faut que je vous rappelle rapidement est la suivante : à la messe comme à la croix, c’est la même victime, c’est le même prêtre principal, Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est donc le même sacrifice puisque c’est la même victime, le même prêtre. Le sacrifice de l’autel est le sacrifice de la croix. II n’y a pas de distinction essentielle, substantielle, entre la croix et nos autels. C’est le même sacrifice; seul change, vous le savez, le mode.

A la croix, le sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ était sanglant ; à l’autel le sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ est non sanglant, sacramentel. Les ministres, les prêtres, ne sont à l’autel que comme ceux qui agissent in persona Christi, dans la personne même de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais c’est le même sacrifice ; c’est la foi catholique.

 

C’est là une proposition de fide divina, catholica, definita.

 

En effet, regardez ce que dit le catéchisme du concile de Trente, que vous avez tous dans vos bibliothèques et qu’il faut avoir :

« Nous reconnaissons donc que le sacrifice qui s’accomplit à la messe et celui qui fut offert sur la croix, ne sont et ne doivent être qu’un seul et même sacrifice, comme il n’y a qu’une seule et même victime, Notre Seigneur Jésus-Christ, qui s’est immolé une fois sur la croix d’une manière sanglante. »

 

Il n’y a plus qu’un seul et même prêtre dans le sacrifice, c’est Jésus-Christ, car les ministres qui l’offrent n’agissent pas en leur nom propre, ils représentent, souvenez-vous bien de cela, ils représentent la personne de Jésus-Christ, lorsqu’ils consacrent son Corps et son Sang, comme on le voit par les paroles mêmes de la consécration, car les prêtres ne disent pas : « Ceci est le corps de Jésus-Christ », formule invalide, mais ils disent bien : « Ceci est mon corps », se mettant ainsi à la place de Notre Seigneur Jésus-Christ pour convertir la substance du pain et du vin en la véritable substance de son Corps et de son Sang ; et c’est ce que l’Église vous dit : « Le prêtre à l’autel agit in persona Christi ». Et de plus seul le prêtre, nous le dirons tout à l’heure, est ministre de l’autel.

 

e-Synthèse de la foi catholique sur la messe

 

Telle est la foi catholique sur le saint sacrifice de la messe. Foi qui nous oblige à croire que la messe est un sacrifice, que Notre Seigneur Jésus-Christ est présent vraiment, réellement, substantiellement sur les autels et, enfin, que l’action sacerdotale de l’oblation sacrificielle, ou comme on dit « l’action sacrificielle », qui se réalise essentiellement lors de la consécration, est  l’acte même de Notre Seigneur Jésus-Christ, utilisant le ministère du prêtre, qui agit in persona Christi, lequel est, dès lors, le seul ministre du sacrifice de l’autel.

Et n’oublions pas que ce sont précisément ces trois vérités fondamentales, que je viens de vous rappeler, qui sont niées par les protestants et par les modernistes.

N’oublions pas que c’est pour manifester leur refus de croire à ces dogmes que leurs messes se sont transformées petit à petit en cultes, en cènes, en assemblées eucharistiques.

Et l’on doit malheureusement affirmer, et j’en viens ainsi à la deuxième partie de cette étude que toute la réforme liturgique, issue du concile Vatican II, porte directement ou indirectement atteinte à ces trois vérités essentielles de la foi catholique.

C’est ce qu’il faut démontrer, et nous allons analyser l’Institudo generalis à la lumière de la foi catholique que je viens de vous rappeler.

 

 

 

§ 3 Critique du document doctrinal qui a présidé à la réforme liturgique : l’Institutio generalis

 

A-Le dogme de la Transsubstantiation

 

Ainsi, que nous dit l’Institutio generalis sur le dogme de la transsubstantiation ?

 

Eh bien ! Dans tout le document doctrinal qui a présidé à la réforme liturgique, on ne trouve pas une seule fois le mot « transsubstantiation », on n’y parle pas non plus une seule fois de présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie sinon  dans une seule note, alors que c’est la notion essentielle.

 

Il y a sans doute beaucoup de références, en des termes et expressions diverses, à la « présence » de Notre-Seigneur.

 

Ainsi, vous pouvez lire :

– Au n° 1, « (dans la messe), les mystères de la Rédemption sont rappelés au long de l’année, de telle sorte qu’ils deviennent en quelque manière présents ». Cela vaut, entre autres, pour la présence de Notre-Seigneur dans l’Eucharistie…

 

– Au n° 9, « Quand les Écritures saintes sont lues dans l’église, Dieu lui-même parle à son peuple et le Christ, présent dans sa parole annonce l’Évangile ».

 

– Au n° 28, « A la fin du chant d’entrée, le prêtre et toute l’assemblée font le signe de la croix. Tout de suite après, le prêtre, par une salutation, manifeste à l’assemblée réunie la présence du Seigneur ».

 

– Au n° 33 : « …Dans les lectures, que l’homélie explique, Dieu parle à son peuple, révèle le mystère de la rédemption et du salut, et offre une nourriture spirituelle ; et le Christ lui-même devient présent par sa parole au milieu des fidèles…. »

 

– Au n° 35 : « La plus grande vénération doit être accordée à la lecture de l’Evangile. C’est ce que la liturgie elle-même enseigne, puisqu’elle l’entoure d’un honneur spécial, plus que celui qu’elle accorde aux autres lectures : de la part du ministre (….) ; de la part des fidèles, reconnaissant et professant au moyen  d’acclamations le Christ présent qui lui parle, et aussi en écoutant debout la lecture elle-même ; également par les signes de vénération (…)

 

Vous le voyez, la notion de présence de Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas absente de l’Institutio generalis, et on pourrait multiplier les citations où l’on parle — en des expressions diverses — de la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ lors de la sainte messe.  Mais, à l’aide de ces expressions diverses, l’Institutio generalis indique sans distinction (et c’est cela qui est grave) la présence de Jésus dans la parole et l’Écriture sainte, la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’assemblée réunie en son nom et la présence de Notre-Seigneur dans l’Eucharistie.

 

Certes, Notre Seigneur Jésus-Christ est présent dans l’Écriture sainte, c’est son enseignement, sa doctrine.

Certes, Notre Seigneur Jésus-Christ est présent dans l’assemblée des fidèles, puisque lui-même nous enseigne, dans l’Évangile : « Là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux ».

 

Certes, Notre Seigneur Jésus-Christ est présent au milieu de nous, c’est sûr, mais cette présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’assemblée réunie en son Nom, pour vraie qu’elle soit, n’est qu’une présence spirituelle, tandis que la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie est une présence substantielle, ce qui est tout différent, essentiellement différent.

Autre la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Écriture sainte, autre la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie !

 

Comme on le fait remarquer dans le Bref examen critique, la présence substantielle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie est assimilée dans l’Institutio generalis à la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la parole. Mais ce sont deux choses de nature différente. La présence dans l’Écriture sainte n’a de réalité que selon l’usage qu’on en fait, tandis que la présence réelle et substantielle est objective, permanente et indépendante de la réception qui en est faite dans le sacrement.

 

Si bien que le texte de l’Institutio generalis entretient une équivoque grave sur le plan doctrinal et cette ambiguïté sur la notion de présence induit à penser que la présence spirituelle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Écriture sainte est qualitativement homogène à la présence substantielle de Notre Seigneur Jésus-Christ, propre au sacrement de l’Eucharistie ; ce qui est une grave erreur.

 

Et c’est cette ambiguïté doctrinale qui est à l’origine — soyez-en persuadés — de bien des abus actuels touchant la présence substantielle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie. Je n’insiste pas.

 

Et c’est pourquoi nous nous réjouissons des propos tenus récemment par Mgr Athanasius Schneider sur l’Eucharistie et son respect dans la liturgie dans sa conférence intitulée « La nouvelle évangélisation et  la sainte liturgie », prononcée à Paris, le 15 janvier 2010, dans le cadre de la 4ème réunion « unitaire » disant :

 

« Pour parler correctement de la nouvelle évangélisation il est indispensable de porter tout d’abord notre regard sur Celui qui est le véritable évangélisateur, à savoir Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, le Verbe de Dieu fait Homme. Le fils de Dieu est venu sur cette terre pour expier et racheter le plus grand péché, le péché par excellence. Et ce péché par excellence de l’humanité consiste dans le refus d’adorer Dieu, dans le refus de Lui réserver la première place, la place d’honneur. Ce péché des hommes consiste dans le fait qu’on ne porte pas attention à Dieu, dans le fait qu’on n’a plus le sens des choses, voire des détails qui relèvent de Dieu et de l’adoration qui Lui est due, dans le fait qu’on ne veut pas voir Dieu, dans le fait qu’on ne veut pas s’agenouiller devant Dieu.

Face à une telle attitude, l’incarnation de Dieu est gênante, gênante également et par contrecoup la présence réelle de Dieu dans le mystère eucharistique, gênante la centralité de la présence eucharistique de Dieu dans les églises. L’homme pécheur veut en effet se mettre au centre, tant à l’intérieur de l’église que lors de la célébration eucharistique, il veut être vu, il veut être remarqué.

C’est la raison pour laquelle Jésus eucharistie, Dieu incarné, présent dans le tabernacle sous la forme eucharistique, on préfère Le placer sur le côté. Même la représentation du Crucifié sur la croix au milieu de l’autel lors de la célébration face au peuple est gênante, parce que le visage du prêtre s’en trouverait occulté. Donc l’image du Crucifié au centre aussi bien que Jésus eucharistie dans le tabernacle également au centre de l’autel, sont gênants. En conséquence la croix et le tabernacle sont déplacés sur le côté. Pendant l’office, les assistants doivent pouvoir observer en permanence le visage du prêtre, et celui-ci prend plaisir à se mettre littéralement au centre de la maison de Dieu. Et si par hasard Jésus eucharistie est quand même laissé dans son tabernacle au centre de l’autel, parce que le ministère des monuments historiques, même sous un régime athée, a interdit pour des raisons de conservation du patrimoine artistique de le déplacer, le prêtre, souvent tout au long de la célébration liturgique, lui tourne sans scrupules le dos.

Combien de fois de braves fidèles adorateurs du Christ, dans leur simplicité et leur humilité, se seront écriés : « Bénis soyez-vous, les Monuments historiques ! Vous nous avez au moins laissé Jésus au centre de notre église. »

 

 

L’absence du mot Transsubstantiation.

 

Enfin une autre critique que nous adressons, sur ce point précis, au document doctrinal qui a présidé à la réforme liturgique, est la suivante : l’absence du terme « transsubstantiation » dans le texte primitif de I’Institutio generaIis est pour un catholique incompréhensible.

En effet, une simple allusion à l’histoire de l’Église vous permettra de le mieux comprendre.

 

En 1786, fut réuni à Pistoia un synode qui approuva diverses propositions relatives au sacrement de l’Eucharistie. On parla, dans la proposition 29ème, de la présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie. On parla même de la cessation des substances ; en effet, je vais vous lire cette proposition 29ème  du synode de Pistoia :

 

« Le Christ, après la consécration, est vraiment, réellement, substantiellement sous les espèces ».

Expression parfaitement catholique reprenant le concile de Trente :

« … vraiment, réellement, substantiellement sous les espèces eucharistiques ».

 

La deuxième proposition est également parfaitement orthodoxe, parfaitement catholique : « « Toute la substance du pain et du vin cesse, seules les espèces restent ».

 

Proposition tout à fait catholique, mais cette proposition 29ème  omet de mentionner, de parler de la transsubstantiation.

 

Eh bien ! Comment l’Église a-t-elle jugé un tel acte ?

 

En 1794, Pie VI condamna cette proposition 29ème  du synode de Pistoia. En quels termes ? Il condamna cette proposition 29ème  comme étant « pernicieuse ». Je cite : « Pernicieuse, préjudiciable à l’exposition de la vérité catholique sur le dogme de la transsubstantiation et comme favorisant les hérétiques. »

 

Condamnation très grave.

 

Or vous constatez, dans le texte doctrinal de l’Institutio generaIis, vous constatez l’absence du mot « transsubstantiation ».  Donc, soyons logiques, ce texte doctrinal mérite, au moins, le même blâme que Pie VI adressait au synode de Pistoia : « Un texte pernicieux, préjudiciable à l’exposition de la vérité catholique et favorisant les hérétiques ».

 

Mais plus grave encore !

 

Dans le synode de Pistoia, il est fait mention de la présence réelle, substantielle, de Notre Seigneur Jésus-Christ, il est fait mention de la cessation complète des substances. Or, dans le document doctrinal de l’Institutio generalis, on ne parle jamais de la présence réelle, substantielle, on ne parle jamais de la cessation complète des substances, de la conversion de la substance du pain à la substance du Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

Donc ce texte doctrinal, dans son édition de 1969, qui, selon le pape Paul VI lui-même, puise ses « lignes directrices dans le concile même », mérite un blâme plus grave que celui que Pie VI adressait au synode de Pistoia.

 

Un « confirmatur ».

 

Je voudrais confirmer par une autorité ce que je viens de dire. Les auteurs du Bref Examen Critique écrivent:

« Il n’y a nulle part une allusion à la présence réelle et permanente du Christ avec son corps, son âme, son sang et sa divinité dans les espèces « transsubstantiées », le mot lui-même « transsubstantiation » ne figure nulle part ».

« Mais alors, serait-ce à croire que les auteurs de ce texte doutaient de la présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie comme l’Église l’enseigne ? »

 

On est porté à le croire et on semble confirmé dans cette croyance lorsque l’on s’aperçoit que tous les signes extérieurs, tous les signes d’adoration due à notre Dieu présent sur les autels sont, pour la plupart, éliminés, supprimés. En effet, pour me limiter simplement au Bref examen critique. Voici ce qu’il dit :

« Il est impossible de ne pas remarquer l’abolition ou l’altération des gestes par lesquels s’exprime spontanément la foi en la présence réelle. Le nouvel Ordo élimine les génuflexions, dont le nombre est réduit à trois pour le prêtre célébrant, et à une seule (non sans exceptions) pour l’assistance, au moment de la consécration (et combien en reste-t-il aujourd’hui ?), élimine la purification des doigts du prêtre au-dessus du calice et dans le calice, etc. ».

 

Mais c’est très grave, comme le fait remarquer Mgr Schneider !

 

Un détail ? Peut-être… un détail… mais c’est très grave. Car si un prêtre croit à la présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ, s’il croit que Notre Seigneur Jésus-Christ est présent dans chacune des parcelles, il est normal qu’il prenne le plus grand soin pour se purifier les doigts, de sorte qu’aucune parcelle ne puisse être, même involontairement, profanée.

C’est pour cela que l’Église, qui a le sens de son fondateur, le sens de Dieu, le sens de Notre-Seigneur, demande au prêtre, dans le rite tridentin, de se purifier les doigts au-dessus du calice de sorte qu’aucune parcelle ne soit profanée.

 

(NB Sur ce sujet très important, voir le livre de Mgr Schneider : Corpus Christi.)

 

De plus, le nouvel Ordo élimine la dorure intérieure des vases sacrés… Détail… détail… oui, bien sûr, détail… mais si nous croyons que Notre Seigneur Jésus-Christ est présent sur nos autels, ne pensez-vous pas qu’il faille un métal précieux pour le contenir ? Et encore, j’allais dire, l’or n’est pas assez précieux pour contenir dignement le Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais au moins qu’il y ait de l’or…

 

Également sont supprimées les actions de grâces à genoux, remplacées par un grotesque remerciement du prêtre et des fidèles assis, aboutissement normal de la communion debout.

 

Oui, toutes ces suppressions ne font qu’accentuer, de façon provocante, la répudiation implicite du dogme de la présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie.

 

Souvent, on dit que les prêtres de la Tradition n’ont plus le sens de l’Église, que l’action de Monseigneur Lefebvre fait perdre le sens de l’Église. Quand nous entendons cela, nous prenons une sainte colère… Car, dites-moi, quel est le sens de l’Église, comment l’Église confesse-t-elle sa foi en la présence réelle de son Seigneur bien-aimé sur les autels ?

 

Comment ?

 

Ouvrez les livres où l’Église exprime sa foi. Voyez, par exemple, la session XIIIe du concile de Trente. Après avoir parlé, au chapitre 4, de la transsubstantiation, immédiatement après, l’Église parle du culte et de la vénération dus à ce très Saint-Sacrement et nous enseigne :

 

« II ne reste donc aucune raison de douter que tous les fidèles, selon la coutume reçue depuis toujours dans l’Église catholique, doivent rendre en vénérant le très Saint-Sacrement, le culte de latrie dû au vrai Dieu. En effet, ce n’est pas parce qu’il a été institué par le Christ Notre Seigneur comme nourriture qu’on doit moins l’adorer. Nous croyons qu’en lui est présent ce même Dieu dont le Père éternel a dit en l’introduisant dans le monde : « Et que tous les anges de Dieu l’adorent », lui que les mages « ont adoré en se prosternant », lui enfin dont l’Écriture témoigne qu’il fut « adoré » en Galilée par ses apôtres ».

 

L’adoration ! Tel est le sensus Ecclesiae, le sens qu’a l’Église de la présence réelle de son Seigneur.

Tel est le sens que nous voulons garder, par fidélité à l’Église catholique, apostolique…

 

Sur ce sujet, Mgr Schneider, dans son récent livre « Corpus Christi » invoque l’exemple de l’ange de Fatima et de sa profonde adoration avec les enfants

 

Voilà ce que le nouvel Ordo Misse tend insensiblement, peu à peu, à nous faire perdre. La preuve… demandez, questionnez les enfants et vous verrez… vous serez étonnés.

 

Tel est le premier point, la première critique que nous adressons à ce texte doctrinal, I’Institutio generalis, quant à la présence réelle, quant au dogme de la transsubstantiation.

 

Narratio Instituionis.

 

Aussi ne faut-il point finalement s’étonner de lire au n° 55 de l’Institutio generalis la phrase suivante à propos de la consécration : « Le récit de l’Institution », narratio institutionis.

C’est une grossière erreur car, lorsque le prêtre consacre, il ne récite pas, il pose un acte… une action, l’action même de Notre Seigneur Jésus-Christ : le prêtre agit in persona Christi. Il prononce les paroles de la consécration d’une manière affirmative : « Ceci est mon corps ». Ce n’est pas une narration.

 

Mais peut-être, pour ceux qui ont rédigé ce texte de l’Institutio generalis, était-ce une simple narration, une simple commémoration, n’impliquant pas la présence réelle eucharistique, n’impliquant aucune action, mais une simple commémoration, un simple souvenir ? On tombe alors dans le Protestantisme.

 

Voilà ce qui dit sur ce point important le Bref Examen Critique. On trouve cette critique dans le § 4, intitulé : LES FORMULES DE LA CONSECRATION.

L’antique formule de la Consécration est une formule proprement sacramentelle, du type inti matif et non du type narratif.

En voici trois preuves :

A) Le texte du récit de l’Ecriture n’y est pas repris à la lettre. L’insertion paulinienne :  » mysterium fidei  » est une confession de foi immédiate du prêtre dans le mystère réalisé par le Christ dans l’Eglise au moyen de son sacerdoce hiérarchique (l8).

 

B) Ponctuation et caractères typographiques. – Dans le Missel romain de saint Pie V, le texte liturgique des paroles sacramentelles de la Consécration est ponctué et mis en évidence d’une manière propre.

Le HOC EST ENIM est en effet séparé par un point à la ligne de la formule qui le précède :  » …manducate ex hoc Omnes « . Ce point à la ligne marque le passage du mode narratif au mode intimatif qui est propre à l’action sacramentelle.

Les paroles de la Consécration, dans le Missel romain, sont imprimées en caractères typographiques plus grands, au centre de la page ; souvent en une couleur différente. Tout cela manifeste que les paroles consécratoires ont une valeur propre et par conséquent autonome.

 

C) L’anamnèse (l9) du Canon romain se réfère au Christ en tant qu’il est opérant, et non pas seulement au souvenir du Christ ou de la Cène comme évènement historique : HAEC QUOTIESCUMQUE FECERITIS, IN MEI MEMORIAM FACIETIS ; en grec : EIS TEN EMOU ANAMNESIN ; c’est-à-dire :  » tournés vers ma mémoire « . Cette expression n’invite pas simplement à se ressouvenir du Christ ou de la Cène : c’est une invitation à refaire ce qu’il fit, de la même manière qu’il le fit.

A cette formule traditionnelle du Missel romain, le rite nouveau substitue une formule de saint Paul :  » Hoc facite in meam commemorationem  » qui sera proclamée quotidiennement en langues vernaculaires. Elle aura pour effet inévitable, surtout dans ces conditions, de déplacer l’accent, dans l’esprit des auditeurs, sur le souvenir du Christ. La  » mémoire  » du Christ se trouvera désignée comme le terme de l’action eucharistique, alors qu’elle en est le principe.  » Faire mémoire du Christ  » ne sera plus qu’un but humainement poursuivi. A la place de l’action réelle, d’ordre sacramentel, s’installera l’idée de  » commémoration  » (20).

Dans le nouvel ORDO MISSAE, le mode narratif (et non plus sacramentel) est explicitement signifié dans la description organique de la  » prière eucharistique « , au numéro 55, par la formule :  » récit de l’institution  » ; et encore, au même endroit, par la définition de l’anamnèse :  » L’Eglise fait mémoire (memoriam agit) de ce même Christ « .

La conséquence de tout cela est d’insinuer un changement du sens spécifique de la Consécration. Selon le nouvel ORDO MISSAE, les paroles de la Consécration seront désormais énoncées par le prêtre comme une narration historique, et non plus comme affirmant un jugement catégorique et intimatif proféré par Celui en la Personne de qui le prêtre agit : HOC EST CORPUS MEUM et non HOC EST CORPUS CHRISTI (21).

Enfin, l’acclamation dévolue à l’assistance aussitôt après la Consécration :  » Nous annonçons ta mort, Seigneur… jusqu’à ce que tu viennes « , introduit, sous un déguisement eschatologique (22), une ambiguïté supplémentaire sur la Présence réelle. On proclame en effet, sans solution de continuité, l’attente de la venue du Christ à la fin des temps, juste au moment où II est venu sur l’autel où il est substantiellement présent : comme si la venue véritable était seulement à la fin des temps, et non point sur l’autel.

Cette ambiguïté est encore renforcée dans la formule d’acclamation facultative proposée en Appendice (n°2) :  » Chaque fois que nous mangeons ce pain et buvons ce calice, nous annonçons ta mort, Seigneur, jusqu’à ce que tu viennes « . L’ambiguïté atteint ici au paroxysme, d’une part entre l’immolation et la manducation, d’autre part entre la Présence réelle et le second avènement du Christ. (23) ».

 

Oui, le cardinal Ottaviani semble avoir raison lorsqu’il écrit :

 

« Le nouvel Ordo misse s’éloigne d’une façon impressionnante de la théologie catholique de la sainte messe, telle qu’elle a été formulée à la XXIIe session du concile de Trente. »

 

 

B- L’Institutio generalis et la notion du saint sacrifice de la messe

 

Pour une définition catholique de la messe, vous le savez, il est impossible que soit absent son élément primordial, à savoir : La messe est le sacrifice propitiatoire de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

Or l’Institutio generalis nous donne une définition de la messe ; c’est le fameux article 7, que vous connaissez tous sans doute, mais citons-le à nouveau :

 

« La messe, ou repas du Seigneur, est l’assemblée du peuple de Dieu, qui se réunit présidée par le prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. C’est pourquoi la promesse du Christ s’applique éminemment au rassemblement local de la sainte Église : « Là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, Je suis au milieu d’eux » ».

 

Telle est la définition que l’Institutio generalis (1)nous donne de la messe.

 

(1) : Il est difficile de dénier à cet article 7, le caractère d’une définition. Soulignions le « est » : « la Messe ou repas du Seigneur est l’assemblée du peuple de Dieu….

 

Quelle sera notre critique ?

Laissons de côté, cette nouvelle ambiguïté sur la notion de présence, comme si la présence essentielle à la messe était une présence d’ordre spirituel : « Là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux ».

 

Laissons de côté également cette tentative, faite continuellement dans l’Institutio generalis, d’introduire des expressions affaiblissant l’opposition au protestantisme et le sens sacrificatoire de la messe, telles ces notions de « repas du Seigneur », « mémorial du Seigneur ».

 

C’est très grave, mais laissons cela de côté.

 

Ne parlons pas, pour l’instant, de la définition qui est donnée du sacerdoce et du prêtre, nous les verrons dans la troisième partie.

 

Mais considérons seulement le point central du moment : La définition de la messe que cet article contient.

 

Il manque, dans cette définition, toute allusion au sacrifice. Il manque surtout toute référence au caractère propitiatoire de la messe, à la réparation que Notre Seigneur Jésus-Christ, dans la messe, donne, offre à son Père  pour nos péchés et les péchés des hommes, entrainant sa clémence.

 

Or, l’Église a défini au concile de Trente, et à jamais, que le sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ est un sacrifice propitiatoire. Il faut donc, lorsque l’on donne une définition de la messe, que l’on retrouve la notion de sacrifice, la notion de propitiation. Or, dans cet article 7, rien de la doctrine catholique ne paraît.

 

Et qu’il me soit permis encore d’invoquer les autorités de l’Église, le cardinal Ottaviani :

 

« Cette nouvelle définition (écoutez bien ; pesez les termes), cette nouvelle définition ne contient aucune des données dogmatiques qui sont essentielles à la messe et qui en constituent la véritable définition ».

 

Mais, ouvrez bien vos oreilles, ce n’étaient pas des têtes brûlées qui écrivaient ce texte :

« L’omission, en un tel endroit, de ces données dogmatiques ne peut être que volontaire. Une telle omission volontaire signifie leur dépassement et, au moins en pratique, leur négation ».

 

Toutefois, les auteurs de l’Institutio generalis  essaient d’esquiver de telles accusations en niant que cet article contienne une définition proprement dite. Voyez comme Mgr Bugnini, alors secrétaire du Concilium a rapporté les conclusions de la 12ème  session plénière de cet organisme où furent étudiées les objections faites à l’article 7 de l’Institutio :

 

« Les Pères, (cardinaux et évêques membres de la Commission) ont considéré certaines difficultés qui se sont manifestées récemment au sujet de certains points de l’Institutio generalis. Ils ont rappelé que l’Institution generalis n’est pas un texte dogmatique, mais plutôt une pure et simple exposition de règles qui ordonnent la célébration eucharistique ; elle ne cherche pas à donner une définition de la messe, mais seulement à présenter une description du rite. Ce qu’est la messe d’un point de vue théologique, peut être inféré de certains paragraphes de l’Institutio, et cela est aussi bien connu de tous par les traités de théologie et les documents pontificaux à caractère doctrinal » (dans l’Osservatore Romano, édition hebdomadaire en langue française, 28 novembre 1969, p. 12)

 

Faisons la remarque : cette affirmation est fausse. L’Institutio est pleine de propositions doctrinales. Personne n’oserait prétendre, par exemple, que l’assertion suivante du n° 1 n’a pas de caractère doctrinal : « dans la messe, nous trouvons le sommet de l’action par laquelle Dieu sanctifie le monde dans le Christ et du culte que les homme rendent au Père, l’adorant à travers le Christ, Fils de Dieu ». Serait-ce « une pure et simple exposition d’une règle qui ordonne la célébration eucharistique » ? De tels concepts doctrinaux se trouvent à chaque page du document.

On doit dire la même chose de l’article 7. Comment peut-on nier que ce texte contient une affirmation d’ordre dogmatique ? Comment peut-on soutenir que ce qui s’y trouve est une simple « exposition des règles qui ordonnent la célébration de l’Eucharistie » ? Quels sont les règles que cet article contient ? Si nous voulons éviter les sophismes, nous devons absolument reconnaître que l’article 7 de l’Institutio contient une assertion doctrinale donnant les bases des « règles qui ordonnent la célébration eucharistique ».

 

De plus une simple comparaison entre le texte qui introduit le missel romain traditionnel qui est, lui « une pure et simple exposition des règles qui ordonnent la célébration eucharistique » avec le texte de l’Institutio generalis révèle sans équivoque le caractère doctrinal de l’Institutio

 

De plus alors que linstitutio était en chantier, le Concilium lui-même dit que le document devait contenir « des principes théologiques, des normes pastorales et des rubriques pour la célébration de la messe » ( voir Notitiae, 1968, p. 181 ; les majuscules sont de nous). Et dans un rapport fait à la seconde conférence générale de l’Episcopat  latino américain, à Medellin, le 30 aout 1968, Mgr Bugnini a déclaré que l’Institutio est un « ample exposé théologique pastoral, catéchétique et rubrical, qu’elle est une introduction à la compréhension et à la célébration de la messe » (in Revista Ecclesiastica Brasileira, vol. 28, 1968, p. 628)

 

Critique de la critique

 

Mais à cette critique faite de l’article 7, certains défenseurs de la réforme liturgique vous disent qu’il n’y a pas lieu de blâmer l’absence de la notion de sacrifice dans cette définition donnée dans la première édition de l’Institutio, puisque la notion de sacrifice apparaît en d’autres endroits du même texte doctrinal.

 

Réponse

 

En effet, il faut le reconnaître : en dix endroits, la notion du sacrifice apparaît dans ce texte de 1969. Il convient donc de voir ces textes, ces articles de l’Institutio generalis, et de regarder si dans chacun de ces articles, on trouve la notion du caractère propitiatoire de la messe, de la rançon payée à Dieu,   puisque l’Église définit la messe comme étant le sacrifice propitiatoire de Notre-Seigneur.

 

Souvenez-vous :

 

« Parce que, dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, est contenu et s’immole de manière non sanglante ce même Christ qui s’est une seule fois offert lui-même de manière sanglante sur l’autel de la croix, le saint concile enseigne que ce sacrifice est vraiment propitiatoire ».

 

Il y a, vous dis-je, dix articles qui parlent de la notion de sacrifice. Permettez-moi de vous en lire quelques-uns.

 

L’article 2, par exemple, parle des fruits de la messe «pour l’obtention (je cite) desquels le Seigneur Jésus-Christ a institué le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang et l’a confié à son Épouse bien-aimée, l’Église, comme un mémorial de sa Passion et de sa Résurrection ».

 

Vous le voyez, cet article 2 parle bien de la notion du sacrifice, c’est vrai… « Sacrifice eucharistique », et on parle bien du « mémorial de la Passion et de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ ».

 

Sacrifice eucharistique ? Très juste. Mais c’est incomplet pour la doctrine catholique. Souvenez-vous du concile de Trente : « Si quelqu’un dit que le sacrifice de la messe n’est qu’un sacrifice d’action de grâces (c’est-à-dire un sacrifice eucharistique) et non un sacrifice propitiatoire, qu’il soit anathème. »

 

 

L’article 48 parle bien aussi du sacrifice : « La dernière Cène, où le Christ a institué le mémorial de sa mort et de sa Résurrection, devient sans cesse présente dans l’Église, quand le prêtre, représentant le Seigneur, fait ce que le Christ a lui-même fait et recommandé à ses disciples de faire en mémoire de lui, instituant le sacrifice et le repas pascal ».

 

Dans ce texte, vous le voyez, il est bien fait allusion à la notion de sacrifice, mais le caractère propitiatoire de la messe est omis. Aucune allusion… Cela devait être rappelé, cela est omis.

 

L’article 54 également : « Et alors commence la phase centrale et suprême de toute la célébration, c’est-à-dire la prière eucharistique elle-même, ou prière d’action de grâces et de sanctification… C’est là le sens de cette prière… »

 

C’est très grave, cette expression-là : « C’est là le sens de cette prière. » Oui, bien sûr, c’est bien une action de grâces, mais ce n’est pas là l’unique sens de cette prière.

 

« Toute l’assemblée des fidèles s’unit au Christ dans la proclamation des merveilles de Dieu et dans l’offrande du sacrifice ». Allusion donc à la notion de sacrifice, bien sûr, mais le caractère propitiatoire est passé sous silence.

 

Et on pourrait citer tous les autres textes, tous les autres articles : aucun ne parle du sacrifice propitiatoire.

 

Par exemple, le n° 335 : « L’Eglise offre le Sacrifice eucharistique du passage (la Pâque) du Christ pour les morts, de telle sorte que pour la communion de tous les membres du Christ entre eux, ce qui donne une assistance spirituelle à certains, dispense aux autres le réconfort de l’espérance ».

On pourrait citer également les n° 56, 60, 62, 153, et 339, ainsi que le n° 259 : ils font référence au sacrifice célébré dans la messe sans toutefois présenter d’explications majeurs sur la nature du sacrifice.

 

En revanche, si le texte de 1969 de lInstitutio ne parle que dix fois de la notion de sacrifice, il emploie d’innombrables fois des expressions relatives aux agapes eucharistiques. Il parle de nourriture, de la Cène, il  parle de « la table du Seigneur », du « festin », de la « collation ». Ainsi les n° 2, 7, 8,33, 34,41, 48, 49, 55 d, 56, 56 g 62, 240, 241, 259, 268, 281, 283 et 316). Il y a donc une insistance exagérée sur la notion de Cène, de repas.

 

Il y a une insistance exagérée sur un principe… attention… qui est vrai, car dans la messe il y a bien un repas, puisque Notre Seigneur Jésus-Christ se donne en nourriture, mais cet aspect, pour vrai qu’il soit, doit être subordonné à l’aspect sacrificatoire.

 

Et c’est ce que faisaient bien remarquer les auteurs du Bref examen critique :

«La fin prochaine de la messe consiste en ce qu’elle est un sacrifice propitiatoire. Cette finalité est compromise, elle aussi. Alors que la messe opère la rémission des péchés, tant pour les vivants que pour les morts, le nouvel Ordo met l’accent sur la nourriture ».

« Le Christ institua le sacrement pendant la dernière Cène et se mit alors en état de victime pour nous unir à son état de victime ; c’est pourquoi cette immolation précède la manducation et renferme plénière ment la valeur rédemptrice qui provient du sacrifice sanglant ».

« La preuve en est que l’on peut assister à la messe sans communier sacramentellement ».

 

Vous le voyez, sur ce point encore est justifiée la pensée du cardinal Ottaviani :

« Le nouvel Ordo misse s’éloigne, de façon impressionnante, de la doctrine catholique définie à jamais au concile de Trente, par l’Église, sur la messe ».

 

C- L’Institutio generalis et le sacerdoce ministériel

 

Voyons maintenant le troisième point. Que nous dit l’Institutio generalis sur le prêtre à l’autel, sur la notion du sacerdoce ?

 

Selon la définition du concile de Trente et de l’Église, le sacerdoce, vous le savez, a été institué par Notre Seigneur Jésus-Christ, à la dernière Cène, lorsqu’il a prononcé ces mots : « Faites ceci en mémoire de moi ».

Le pouvoir de consacrer, dès lors, n’appartient qu’au prêtre et au prêtre seul, et non au peuple des fidèles réunis dans l’Église. Certes, les fidèles, au titre de leur baptême, sont revêtus d’un sacerdoce.

On parlera, et le concile de Trente parlera, du sacerdoce intérieur, et on parle aujourd’hui du sacerdoce des fidèles, qu’il faut distinguer essentiellement du sacerdoce ministériel. Seuls les prêtres ont le pouvoir de consacrer le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ à l’autel.

Confondre le sacerdoce ministériel avec le sacerdoce des fidèles, c’est adopter, une fois de plus, un principe protestant, qui est encore affirmé aujourd’hui par Taizé.

 

Dans un livre intitulé : « Le sacerdoce et le ministère », Max Thurian écrivait ceci, à propos du ministère de l’autel :

 

« Il préside le repas, invoque le Saint-Esprit, dit les paroles du Christ, présente au Père le mémorial de la croix, de la Résurrection et de l’intercession du Fils, le sacrifice de louange (vous le voyez, ils admettent bien le sacrifice de louange), de supplication de l’Église ; il ne jouit pas (le prêtre) d’un pouvoir sacerdotal privé. C’est en tant que pasteur de la communauté chrétienne, entouré des fidèles et avec eux, qu’il accomplit ce ministère de présidence eucharistique, qu’il participe à l’unique sacerdoce du Christ ».

« Le sacerdoce, l’ordination du ministre (dit-il encore), ne l’arrache pas à la condition commune du laïcat ».

 

Telle est la position protestante sur le sacerdoce. Si bien que les protestants affirment que le célébrant, à l’autel, ne fait que présider l’assemblée eucharistique, en tant que délégué de l’assistance présente. C’est le n° 7 de l’Institution.

Bien.

 

Or que nous dit l’Institutio generalis sur ce point ?

 

Sur ce point encore, I’Institutio generalis conserve bien des expressions parfaitement catholiques mais, à côté de ces expressions parfaitement catholiques, sont insinuées et contenues des thèses protestantes.

 

La preuve :

 

Tout d’abord il y a bien, dans ce texte, des expressions parfaitement catholiques. Il est bien dit, par exemple :

—        à l’article 10, que le prêtre représente le Christ : persona Christi gerens ; expression très catholique ;

—        à l’article 60, que le prêtre (…) préside l’assemblée réunie, agissant en place du Christ : in persona Christi praeest ; parfaitement catholique ;

— à l’article 48, que le prêtre représente le Christ : Christum Dominum repraesentans ; tout à fait catholique.

 

Et l’on pourrait encore citer d’autres exemples.

Comme on le voit, ces expressions ont une « allure » tout à fait traditionnelle ; elles sont même les termes techniques qui désignent la façon dont le célébrant agit en place de NSJC.

 

Mais à côté de ces exemples parfaitement catholiques, dont on ne nous dit pas pourtant le sens… Que signifie exactement ces expressions : « prendre la place du Christ » ou «  le représenter » ? Nescio, l’Institution de 1969 contient de nombreux passages qui insinuent la thèse protestante, que le célébrant est un simple président de l’assemblé et que sa principale fonction au cours de la messe consiste à représenter les fidèles réunis là. Cela ouvre la voie à une interprétation au sens large de la « représentation » du Christ (par exemple, que tout chrétien est un autre Christ) et non au sens strict et précis d’un sacerdoce hiérarchique et visible, en fonction duquel le prêtre prête ses lèvres et sa voix à NSJC au moment de la consécration. C’est ce que nous allons voir dans l’analyse suivante.

 

La preuve, quatre  exemples :

 

1 – L’article 7, il faut revenir à ce dernier. Cet article définissant la messe devait parler du prêtre puisque le prêtre se définit par rapport à la messe. Or le prêtre y est simplement défini et qualifié de président de l’assemblée du peuple de Dieu, ce qui est une affirmation protestante.

 

2 – Dans l’article 10, article très intéressant, il est précisément affirmé que le prêtre représente le Christ. Mais, immédiatement après cette affirmation, il est dit que la prière eucharistique constitue une prière présidentielle.

 

Parfait… donc la prière eucharistique, ce que nous appelons le Canon, doit être assimilée à une « prière présidentielle » :

 

Prière eucharistique = prière présidentielle.

 

Or il se trouve que ce même article 10 définit les prières présidentielles comme celles qui « sont adressées (je cite) à Dieu au nom de tout le peuple saint et de tous ceux qui sont présents ».

 

Ainsi, si vous comprenez bien la logique de la formulation, d’après ce passage très important de l’Institutio generalis : puisque la consécration, qui est contenue dans la prière eucharistique, est définie comme une prière présidentielle, vous êtes donc conduits à penser que, dans la consécration, le prêtre parle principalement au nom du peuple et n’agit plus in persona Christi.

 

Vous le voyez, ici, est contenue implicitement une thèse protestante.

 

Attention… Attention ! Il est bien certain que dans le Canon, dans la prière eucharistique, comme ils disent, il est bien certain que certaines prières sont adressées à Dieu par le prêtre au nom de tout le peuple. Ne serait-ce que, par exemple, cette prière très belle : Nobis quoque peccatoribus, « A nous aussi, pécheurs… »

 

Mais la partie principale, essentielle du Canon, c’est-à-dire la consécration, n’est pas prononcée par le prêtre au nom du peuple présent, mais est prononcée par le prêtre exclusivement au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ. Vous ne pouvez admettre sur ce point un quelconque doute. Si bien que, encore une fois, vous le voyez, insidieusement, est contenue une thèse protestante.

Et allez nier la vérité de cette interprétation, quand vous voyez ce qui se passe dans beaucoup d’églises !

 

NB Cet article 10 est un des plus blâmables de l’Institutio de 1969. Malgré tout, il n’a pas été modifié dans le texte de 1970 de l’Institution.

 

3 – Un troisième exemple. L’article 12 de l’Institutio generalis nous dit ceci : «La nature des prières présidentielles exige qu’elles soient prononcées à haute et intelligible voix et écoutées par tous avec attention. C’est pourquoi, lorsque le prêtre les prononce, qu’il n’y ait pas d’autres prière ou hymne, que l’orgue ou tout autre instrument de musique se taise ».

 

Donc, il est bien dit qu’il est de la nature des prières présidentielles d’être prononcées à haute et intelligible voix. Et bien ! Ici encore, est contenue implicitement une thèse protestante.

 

Comment ?

 

Comprenez bien le texte : «Il est de la nature des prières présidentielles d’être prononcées à haute et intelligible voix ». Donc les paroles de la consécration qui sont contenues dans la prière eucharistique, qui est définie comme une prière présidentielle, doivent être, c’est là leur nature, prononcées à haute et intelligible voix. Ce qui insinue, encore une fois, qu’à ce moment-là, précis, au moment de la consécration, le prêtre agit spécialement comme le délégué du peuple, au nom de tout le peuple. Voilà pourquoi il est de la nature des prières présidentielles d’être prononcées à haute et intelligible voix. Il fait fonction de président. Imaginez-vous un président parlant à voix basse ?

 

Alors que, dans le rite tridentin, parce que l’Église sait pertinemment que le prêtre, là,  agit au nom du Christ, l’Église impose que le presse s’exprime à voix basse, en silence ; ce qui manifeste éloquemment le rôle spécifique du prêtre à l’autel agissant in persona Christi.

 

Vous le voyez, décidément, sur ce point encore le cardinal Ottaviani a raison :

 

« Cette réforme liturgique s’éloigne gravement de la doctrine catholique définie par le concile de Trente, par l’Église catholique ».

Dans l’ensemble… Mais aussi dans le détail…

 

Un petit détail ! 

 

Dans le concile de Trente au canon 9 de la session XXIIème, il est dit ceci —suivez bien

« Si quelqu’un dit que le rite de l’Église romaine, où l’on prononce à voix basse (in secreto) une partie du Canon et les paroles de la consécration, doit être condamné… qu’il soit anathème ».

 

Donc l’Église lance l’anathème à celui qui condamnerait le prêtre qui prononcerait à l’autel, à voix basse, les paroles de la consécration.

 

Petit détail, oui ! Petit détail qui fait tout de même l’objet d’un canon du concile de Trente.

 

Ce petit détail est contredit par l’Institutio generalis. En effet, il est bien dit que la nature des prières présidentielles exige qu’elles soient prononcées à haute et intelligible voix. Eh bien ! En déclarant que c’est la nature des prières présidentielles, donc que c’est la nature des prières eucharistiques, donc que c’est la nature des paroles de la consécration, qui exige qu’elles soient prononcées à haute et intelligible voix, l’Institutio generalis pose un principe valable en tout temps et affirme donc que, sur ce point précis, l’Église, au concile de Trente, s’est trompée.

Vous le voyez bien, le cardinal Ottaviani a raison : « La réforme liturgique s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la doctrine catholique définie solennellement par l’Église au concile de Trente ».

 

4– Le n° 271 formule une nouvelle critique de la messe traditionnelle, basée elle aussi sur la notion fausse de fonction « présidentielle » du célébrant :

« Le siège du célébrant doit signifier sa fonction de président de l’assemblée et de guide de la prière. Pour cette raison, sa position la mieux adaptée est face au peuple, au milieu et au fond du sanctuaire (…) »

Selon l’ordo romain, le prêtre fait normalement face à l’autel, car il est surtout le sacrificateur qui, en place du Verbe Incarné, se présente devant le Père éternel. La modification introduite découle donc de la notion de « présidence » de l’assemblée, en opposition avec la doctrine traditionnelle.

 

(NB Sur ce sujet capital, voir ce que nous en avons dit ci-dessus)

 

L’attitude des Protestants

 

Et les protestants — eux — ne s’y trompent pas. Ils reconnaissent bien une différence d’un Ordo à l’autre. Le frère Max Thurian, en effet, dans le journal La Croix du 30 mai 1969, disait que l’un des fruits de ce Novus Ordo Missae sera peut-être que les communautés non catholiques pourront célébrer la sainte Cène avec les mêmes prières que l’Église catholique. Théologiquement, c’est possible.

 

Cette déclaration est claire. Les protestants ne pouvaient pas célébrer la sainte Cène avec les prières de la messe dite de saint Pie V ; ils le peuvent avec le Novus Ordo Missae, c’est donc qu’à leurs yeux un changement — important — est intervenu d’un Ordo à l’autre.

Ce n’est pas là pour nous un argument. Mais c’est tout de même une affirmation qui vaut son pesant d’or.

 

Jésus-Christ, le principal prêtre.

 

Selon la définition du Concile de Trente, dans la Sainte Messe, Jésus-Christ « s’immole lui-même pour l’Eglise par les mains du prêtre ». On dit pour cette raison que NSJC est le principal sacerdos de toutes les messes, tandis que le prêtre est son ministre. Le sacerdoce du célébrant d’autre part, est essentiellement différent de celui du peuple, de sorte que le peuple ne participera pas à la messe de la même façon que le prêtre. Nier quelqu’une de ces vérités, c’est tomber dans l’erreur protestante.

L’Institutio n’est pas explicite en cette matière. Car, si d’un côté elle contient des expressions que l’on peut prendre comme des affirmations de la doctrine traditionnelle, d’un autre, il faut remarquer que, dans son ensemble, elle laisse le champ libre à certaines interprétations qui sont tout simplement erronées En effet, pas une seule fois, le document n’affirme que NSJC est le principal « sacerdos » et que le célébrant exerce un sacerdoce ministériel, bien qu’essentiellement différent de celui du peuple.

 

Tendance à rendre équivalente la « liturgie de la parole » et « la liturgie eucharistique »

 

Les hérésies tendent toujours à surestimer l’importance de l’Ecriture, au détriment des formules liturgiques d’origine ecclésiastique et de la célébration eucharistique proprement dite. Par ce moyen, elles essaient de réduire au silence la Tradition et de propager leurs faux dogmes en disant qu’ils sont basés sur la Révélation.

C’est l’enseignement de Dom Guéranger dans son texte fameux : « l’hérésie liturgique ».

 

L’Institutio, à n’en pas douter, contient des passages qui semblent affirmer la primauté de la liturgie eucharistique sur les lectures bibliques. C’est le cas du n° 54, lequel « place le sommet et le centre de toute la célébration » dans la prière eucharistique.

Toutefois d’autres passages de lInstitutio, lesquels n’ont pas du tout été modifiés dans la nouvelle édition, semblent surestimer l’importance des Ecritures, au point de provoquer par moment chez le lecteur l’impression qu’elles ont une importance égale à celle du culte de NSJC.

Dans le n° 8 nous lisons :

« La messe est constituée, en quelques sorte de deux parties, à savoir : la liturgie de la parole et celle de l’Eucharistie, si intimement unies entre elles qu’elles ne font qu’un acte d’adoration. En  effet, à la messe, la table de la parole de Dieu est préparée tout comme celle du Corps du Christ, pour instruire et nourrir les fidèles. Il y a aussi certains rites qui ouvrent et terminent la célébration ».

Selon le n° 9, quand à l’église on lit l’Ecriture sainte, « le Christ présent dans sa parole, annonce l’Evangile » ; et les lectures bibliques « apportent à la liturgie un élément de la plus grande importance » (maximi momenti). Assurément l’expression maximi momenti peut être prise comme un superlatif absolu et non relatif, c’est-à-dire qu’elle n’indique pas forcément que les lectures bibliques constituent l’élément le plus important de la messe. Cependant, une telle interprétation n’est pas exclue, donnant par là une occasion de tomber dans l’erreur protestante : surestimer la valeur de l’Ecriture Sainte par rapport à la présence réelle dans l’Eucharistie.

Ajoutons que plus d’une fois, l’Institutio déclare que « par sa parole le Christ lui-même devient présent parmi les fidèles » (cf n° 33, 9, 35)

 

Toujours à propos des lectures de la Bible à la messe, l’institution déclare, en ce même n° 9 :

« Quand on lit à l’église les saintes Ecritures, Dieu lui-même parle à son peuple, et le Christ, présent dans sa parole proclame l’Evangile.

« ….Bien que la parole divine enclose dans les lectures de l’Ecriture sainte soit adressée à tous les hommes de toute époque et qu’elle leur soit intelligible à tous, son efficacité est accrue par l’exposition vivante ou homélie qui fait partie de l’action liturgique ».

On voit sans peine à quel point cet énoncé favorise l’erreur protestante selon laquelle l’Esprit Saint éclaire directement chaque fidèle qui lit la Bible, se passant ainsi du magistère vivant de l’Eglise et n’admettant qu’une explication du ministre destinée à « accroitre » les fruits de la lecture.

 

Section 2 : Une comparaison entre la messe dite de saint Pie V et le Nouvel Ordo Missae.

 

Nous n’étudierons ici que le texte latin du nouvel ordinaire de la messe.

 

§-1 : Prières supprimées et altérées.

 

Dans l’ordo de saint Pie V, le Confiteor initial est récité en premier lieu par le prêtre, puis par l’acolyte au nom des fidèles. Cette distinction marque clairement la différence qui existe entre le célébrant et les fidèles. Dans le nouvel Ordo, le Confiteor est récité simultanément par le prêtre et l’assistance. Une telle modification tend à insinuer une identité entre le sacerdoce du célébrant et celui des fidèles.

L’absolution donnée par le prêtre à la fin du confiteor a été supprimée, autre innovation  qui contribue à rendre moins précise la distinction entre le sacerdoce hiérarchique et la condition de simple fidèle.

Dans le nouvel ordo, plusieurs prières de la messe traditionnelle qui mettent en relief les notions d’humilité, de contrition pour les péchés, de propitiation et l’idée que sans la grâce il n’y a pas de persévérance dans la vertu n’apparaissent plus. De la même manière, en plus de la disparition de l’absolution que nous venons de mentionner, ont disparu les invocations qui suivent cette absolution ; ainsi que la prière « aufer a nobis » ; ainsi que la prière dite par le prêtre lorsqu’il baise l’autel ; une partie de la prière « Munda cor meum » que le prêtre dit avant l’Evangile : « Lavez mon cœur et mes lèvres, o Dieu tout Puissant, (vous qui avez purifié les lèvres du prophète Isaïe avec un charbon ardent ; daignez de la même manière me purifier par votre miséricorde) afin que je puisse proclamer votre saint Evangile.(Par le Christ notre Seigneur. Amen) (Ce qui est entre parenthèse a été supprimé) ; presque tout l’offertoire. (Le nouvel ordo a supprimé  l’offertoire traditionnel le remplaçant par une simple « présentation des dons » qui le rapproche de la liturgie protestante. Presque toutes les prières qui ont été supprimées affirment nettement la notion du pardon des péchés) ; une partie de la prière Perceptio corporis tui, qui précède la communion. : « Que la communion à votre Corps, o Seigneur, Jésus-Christ (que moi, quoiqu’indigne, j’ose recevoir), ne soit pas pour moi une cause de jugement et de condamnation » ; deux prières après la communion : Quod ore sumpsimus et Corpus tuum, Domine ; aussi la supplication qui termine le sacrifice : Placeat tibi.

 

La suppression de ces prières ne contribuerait peut-être pas à atténuer les expressions d’humilité, de contrition et de propitiation, si elles étaient remplacées par d’autres qui manifesteraient les mêmes dispositions d’âme ; ou si on avait ajouté de nouveaux et de plus nombreux signes de repentir et d’adoration comme des génuflexions, des prosternations…, ou même si lInstitutio n’avait donné des explications valables pour  justifier ses suppressions, ce qui aurait dissipé toutes les craintes qui se sont faits jour. Mais rien de cela n’a été fait. Au contraire, ces magnifiques prières n’ont pas été remplacées par d’autres pour exprimer les mêmes idées ; presque toutes les génuflexions, inclinations et baisements de l’autel…ont été éliminés, comme le remarque le Bref Examen Critique ; non seulement l’Institutio ne donne pas de raisons sérieuses pour justifier ce qui a été fait, mais encore va jusqu’à omettre l’idée de propitiation…
Cela étant, la suppression de ce groupe de prières diminue dans la liturgie et donc dans la vie catholique, les expressions de l’humilité, de la componction pour les péchés commis, de la nécessité de la grâce enfin pour persévérer dans la vertu.  En conséquence elle affaiblit  ou au moins contribue à mettre dans l’ombre, le caractère propitiatoire de la messe. Tout cela évidemment n’est pas en accord avec la doctrine catholique, mais rappelle des manières de penser et d’agir fréquentes dans les cercles protestants et modernistes.

 

L’allusion à la Sainte Trinité a disparu de plusieurs passages, ce qui tend à affaiblir la foi dans le mystère principal de la Révélation.

Ainsi en plus des prières Suscipe Sancta Trinitas et Placeat tibi adressées à la Sainte Trinité, les invocations trinitaires qui terminent plusieurs prières de l’Ordo traditionnel ont disparu : Deus qui humanae substantiae ; Libera nos quaesumus ; Domine Jesus Christe, Fili Dei vivi ; Percepio corporis.

 

Dans le Kyrie traditionnel, chaque personne de la Sainte Trinité est invoquée trois fois. On affirme ainsi avec une particulière insistance le caractère trinitaire des relations divines. Cela fait donc en tout neuf invocations. Cette affirmation a aussi été affaiblie dans le nouvel Ordo missae, où chaque personne n’est invoquée que deux fois dans le Kyrie, une fois par le prêtre et une fois par le peuple. Chez les luthériens, il en est fait de même….

 

§-2 : Le nouveau concept de l’offertoire.

 

Dans ses caractéristiques spécifiques, l’offertoire de saint Pie V, qui a toujours constitué un des principaux éléments pour distinguer la messe catholique de la cène protestante, a été supprimé.

 

La véritable oblation sacrificielle qui se fait à la messe n’est pas dans l’offertoire, mais dans l’offrande que NSJC, au moment de la consécration, fait de lui-même à la Sainte Trinité. La vraie victime dans le sacrifice de la messe n’est pas le pain et le vin, ni le fidèle présent, mais Jésus-Christ Lui-même.

Alors pourquoi l’offertoire ?

En accomplissant un sacrifice, nous offrons à Dieu une victime au lieu de nous-mêmes, comme un symbole du don de nous-mêmes à Dieu.  C’est là un élément fondamental de tout sacrifice. (C’est l’élément essentiel de tous les sacrifices dans l’Ancien Testament) A la messe, c’est Jésus-Christ qui s’immole Lui-même pour nous. En nous unissant à Lui, nous devons donc l’offrir Lui, à notre place et nous offrir avec Lui.

Cependant l’oblation que NSJC fait de Lui-même n’est pas visible pour nous, puisqu’il ne se montre pas d’une manière perceptible aux sens.

Il conviendrait donc que, par quelque élément perceptible, fussent exprimées, avant la consécration, et la nature du sacrifice qui va s’accomplir et les oblations diverses qui seront faites. C’est l’objet même de l’offertoire romain.

 

Au cours de celui-ci, on déclare par conséquent

-en quoi consiste l’oblation sacrificielle proprement dite,

-ainsi que l’offrande de nous-mêmes à Dieu,

-le but propitiatoire de la messe est également affirmé.

 

Il nous incombe, alors, de rendre évidents ces trois éléments, qui, constituant les caractéristiques fondamentales de l’offertoire romain, distinguent en outre la messe catholique de la cène protestante sans l’ombre d’un doute.

 

1-     L’oblation de NSJC a lieu réellement au moment de la consécration ; mais de manière que la nature du sacrifice devienne manifeste dès le début, il y  a déjà dans l’offertoire du missel romain un ensemble de prières qui font savoir ce que sera la vraie victime et, par anticipation, offrent cette victime à la Sainte Trinité.

2-     L’oblation de nous-mêmes à Dieu, à travers Jésus-Christ est symbolisée par l’offrande du pain et du vin. Secondairement, elle est aussi symbolisée par l’offrande éventuelle d’autres biens matériels. A noter que tel symbolisme ne devient effectif que si le pain et le vin, au moment d’être mis sur l’autel, ne sont pas seulement présentés à Dieu, mais sont vraiment offerts dans un esprit sacrificiel. En d’autres termes les dons ci-dessus mentionnés sont consacrés à Dieu.

3-     L’offertoire romain, au moyen de plusieurs prières, marque le caractère propitiatoire du sacrifice. Exemples en lisant les prières de l’offertoire romain.

 

Ces trois éléments ont disparu dans le nouvel offertoire remplacé par une simple « préparation des offrandes » ou « préparation des dons », qui correspond à un concept de l’offertoire fondamentalement différent de celui de saint Pie V.

En outre, plusieurs expressions d’autres principes, qui distinguent la doctrine catholique du protestantisme, ont été supprimées ou atténuées. L’allusion à la chute de nos premiers parents est éliminée. Les invocations de Notre Dame, des Anges et des saints disparaissent. Le principe que le sacrifice doit être accepté par Dieu pour qu’il lui soit agréable, est devenu plutôt obscur. Les manifestations de componction pour nos propres péchés, et d’humilité, s’affaiblissent, ainsi que l’affirmation du sacerdoce hiérarchique du célébrant. Et il n’y a plus aucune référence explicite aux fidèles défunts.

Tout cela devient patent par la comparaison suivante entre l’offertoire de saint Pie V et celui du nouvel Ordo.

 

1-     La prière Suscipe sancte Pater, traditionnellement dite par le célébrant au cours de l’offrande du pain, n’apparaît pas dans le nouvel Ordo. Voyez le texte de la prière.

A noter que le prêtre offre l’hostie pour l’assistance, dans une affirmation claire de sa fonction hiérarchique. Il l’offre pour tous les vivants et morts, ce qui contredit le principe protestant qui dit que les fruits de la messe ne sont applicables ni aux absents ni aux morts. Cette prière entière, dans ses termes et dans son style plein d’onction, parle de la valeur propitiatoire du sacrifice. Luther aussi a supprimé cette prière dans sa messe.

 

Un point mérite une attention particulière : le célébrant offre à Dieu « cette hostie immaculée ». Or le mot « hostie » qui peut aussi indiquer le pain, signifie plus proprement « victime » ; et l’adjectif « immaculée » n’est pas tant appliqué au pain qu’à Jésus Christ, l’Unique véritable hostie immaculée.

Le missel romain, en offrant le pain à Dieu dans cette prière, indique aussi, par anticipation, que la véritable oblation sacrificielle sera celle de Jésus dans le sacrement, l’ « hostie immaculée ».

Tout cela est abominable aux yeux des protestants.

2-     Dans le nouvel Ordo n’apparaît pas non plus la prière du missel romain Offerimus Tibi Domine, par laquelle on offre le vin. Lisez le texte.

De même que la prière de l’offrande du pain, elle constitue une anticipation, car le calice du salut dans son sens propre est celui qui contient le Sang du Christ.

Ici aussi on rencontre la notion de satisfaction pour les péchés, exprimée avant tout en une humble demande afin que la divine Majesté daigne accepter le sacrifice. On doit supposer que les raisons, qui ont entraîné la suppression de cette magnifique prière, sont les mêmes qui ont inspiré l’élimination du Suscipe Sancte Pater

 

3-     Ces deux prières de l’offrande du pain et du vin sont remplacées par les suivantes :

Offrande du pain : lisez le texte du NOM.

Offrande du vin : lisez le texte.

Nous remarquons que dans ces prières, il n’y a aucune référence à la vraie victime, qui est Jésus-Christ ; à l’offrande des dons pour nous et pour nos péchés ; au caractère propitiatoire de l’oblation ; au sacerdoce hiérarchique du célébrant ; au principe que le sacrifice doit être accepté par Dieu afin qu’Il lui soit agréable. Au contraire, les expressions : « qui deviendra pour nous le pain de vie » et « qui deviendra pour nous un spirituel  breuvage » insinuent que le vrai but essentiel de la messe est notre nourriture spirituelle, thèse qui se rapproche d’une des hérésies condamnées au Concile de Trente.

 

Ainsi ces nouvelles prières modifient substantiellement le sens exact de l’offrande du pain et du vain. « Ce n’est pas seulement le texte qui est nouveau, mais aussi son sens ».

 

Les affirmations finales de ce texte, disant que « nous n’offrons pas le pain à Dieu » méritent d’être soulignées. Sans aucun doute, l’oblation sacrificielle, qui constitue l’essence de la messe, est celle que Jésus-Christ fait de Lui-même. Mais nous nous offrons aussi à Dieu en union avec NSJC, et selon la doctrine commune, le pain est offert à Dieu en tant qu’expression de l’oblation du prêtre, des fidèles présents et absents, en un mot l’Eglise entière. C’est pourquoi nier l’offrande du pain, c’est nier l’offrande  à Dieu de nos propres personnes, de nos bonnes œuvres et de nos pénitences. C’est aussi nier que les autres fidèles, présents et absents, et l’Eglise entière, s’offrent à Dieu le Père à chaque messe, dans un esprit propitiatoire, en outre de ce qui a été dit précédemment.

 

L’offertoire de Saint Pie V a manifestement un  caractère propitiatoire et sacrificiel. Ce n’est pas seulement une « présentation des dons », mais aussi une oblation faite dans un esprit propitiatoire, quoique la vraie victime, dans le sacrifice de la messe soit NSJC, et non le pain et le vin. Nier que nous offrons vraiment à Dieu le pain et le vin, en tant qu’expression sensible et sacrificatoire de l’offrande de nous-mêmes, de nos bonnes œuvres et de nos pénitences, amènerait à nier que le sacrifice du Christ a besoin d’être, dans un certain sens, complété par nous. Comme le dit Saint Paul : « J’achève en mon corps les souffrances du Christ ».

Cette erreur marque une étape avancée vers la négation du caractère propitiatoire même de la messe. Car si le sacrifice de la Croix n’a pas besoin d’être complété par les nôtres, on ne voit pas comment justifier le renouveau quotidien du sacrifice propitiatoire du Calvaire.

 

Ainsi on remarque que, dans le nouvel offertoire du nouvel Ordo, toutes les expressions propitiatoires ont été éliminées. Son titre devient « préparation des dons ». Les nouvelles prières insinuent que ce n’est qu’une simple présentation d’offrandes et non une offrande propitiatoire.

 

4-     Dans l’offertoire traditionnel, avant le mélange de l’eau au vin, le prêtre la bénit en disant la prière Deus humanae substantiae. Dans l’ordo de 1969, cette bénédiction disparaît et dans la prière ci-dessous mentionnée ont été éliminées les expressions que nous mettons entre parenthèses :

 

(O Dieu….accordez-nous), par le mystère de cette eau et de ce vin, de devenir participants de la divinité de Celui qui a daigné supporter notre humanité, (Jésus-Christ, votre Fils, notre Seigneur, qui, étant Dieu, vit et règne avec Vous dans l’unité du Saint Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen)

En plus de l’élimination de la bénédiction de l’eau et de l’allusion à la Sainte Trinité, il faut noter que la référence à la rédemption, finalité essentielle de l’Incarnation, a disparu. C’est là encore une modification qui tend à affaiblir le dogme, rendant ainsi la nouvelle messe acceptable pour des non-catholiques.

 

5-     Autres prières éliminées :

–        le « venez, o Sanctificateur, Dieu éternel et tout puissant, bénir ce sacrifice préparé pour votre saint Nom ».

–        Les prières qui accompagnent dans l’ordo de saint Pie V, l’encensement des offrandes et de l’autel : le prêtre ne bénit plus l’encens, pas plus qu’il n’invoque saint Michel et tous les élus, pas plus qu’il n’offre l’encens à Dieu.

–        Les versets du psaume 25 au Lavabo. Remplacé par le psaume 50 : « Lavez moi o Seigneur de mon iniquité et purifiez moi de mon péché ».

 

Cette modification ne semble pas avoir de conséquences doctrinales : elle constitue cependant un pas de plus pour rompre avec la tradition liturgique de plusieurs siècles.

–        La prière à la Sainte Trinité est supprimée. Lisez le texte. Cette prière insiste sur le fait que le sacrifice de la messe est offert à la Sainte Trinité. Ce n’est pas la première élimination des prières en l’honneur de la Sainte Trinité. Tout cela contribuera à amoindrir la foi dans le principal dogme catholique

–        Remarquons également qu’a été supprimée la prière d’intercession à Notre Dame et à tous les saints.

 

6-     Le nouvel ordo a conservé l’Orate Fratres. Mais il faut voir ce qu’en on fait les traducteurs de la langue française. Supprimant purement et simplement la finalité propitiatoire de la messe. Encore une autre preuve.

Dans le latin, cette prière parle du sacrifice, mais elle n’indique nulle part que c’est un sacrifice propitiatoire.

Une allusion à la fonction de prêtre du célébrant demeure ici dans la distinction entre « mon » sacrifice et « votre » sacrifice. Pour cette raison nous disons que le nouvel offertoire affaiblit l’affirmation de ce principe doctrinal en supprimant l’Oraison Suscipe Sancte Pater, mais il ne l’a pas entièrement éliminée… Mais la traduction française ne laisse rien de tout cela.

 

Il en est de même avec le principe de l’acceptation par Dieu du sacrifice, pour que celui-ci Lui devienne agréable : les demandes dans ce sens ont été éliminées de plusieurs prières : Suscipe Sancte Pater, Offerimus tibi, Per intercessionem, Suscipe Sancta Trinitas ;… mais elles sont demeurées dans la prière In spiritu humilitatis et dans l’Orate Fratres : « qu’il devienne acceptable…. », « Que le Seigneur reçoive… »

 

§-3 Intervention récente de Mgr Schneider.

.

Après toute cette critique sur le nouvel offertoire, on ne peut que se réjouir des paroles fortes que Mgr Schneider vient d’adresser à la chrétienté au nom du Pape. Il parle des cinq plaies liturgiques qui méritent un soin urgent de l’autorité.  Parmi ces cinq plaies, il y a la plaie concernant l’offertoire. On pourrait l’appeler : Plaidoyer pour la restauration de l’offertoire de la messe tridentine dans la liturgie latine. Il écrit :

 

« La troisième plaie, ce sont les nouvelles prières de l’offertoire. Elles sont une création entièrement nouvelle et n’ont jamais été en usage dans l’Eglise. Elles expriment moins l’évocation du mystère du sacrifice de la croix que celle d’un banquet, rappelant les prières du repas sabbatique juif. Dans la tradition plus que millénaire de l’Eglise d’Occident et d’Orient, les prières de l’offertoire ont toujours été axées expressément sur le mystère du sacrifice de la croix (cf. p. ex. Paul Tirot, Histoire des prières d’offertoire dans la liturgie romaine du VIIème au XVIème siècle, Rome 1985). Une telle création absolument nouvelle est sans nul doute en contradiction avec la formulation claire de Vatican II qui rappelle : « Innovationes ne fiant … novae formae ex formis iam exstantibus organice crescant » (Sacrosanctum Concilium, 23).

 

Et il conclut : « En ce qui concerne les nouvelles prières de l’offertoire, il serait souhaitable que le Saint Siège les remplace par les prières correspondantes de la forme extraordinaire ou tout au moins qu’il permette leur utilisation ad libitum. Ainsi ce n’est pas seulement extérieurement, mais intérieurement que la rupture entre les deux formes serait évitée. La rupture dans la liturgie, c’est bien d’elle que la majorité des Pères conciliaires n’a pas voulu ; en témoignent les actes du concile, parce que dans les deux mille ans d’histoire de la liturgie dans la Sainte Église, il n’y a jamais eu de rupture liturgique, et que par conséquent, il ne doit jamais en avoir. Par contre, il doit y avoir une continuité comme il convient que ce soit pour le magistère ».

 

§-4 Intervention de Jean Madiran

 

Jean Madiran commente merveilleusement ce texte dans Présent :

 

« L’Offertoire de Paul VI

Le débat avance. Quel débat ? Justement, le débat refusé. Refusé dans l’Eglise depuis quarante-cinq ans ; refusé à tous ceux qui ont opposé doutes, questions, objections aux nouveautés post-conciliaires. Ce débat avance quand même. L’offertoire de la messe de Paul VI est maintenant mis en cause par une voix autorisée. Non pas quelques abus, quelques dérives, quelques excès, mais l’offertoire lui-même, dans le texte officiel de la « forme ordinaire du rite romain ».

Ce fut à Paris, le 15 janvier de cette année. L’intervenant nous vient d’Asie centrale, il est secrétaire général de la Conférence épiscopale du Kazakhstan. Heureux Kazakhstan ! Il est aussi consulteur à Rome de plusieurs dicastères, notamment de la Congrégation pour la doctrine et de la Congrégation pour le culte. Il se nomme Athanasius Schneider. Il appartient à la nouvelle génération épiscopale : il n’avait que huit ans quand Paul VI décréta sa nouvelle messe. Paix liturgique a publié la semaine dernière le texte intégral de son intervention parisienne du 15 janvier (Paix liturgique, 1 allée du Bois Gougenot, 78290 Croissy-sur-Seine.)

Parmi ce qu’il appelle les cinq plaies de la « pratique liturgique dominante actuelle », Mgr Schneider pointe « les nouvelles prières de l’offertoire » :

« Elles sont une création entièrement nouvelle, elles n’ont jamais été en usage dans l’Eglise. Elles expriment moins l’évocation du mystère du sacrifice de la Croix que celle d’un banquet rappelant les prières du repas sabbatique juif. »

Alors que, ajoute-t-il, « dans la tradition plus que millénaire de l’Eglise d’Occident et d’Orient, les prières de l’offertoire ont toujours été axées expressément sur le mystère du sacrifice de la Croix ».

Ces nouvelles prières de l’offertoire, « il serait souhaitable, propose Mgr Schneider, que le Saint-Siège les remplace par les prières correspondantes de la forme extraordinaire ».

Les quatre autres « plaies du corps mystique liturgique du Christ » qu’énumère Mgr Schneider ne sont pas forcément, ne sont pas explicitement imposées par le texte lui-même de la messe promulguée par Paul VI en 1969, aujourd’hui appelée « forme ordinaire du rite romain ». Ce sont :

— la plus visible : le visage du prêtre tourné vers les fidèles ;

— la communion dans la main ;

— la disparition totale du latin et du grégorien ;

— l’emploi de femmes pour le service de la lecture et celui d’acolyte.

A la différence du nouvel offertoire, ces quatre plaies-là ne figurent ni dans la messe promulguée par Paul VI, ni dans la constitution conciliaire sur la liturgie. La critique sévère qu’en fait Mgr Schneider, le refus fortement motivé qu’il leur oppose, ne mettent donc en cause ni la constitution conciliaire, ni le texte même de la forme ordinaire du rite romain.

Il n’en va pas de même pour un offertoire qui, relisons, « exprime moins l’évocation du mystère du sacrifice de la Croix que celle d’un banquet rappelant les prières du repas sabbatique juif ».

Un tel offertoire, avec la gravité de cette énorme déficience, est au cœur de la messe que Paul VI a signée de sa main. Mgr Schneider ne voit aucune possibilité de le réformer, de l’améliorer, il n’envisage que sa suppression pure et simple, et son remplacement radical par l’offertoire traditionnel.

A mesure que le débat continuera d’avancer de cette manière, il deviendra de plus en plus difficile de recommander que l’on regarde et traite avec le même respect les « deux formes » du rite romain.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 7552 du Vendredi 2 mars 2012

 

Enfin ! C’est dit par une autorité.

 

§-5-La première prière eucharistique.

 

Il y a dans le nouvel ordinaire de la messe quatre « prières eucharistiques », au choix du prêtre selon les règles exposés dans l’Institutio, n° 322.

Superficiellement considéré, le canon romain ne semble avoir souffert que d’insignifiantes modifications. Une analyse plus attentive révèle cependant que les changements introduits tendent en général, parfois d’une manière subtile, à accommoder dans le texte la conception de l’Eucharistie comme de simples agapes accomplies par la communauté, sous la présidence du célébrant, en commémoration de la passion et de la résurrection de NSJC
Il est difficile maintenant d’appeler ce canon, le canon romain.

Ne serait-ce que dans les prières relatives à la consécration.

 

 (Sur la question de la forme eucharistique, de la consécration du vin, le problème du « Mysterium fidei », voir la critique du cardinal Stickler au chapitre plus haut).

 

-(Nous donnerons dans un chapitre plus bas, le texte de l’apologie du Canon Romain par le Père Calmel)

 

Dans le missel de saint Pie V, il y a une claire séparation typographique entre la partie narrative de la consécration et les mots qui réalisent la transsubstantiation. Pour indiquer d’une manière indubitable, que ces derniers mots sont dits affirmativement, in personna Christi, et non simplement narrativement,  le texte primitif se termine par un point. Ainsi il devient clair qu’à ce moment le prêtre commence à parler au nom de NSJC. De plus, les expressions qui renferment les mots de la consécration sont imprimées en gros caractère.

 

Dans le nouvel Ordo, plus rien de tout cela. Le texte précédant les mots de la consécration se termine par deux points. C’est un pas de plus qui conduit à penser que la consécration n’est rien d’autre qu’une narration historique de l’institution eucharistique.

 

Cette critique est aussi formulée dans le Bref Examen Critique.(Voir plus haut)

Ces altérations, considérées seulement au niveau de la consécration tendent à rapprocher le canon romain du nouveau concept de la messe exprimé dans l’Institutio : « une simple commémoration de la Cène».

 

D’autres remarques :

Dans le canon romain, 24 signes de croix faits par le célébrant ont été supprimés ; les inclinations de révérence, réduite de cinq à trois ; les génuflexions, de six à deux ; les baisements de l’autel, éliminés. Toutes modifications qui en elle-même tendent à affaiblir la nature sacrale de la messe, avec les répercussions conséquentes sur la foi dans la présence réelle, dans le caractère de sacrifice de la messe, dans la transcendance de Dieu…

 

Si on veut remettre, comme le souhaite le cardinal Sarah, le sacré dans la célébration de la messe, il faudrait restaurer tous ces signes…

 

Sur le récit « à haute voix » du canon…voir ma critique plus haut. Du n° 12 de l’Institutio.

En effet, au sujet du récit de la Cène, le nouvel Ordo nous offre cette rubrique : « Dans les formules suivantes, les paroles du Seigneur seront prononcées d’une façon claire et audible, comme l’exige leur nature »

 

(In formulis quae sequuntur, verba Domini proferantur distincte et aperte, prouti natura eorum verborum requirit ».  La conjonction  « prouti » ne peut pas être traduit par « dans la mesure où »…Ce qui serait contraire au n° 12. Il est de leur nature que ces prières soient dite « distincte et aperte », « à voix haute ».

 

On constate aussi la suppression de la plus grande partie des apôtres et des martyrs, dont les noms figurent dans le missel romain.

 

(Voir la critique de Dom Guillou. (Cf les prières Communicantes et Nobis quoque peccatoribus)

 

La référence à la médiation de Jésus-Christ entre nous et Dieu le Père dans la messe nouvelle a également cessé d’être obligatoire dans plusieurs prières : comme le  Communicantes, le Hanc igitur et le Supplices Te rogamus et au Memento des morts. Cette modification contribue à rapprocher la messe de la liturgie des protestants. Effectivement selon celle-ci, la messe n’est pas un véritable sacrifice propitiatoire, elle n’est pas un renouvellement authentique de l’immolation de NSJC sur la Croix, mais une simple agape commémorative de la dernière Cène. Dans cette conception hérétique, l’agrément demandé à Dieu le Père pour chaque messe ne serait pas nécessaire. On pourrait sans doute demander à Dieu qu’il acceptât ce Banquet commémoratif, mais une telle acceptation ne demanderait pas la médiation sacrificielle de Notre Seigneur.De sorte qu’il n’y aurait plus de raison pour garder l’insistance particulière par laquelle le missel romain affirme que les prières du prêtre montent au Père éternel « par Jésus-Christ Notre Seigneur ».

 

Selon le nouvel Ordo, immédiatement après la consécration, l’assistance doit faire une acclamation. Trois textes sont proposés mais dans tous il y a « jusqu’à ce que vous veniez ».

Indubitablement, l’expression « jusqu’à ce que vous veniez » est de saint Paul : 1 Cor 11 26 et ne peut donc en elle-même être censurée. Dans cette Epitre de saint Paul, cette expression indique l’attente de la seconde venue de Jésus. Cependant placée immédiatement après la consécration, alors que Notre Seigneur vient de venir substantiellement sur l’autel, elle peut faire croire qu’Il n’est pas présent, qu’il n’est pas venu personnellement sous les espèces eucharistiques…Cela peut encourager la diminution de la foi en la Transsubstantiation.(Cf la critique du catéchisme du Concile de Trente)

 

§-6  Le rite de la communion.

 

Dans le rite de la communion, l’ordo de saint Pie V marque très clairement la distinction entre le prêtre et l’assistance.

Ainsi, par exemple, le prêtre se prépare lui-même à la communion avec ses prières personnelles, dites à la première personne du singulier et distinctes de celles qui précèdent la communion des fidèles. Il reçoit NSJC sous les deux espèces alors que les fidèles ne communient qu’au pain. Lorsque le prêtre communie au sang, l’acolyte récite le confiteor après quoi le célébrant donne l’absolution à l’assistance par un acte qui exprime clairement sa mission sacerdotale.

Dans l’ordo de 1969, plusieurs de ces signes ont été supprimés. On a introduit de nouvelles prières et rites tendant à confondre le sacerdoce du célébrant et celui des fidèles. Les cas où l’on permettait aux fidèles de communier sous les deux espèces ont été grandement multipliés. Le Confiteor et l’absolution qui précèdent la communion des fidèles sont supprimés.

Le nombre des prières préparatoires à la communion que seul le prêtre dit, à la première personne du singulier, a été substantiellement diminué. Alors qu’on en compte neuf dans le missel romain traditionnel (Domine Jesu Christe, qui dixisti ; Domine Jesu Christe, Filii Dei vivi ; perdeceptio corporis ; Panem caelestem ; Domine, non sum dignus ; Corpus Domini Nostri ; Quid retribuam ; Sanguis Domini nostri ; Corpus tuum) il n’y en a plus que quatre. Ont été éliminé : Panem caelestem ; quid retribuam et Corpus tuum. L’une d’entre elle est maintenant dite à la première personne du pluriel : Domine Jesu Chrsti, qui dixisti ; une autre est devenue commune aux prêtres et aux fidèles qui la récitent simultanément : Domine non sum dignus. Et ce nombre est encore considéré comme excessive dans le monde progressiste qui auraient voulu rendre le plus possible la position du prêtre égale à celle des fidèles.

Dès lors la communion du prêtre ne s’effectue plus avec un rite propre, différent de celui des fidèles ; mais le prêtre est plutôt le premier de tous à communier. Cette modification confirme l’impression donnée par le nouvel Ordo que le prêtre n’est plus que le président de l’assemblée.

 

§-7 Le nouveau rite du baiser de paix :

 

Ce rite, introduit parmi les actes préparatoires à la communion, mérite une attention spéciale. Le prêtre dit : « Donnez-vous la paix » et les assistants se saluent en se serrant la main, en s’embrassant ou en faisant tel autre geste de salutation.

Nous faisons seulement remarquer que  cette salutation ne part pas du prêtre, mais c’est chacun des assistants qui la donne à son voisin. Comme le dit Mgr Lefebvre : cette nouvelle messe est « une messe démocratique ».

 

§-8- D’autres modifications.

 

Les génuflexions tant du prêtre que des fidèles ont été presque toutes éliminées. Demeurent seulement trois génuflexions du prêtre (n° 233) et une des fidèles (n° 21). Ainsi les nouvelles rubriques éliminent presque totalement les génuflexions, cette attitude physique si appropriée à marquer l’adoration, l’humilité, la pénitence et l’esprit de supplication.

 

(NB sur ce sujet, voir : Mt17 14 et 27 29 ; Lc5 8 ; Mc 1 40 ; 15 19 ; Rm 11 4 et 14 11 ; Phil 2 10 ; Eph 3 14)

 

D’innombrables prescriptions concernant le respect de l’Eucharistie ont été supprimées : suppression de la cérémonie de la purification de l’endroit où une parcelle d’hostie a pu tomber (n° 239) ; les doigts du prêtre ne doivent plus être purifiés du dessus du calice après la communion : n° 23 ; suppression de l’obligation pour le prêtre de tenir joints les doigts depuis la consécration jusqu’à la purification ; la purification des vases sacrés sur l’autel n’est plus prescrite ; on peut la faire après la messe et si possible sur la crédence : n° 238, 210

L’usage d’une pierre consacrée n’est plus obligatoire, n° 265.

En cas de concélébration, suppression de la nécessité de la chasuble. Il suffit que le « président » en ait une.

Il n’est plus nécessaire que la croix soit au-dessus de l’autel, n° 79, 84, 236b et 270.

Le pape benoît XVI réagit très heureusement sur ce sujet ainsi que Mgr Schneider.

Pour la communion donnée sous l’espèce du pain, on ne détermine pas la posture des fidèles n° 56, 17.

 

Seulement une nappe doit couvrir l’autel au lieu de trois nappes comme précédemment : n°79)

 

Les lectures, à part celle de l’Evangile,  n° 66

 

Il faut aussi insister sur le caractère festif et d’affairement de la nouvelle liturgie : plusieurs personnes exercent des fonctions spéciales pendant la messe n° 65-73. Il y aura deux processions : celle d’entrée n° 82 et celle de l’offertoire n° 49 et 50 au cours de laquelle les fidèles apportent les dons…..Toit cela est fait pour donner à la messe une allure d’agape joyeuse et non de sacrifice propitiatoire dans lequel le Fils de Dieu s’immole pour les péchés et l’ingratitude des hommes

 

§-9 Conclusion

 

J’arrive à la conclusion, et la conclusion évidemment est grave.

 

La critique faite à cette réforme liturgique, de ce texte doctrinal, vous ayant bien fait comprendre que la réforme liturgique s’éloigne de la doctrine catholique, nous oblige, en conséquence, à insister sur la suspicion légitime qui frappe les auteurs de la réforme liturgique

Et je suis tout à fait d’accord avec cette affirmation : « Nos évêques — qui imposent une telle réforme — ont perdu tout titre moral à notre confiance en matière religieuse ; ils sont frappés de suspicion légitime ».

 

Et dans l’immense incertitude actuelle concernant l’autorité hiérarchique, nous nous en tenons à ce que l’Église a toujours enseigné et toujours fait. Et c’est parce que vous voulez vous en tenir à ce que l’Église a toujours enseigné et toujours fait que vous êtes présents, ici, dans ce séminaire.

Que votre courage ne diminue pas au cours du temps, mais au contraire qu’il augmente dans une foi renouvelée par la belle liturgie que vous avez la grâce de suivre et à laquelle vous participez avec grande ferveur.

 

Permettez-moi d’invoquer — en la complétant —la pensée de Tertullien. Tertullien, écrivant aux catholiques d’Afrique, de Carthage je crois, leur disait ceci dans son ouvrage qui s’appelle : De praescriptione haereticorum :

 

« Du moment que Jésus-Christ, notre Dieu, a envoyé les apôtres prêcher, il ne faut donc point accueillir d’autres prédicateurs que ceux que le Christ a institués ».

 

C’est logique, il vous en donne la raison :

 

« Car nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils l’a révélé. Or le Christ ne semble pas l’avoir révélé à d’autres qu’aux apôtres qu’il a envoyés prêcher, prêcher ce que, bien entendu, il leur avait révélé. Mais quel était l’objet de leur prédication, autrement dit, qu’est-ce que le Christ leur avait révélé ? Ici encore j’élève cette prescription que, pour le savoir, il faut nécessairement s’adresser à ces mêmes Églises que les apôtres ont fondées en personne, et qu’ils ont eux-mêmes instruites tant de « vive voix » que plus tard par lettres ».

 

Et j’ajouterai pour compléter l’argument de Tertullien : qu’il faut surtout s’adresser à l’Église romaine car, pour reprendre les paroles mêmes de Pie IX dans la Bulle Ineffabilis Deus, elle est « Mère et Maîtresse de toutes les Églises ». Elle a « la prééminence et l’autorité souveraine, elle est le centre de la vérité catholique, en elle seule a été garanti inviolable le dépôt de la religion ; d’elle il faut que toutes les autres églises reçoivent la Tradition de la foi ».

 

D’elle, il faut donc que tous les évêques reçoivent la Tradition de la foi, et j’ajouterai : d’elle, il faut que l’évêque de Rome reçoive la Tradition de la foi. « Car le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la Révélation transmise par les apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi » (Vatican I, Constitution dogmatique sur l’Église Pastor aeternus).

 

« Dans ces conditions, il est clair que toute doctrine qui est d’accord avec celle de ces Églises apostoliques, avec celle de l’Église romaine — matrice et source de la foi — doit être considérée comme vraie (l’Église romaine a reçu de Pierre, Pierre du Christ, le Christ de Dieu). En revanche, toute doctrine doit être a priori jugée fausse qui contredit la vérité de l’Église romaine, de Pierre, du Christ et de Dieu ».

 

Or la doctrine sur la sainte messe que je viens de vous rappeler plus haut, procède de la Tradition des apôtres, procède de la Tradition de l’Église romaine. Dès lors, nous communiquons avec l’Eglise catholique romaine — communicamus cum Ecclesia romana

 

Voilà la raison de notre détermination !

 

Oui, notre doctrine ne différant en rien de la doctrine de Pierre, nous sommes en pleine communion avec l’Église fondée sur Pierre, avec l’Église de Rome, et ce faisant, nous sommes, dans la tourmente actuelle, les meilleurs défenseurs du pape, successeur de Pierre.

Qu’on le sache bien, si nous adoptons cette attitude : non possumus !

— ce n’est pas pour faire un schisme,

— ce n’est pas pour nous séparer de l’Église, notre amour et notre honneur.

Mais c’est pour éviter les périls de l’hérésie vers laquelle nous entraînent des hommes d’Église.

 

Nous sommes des catholiques, des prêtres décidés à conserver et à transmettre aux générations futures la foi catholique, la messe catholique.

 

Qu’on le sache donc une fois pour toutes : « Nous désirons retrouver la pacifique jouissance de notre religion dans la soumission à la hiérarchie catholique légitime ». Nous voulons bien nous soumettre mais « le préalable absolu c’est que l’épiscopat français… revienne à l’affirmation explicite de la foi catholique ».

 

Et devant le chantage à l’obéissance, je me permettrai de vous dire, avec dom Guéranger :

 

« Il est dans le trésor de la Révélation des points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée… Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur baptême (en période d’hérésie) l’inspiration d’une ligne de conduite ; non les pusillanimes qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs établis, attendent, pour courir à l’ennemi ou s’opposer à ses entreprises, un programme qui n’est pas nécessaire et qu’on ne doit point leur donner ».

 

Et vous serez d’accord avec la conclusion du Bref examen critique :

« Il est évident que le Novus Ordo Missae renonce en fait à être l’expression de la doctrine que le concile de Trente a définie comme étant de foi divine et catholique. Et cependant la conscience catholique demeure à jamais liée à cette doctrine. Il en résulte que la promulgation du Novus  Ordo Missae met chaque catholique dans la tragique nécessité de choisir ».

Tel est le programme de ceux qui ont la garde de la foi, au seul titre de leur baptême. Tel est le programme de tout catholique digne de ce nom.

La garde obligée de la messe catholique, apostolique, dite de saint Pie V.

 

§-10

§ 10 De la résistance à l’autorité ?

 

 Enfin une ultime considération : peut-on admettre une résistance publique à l’autorité suprême dans l’Eglise ?

 

Sur ce sujet on invoque toujours à juste titre l’attitude saint Paul vis-à-vis de saint Pierre : « je lui résistai en face, car il méritait le blâme ».

Saint Thomas enseigne que dans des cas extrêmes il est licite de  faire opposition publique à une décision papale, tout comme saint Paul a résisté à Saint Pierre.

A- Voir II II 4 2 :

ARTICLE 4: Les inférieurs sont-ils tenus, en vertu de ce précepte, de corriger leurs supérieurs?

Objections:

1. Il semble bien qu’on n’y est pas tenu. Il est dit en effet dans l’Exode (19, 13):  » Quiconque touchera la montagne devra être mis à mort.  » Et il est raconté (2 S 2, 7) qu’Uzza fut frappé par Dieu pour avoir touché l’arche. Or, par la montagne et par l’arche, il faut entendre ici les supérieurs. Donc ceux-ci ne doivent pas être corrigés par leurs subordonnés.

2. Sur cette parole de Paul (Ga 2, 11):  » je lui résistai en face  » (à Pierre), la Glose précise:  » Comme son égal.  » Donc, n’étant pas l’égal de son supérieur, un inférieur ne doit pas le corriger.

3. S. Grégoire dit:  » Que personne n’ose corriger la conduite des saints, s’il ne se sent pas meilleur qu’eux.  » Mais nul ne doit avoir une meilleure opinion de soi-même que de son supérieur. Donc les supérieurs ne doivent pas être corrigés.

Cependant, S. Augustin dit dans sa  » Règle « :  » N’ayez pas pitié seulement de vous-mêmes, mais encore de votre supérieur, qui court un péril d’autant plus grand qu’il occupe parmi vous un rang plus élevé.  » Or, reprendre fraternellement, c’est exercer la miséricorde: on doit donc le faire, même à l’égard des supérieurs.

Conclusion:

La correction qui est un acte de justice usant de punition n’appartient pas aux inférieurs vis-à-vis de leur supérieur. Mais celle qui est un acte de charité appartient à chacun à l’égard de tous ceux qu’il doit aimer, et chez lesquels il voit quelque chose à corriger. En effet, l’acte issu d’un habitus ou d’une puissance s’étend à ce qui est contenu dans l’objet de l’un ou de l’autre; comme la vision embrasse tout ce qui est contenu dans l’objet de la vue.

Mais comme un acte de vertu doit être réglé en tenant compte des circonstances requises, l’acte par lequel un inférieur reprend son supérieur doit également respecter certaines convenances, en sorte que la correction ne soit ni insolente, ni dure, mais douce et respectueuse. C’est ce qui fait dire à S. Paul (1 Tm 5, 1):  » Ne reprends pas un vieillard avec rudesse, mais avertis-le comme un père.  » Et c’est pourquoi Denys reproche au moine Démophile d’avoir corrigé un prêtre sans respect, en le frappant et en le chassant de l’église.

Solutions:

1. On peut dire qu’un supérieur est traité indignement quand il est blâmé sans respect, ou lorsqu’il est abaissé. C’est ce qui est signifié ici par l’interdiction divine de toucher la montagne et l’arche.

2.  » Résister en face « , c’est-à-dire devant tout le monde, dépasse la mesure de la correction fraternelle; et Paul n’aurait pas ainsi repris Pierre s’il n’avait été son égal en quelque manière pour la défense de la foi. Mais avertir en secret et avec respect peut être fait même par celui qui n’est pas un égal. Voilà pourquoi S. Paul, écrivant aux Colossiens (4, 17), leur demande de reprendre leur supérieur:  » Dites à Archippe: « Prends garde au ministère que tu as reçu du Seigneur, et tâche de bien l’accomplir. »  »

Remarquons toutefois que, s’il y avait danger pour la foi, les supérieurs devraient être repris par les inférieurs, même en public. Aussi Paul, qui était soumis à Pierre, l’a-t-il repris pour cette raison. Et à ce sujet la Glose d’Augustin explique:  » Pierre lui-même montre par son exemple à ceux qui ont la prééminence, s’il leur est arrivé de s’écarter du droit chemin, de ne point refuser d’être corrigés, même par leurs inférieurs.  »

3. Se croire en tout point meilleur que son supérieur semble bien venir d’un orgueil présomptueux. Mais penser qu’on l’emporte sur un point n’a rien de présomptueux, parce qu’en cette vie personne n’est sans défauts. – Et il faut bien remarquer aussi que celui qui avertit charitablement son supérieur ne s’estime pas pour autant meilleur que lui; mais il rend service à celui qui  » court un péril d’autant plus grand qu’il occupe un rang plus élevé « , comme le dit S. Augustin dans sa  » Règle « .

B- Voir également : ad gala, 2 11-14 :

 

II. Quand Saint Paul ajoute (verset 14) : Mais quand je vis, etc., il développe ce qu’il avait dit auparavant de la réprimande faite à l’apôtre Pierre. Il expose le motif de la réprimande; la manière dont il l’a faite; les termes même dont il s’est servi.

Le motif de cette réprimande n’est pas léger, mais juste et utile, à savoir le péril que courait la vérité de l’Evangile. C’est ce qui lui fait dire : Pierre, en se conduisant ainsi, était donc répréhensible; mais je vis, bien que seul, que ce n’était pas marcher droit, selon la vérité de l’Evangile, de se conduire ainsi, puisque la vérité périssait, si l’on forçait ainsi les Gentils à pratiquer les observances légales, comme on le verra plus loin. Or ce qui fait qu’ils ne marchaient pas droit, c’est que la vérité, là surtout où le danger est pressant, doit être publiquement soutenue, et que jamais on ne doit agir autrement, dans la crainte de scandaliser quelques personnes ; (Matth., X, 27) : « Dites dans la lumière ce que je vous dis dans l’obscurité » et (Isaïe, XXVI, 7) : « Le sentier du juste est droit; le chemin du juste le conduira droit dans sa voie. »

2° Le mode de la réprimande fut correct, puisqu’il fut public et manifeste. C’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 14) : Je dis à Céphas, c’est-à-dire à Pierre, devant tout le monde, parce que sa dissimulation était un danger pour tous ; (I Timoth., V, 20) : « Reprenez devant tout le monde les pécheurs. » Ce qu’il faut entendre des péchés publics, et non de ceux qui sont demeurés secrets, et à l’égard desquels on doit suivre l’ordre de la correction fraternelle.

Enfin l’Apôtre rapporte les paroles mêmes dont il se servit pour réprimander Pierre, lorsqu’il ajoute (verset 4) : Si vous, qui êtes Juif, etc., en d’autres termes : Pierre, si vous, qui êtes Juif, de nation et de race, vivez à la manière des Gentils, et non pas à celle des Juifs, c’est-à-dire : si vous suivez les coutumes des Gentils, et non celle des Juifs, sachant bien et sentant que la distinction des viandes n’est d’aucune utilité, (verset 24) : pourquoi donc contraignez-vous les Gentils, sinon par un commandement formel, toutefois par l’ exemple de votre conduite, à judaïser ? Il dit : contraignez, parce que, comme l’a remarqué le Pape Saint Léon, « les exemples sont plus puissants que les paroles ». L’Apôtre a donc repris Pierre, spécialement en ceci : c’est qu’ayant été lui-même instruit par Dieu, quand, autrefois, il suivait les coutumes des Juifs, de ne plus faire à l’avenir la distinction des viandes (Act., X, 15) :

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