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La foi catholique exprimée dans les hymnes du Bréviaire Romain

publié dans la doctrine catholique le 25 juillet 2018


 

La foi catholique

à travers

quelques  hymnes du bréviaire romain

 

L’Invitatoire de Matines

Nous allons chercher qu’elle est la théologie  exprimée dans les hymnes que l’Eglise nous donne au bréviaire romain.

Je pense en faire l’analyse lors des conférences spirituelles du soir, les trois que je dois vous donner par semaine. Je suivrai le temps liturgique. Nous sommes au temps pascal.

Mais nous commencerons toutefois par l’Invitatoire de Matines ; « A tout Seigneur, tout honneur ». Cet Invitatoire est composé du Psaume 94.

« Venite, exultemus Domino, jubilemus Deo, salutari nostro: praeoccupemus faciem eius in confessione et in psalmis jubilemus ei »

« Venez, exultons  devant le Seigneur, réjouissons-nous devant le Dieu, notre Sauveur ; approchons nous de son visage avec des louanges  – in confessione – et louons le avec nos chants »

Cette strophe est particulièrement joyeuse. Les verbes « exultare », « jubilare », deux fois répétées,  expriment amplement la joie. Ce sont en effet des verbes de joie. Ils expriment non pas une joie quelconque, mais une joie intense. C’est ainsi, semble-t-il, que Dieu veut être loué et chanté : par des cœurs joyeux, mieux des cœurs qui débordent  de joie et d’une joie qui trouve sa source dans la foi et nullement dans des considérations purement humaines.

La joie ! C’est le sens même du verbe « exsultare » : il se traduit par : sauter, bondir, rebondir ou encore s’élancer, bouillonner, mais aussi bondir de joie, exulter. Voilà la disposition de notre cœur quand nous prenons en mains notre bréviaire pour entonner Matines. Mais cette disposition ne vaut pas seulement pour le chant de Matines, dès le matin, mais vaut pour toute la journée. La joie est la disposition fondamentale du chrétien et à plus forte raison du prêtre. « Un saint triste est une  triste saint ».

« Jubilare » a également le même sens. Donc c’est une redondance : exultare. jubiltare. Le psalmiste insiste sur cette disposition du cœur pour celui qui entreprend de louer Dieu.  Jubilare a donné en français « jubilation » qui signifie une grande joie.

C’est ainsi qu’il faut prier Dieu : avec un cœur joyeux, débordant de joie.

« Jubilemus Deo, salutari nostro »…

« Salutari nostro » : Voilà la première raison de notre joie. Ce Dieu que nous louons est notre « Sauveur ». Il est le principe de notre gloire future. C’est la pensée de saint Paul. Sans cesse, il confesse notre Seigneur comme étant la «  raison de notre gloire », « de votre béatitude » (cf. : Col 125-27).

C’est pourquoi sachons le louer avec joie dans nos psaumes : « et in psalmis jubilemus ei ».

« Quoniam Deus magnus Dominus, et Rex magnus super omnes deos ; quoniam non reppellet Dominus plebem suam ; Quia in manu eius sunt omnes fines terrae et altitudines montium ipse conspecit ».

Voilà exprimée la deuxième raison de notre louange, de notre adoration, une raison « ontologique » « métaphysique ». Saint Thomas, dans son traité sur la religion, invoque, pour justifier cette vertu, la toute-puissance de Dieu, sa grandeur, sa majesté.

La religion,  dit-il, « nous incline à rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû », «  ad religionem pertin(et) reddere honorem debitum Deo », « pour cette unique raison qu’il est le principe premier de la création et du gouvernement des choses »,  Et saint Thomas s’inspirant de Malachie, dira que la raison de l’honneur que l’on doit à Dieu c’est finalement sa paternité. : « Si je suis Père, rendez-moi honneur ! » Père, c’est-à-dire celui qui donne la vie et assume le gouvernement. A lui tout honneur, toute religion pour cette raison qu’il est « Père » : « Ad religionem autem pertinet exhibere reverentiam uni Deo secundum unam rationem, inquantum scilicet est primum principium creationis et gubernationis rerum : unde ipse dicit Malach 1 6 : Si ergo Pater, ubi honor meus ? Patris enim est et producere et gubernare ». Ainsi l’honneur que l’on doit à Dieu est en raison de son excellence. Et c’est notre sujétion vis-à-vis de Dieu qui va fonder, qui va justifier la raison du service que nous devons à Dieu, notre obligation d’honorer Dieu. Il y a bien deux aspects dans cette vertu de religion : l’un tiré du côté de Dieu : son excellence. Et du côté de l’homme, notre petitesse, notre sujétion en tant que créature.

Et comme cette excellence divine est unique en raison de sa transcendance infinie qui l’élève au-dessus de toutes choses, à Dieu est dû un culte spécial qu’on appelle le « culte de latrie ».

Cette grandeur divine, son excellence,  se manifeste, ô combien ! dans la création et par la création qui est son œuvre, une œuvre divine. C’est ce que le psalmiste exprime ici d’une manière très claire et louangeuse.

« Exaltemus Domino » : «  quoniam Deus magnus Dominus », « car c’est un grand Dieu que ce Seigneur ». La grandeur de Dieu s’exprime dans cette Seigneurie, dans cette domination du Seigneur sur toutes choses créées. Elle  est la raison de mon acclamation, de mon adoration, de mon culte. Le prêtre qui commence, chaque matin, le chant de Matines doit porter son regard de foi, sur le Seigneur, comme Sauveur, nous l’avons dit, mais aussi  comme Créateur.

Il est le créateur du monde. Il en est le « Seigneur ». Il est « Père », il est le principe de la génération et du gouvernement.

Il n’est pas seulement « Seigneur », il est « Rex magnus» : « Rex magnus super omnes deos », « Roi très grand sur toutes les puissances célestes et terrestres ».

En effet en ses mains sont toutes les contrées de la terre et il domine toutes les auteurs des monts. « Conspicere » : c’est regarder, observer. Ainsi traduire « conspicere » par « dominer » serait parfaitement dans le contexte de ce psaume premier de Matines.

« Quoniam ipsius est mare et ipse fecit illud, et aridam fundaverunt manus eius :Venite, adoremus et procidamus ante Deum ; ploremus coram Domino, qui fecit nos, quia ipse est Dominus Deux noster ; nos autem populus eius et oves pascuae eius ».

C’est là une deuxième strophe qui explicite l’œuvre de la création.

« A lui, la mer, car c’est lui qui l’a faite ». A lui la « terre », il l’a faite de ses mains. « Arida », ce mot nous renvoie au récit de la création dans la Genèse quand Dieu sépara les eaux. C’est le même mot qui est utilisé dans la Genèse : « Dixit vero Deus congregentur aquae quae sub caelo sunt in locum unum et appareat arida, factumque est ita et vocavit Deux arida terram, congregationes que aquarum appelavit maria et vidit Deus quod esset bonum. » Gen 1 9

Pour ces deux raisons, le salut de Dieu et sa création, le psalmiste nous appelle à l’adoration : « venite, adoremus et procedamus ante Deum ». C’est justice. C’est rendre à Dieu son dû. Et il veut que cette adoration ne soit pas seulement un acte intérieur, mais également un acte extérieur. Il veut que nous fléchissions le genou devant Dieu. « Procidere » : tomber en avant, tomber, mais aussi se prosterner. C’est pourquoi la liturgie veut qu’à  cet instant le prêtre fléchisse  les genoux.  Cette situation extérieure nourrira notre dévotion intérieure, selon la belle explication de saint Thomas : l’homme est âme et corps. Le cardinal Ratzinger, dans son livre : « l’esprit de la liturgie » a un long chapitre très bien construit, très scripturaire, sur cette disposition fondamentale de toute créature devant son Seigneur. Il demande expressément de retrouver dans la liturgie cette disposition du corps. L’Ecriture, la liturgie bien comprise nous y invite…

« Ploremus coram Domino, qui fecit nos quia ipse est Dominus Deus noster ; nos autem, populus eius et oves pascuae eius »

« Plorare » : veut dire pleurer en criant, sangloter, se lamenter. C’est un verbe très fort, très expressif.

Comment interpréter ces pleurs que nous demande le psalmiste ?

Je ne pense pas que ce soient des larmes de tristesse.

Bien au contraire !

Ce sont des larmes de joie. Je pense pouvoir dire cela étant donné la raison de ces larmes : « qui fecit nos »…il nous a fait, Il est notre Dieu et Notre Seigneur, nous sommes son peuple et les brebis de son pâturage, ses brebis : « quia ipse est Dominus Deus noster, nos autem populus eius et oves pascuae eius »

Pour le psalmiste, il convient d’adorer Dieu en raison de son « pastorat » sur sa création. C’est la troisième raison de notre adoration.  Que peut-il y avoir de plus réjouissant que de savoir que notre Dieu est comme « le Bon Berger », est le « Bon Pasteur ». Nos larmes ne peuvent être que des larmes de joie.

« Hodie, si vocem eius audieritis, nolite obdurare corda vestra, sicut in exacerbatione secundum diem tentationis in deserto : ubi tentaverunt me patres vestri, probaverunt et viderunt opera mea »

« Aujourd’hui si vous entendez sa voix, (la voix de Dieu)  « n’endurcissez pas votre cœur » « nolite obdurare corda vestra » : obdurare, être ferme, ne soyez pas fermés à la parole de Dieu,  comme jadis vos pères dans le désert se sont révoltés sans cesse contre moi, alors qu’ils avaient éprouvé et vu mes œuvres, « opera mea ».  C’est toute l’histoire Sainte qui peut être ici évoquée, la traversée de la Mer Morte, l’extermination de l’armée du Pharaon…ce sont là des œuvres de la toute-puissance de Dieu. Il a montré, comme le dit l’Ecriture, « la puissance de son bras ».

Et dans cette « fermeture » de leur cœur, ils mirent Dieu à l’épreuve : « ubi tentaverunt me patres vestri et probaverunt et viderunt opera mea » : ils me mirent à l’épreuve, i.e. ils ne crurent pas  tout en voyant, pourtant, mes œuvres.

Quadriginta annis proximus fui generationi huic et dixi semper hi errant cordis ; ipsi vero non cognoverunt vias meas. Si introibunt in requiem meam » 

« Pendant quarante ans, je fus très proche de cette génération et j’ai dit qu’il est un peuple au cœur égaré  (qu’ils errent de cœur)  Ils n’ont pas compris mes voies Aussi n’entreront ils pas dans mon repos ».

« Et son cœur est loin de moi »  Il en fut ainsi du peuple juif dans sa traversée du désert. Il en fut ainsi du temps de Jésus.

NSJC n’a-t-il pas traité ce peuple d’hypocrites.

« Hypocrites ! C’est bien de vous que Moïse a prophétisé lorsqu’il a dit : ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Vain est le culte qu’ils me rendent parce qu’ils n’enseignent que des doctrines et des maximes humaines. Oui, vous abandonnez les commandements de Dieu et vous vous attachez à la tradition des hommes, à l’ablution des vases et des coupes et beaucoup d’autres pratiques du même genre ». (Cf Mt 15 1-20 ;Mc 7 1-23 ; Jn 7 1)

 

 

L’hymne de Matines au temps pascal.

 

« Rex sempiterne caelitum,  Rerum Creator omnium, equalis ante saecula semper Parenti Filium”

“Eternel Roi des cieux, créateur de toutes choses, Fils de Dieu, toujours égal à son Père dès avant les siècles ».

Cet hymne est adressé au Fils, je veux dire qu’elle est toute à la gloire du Fils, en ce sens que l’Eglise, dans cette hymne, va chanter la gloire du Fils, sa grandeur et ses merveilles. Sa grandeur en lui-même. Elle va chanter ce qu’Il est en lui-même et en ses œuvres salvifiques.

a)    Tout d’abord, sa gloire:

Il est le « Roi éternel des cieux ». Il a, de fait, reconnu et confessé sa royauté devant Pilate. « Es-tu le Roi des Juifs » « Tu le dit »…Tu es Rex judaeorum ? dicit ei Jesus tu dicis » ». Et au titre de cette royauté, « il est digne de recevoir, des créatures « la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur la gloire et la bénédiction » (Ap 5 12). C’est, du moins, ce qui doit animer ma prière dans la proclamation de ce verset.

Il est « le créateur de toutes choses ». Saint Jean le confesse aussi dans le Prologue de son Evangile : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était en Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu. Tout par lui a été fait et sans lui n’a été fait rien de ce qui existe… »

Il est Fils, le Fils de Dieu. C’est ainsi qu’Il est présenté par son Père lors du baptême par Jean Baptiste dans le Jourdain : « Voici mon Fils bien aimé en qui je me complais, Ecoutez le ».

Mais ici et dans le contexte précis de l’hymne du temps pascal, il faut surtout penser aux merveilleuses affirmations de Jésus parlant de sa filiation divine et de ses œuvres en Jn 5 16-47.

Je dis que dans le contexte précis de cette hymne, tout à la gloire du Christ, notre Pâques, qui est Vie, il faut surtout penser aux affirmations de Jésus dans Jn 5 16-47. Ici, dans le texte de Jean, Jésus  parle de Vie, Il est le principe de Vie. C’est la merveilleuse affirmation du verset 21 : « 21.Car comme le Père ressuscite les morts et donne la vie, aussi le Fils donne la vie à qui  il veut ». , dans l’hymne également, l’Eglise confesse que le Christ, Roi de gloire, est la source de la Vie : « C’est vous qui, né jadis de la Vierge, naissez maintenant du Sépulcre, et qui voulez que nous ressuscitions avec vous d’entre les morts, chez qui nous étions ensevelis »…Nous ressuscitions à une vie nouvelle… « Vivere Deo » comme le Christ dans sa gloire. C’est Saint Paul qui confesse la chose !

Ce parallèle est tout simplement merveilleux.

Les œuvres de Vie, dont le Christ  parle, ici, dans Saint Jean, il les réalisera, il les a réalisées le jour de la Pâques. C’est ce que confesse merveilleusement l’Eglise  dans sa Préface de Pâques : « Il est vraiment digne, juste et équitable et salutaire de vous louer, Seigneur…en ce jour où le Christ, notre Pâques, a été immolé. Car il est le véritable Agneau qui a ôté les péchés du monde, qui a détruit la mort par la sienne et nous a rendu la Vie en ressuscitant.

(Vere dignum et justum est, aequum et salutare : Te quidem, Domine,omni tepore sed in hoc potissimum glorioosius praedicare ; cum Pascha nostrum immolatus est Christus. Ispe enim verus est Agnus qui abstulit peccata mundi. Qui mortem nostram moriendum destruxit et vitam resurgendo reparavit… »)

Voici ce merveilleux texte de saint Jean :

, 16.C’est pourquoi ils persécutaient Jésus, parce qu’il faisait ces choses le jour du sabbat.
17.Mais Jésus leur dit: « Mon Père agit jusqu’à présent, et moi aussi j’agis. »
18.Sur quoi les Juifs cherchaient encore avec plus d’ardeur à le faire mourir, parce que non content de violer le sabbat, il disait encore que Dieu était son père, se faisant égal à Dieu. Jésus reprit donc la parole et leur dit:
19. »En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu’il voit faire au Père; et tout ce que fait le Père, le Fils aussi le fait  pareillement.
20.Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu’il fait; et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci, qui vous jetteront dans l’étonnement.
21.Car comme le Père ressuscite les morts et donne la vie, aussi le Fils donne la vie à qui  il veut.
22.Le Père lui-même ne juge personne, mais il a donné au Fils le jugement tout entier,
23.afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n’honore pas le Fils n’honore pas le Père qui l’a envoyé.
 24.En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m’a  envoyé a la vie éternelle, et n’encourt point la condamnation, mais il est passé de la  mort à la vie.
 25.En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront.
 26.Car comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même;
27.Et il lui a aussi donné le pouvoir de juger, parce qu’il est Fils de l’homme.
28.Ne vous en étonnez pas; car l’heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix 
29.Et ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie; ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de condamnation.
30.Je ne puis rien faire de moi-même. Selon que j’entends, je juge; et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma propre volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.
31.Si c’est moi qui rends témoignage de moi-même, mon témoignage n’est pas véridique.
32.Il y en a un autre qui rend témoignage de moi, et je sais que le témoignage qu’il rend de moi est véridique.
33.Vous avez envoyé vers Jean, et il a rendu témoignage à la vérité.
34.Pour moi, ce n’est pas d’un homme que je reçois le témoignage; mais je dis cela afin que vous soyez sauvés. 
35.Jean était la lampe qui brûle et luit, mais vous n’avez voulu que vous réjouir un moment à sa lumière.
36.Pour moi, j’ai un témoignage plus grand que celui de Jean; car les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir, ces œuvres mêmes que je fais, rendent témoignage de moi, que c’est le Père qui m’a envoyé.
37.Et le Père qui m’a envoyé a rendu lui-même témoignage de moi. Vous n’avez jamais entendu sa voix, ni vu sa face.
38.Et vous n’avez point sa parole demeurant en vous, parce que vous ne croyez pas à  celui qu’il a envoyé.
39.Vous scrutez les Écritures, parce que vous pensez trouver en elles la vie éternelle;
40.Or, ce sont elles qui rendent témoignage de moi; et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie.
41.Ce n’est point que je demande ma gloire aux hommes.
42.Mais je vous connais, je sais que vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu.
43.Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas; qu’un autre vienne en son propre nom, et vous le recevrez.
44.Comment pouvez-vous croire, vous qui tirez votre gloire les uns des autres, et qui ne recherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul?
45.Ne pensez pas que ce soit moi qui vous accuserai devant le Père; votre accusateur c’est Moïse, en qui vous avez mis votre espérance.
46.Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce qu’il a écrit de moi.
47.Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles? »

b-Ses oeuvres

« Nascente qui mundo faber Imaginenm vultus tui Tradens Adamo, nobilem limo jugasti spiritum »

« C’est vous divin artisan qui, à la naissance du monde, donnant à Adam la ressemblance de votre visage, avez uni le noble esprit au limon »

Avec ce verset, l’Eglise commence à  contempler le Christ en ses œuvres.

Et d’abord dans son œuvre de la création de l’homme, dans la création d’Adam, à la naissance du monde « Nascente mundo.

Cette création lui mérite le titre de « faber » : artisan, auteur, créateur. Il sera aussi sur la terre, connu comme « le fils de l’artisan », le fils  du « charpentier : « « nonne hic est fabri filius », selon Saint Mathieu (Mt 13 55) et même dans sa Marc, il sera appelé lui-même « faber » : « N’est-ce pas le charpentier… « Nonne iste est faber, filius Mariae » (Mc 6 3)

Et cette création d’Adam est merveilleusement racontée : « Imaginem vultus tui tradens Adamo » : « Tradere »  veut dire : transmettre, livrer, donner et même laisser en héritage, Au début du monde, à Adam, il lui remit «  l’image de son visage » : « Vultus tui ». Imago : image, portrait et même ce mot veut dire : pensée, idée.

Bien évidemment cette description nous fait penser au récit de la création d’Adam dans le récit de la Genèse : « Puis Dieu dit :Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance et qu’il domine sur les poissons de la mer et sur les oiseaux du ciel, sur les animaux domestiques et sur toute la terre et sur les reptiles qui rampent sur la terre Et Dieu créa l’homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu : il les créa homme et femme. Et Dieu les bénit et il leur dit : « Soyez féconds multipliez, remplissez la terre et soumettez la et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se meut sur la terre »

« Et ait : faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram et praesit piscibus….et creavit Deus hominem ad imaginem suam, ad imaginem Dei creavit illum, masculum et feminam creavit eos et benedixit illis Deus… »

« ad imaginem » i.e. ad similitudinem nostram »  c’est dire, bien sûr, la dignité de l’homme. Il est fait à l’image de Dieu. C’est dire sa noblesse. Il participe de la noblesse divine. L’hymne parlera du « nobilem spiritum » « du noble esprit ».

C’est vous qui « avez uni le noble esprit au limon » « nobilem limo jugasti spiritum ». Dieu est Esprit. A Adam, il lui a donné « de son esprit », du « souffle de vie ».  L’hymne parle bien du « nobilem spiritum » ;  c’est celui-là même de Dieu, par lequel il pourra dominer le monde et nommer les choses.

Le mot Limo, limus  C’est le mot qui se trouve également dans Gen 2 7 : « Dieu forma l’homme de la poussière du sol et il souffla dans ses narines ( in faciem eius)  un souffle de vie et l’homme devint un être vivant ». La traduction n’est pas très bonne. L’Ecriture parle de « in animam viventem » : « Formavit igitur Dominus Deus hominem de limo terrae et inspiravit in faciem eius spiraculum vitae et factus est homo in animam viventem et plantaverat autem Dominus Deus paradisum voluptatis a principio in quo posuit hominem quem formaverat ».

« Jugo, jugare » veut dire  attacher, lier et même unir et marier. C’est le verbe que  le prêtre  utilise lors du sacrement de mariage : « Conjugo vos »…C’est dire l’intimité qu’il y a entre le corps, le limon et l’esprit. Il est bien dit dans la Genèse « animam viventem » On ne veut plus parler d’âme, dans la liturgie moderne…. Ainsi la définition du catéchisme sur la définition de l’homme est plus que jamais nécessaire. Qu’est-ce que l’homme ? « Il est l’union d’un corps et d’une âme ».

Voilà la première œuvre dont parle l’hymne : la création d’Adam, cette noble créature.

« Cum livor et fraus daemonis faedasset humanum genus : Tu, carne amictus, perditam Formam reformas artifex »

« Lorsque l’envie et la ruse du Démon eurent souillé le genre humain, c’est vous, revêtu de chair, l’artiste qui avait rétabli la beauté perdu ».

Voilà la deuxième grande œuvre du Christ. C’est son œuvre rédemptrice. Vous apprécierez cette belle description et du démon et du restaurateur et de l’œuvre restaurée.

Le démon d’abord : c’est par « envie et ruse » qu’il a perdu le genre humain et a détruit l’œuvre première de Dieu, le chef d’œuvre de Dieu.

« Livor » : c’est l’envie, c’est la jalousie, extrême. C’est le sens vrai du mot « livor » une jalousie intense.

Mais comment expliquer cette jalousie ?

Une page merveilleuse du cardinal Pie nous l’expliquera. Ecoutez !

« Deux sentiments dominent cet esprit pervers : la jalousie envers l’homme, destiné à jouir des biens dont sa révolte l’a dépossédé ; et la haine de Dieu, qu’il poursuit dans son image (l’homme), ne pouvant l’atteindre dans sa nature. Lors donc que le démon a été chassé d’un homme par la grâce divine, le seul plaisir qu’il puisse goûter lui est ravi, le plaisir de mal faire. Les lieux déserts et inhabités ne lui offrent point de repos, parce qu’il mène partout avec lui ses remords, son supplice et sa damnation. Il n’a qu’une pensée, qu’une ambition ; il ne couvre qu’un dessein, ne rêve qu’un projet : entrer dans la maison d’où il a été banni : revertar in domum meam unde exivi » (p 832)

Et c’est ainsi qu’il attaqua le premier couple, par « jalousie » mais aussi par « ruse ». C’est ainsi que tout  le récit de la Genèse nous le présente:

Chapitre 3

1 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Dieu ait faits. Il dit à la femme : » Est-ce que Dieu aurait dit :  » Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin?  »

2 La femme répondit au serpent :  » Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.

3 Mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.  »

4 Le serpent dit à la femme :  » Non, vous ne mourrez point;

5 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal.  »

6 La femme vit que le fruit de l’arbre était bon à manger, agréable à la vue et désirable pour acquérir l’intelligence; elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea.

7 Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus; et, ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures.

8 Alors ils entendirent la voix de Dieu passant dans le jardin à la brise du jour, et l’homme et sa femme se cachèrent de devant Dieu au milieu des arbres du jardin.

9 Mais Dieu appela l’homme et lui dit :  » Où es-tu?  » Il répondit:  »

10 J’ai entendu ta voix, dans le jardin, et j’ai eu peur, car je suis nu ; et je me suis caché.  »

11 Et Dieu dit :  » Qui t’a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger?  »

12 L’homme répondit :  » La femme que vous avez mise avec moi m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé.  »

Dieu dit à la femme :

13  » Pourquoi as-tu fait cela?  » La femme répondit :  » Le serpent m’a trompée, et j’en ai mangé. »

14 Dieu dit au serpent :  » Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux domestiques et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie.

15 Et je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci te meurtrira à la tête, et tu la meurtriras au talon.

16  » A la femme il dit :  » je multiplierai tes souffrances, et spécialement celles de ta grossesse ; tu enfanteras des fils dans la douleur; ton désir se portera vers ton mari, et il dominera sur toi.  »

17 Il dit à l’homme :  » Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre : Tu n’en mangeras pas, le sol est maudit à cause de toi. C’est par un travail pénible que tu en tireras, ta nourriture, tous les jours de ta vie;

18 il te produira des épines et des chardons, et tu mangeras l’herbe des champs.

19 C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes à la terre, parce que c’est d’elle que tu as été pris; car tu es poussière et tu retourneras en poussière. »

20 Adam donna à sa femme le nom d’Eve, parce qu’elle a été la mère de tous les vivants.

21 Dieu fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit.

22 Et Dieu dit :  » Voici que l’homme est devenu comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Maintenant, qu’il n’avance pas sa main, qu’il ne prenne pas aussi de l’arbre de vie, pour en manger et vivre éternellement.  »

23 Et Dieu le fit sortir du jardin d’Éden, pour qu’il cultivât la terre d’où il avait été pris.

24 Et il chassa l’homme, et il mit à l’orient du jardin d’Éden les Chérubins et la flamme de l’épée tournoyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie ».

Pour exprimer la ruse, dans l’hymne nous avons le mot « fraus », dans la Genèse nous avons le mot : «  callidius », habileté, finesse, ruse, fourberie.

« Fraus » : se traduit par mauvaise foi, fourberie, acte de fourberie, piège, embûche, action de frauder, préjudice, dommage. Ce sont tous des sens qui explicitent très bien l’action du démon. Il a été fourbe, de mauvaise foi ; il a tendu un piège, une embûche, il a causé un préjudice et quel préjudice, un vrai dommage.

L’hymne décrit ce dommage en disant : « lorsque l’envie et la ruse du démon eurent souillé le genre humain » : « foedasset humanum genus ».

Foedare veut dire : rendre laid, défigurer, mutiler, salir ou même flétrir, déshonorer.

Cela m’a fait penser aussi à « foetere » : sentir fort et mauvais. C’est le mot utilisé par Sainte Marthe pour décrire la situation de son frère, Lazare,  mort depuis quatre jours : « Iam foetet. (Jn 15 39). Le péché est à l’âme ce que la mort est au corps. Il détruit l’âme comme la mort détruit le corps, le péché est la lèpre du corps. Il rend laid, il défigure, il flétrit, il déshonore.
Ces deux verbes expriment la même action, le même résultat, mais l’un sur l’âme, l’autre sur le corps. Du reste, ces deux verbes sont composés de la même racine « foe » : foet… , foed… Il est normal qu’ils aient le même sens. Ils ont la même racine.

Face à la destruction de l’œuvre divine par le démon, en raison de sa jalousie et de sa ruse, l’hymne va nous décrire l’œuvre de la rédemption. Elle est merveilleusement décrite. Portez votre attention !

« Tu, carne amictus, perditam formam reformas artifex. »

« C’est vous, revêtu de chair, l’artiste, qui avait rétabli sa beauté perdue ».

« Amictus » c’est le supin du verbe « amicio, amicere amictum : revétir, envelopper, couvrir. D’où le mot amictus us : vêtement de dessus, toge, manteau, voile. (L’amict du prêtre) Ainsi, le Verbe s’est-il fait chair. Il a pris chair. « Et Verbum caro factum est…Et dans quel but ?  « propter nostram salutem ». Pour la restauration du genre humain dans son intégrité, par le baptême. Ainsi, comme le dit le cardinal Pie, les fonts baptismaux sont pour le baptisé « le berceau d’une seconde et meilleure origine, le principe d’une seconde et meilleure existence,( on pourrait, d’une meilleure manière, écrire : vie, d’une meilleure vie)  le point de départ d’une nouvelle et plus haute destinée » (p. 111)
Comme le dit le bel offertoire de notre messe romaine : « mirabilius reformasti » en ce sens qu’il nous a (re)donné notre « forme perdue » « perditam formam », « la beauté perdue ». (La forme est ce qui fait que la chose est ce qu’elle est)

Et vous noterez, en fin de phrase le beau qualificatif qui touche le Verbe dans cette œuvre de restauration…Il est qualifié de « Artifex » mot composé de  « ars » et de «  facere » : faire œuvre d’artiste, artiste.

« Qui, natus olim e Virgine, nunc e sepulcro nasceris, tecumque nos a mortuis jubes sepultos surgere »

« C’est vous, qui, né jadis de la Vierge, naissez maintenant du sépulcre et qui voulez que nous ressuscitions avec vous d’entre les morts, chez qui nous étions ensevelis »

Quel merveilleux enseignement théologique, toujours à la gloire du Fils au travers de son œuvre rédemptrice !

L’hymne affirme d’abord la naissance virginale du Verbe de Dieu : « qui natus olim e Virgine ». La conception du Sauveur, « notre artiste » fut absolument virginale. Elle fut au-dessus de toutes les lois de la nature. « Per operationem Spiritus Sancti ». Mais sa naissance ne l’est pas moins : elle est divine, elle est miraculeuse.  C’est bien ce que laisse entendre merveilleusement notre strophe : « Qui, natus olim e Virgine, nunc e sepulcro nasceris »  Il est venu au monde sans endommager la virginité de Marie, comme il sortit du tombeau sans briser la grosse pierre qui fut roulée, comme il entrait dans la salle où se trouvaient les disciples, les portes fermées, comme les rayons du soleil traversent  le verre sans le briser.

« Qui natus olim e Virgine, nunc e sepulcro nasceris ». « Il est né de la Vierge Marie. Maintenant il est né du sépulcre ». Ce parallélisme est de toute beauté.

C’est ce qu’enseigne joliment le catéchisme du Concile de Trente : « Et ce qui est absolument prodigieux, ce qui dépasse toute pensée et toute parole, c’est qu’il est né de sa Mère qui est demeuré toujours Vierge. De même que plus tard, il sortit de son tombeau, sans briser le  sceau qui le tenait fermé, de même qu’il entra, les portes fermées, dans la maison où étaient les disciples, de même encore – pour prendre nos comparaisons dans les phénomènes ordinaires – que les rayons du soleil traversent le verre sans le briser ni l’endommager, ainsi, mais d’une manière beaucoup plus merveilleuse, Jésus-Christ naquit de sa Mère qui conserva le privilège de la Virginité. Nous avons donc bien raison d’honorer Marie à la fois comme Mère et comme Vierge » (Cat de Trente p. 46)

« Tecumque nos a mortuis Jubes sepultos surgere »

« et qui voulez que nous ressuscitions avec vous d’entre les morts, chez qui nous étions ensevelis »

Voilà affirmée la finalité de la rédemption : que nous renaissions à la vie, « tecumque » avec Lui. Voilà sa volonté formelle : « Jubes »  de « Jubeo ». Jubere : ordonner, commander, imposer. C’est, vous dis-je, sa volonté formelle. Souvenez-vous de sa prière sacerdotale dans son chapitre 14 en Saint Jean :

1. »Que votre cœur ne se trouble point. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
2.Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père; s’il en était autrement, je vous l’aurais dit, car je vais vous y préparer une place. 
3.Et lorsque je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec
 moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi » 

Il veut que nous soyons retirés de la mort, d’entre les morts  comme Lui est sorti du sépulcre. C’est bien le fruit de la rédemption : le péché est effacé grâce à son sang versé, il a triomphé de la mort, il a vaincu le péché et donc la mort. Saint Paul est formel : la mort est entrée dans le monde par le péché. « Stipendia peccati mors ». Le salaire du péché c’est la mort. Le péché étant vaincu par la mort du Christ et sa résurrection, la mort n’est plus, elle ne peut garder ses victimes : « Tecumque nos a mortuis jubes sepultos surgere ».

« Qui pastor aeternus gregem Aqua lavas baptismatis ; Haec est lavacrum mentium ; haec est sepulcrum criminum »

« C’est vous qui, pasteur éternel, lavez votre troupeau dans l’eau du baptême ; cette eau qui est le bain des âmes, cette eau qui est le sépulcre des péchés ».

C’est encore une strophe tout à la gloire du Christ.

Là, il est désigné, non plus comme Roi, comme Créateur, comme Sauveur. Il est définit comme le « pasteur éternel ». Rien ne lui est plus cher, que de l’adorer sous ce titre. Il a voulu lui-même se définir comme « Pasteur ». Je suis le Bon Pasteur.

Dans Saint Jean chapitre 10 11-18 :

« 11.Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis.
12.Mais le mercenaire, qui n’est pas le pasteur, et à qui les brebis n’appartiennent pas, voit venir le loup, laisse là les brebis et prend la fuite; et le loup les ravit et les disperse.
13.Le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire et qu’il n’a nul souci des brebis.
14.Je suis le bon pasteur; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent,
15.Comme mon Père me connaît, et que je connais mon Père, et je donne ma vie pour mes brebis.
16.J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie; il faut aussi que je les amène, et elles entendront ma voix et il y aura une seule bergerie et un seul pasteur.
17.C’est pour cela que mon Père m’aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre.
18.Personne ne me la ravit, mais je la donne de moi-même; j’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre: tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père. »

« Aeternus Pastor » ;

« C’est vous qui lavez votre troupeau dans l’eau du baptême, cette eau qui est le bain des âmes, cette eau qui est le sépulcre des péchés ».

C’est tout l’enseignement de saint Paul sur le baptême dans son Epître aux Romains : « Nous sommes ensevelis avec lui,  consepulti sumus cum illo per baptismum in mortem. C’est le même mot que dans notre hymne. « Qui pastor aeternus gregem Aqua lavas baptismatis ; Haec est lavacrum mentium ; (Qui est le bain des âmes)  haec est sepulcrum criminum »

Aux Romains dans son Chapitre 6 :

3 Ne savez-vous pas que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ,
c’est en sa mort que nous avons été baptisés?
4 Nous avons donc été ensevelis (consepulti sumus cum illo per bapstismum in mortem) avec lui par le baptême en sa mort, afin que,  comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle.
5 Si, en effet, nous avons été greffés sur lui, par la ressemblance de sa mort,
nous le serons aussi par celle de sa résurrection :
6 sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du
péché fût détruit, pour que nous ne soyons plus les esclaves du péché;
7 car celui qui est mort est affranchi du péché.
8 Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons
avec lui,
9 sachant que le Christ ressuscité des morts ne meurt plus; la mort n’a plus
sur lui d’empire.
10 Car sa mort fut une mort au péché une fois pour toutes, et sa vie est une
vie pour Dieu.
11 Ainsi vous-mêmes regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants
pour Dieu en Jésus-Christ [Notre-Seigneur] ».

« Nobis diu qui debitae Redemptor affixus cruci, Nostrae dedisti prodigus , Pretium salutis sanguinem ».

« C’est vous, le Rédempteur, cloué à la Croix que nous avions méritée depuis longtemps, qui avez prodigué votre sang comme rançon de notre salut »

Voilà encore un nouveau qualificatif de NSJC. Il n’est pas seulement le « Bon Pasteur ». Il est « le Rédempteur ». « Le Bon Pasteur, du reste,  donne sa vie pour ses brebis. C’est ce qui fut fait en la Rédemption, pour la Rédemption. Il fut cloué à la Croix : « affixus cruci ». La Croix est l’instrument de notre salut. C’est ce que nous acclamions, il y a peu, dans la cérémonie du Vendredi Saint, juste avant l’adoration de la Croix ;  « Ecce lignum crucis in quo salus mundi pependit». Aussi devons-nous l’adorer.

Nous acclamons cette croix également dans  le merveilleux « Vexilla regis » où dans la deuxième strophe, nous disons : « Quo vulneratus insuper Mucrone diro diro lancae, ut nos lavaret crimine, Manavit unda et sanguine » (Où en outre, ayant été blessé par le fer cruel de la lance, il répandit du sang et de l’eau pour effacer nos fautes). Vous noterez le mot « cruel », qualificatif attribué au « fer de la lance », elle est ainsi comme « animée » : le fer cruel de la lance…

Son sang est le prix de notre salut : « pretium salutis sanguinem ». Il est le prix, la rançon de notre salut. Voilà la raison de notre amour pour lui. Il nous a aimé le premier. Comme le dit Saint Bernard dans son petit traité, mais substantiel traité, de l’amour de Dieu  au chapitre 3 : « Elle (l’âme)  voit le Roi Salomon avec le diadème dont sa Mère l’a couronné ; elle voit le Fils unique du Père portant sa croix, elle voit le Dieu de majesté couvert de plaies et souillé de crachats, l’auteur de la vie et de la gloire cloué au bois, percé d’un coup de lance, saturé d’opprobres et qui donne enfin pour ses amis son âme tant aimée. Elle voit tout cela et le glaive de l’amour lui transperce le cœur…Elle voit enfin morte la mort et l’auteur de la mort trainé derrière le char du triomphateur. Elle voit la captivité captive…Elle s’aperçoit que la terre, qui sous l’antique malédiction ne produisait plus que ronces et chardons, refleurit, sous l’effet d’une nouvelle bénédiction qui la rajeunit. .. Elle désire puiser des forces toutes neuves aux fruits de la Passion qu’elle a cueillis sur l’arbre de la Croix et aux fleurs de la Résurrection dont le parfum lui vaudra de plus fréquentes visites de l’Epoux…Ainsi si nous désirons que le Christ se fasse souvent notre hôte, nous devons conserver dans notre cœur les témoignages fidèles de sa mort miséricordieuse et de sa glorieuse résurrection ».

Ut sit perenne mentibus Paschale, Jesu, gaudium, A morte dira criminum Vitae renatos libera

« Pour être toujours, o Jésus, la joie pascale de nos âmes, délivrez de la mort cruelle du péché ceux que vous avez fait renaître à la vie ».

« Pour être toujours, o Jésus, la joie pascale de nos âmes… » C’est là encore un titre glorieux du Christ, « Il est la joie Pascale de nos âmes » Mais si l’on fait plus attention au latin qu’au français, on dira de Jésus qu’il est « Notre Pâques », « notre joie pascale » pour nos « mentibus », « pour nos intelligences ». C’est le plus beau titre que nous pussions lui discerner. Il est la joie de mon intelligence, de mon esprit. L’hymne parle ici de mens que l’Ecriture distingue d’anima. Dans le Magnificat de Marie c’est clair : « Magnificat anima mea Dominum et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo ». Il est la joie de mon intelligence i.e en ce sens qu’il réjouit ma foi, celle qui cherche à comprendre  le mystère : « fides quaerens intellectum ». Il est ma joie « pérenne », « perennis » nous dit le latin. : durable, qui dure longtemps, qui se conserve éternellement, perpétuellement, qui est constant et immuable. Ainsi est la joie pascale, de soi.  Mais, et je termine, pour connaître cette joie pascale ; pour connaître sans cesse la joie pascale, évitons le péché qui est la mort de l’âme. Que le Christ exauce notre plus cher désir !

Le Te Deum

L’hymne « Te Deum laudamus » est, un peu comme notre Gloria, une hymne adressée à la gloire de la Sainte Trinité et tout particulièrement à la gloire du Père et du Fils. Il développe la louange dans le style des Préfaces (elle inclut le Sanctus) : à côté des créatures terrestres, et des anges, les apôtres, les prophètes et les martyrs sont conviés à chanter avec l’Église de la terre, la Gloire des trois Personnes divines. L’œuvre de salut opérée par le Christ Rédempteur est ensuite merveilleusement affirmée. Et  l’hymne s’achève par une série d’appels à la miséricorde empruntés aux Psaumes.

Le Te Deum est chanté à la fin de l’office du chant des Matines chaque dimanche et aux jours des Fêtes et des Solennités. Elle constitue le chant privilégié des actions de grâces extraordinaires.

 

Gloire et louange, tout d’abord, à Dieu le Père. C’est l’objet de la première strophe et des 8 ou 9 strophes suivantes.

« Te Deum laudamus, te Dominum confitemur. »

« Nous vous louons, ô Dieu, nous vous célébrons, Seigneur ».

« Laudare », « confitere » : ce sont des verbes à peu près de sens  identique. Dieu, en ce qu’il est, est digne de louange, d’adoration et de proclamation. En ce sens que cette louange doit être proclamée, confessée. Je dis : « Dieu, en ce qu’il est, est digne de louange ». Oui ! C’est la pensée du cardinal de Bérulle. Il s’adresse à la Trinité, de la même manière que cette hymne, Bérulle s’exclame : « J’adore votre puissance qui produit tout, votre immensité qui contient tout, votre bonté qui embrasse tout, votre science qui prévoit tout, votre providence qui pourvoit à tout. Je vous adore comme principe et je vous recherche comme la fin de mon être et de tout être. Je vous adore et je vous regarde comme ma conduite et je m’appuie en vous comme en la subsistance de tout être créé qui procède de vous comme de son origine, qui tend à vous comme à son centre, qui repose en vous comme en sa subsistance et se perd en vous comme en un abîme » (Œuvre de piété 192 p65)

C’est le sentiment de la grandeur de Dieu, de sa Transcendance,  qui est la raison de la louange que l’on doit à Dieu. « Seul Dieu doit nous occuper, dira le cardinal : « Te Deum laudamus ». A une époque où le cœur humain oublie ses devoirs à l’égard de Dieu, c’est avec beaucoup de conviction que l’on doit dire cette première strophe : Te Deum laudamus ». N’oublions  pas que l’office divin est la prière de l’Eglise. Que nous sommes en quelque sorte la « vox populi ». N’oublions pas que c’est l’excellence de Dieu qui est la raison de notre adoration ou révérence (cf :II II 84 1,2,3),

Nul doute que la pensée de Bérulle épouse tout à fait cette première séquence. La spiritualité de Bérulle est « théocentrique ». La fin de l’homme c’est Dieu. C’est aussi la pensée de saint Augustin : « tu nous a fait pour toi Seigneur… ». C’est la pensée de saint Ignace : « L’homme a été créé pour louer, honorer et servir Dieu ». Voilà la raison d’être de l’homme.

Et toute la terre va confesser la même louange :

 « Te aeternum Patrem, omnis terra veneratur ».  « Toute la terre vous adore, ô Père éternel » !

Voilà de nouveau une raison de la louange divine. Il est Père, Il est Père, Père  éternel.

Nous nous souvenons de la prière enseigné par le Christ à ses disciples : « Lorsque vous priez, priez ainsi : Notre Père qui êtes aux cieux ». Tout ce qui est aux cieux participe de l’éternité !

« Te aeternum Patrem, omnis terra veneratur ».

Cette louange de la terre est affirmée dans le Ps 148 du chant des Laudes le dimanche matin. C’est merveilleux.

Psaume 148 : 1 Alleluia!  Louez Dieu du haut des cieux, louez-le dans les hauteurs!
2 Louez-le, vous tous, ses anges; louez-le, vous toutes, ses armées!
3 Louez-le, soleil et lune; Louez-le, vous toutes, étoiles brillantes!

4 Louez-le, cieux des cieux, et vous, eaux, qui êtes au-dessus des cieux!
5 Qu’ils louent le nom de Dieu; car il a commandé, et ils ont été créés.
6 Il les a établis pour toujours et à jamais; il a posé une loi qu’on ne transgressera pas.

7 De la terre, louez Dieu (Laudate Domnum de terra), monstres marins, et vous tous, océans,
8 feu et grêle, neige et vapeurs, vents impétueux, qui exécutez ses ordres,
9 montagnes, et vous toutes, collines, arbres fruitiers, et vous tous, cèdres.

10 Animaux sauvages et troupeaux de toutes sortes, reptiles et oiseaux ailés,
11 rois de la terre et tous les peuples, princes, et vous tous, juges de la terre,
12 jeunes hommes et jeunes vierges, vieillards et enfants.

13 Qu’ils louent le nom de Dieu, car son nom seul est grand, sa gloire est au-dessus du ciel et de la terre.
14 Il a relevé la puissance de son peuple, sujet de louange pour tous ses fidèles,
pour les enfants d’Israël, le peuple qui est près de lui, Alleluia!

 

« Tibi omnes Angeli, tibi caeli et universae potestates : Tibi Cherubim et Seraphim incessabili voce proclamant : Sanctus Sanctus Sanctus Dominus Deus Sabaoth. Pleni sunt caeli et terra maiestatis gloriae tuae. »

« A vous (Tibi)  tous les anges, à vous (Tibi) les Cieux et toutes les Puissances, à Vous les Chérubins et les Séraphins chantent d’une voix infatigable : Saint Saint Saint est le Seigneur, Dieu des armées, Les cieux et la terre sont pleins de la majesté de votre gloire ».

« Les cieux et la terre sont pleins de la majesté de votre gloire » : c’est très solennel et emphatique.

Puis c’est au tour des apôtres, des prophètes, des martyrs de louer ce Dieu de Majesté :

Te gloriosus Apostolorum chorus, te prophetarum laudabilis numerus,
te martyrum candidatus laudat exercitus.

Les Apôtres sont qualifiés de « glorieux », « chorus gloriosus ». De fait, ils ont chanté leur vie durant la gloire de leur Maître.
Les Prophètes sont qualifiés de « laudabilis » : digne d’éloge, estimé, renommé.

Les martyrs sont « candidatus : ils constituent même une armée « exercitus candidatus » ; de « candidus » ; d’une blancheur éclatante, vêtu de blanc, brillant ; mais il a aussi le sens de « candide » ; de simple, de franc, d’impartial. Ne sont-ce pas là les qualités des martyrs décrites par l’Apocalypste.

Tous louent le Dieu de gloire


Te per orbem terrarum
sancta confitetur Ecclesia, Patrem immensae maiestatis;

C’est vous, Père d’une immense majesté que célèbre l’Eglise (que loue l’Eglise)  à travers toute la terre.

En disant ces strophes, je ne peux pas ne pas penser à l’Apocalypse et à ses chapitres 4 et 5 où saint Jean nous entrouvre le voile du Ciel et où nous voyons et entendons les puissances célestes chanter la gloire et de Celui qui est assis sur le Trône et à l’Agneau. C’est, certainement, un des plus beaux passages de l’Ecriture. Là, nous retrouvons ensemble le Père et le Fils unis dans la même glorification de la cour céleste, Le Fils qui sera bientôt loué en propre :

Chapitre 4

1 Après cela, je vis, et voici qu’une porte était ouverte dans le ciel, et la première voix que j’avais entendue, comme le son d’une trompette qui me parlait, dit « Monte ici, et je te montrerai ce qui doit arriver dans la suite.  »

2 Aussitôt je fus ravi en esprit; et voici qu’un trône était dressé dans le ciel, et sur ce trône quelqu’un était assis.

3 Celui qui était assis avait un aspect semblable à la pierre de jaspe et de sardoine ; et ce trône était entouré d’un arc-en-ciel, d’une apparence semblable à l’émeraude.

4 Autour du trône étaient vingt-quatre trônes, et sur ces trônes vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, avec des couronnes d’or sur leurs têtes.

5 Du trône sortent des éclairs, des voix et des tonnerres; et sept lampes ardentes brûlent devant le trône : ce sont les sept Esprits de Dieu.

6 En face du trône, il y a comme une mer de verre semblable à du cristal ; et devant le trône et autour du trône, quatre animaux remplis d’yeux devant et derrière.

7 Le premier animal ressemble à un lion, le second à un jeune taureau, le troisième a comme la face d’un homme, et le quatrième ressemble à un aigle qui vole.

8 Ces quatre animaux ont chacun six ailes ; ils sont couverts d’yeux tout à l’entour et au dedans, et ils ne cessent jour et nuit de dire :  » Saint, saint, saint est le Seigneur, le Dieu Tout-Puissant, qui était, qui est et qui vient ! « 

9 Quand les animaux rendent gloire, honneur et actions de grâces à Celui qui est assis sur le trône, à Celui qui vit aux siècles des siècles,

10 les vingt-quatre vieillards se prosternent devant Celui qui est assis sur le trône, et adorent Celui qui vit aux siècles des siècles, et ils jettent leurs couronnes devant le trône, en disant

11  » Vous êtes digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire et l’honneur, et la puissance, car c’est vous qui avez créé toutes choses, et c’est à cause de votre volonté qu’elles ont eu l’existence et qu’elles ont été créées.

Chapitre 5

1 Puis je vis dans la main droite de Celui qui était assis sur le trône un livre écrit en dedans et en dehors, et scellé de sept sceaux.

2 Et je vis un ange puissant qui criait d’une voix forte  » Qui est digne d’ouvrir le livre et de rompre les sceaux?  »

3 Et personne ni dans le ciel, ni sur la terre, ne pouvait ouvrir le livre ni le regarder.

4 Et moi je pleurais beaucoup de ce qu’il ne se trouvait personne qui fût digne d’ouvrir le livre, ni de le regarder.

5 Alors un des vieillards me dit :  » Ne pleure point; voici que le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, a vaincu, de manière à pouvoir ouvrir le livre et ses sept sceaux.  »

6 Et je vis, et voici qu’au milieu du trône et des quatre animaux, et au milieu des vieillards,

7 un Agneau était debout: il semblait avoir été immolé; il avait sept cornes et sept yeux, qui sont les sept Esprits de Dieu envoyés par toute la terre. Il vint, et reçut le livre de la main droite de Celui qui était assis sur le trône.

8 Quand il eut reçu le livre, les quatre animaux et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d’or pleines de parfums, qui sont les prières des saints.

9 Et ils chantaient un cantique nouveau, en disant :  » Vous êtes digne de recevoir le livre et d’en ouvrir les sceaux; car vous avez été immolé et vous avez racheté pour Dieu, par votre sang, des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation ;

10 et vous les avez faits rois et prêtres, et ils régneront sur la terre.  »

11 Puis je vis, et j’entendis autour du trône, autour des animaux et des vieillards, la voix d’une multitude d’anges, et leur nombre était des myriades et des milliers de milliers.

12 Ils disaient d’une voix forte :  » L’Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire et la bénédiction. « 

13 Et toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre et dans la mer, et toutes les choses qui s’y trouvent, je les entendis qui disaient :  » A Celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles! « 

14 Et les quatre animaux disaient :  » Amen !  » Et les vieillards se prosternèrent et adorèrent [Celui qui vit aux siècles des siècles].

Donc la Sainte Eglise chante la gloire de Dieu, du Dieu qui est Trinité

« de Dieu le Père dont la majesté est sans limite » : « Patrem immensae maiestatis », et du Fils qui est vrai et unique : « venerandum tuum verum et unicum Filium ; Sanctum quoque Paraclitum Spiritum.»

Le Fils est ici acclamé comme « unique » et « vrai ». « Unique » : c’est l’acclamation de saint Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il envoya son Fils « unique » -le monogène-  afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3 16)

La louange s’adresse aussi au Fils et l’Eglise le loue dans son œuvre rédemptrice, mais avant, elle chante ces qualités : il est le Christ, il est le roi de gloire, il est le Fils éternel du Père, il est celui qui a accepté ( suscepturus) de libérer l’homme et pour cela, n’a pas craint, n’ a pas dédaigné « le sein d’une Vierge ». C’est merveilleux !

« Tu rex gloriae, Christe. Tu Patris sempiternus es Filius. Tu, ad liberandum suscepturus hominem, non horruisti Virginis uterum.
Deux verbes doivent retenir notre attention :

« Suscepturus » et « horruisti »

« Suscepturus » : suscipio ere ceptum : veut dire, entre autres, entreprendre, se charger de, assumer, commencer à, exécuter. Comme exemple on trouve suscepere bellum : entreprendre une guerre. La rédemption ne fut-elle une vraie guerre entreprise contre le démon…

« Horruisti » : de horreo ere horrui : le sens est très intéressant. (Vi : Il veut dire : être hérissé, se dresser (les cheveux), Frissonner, greloter de froid, d’horreur. Vt : avoir horreur de, redouter.

Vous remarquerez le réalisme de ce verbe. Le Verbe n’a pas « greloter d’horreur » devant le Mystère de  l’Incarnation.  On pourrait traduire aussi : « Il n’a pas redouté le sein d’une Vierge ». ou encore : « Il n’a pas dédaigné le sein d’une Vierge ». Vraiment il s’est anéanti dans son mystère de l’Incarnation. Qui ne penserez ici au merveilleux texte de saint Paul aux Philippiens : « Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu’il fût dans la condition de Dieu, il n’a pas retenu avidement son  égalité avec Dieu; mais il s’est anéanti lui-même, en prenant la condition d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui;  il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur ». (Phi 2 5-10)

Comment ne pas unir notre louange à l’honneur que le Père lui a rendu l’appelant à sa gloire !

« Tu, devicto mortis aculeo, aperuisti credentibus regna caelorum. Tu ad dexteram Dei sedes, in gloria Patris ».

« Vous avez brisé l’aiguillon de la mort, vous avez ouvert aux fidèles le royaume des cieux.  Vous êtes assis à la droite de Dieu dans la gloire du Père ».

« Devinco : de devincio ere vici vinctum : vaincre, soumettre

« Aculeo » :  aculeus i : aiguillon, le dard, chose qui blesse.

Vous avez ouvert aux fidèles le royaume des cieux. C’est parfaitement thomiste. C’est toute l’œuvre de la rédemption qui est ici exprimée dans ce verset ainsi que le mystère de l’Ascension.

Vous pouvez vous rappelez ces pages sublimes du catéchisme du Concile de Trente : le chapitre V du Symbole des Apôtres : « des fruits de la mort de Jésus-Christ ».

Quels sont  les biens que la Passion du Sauveur nous a procurés.

En premier lieu, Jésus-Christ par ses souffrances nous a délivrés du péché. Il nous a aimés, dit Saint Jean  et Il nous a lavés de nos péchés dans son sang. Et encore, comme dit l’Apôtre , Il nous a fait revivre avec Lui, nous remettant tous nos péchés, effaçant l’arrêt de condamnation écrit et porté contre nous, l’abolissant et l’attachant à la Croix.

Ensuite Il nous a arrachés à la tyrannie du démon…

En troisième lieu, Il a payé la peine qui était due pour nos péchés.

De plus, comme on ne pouvait offrir à Dieu un sacrifice qui fût plus digne ou plus agréable, Il nous a réconciliés avec son Père, Il L’a apaisé, et nous L’a rendu favorable. C’est la finalité propiciatrice du sacrifice du Christ.

Enfin, en enlevant nos péchés, Il nous a ouvert la porte du ciel que le péché commun à tous les hommes avait fermée. C’est ce que l’Apôtre nous marque bien dans ces paroles: Nous avons la confiance d’entrer dans le Sanctuaire, par le Sang de Jésus-Christ. … depuis que le Rédempteur l’a subie, cette Mort, les portes du ciel sont ouvertes à tous ceux qui, purifiés par les Sacrements, et possédant la Foi, l’Espérance et la Charité, deviennent participants des mérites de sa Passion.

Le Pasteur montrera que tous ces avantages, tous ces divins Bienfaits nous viennent de la Passion de notre Seigneur.

 En premier lieu, parce que sa mort fut une satisfaction pleine et entière qui Lui fournit le moyen admirable de payer à Dieu son Père toute la dette de nos péchés. Et ce prix qu’Il paya pour nous, non seulement égale notre obligation, mais lui est infiniment supérieur.

En second lieu, parce que le sacrifice de la Croix fut infiniment agréable à Dieu. A peine Jésus-Christ l’eut-Il offert que la colère et l’indignation de son Père furent entièrement apaisées. Aussi l’Apôtre a-t-il soin de nous faire remarquer que la Mort du Sauveur fut un vrai Sacrifice  Jésus-Christ nous a aimés, dit-il, et Il s’est livré Lui-même pour nous en s’offrant à Dieu comme une Victime et une Oblation d’agréable odeur.

En troisième lieu, enfin, parce que la Passion fut pour nous cette Rédemption dont parle le prince des Apôtres, quand il dit : ce n’est ni par l’or ni par l’argent corruptibles que vous avez été rachetés de la vanité de votre vie, que vous avez héritée de vos pères, mais par le Sang précieux de l’Agneau Saint et Immaculé, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et Saint Paul dit à son tour : Jésus-Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en devenant malédiction pour nous.

 

Outre ces avantages si précieux, la Passion nous en fournit encore un autre d’un prix inestimable. Elle met sous nos yeux les exemples les plus frappants de toutes les vertus: la patience, l’humilité, une charité admirable, la douceur, l’obéissance, un courage surhumain à souffrir pour la justice, non seulement des douleurs, mais la mort elle-même. Et nous pouvons dire en vérité, que notre Sauveur, dans le seul jour de sa Passion, voulut représenter en Lui toutes les vertus dont Il avait recommandé la pratique pendant le cours entier de sa prédication.

Voilà ce que nous avions à dire ici sur la Passion et la Mort si salutaires de Notre-Seigneur Jésus-Christ ! Puissions-nous méditer sans cesse ces mystères au fond de nos cœurs ! Puissions-nous apprendre par là à souffrir, à mourir, à être ensevelis avec ce divin Sauveur ! C’est alors que purifiés des souillures du péché, et ressuscitant avec Lui à une vie nouvelle, nous mériterons, par sa Grâce et par sa Miséricorde, de participer un jour à la gloire de son Royaume céleste.

 

« Vous êtes assis à la droite de Dieu dans la gloire du Père »….Et cela pour signifier la possession ferme et constante de la puissance royale et de la gloire infinie que Jésus-Christ a reçu de son Père. Car dit l’Apôtre : « Son Père, après l’avoir ressuscité » d’entre les morts, l’a fait assoir à sa droite dans le ciel, au dessus de toutes les Principautés, de toutes les Puissances et de toutes les vertus, de toutes les Dominations et de tout ce que l’on peut trouver de plus grand, soit dans le  siècle présent, soit dans le siècle futur et Il a mis toutes choses sous ses pieds »(Eph 1 20)

« Judex crederis esse venturus

« Juge, vous reviendrez, tel est notre foi ».

C’est le septième  article du symbole des Apôtres : « D’où il viendra juger les vivants et les morts ».

Il est notre Juge. C’est une certitude. Au dernier jour, Notre-Seigneur Jésus-Christ jugera le genre humain tout entier.

Les Saintes Écritures, en effet, mentionnent deux avènements du Fils de Dieu: le premier, lorsque pour nous sauver, Il a pris notre nature, et s’est fait homme dans le sein d’une vierge ; le second, quand, à la consommation des siècles, Il viendra pour juger tous les hommes. Ce dernier avènement est appelé, dans l’Écriture, le jour du Seigneur. Le jour du Seigneur, dit l’Apôtre,  viendra comme un voleur dans la nuit, — personne ne connaît ce jour ni cette heure, dit le Sauveur Lui-même. Pour prouver la réalité de ce jugement, Il nous suffira de citer cette parole de l’Apôtre: nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu’il aura faites, pendant qu’il était revêtu de son corps »

Nos Saints Livres affirment que ce Jugement a été réservé à Notre-Seigneur Jésus-Christ, non seulement comme Dieu, mais comme homme. Il est vrai que le pouvoir de juger est commun aux trois Personnes de la Sainte Trinité, cependant nous l’attribuons spécialement au Fils, comme nous Lui attribuons la Sagesse. Que le Fils doive donc juger le monde comme homme, c’est ce qu’Il nous assure Lui-même:  Comme le Père, dit-Il, a la vie en Lui-même, ainsi il a donné au Fils d’avoir aussi la vie en Lui-même ; et il lui a donné la puissance de faire le Jugement, parce qu’il est le Fils de l’homme ».

Et sur quel objet portera son jugement ? Sur la pratique de la charité fraternelle. C’est écrit en toutes lettres dans l’Evangile de saint Mathieu : « Or quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, il s’assiéra alors sur son trône de gloire, et toutes les nations seront rassemblées devant lui, et il séparera les uns d’avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis d’avec les boucs, et il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :  » Venez, les bénis de mon Père : prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la création du monde.  Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli; nu, et vous m’avez vêtu; j’ai été malade, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus à moi.  » Alors les justes lui répondront :  » Seigneur, quand vous avons-nous vu avoir
faim, et vous avons-nous donné à manger; avoir soif, et vous avons-nous donné
à boire? Quand vous avons-nous vu étranger, et vous avons-nous recueilli; nu, et vous avons-nous vêtu?  Quand vous avons-nous vu malade ou en prison, et sommes-nous venus à vous?  » Et le Roi leur répondra :  » En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.  » Alors il dira aussi à ceux qui seront à sa gauche :  » Allez-vous-en loin de moi, les maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire;  j’étais étranger, et vous ne m’avez pas recueilli; nu, et vous ne m’avez pas vêtu; malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. » Alors eux aussi lui répondront :  » Seigneur, quand vous avons-nous vu avoir faim, ou avoir soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne vous avons-nous pas assisté?  » Alors il leur répondra :  » En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. Et ceux-ci s’en iront au supplice éternel, et les justes à la vie éternelle.  » (Mt 25 36-40)

Te ergo, quaesumus, tuis famulis subveni quos pretiosso sanguine redemisti »

C’est pourquoi, nous vous en supplions, venez au secours de vos serviteurs, rachetés au prix de votre sang

Tout d’abord l’analyse des mots : subvenire : venez au secours. C’est bien le sens du verbe subvenire : venir au secours, secourir, protéger, soigner ; intervener en faveur de, défendre la cause…

Cette strophe invoque la médiation de NSJC. Cette prière me fait penser à la prière de Moïse dans le désert suppliant que le bras vengeur de Dieu ne tombe pas sur le peuple juif infidèle. Il invoque lui aussi la grande miséricorde que Dieu exerça jusqu’ici sur son peuple. Tout cela serait-il peine perdu ? Non !

Ici dans la prière de l’Eglise, elle argumente, dans sa supplique, de l’œuvre rédemptrice, du sang versé par le Christ pour la rédemption du monde. Qu’il se souvienne qu’il a racheté les fidèles au prix de son sang. Serait-ce peine perdue ?

« Aeterna fac cum Sanctis tuis, in gloria numerari »

« Faites qu’ils soient mis au nombre de vos saints dans la gloire éternelle ».

Cette strophe ne vous faites-elle pas penser à la prière de l’Hanc igitur de notre Canon romain : « Hanc igitur oblationem servitutis nostrae, sed et cunctae familiae tuae, quaesumus, Domine, ut placatus accipias ; diesque nostros in tua pace disponas, atque ab aeterna damnatione nos eripi et in electorum jubeas grege numerari. Per Christum »

« Ainsi donc, Seigneur, cette offrande de vos sujets et de votre famille, acceptez-là, nous vous en supplions, comme une juste expiation. Fixez nos jours, dans votre paix, délivrez nous de la damnation éternelle et admettez nous au nombre de vos élus. Par Jésus-Christ ».
« Salvum fac populum tuum, Domine et benedic haereditati tuae »

Sauvez votre peuple, Seigneur et bénissez votre héritage »

« Et rege eos, et extolle illos usque in aeternum

« Gouvernez-les et soutenez les à jamais »

Extollo : rendre courage, rendre fier.

Per singulos dies benedicimus te »

« Chaque jour, nous vous bénissons ».

La bénédiction c’est un devoir quotidien et non l’affaire d’un caprice !

Et laudamus nomem tuum in saeculum et in saecumlum saeculi »

Et nous louons votre nom à jamais et dans les siècle des siècle »

C’est une question de reconnaissance ! Souvenez-vous de ce que nous enseigne saint Bernard dans son traité de « l’amour de Dieu » : « Il y a deux raisons d’aimer Dieu pour lui-même : d’abord parce qu’on ne peut rein aimer avec plus de justice ; ensuite parce que rien n’est plus profitable » à l’âme.

Dignare, Domine, die isto sine peccato nos custodire »

“Daignez, Seigneur, en ce jour, nous garder sans péché”

Custodire :  garder, protéger, préserver, veiller à ce que,  D’où le mot custos, la custode, le « custos » du voile de Turin.

Misere nostri, Domine, miserere nostri

Ayez piété de nous Seigneur Ayez piété de nous

Fiat misericordia tua , Domnie, super nos, quemadmodum speravimus in te

« Que votre miséricorde Seigneur soit sur nous, à la mesure de notre espérance en vous »

« In te Domine, speravi, non confundar in aeternum ».

En vous Seigneur, j’ai mis mon espérance, je ne serai jamais confondu.

Cette hymne se termine donc dans un cri de confiance en la miséricorde de Dieu.

Voyez comme cette hymne commence bien la prière du prêtre. Après avoir chanté la gloire du Dieu Trinité, pour sa puissance, pour sa royauté, pour ses bienfaits et surtout en le Fils pour le bienfait de la rédemption qui est la preuve suprême de la miséricorde du Seigneur, Oui ! Après avoir chanté les merveilles du Seigneur, l’âme confiante se met sous la protection de ce même Seigneur, de sa miséricorde. C’est en cette miséricorde que l’homme puise son espérance !

 

L’hymne de Laudes au temps pascal

«  Aurora caelum purpurat »

Aurora caelum purpurat, Aether resultat laudibus, Mundus triumphans jubilat, Horrens avernus infremit »

« L’aurore empourpre le ciel, l’air vibre de louanges, le monde est dans la jubilation, l’enfer épouvanté frissonne »

L’auteur de cette hymne se souvient du récit évangélique du jour de la résurrection

« Aurora caelum purpurat » : « l’aurore empourpre le ciel ». C’est en effet de bon matin, le soleil se levant, que Marie Madeleine va au tombeau du Seigneur pour l’embaumer. Notre auteur est un parfait observateur de la nature. Voyez l’aurore d’une belle journée de printemps ; le ciel est tout empourpré de lumière légèrement tenté. C’est splendide.

Voici le récit de saint Mathieu : « Après le sabbat, dès l’aube du premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie allèrent visiter le sépulcre… »

« Vespere autem sabbati quae lucescit in primam sabbati… »

“luscesco is ere: commencer à luire”…dès l’aurore. C’est bien traduit.

Voici le récit de saint Marc: “Et cum transisset sabbatum Maria Magdalene et Maria Jacobi et Salome emerunt aromata ut venientes unguerent eum. Et valde mane una sabbatorum veniunt ad monumentum orto iam sole et dicebant ad invicem… » (Mc 16 1-2)

«  Lorsque le sabbat fut passé, Marie Madeleine, Marie, Mère de Jacques et Salomé, achetèrent des aromates afin d’aller embaumer Jésus. Et le premier jour de la semaine, de grand matin, elles arrivèrent au sépulcre ».

 

Voici le récit de saint Luc : « Una autem sabbati valde diliculo venerunt ad monumentum portantes quae paraverant aromat et incvenerunt lapidem revolutum a monumento et ingressae non invenerunt corpus Domini Jesu… »

« Mais le premier jour de la semaine, de grand matin, elles se rendirent au sépulcre avec des aromates qu’elles avaient préparées ».

 

Saint Jean : « Una autem sabbati Maria Magdalene veni mane cum adhuc tenebrae essent ad monumentum et videt lapidem sublatum a monumento… »

« Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rendit au sépulcre, dès le matin, avant que les ténèbres fussent dissipées ».

Ainsi l’auteur de l’hymne peut justement dire, d’une manière poétique : « Aurora caelum purpurat », « l’aurore empourpre le ciel »

« Aether resultat laudibus, Mundus triumphans jubilat » « l’air vibre de louanges, le monde est dans la jubilation»

Resultare : sauter en arrière, rebondir, rejaillir. Ici on traduit par « vibrer ». C’est de toute façon une expression de joie. Ce qui est confirmé par l’utilisation du verbe : « Jubilare » qui exprime une joie intense. Il a donné en français le mot : « jubilation ».

De cette joie, à laquelle participe même  la créature, la résurrection du Seigneur en est la cause. Les cieux sont à l’unisson avec le cœur des Apôtres qui connurent les apparitions du Seigneur. Saint Jean écrit très bien que les disciples étaient dans la joie en voyant le Seigneur : « le soir de ce même jour, le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, parce qu’ils craignaient les juifs, Jésus vint et se présentant au milieu d’eux, il leur dit : « : « Paix avec vous ». Ayant ainsi parlé, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur » (Jn 20 19) (gavisi sunt ergo discipuli viso Domino ».

La joie inonda aussi les cœurs des disciples d’Emmaüs : «N’est-il pas vrai que notre cœur était tout brulant au-dedans de nous (cor nostrum ardens erat in nobis) lorsqu’il nous parlait en chemin et qu’il nous expliquait les Ecritures » ; (Lc 24 32)

C’est aussi à cette joie de la Résurrection du Seigneur  que participe l’univers. C’est merveilleux ! « Aether resultat laudibus », « l’air vibre de louanges ». « Mundus triumphans jubilat », « le monde triomphant est dans la jubilation.

Et  c’est bien légitime. La créature n’est-elle pas elle aussi associée à l’œuvre de la restauration et la résurrection ? Elle ne  peut pas ne pas se réjouir de cette résurrection, comme elle  a réjoui le cœur des Apôtres,  comme elle réjouit le nôtre.

Il faut se souvenir ici des paroles de saint Paul en son Epîtres aux Romains : «  8 19 22 : « Car j’estime que les souffrances du temps présent sont sans proportion  avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la manifestation des enfants de Dieu. La création, en effet, a été assujettie à la vanité, — non de son gré, mais
par la volonté de celui qui l’y a soumise, — avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. Car nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière gémit et souffre les douleurs de l’enfantement ».

Ainsi c’est bien dans l’ordre, dans l’ordre de la justice, de voir la création dans la joie, elle aussi, de la résurrection. « Aether resultat laudibus  Mundus triumphans jubilat »,».

C’est assez sur ce verset.

Horrens aversus infremit : Rex ille dum fortissimus de mortis inferno specu Patrum senatum liberum Educit ad vitae jubar »

« L’enfer épouvanté frisonne, lorsque ce Roi très vaillant ramène à l’éclat de la vie l’assemblée des Patriarches, libérés de l’antre souterrain de la mort ».

Ce sont là des affirmations qui expriment fort bien notre « credo ». Souvenez-vous de l’exposé de notre foi dans l’article 5 du Symbole des Apôtres : « Qui est descendu aux enfers ».

« Aversus : qui a de l’aversion pour, contraire à,  opposer à…Vous imaginez ! A cet enfer, le Christ lui arrache ses victimes… Nous allons voir !

Infremit : « infremo »  gronder, frémir…de rage. Le diable  est vaincu.

Le « dum » sonne très bien, tandis qu’il est dépouillé de ses victimes, il frémit de rage !

« Fortissimus » c’est le superlatif de fortis : robuste, bien bâti, solide, fort, infatigable ; brave, courageux, hardi. Voilà notre Seigneur dans sa royauté et dans ses œuvres de libérateur.

« Jubar  aris »  lumière, éclat.

« educere « : tirer, retirer, mettre dehors, faire sortir.

Voyez ce qu’en dit le Catéchisme et vous comprendrez combien les mots de cette strophe sont bien choisis :

§ I. — IL EST DESCENDU AUX ENFERS.

La première partie de cet article nous propose à croire qu’aussitôt après la Mort de Jésus-Christ son âme descendit aux enfers, et y demeura aussi longtemps que son Corps resta dans le tombeau.

Mais ces paroles nous obligent aussi à reconnaître et à croire, que la même Personne de Jésus-Christ était en même temps dans les enfers et au fond de son tombeau. Et ce point de notre Foi n’étonnera personne, surtout si l’on veut se rappeler comme nous l’avons dit tant de fois, que, bien que l’Ame eût quitté le Corps réellement, jamais pourtant la Divinité ne fut séparée ni de l’Ame ni du Corps.

Le Pasteur pourra jeter une grande lumière sur les premiers mots de cet article, s’il a soin d’apprendre et de bien expliquer aux Fidèles ce qu’ils doivent entendre par cette expression: les enfers, qui ne signifient pas ici le sépulcre, comme quelques-uns l’ont pensé avec autant d’impiété que d’ignorance. En effet, l’article qui précède nous enseigne positivement que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été enseveli. Par conséquent les Apôtres n’avaient aucune raison, en nous transmettant la règle de la Foi, de répéter la même vérité, d’une manière différente et beaucoup plus obscure.

Ce mot: les enfers, désigne donc ici ces lieux, ces dépôts cachés où sont retenues prisonnières les âmes qui n’ont pas encore obtenu la béatitude céleste. C’est dans ce sens que l’Ecriture Sainte l’emploie dans beaucoup d’endroits. Ainsi nous lisons dans l’Apôtre Saint Paul: (Phil 2 10) Au nom de Jésus, tout genou fléchit au ciel, sur la terre et dans les Enfers. Et dans le Livre des Actes, Saint Pierre nous assure que (Act 2 24) Jésus-Christ ressuscita, après avoir été délivré des douleurs de l’Enfer.

Mais ces lieux ne sont pas tous semblables. L’un est une prison affreuse et obscure, où les âmes des damnés sont tourmentées avec les esprits immondes par un feu perpétuel et qui ne s’éteint jamais. Ce lieu porte le nom de géhenne, d’abîme ; c’est l’Enfer proprement dit.

Il y a un autre enfer où est le feu du Purgatoire. C’est là que les Ames des justes se purifient dans des souffrances qui durent un temps déterminé, en attendant qu’elles soient dignes d’entrer dans la Patrie éternelle (Apoc 21 26) car rien de souillé ne peut y pénétrer. Cette vérité s’appuie sur le témoignage des Écritures et sur la tradition apostolique en même temps qu’elle est confirmée par les décrets des saints Conciles. (Conc de Trente sess 25) Les Pasteurs auront soin de la prêcher souvent et de l’établir sur les raisons les plus solides. Car nous sommes dans un temps où les hommes ne veulent plus supporter la saine doctrine.(Tit 2 ,4,3)

Un troisième enfer est celui où étaient reçues les Ames des Saints avant la venue de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et où elles jouissaient d’un séjour tranquille, exemptes de toute douleur, et soutenues par l’heureuse espérance de leur rédemption. Or, ce sont précisément ces Ames saintes, qui attendaient leur Libérateur dans le sein d’Abraham, que Jésus-Christ délivra lorsqu’Il descendit aux enfers.

Et il ne faut pas s’imaginer que Notre-Seigneur descendit aux enfers uniquement par sa Puissance et par sa Vertu, et que son Ame n’y pénétra pas réellement. Nous devons croire au contraire, et de la manière la plus formelle, qu’elle y descendit véritablement et qu’elle y fut présente substantiellement. C’est le témoignage positif de David (Ps 15 10) Vous ne laisserez pas mon Ame dans l’Enfer.

Mais en descendant aux enfers, Jésus-Christ ne perdit rien de sa Puissance ; et l’éclat de sa Sainteté ne fut point obscurci. Au contraire, cet événement ne servit qu’à mettre en évidence la vérité des magnifiques descriptions tracées par les Prophètes, et à faire voir de nouveau qu’Il était vraiment le Fils de Dieu, comme Il l’avait déjà prouvé Lui-même par tant de prodiges. C’est ce que nous comprendrons aisément, si nous prenons soin de comparer ensemble les différentes causes qui ont fait descendre aux enfers Jésus-Christ et les autres hommes. Les hommes y étaient venus en captifs. Lui, Il était libre au milieu des morts, (Ps 87 5 6) libre et vainqueur, puisqu’Il venait terrasser les démons qui y retenaient les hommes enfermés et enchaînés à cause de leurs péchés.

Parmi tous ces prisonniers, les uns enduraient les peines les plus cruelles ; les autres, quoique exempts de châtiments, souffraient cependant de la privation de Dieu, et ne pouvaient qu’espérer sans cesse la Gloire qui devait les rendre heureux. Jésus-Christ, Lui, non seulement n’y souffrit point, mais Il n’y parut que pour délivrer les Saints et les Justes des douleurs de leur triste captivité, et pour leur communiquer les fruits de sa Passion. Ainsi donc sa descente aux enfers ne lui fit rien perdre de sa Dignité, ni de sa Puissance souveraine.

Ces premières explications données, le Pasteur devra ensuite exposer que Notre-Seigneur Jésus-Christ descendit aux enfers, non seulement pour enlever aux démons leurs dépouilles, et briser les chaînes des saints Patriarches et des autres Justes, mais encore pour les introduire avec Lui dans le Ciel. Ce qu’Il fit d’une manière admirable et infiniment glorieuse. Car sa seule Présence répandit immédiatement au milieu d’eux une lumière resplendissante, les remplit d’une joie et d’une allégresse ineffable, et les mit en possession de cette béatitude qu’ils désiraient tant, et qui consiste dans la vue de Dieu. Alors se trouva vérifiée la promesse que Notre-Seigneur avait faite au bon larron: (Luc 23 43) Aujourd’hui même tu seras avec Moi en Paradis.

Cette délivrance des Justes, le Prophète Osée l’avait prédite longtemps auparavant: (osée 13 14) ô Mort, avait-il dit, je serai ta mort ; ô enfer, je te déchirerai.

NB : En latin : « de manu mortis liberabo eos, de morte redimam eos, ero mors tua o mors, ero morsus tuus inferne »

Redimere : «  racheter un objet vendu, un captif, délivrer.

Morsus us : morsure, souci cuisant, peine.

Le Prophète Zacharie l’avait également annoncée en ces termes: (Zach 9 11) Vous aussi, par le Sang de votre Alliance, vous avez tiré vos captifs de la fosse, où il n’y a point d’eau. Et enfin l’Apôtre Saint Paul exprime la même vérité en disant de Notre-Seigneur Jésus-Christ: (Col 2 15) Il a désarmé les Principautés et les Puissances, Il les a exposées en spectacle avec une pleine autorité, après avoir triomphé d’elles en sa propre personne. — Mais pour mieux comprendre encore la portée de ce Mystère, nous devons nous rappeler souvent que les Justes, non seulement ceux qui vécurent après Notre-Seigneur, mais encore ceux qui L’avaient précédé depuis Adam, et ceux qui viendront après Lui jusqu’à la fin des siècles, tous ces justes, sans exception, ont été sauvés par le bienfait de sa Passion. Voilà pourquoi avant sa Mort et sa Résurrection, les portes du Ciel n’avaient jamais été ouvertes à personne. Les Ames des Justes, en se séparant de leurs corps, étaient portées dans le sein d’Abraham, ou bien comme il arrive encore aujourd’hui à celles qui, en quittant ce monde, ont quelque souillure à laver et quelque dette à payer, elles allaient se purifier par le feu du Purgatoire.

Enfin une dernière raison pour laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ descendit aux enfers, c’est qu’Il voulait y manifester sa Force et sa Puissance, aussi bien qu’au ciel et sur la terre, afin qu’il fût absolument vrai de dire (Phil 2 10) qu’à son nom tout genou fléchit au Ciel, sur la terre et dans les Enfers.

Qui n’admirerait ici la Bonté infinie de Dieu envers les hommes ? Qui ne serait saisi d’étonnement en voyant son Fils unique non seulement endurer pour nous la mort la plus cruelle, mais encore pénétrer jusqu’aux plus basses parties de la terre, afin d’en arracher les Ames qui lui étaient chères et de les conduire au séjour du bonheur ? »

 

Cuius sepulcrum plurimo custode signabat lapis, Victor triumphat et suo Mortem sepulcro funerat »

« La pierre de son sépulcre était scellé par une garde nombreuse, mais il triomphe victorieux et il ensevelit la mort dans son propre tombeau »

« Signare » : veut dire marquer d’un sceau, signer, sceller, cacheter, fermer. Il  a donné le mot : « Signum i que l’on traduit par « cachet, sceau, scellé ». On pose les scellés i.e. on ferme solidement. On ne doit entrer dans une maison où la justice a imposé les scellées.

« plurimo custode » : custos c’est la garde ;  plurimus, nombreux. C’est le superlatif de « plus »:  beaucoup de ; très nombreux.

Le poète est bien fidèle à l’Evangile : C’est bien sous scellé et sous  bonne garde que le tombeau du  Seigneur fut placé.

Souvenez-vous du récit de Saint Mathieu : (Mt 27 62-66) : « Le lendemain, qui était (le jour) après la Préparation, les grands prêtres et les Pharisiens allèrent ensemble trouver Pilate et dirent :  » Seigneur, nous nous sommes rappelés que cet imposteur, lorsqu’il vivait encore, a dit :  » Dans trois jours je ressusciterai.  » Commandez donc que le tombeau soit bien gardé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent le dérober et disent au peuple :  » Il est ressuscité des morts.  » Cette dernière imposture serait pire que la première.  » Pilate leur dit :  » Vous avez une garde : allez, gardez-le comme vous l’entendez.  » Ils s’en allèrent donc et ils s’assurèrent du tombeau en scellant la pierre, avec une garde ».

« Illi autem abeuntes munierunt sepulchrum signates lapidem cum custodibus ».

On retrouve le verbe « signare » de notre hymne. « Cuius sepulcrum plurimo custode signabat lapis… ». Je suis vraiment frappé de la parfaite connaissance de l’Ecriture de ces auteurs des hymnes, vrais poètes et fins connaisseurs de l’Ecriture ! Ils avaient une connaissance, on peut dire, vraiment littérale des Ecritures, à la lettre. Ici et là, c’est le même verbe qui est utilisé : « Signare ». N’est-ce pas tout simplement formidable.

« Munire : veut dire : protéger, défendre…

« Victor triumphat et suo Mortem sepulcro funerat »

Mais il (Jésus)  triomphe victorieux et il ensevelit la mort dans son propre tombeau »

« funerat » : ensevelir ; d’où les funérailles en français. L’auteur, en quelque sorte, dans cette strophe, personnifie la « Mort ». le Christ « ensevelit la mort » dans son propre tombeau : « suo Mortem sepulcro funerat ».

Cette phrase est l’occasion de chanter avec  saint Paul aux Corinthiens : 1 Cor 15 56-57 : « alors s’accomplira la parole qui est écrite : « La mort a été engloutie par la victoire.  O mort où est ta victoire ? O Mort où est ton aiguillon ? Or l’aiguillon de la mort, c’est le péché et la puissance du péché, c’est la loi. Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous a donné la victoire par NSJC ».

Saint Bernard, également contemple l’œuvre du Christ dans sa résurrection et ne craint pas de dire : « Elle voit enfin morte la mort et l’auteur de la mort trainé derrière le char du triomphateur. Elle voit la captivité captive, amenée des enfers sur la terre, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre, aux enfers » (traité de l’amour de Dieu p 38)

Sat funeri, sat lacrimis, sat est datum doloribus : surrexit exstinctor necis, clamat coruscans Angelus.

Nous avons assez donné au deuil, assez aux larmes, assez aux douleurs (Il vaudrait mieux traduire : assez de deuil, assez de larmes assez de douleurs , où mieux encore plus de deuil, plus de larmes, plus de douleurs) : il est ressuscité, le destructeur de la mort, proclame l’ange éblouissant ».

« Extinctor necis » : le destructeur de la mort. C’est encore un beau qualificatif du Christ dans son œuvre rédemptrice. Extinctor : celui qui éteint ; destructeur. De exstinguo : éteindre, tarir,  dessécher, faire disparaitre, anéantir, exterminer, faire mourir. D’où le mot français : exstincteur. « Destructeur de la mort » c’est bien traduit !

« necis » : nex necis : c’est la mort violente, meurtre, massacre, carnage.

Voilà comment notre auteur décrit l’œuvre de Satan : Par sa ruse et sa jalousie, il a commis un  vrai carnage.

En conséquence, la mort étant détruite :   c’est là un appel à la joie pascale. Il n’y a plus de place au deuil, plus de place aux larmes, plus de place aux douleurs…. ce n’est plus l’heure même de la contemplation des  souffrances de la Passion, Nous sommes dans le temps pascal… le Christ est ressuscité, proclame l’ange éblouissant de lumière. On entend ici les communautés de fidèles acclamer la nuit pascal, le Christ ressuscité.

C’est le thème même de la messe de l’aurore et de la fête de la Résurrection. C’est la joie pascale si bien exprimée par le texte et le chant du « Victimae paschali »

« 1-Victimae paschali laudes immolent christiani ; 2- Agnus redemit oves : Christus innocens Patri reconciliavit peccatores 3- Mors et vita duello conflixere mirando : dux vitae mortus regant vivus 4- Dic nobis Maria, quid vidisti in via ? 5- Sepulcrum Christi viventis : et gloria vidi resurgentis 6- Angelicos testes, sudarium et vestes 7 – Surrexit Christus, spes mea : praecedet vos in Gaalileam 8- Scimus Christum surrexisse a mortuis vere : tu nobis, victor Rex, miserere. Amen. Allelui ».

Souvenez-vous des belles pièces musicales d’un Charpentier…acclamant dans la joie exubérante la résurrection du Christ

 

Ut sis perenne mentibus Paschale, Jesu, gaudium A morte dira criminum Vitae renatos libera.

Deo Patri sit gloria, Et filio, qui a mortuis Suirrexit, ac Paraclito in sempiterna saecula. Amen ».

« Pour être toujours O Jésus la joie pascale de nos âmes, délivrez de la mort cruelle du péché ceux que vous avez fait renaître à la vie »

Gloire soit à Dire le Père et au Fils qui ressuscita des morts et au Paraclet, pour les siècles des siècles. Amen »

 

 

L’hymne à Primes

L’Hymne de Primes est vraiment la prière parfaite du matin. Elle convient tout à fait à la prière des séminaristes qui se retrouvent à la chapelle tous les matins.

Cette hymne matinale  me parait parfaitement correspondre à la pensée qui doit nous animer tous les matins. Les prières qui composent cette petite heure me paraissent tout à fait « ad hoc ». Nous allons le voir.

Reprenez les textes.

Tout d’abord l’hymne.

Elle est tout simplement merveilleuse. Je vous prie, du reste, d’y porter quelque attention :

« Jam lucis orto sidere, Deum precemur supplices, ut in diurnis actibus Nos servet a nocentibus”

« Déjà l’astre du jour est levé ; prions Dieu humblement qu’en nos actions de la journée il nous préserve de tout mal »

« Jam lucis orto sidere »

« Sidere » de sidus sideris : constellation, l’astre, l’étoile

« lucis »  de lux lucis : la lumière, c’est la lumière du jour. Mais remarquez que sidus, sidere dit déjà lumière. Je traduirais plus volontiers : la clarté du jour, le soleil est levé.

« Orto » participe passé orior oreris : naître, commencer surgir, se lever.

Vraiment Primes est la prière par excellence du matin. A 6h30, en ce temps de printemps, c’est vraiment la levée du soleil, de la lumière. C’est très beau de faire correspondre notre prière du matin, avec ce « matin » de la lumière. Notre prière devient ainsi une prière « cosmique » en tant que la prière qui se lève de notre âme s’unit à la lumière se levant.

“Deum precemur supplices, ut in diurnis actibus Nos servet a nocentibus”

« Prions Dieu humblement qu’en nos actions de la journée il nous préserve de tout mal »

J’aime beaucoup ce « supplices » : c’est le nominatif pluriel de  supplex supplicis : suppliant. Ce mot qui donne l’adverbe suppliciter, et que l’on peut traduire : « en suppliant, humblement ». Ce mot montre que Primes est parfaitement une prière de communauté : « supplices », de plusieurs, unis dans la foi, dans l’humble supplique d’une prière de quelques-uns ou de beaucoup, d’une communauté. Ce supplices me fait penser à la prière de la Vierge Marie : « Il a jeté son regard sur son humble servante ».

« Prions Dieu humblement » : Cette phrase met notre âme dans les dispositions requises vis-à-vis de Dieu. « Supplices », nous sommes des suppliants demandant la grâce au Seigneur.

Quelles grâces ?

« Qu’en nos actions de la journée, il nous préserve de tout mal »

Quelle plus belle prière pourrions-nous  formuler au Seigneur au début de nos journées,  je vous le demande bien ? Que nous soyons préservés de tout mal.

« Nos servet a nocentibus ».

« Servo » , as, servare. Ce verbe est très riche :

Il veut dire : « sauver, préserver, protéger, défendre contre

Voire même :  conserver en bon état,  mais aussi : « être fidèle à ». On dira « servare legem » : que l’on traduira par « obéir à la loi ». Quelle belle résolution en mon cœur ;  mais encore : veiller à,  avoir l’œil sur, faire attention à, faire le guet.

Ces derniers sens du verbe, mettent bien en évidence ma coopération à la grâce…alors que le premier sens met d’avantage l’accent sur l’action de Dieu en mon âme. On attend tout de Dieu.

« a nocentibus » ;

Nocentibus de nocens nocentis : qui nuit actuellement ;  ce mot vient de noceo ere : nuire, faire du tort ; nocivus ; qui a la propriét de nuire (nocif)

C’est bien traduit : que Dieu nous protège de tout mal. Je dirai : de tout péché. Qu’est-ce qui peut plus nuire à mon âme que le péché ?

« Nous » : c’’est bien une prière de communauté. Cette acclamation met l’unité dans les cœurs. Elle nous unit ; Nous avons tous, dès le matin, le même idéal.

« Linguam refraenans temperet ; Ne litis horror insonet: visum fovendo contegat, ne vanitates hauriat”.

« Qu‘il modère prudemment notre langue, pour éviter l’éclat de l’horrible dispute ; qu’il protège tendrement notre vue pour qu’elle n’aborde pas les vanités ».

Que c’est beau !

« Refraenens » refreno are : arrêter ou modérer avec le frein. Cela me fait penser au passage de Saint Bernard dans son 11e chapitre du commentaire sur le Cantique des Cantiques. Modérer. Mettre le frein, le mort dans la bouche de l’animal

« temperet » c’est le subjonctif présent de temperare : tempérer, modérer adoucir.
Il y a une redondance dans l’expression. C’est dire la volonté de l’auteur dans cette action de modération. C’est vouloir dire aussi qu’il est difficile de modérer la langue, mettre un frein à sa langue. On parle précisément de la « langue » : « linguam refraenans temperet »

C’est une bonne résolution matinale. Qu’il en soit ainsi. Je pense aussi aux recommandations de saint Jacques : « tardus ad iram, tardus ad loquendum velox ad audiendum ». (lent à la colère, lent à parler, prompt à écouter)

C’est une belle vertu tant la langue est l’objet de fautes.

Et tout particulièrement n’est-elle pas l’occasion de disputes, de querelles

 « Ne litis horror insonet »

Pour éviter l’éclat de l’horrible dispute

« Litis » : lis litis :  procès, objet de litige : mais aussi différent, contestation, querelle, lutte.

Cette lutte, cette querelle est définie comme étant quelque chose d’horrible.
Horror. : hérissement, frisson de la fièvre ou de la peur, effroi, objet de terreur ; terreur religieuse, bruit horrible.

« insonet » : insonare :  résonner, faire du bruit ; faire résonner.

Je traduirais volontiers : « afin que ne raisonne pas l’horreur de la dispute ».

« Visum fovendo contegat »

« qu’il protège tendrement notre vue »

C’est bien aussi par la vue que se commette nos fautes.

« Contegat » : contego ere : couvrir, mettre à couvert, cacher

Fovendo : foveo : c’est chauffer ; réchauffer sur son sein, dorloter : soigner, panser.  C’est bien traduit en disant : « protège tendrement notre vue ».

Dieu a une action maternelle sur chacun d’entre nous. Il n’agit pas avec brutalité. Il est doux.

Ne vanitates hauriat »

« Pour qu’elle n’absorbe pas les vanités »

Hauriat de haurio haurire : puiser, extraire ; mais ce verbe a un sens totalitaire, absolu : on le traduira par vider, mettre à sec, dessécher, tarir ; dévorer, saisir par les sens ou la  pensée ; se repaître de : haurire oculis : dévorer des yeux ; regarder attentivement.

Que Dieu protège tendrement notre vue pour qu’elle n’absorbe pas les vanités de ce monde.

Belle prière.

« Sint pura cordis intima ;absistat et vecordia : carnis terat superbiam potus cibique parcitas »

« Que le fond du cœur soit limpide, préservé d’égarements ; que la modération de boire et du manger rabaisse l’insolence de la chair »

« Ut cum dies abscesserit, noctem que sors reduxerit, mundi per abstinentiam ipsi canamus gloriam »

« Afin qu’à la chute du jour et au retour de la nuit, gardés purs par notre réserve, nous chantions sa gloire »

Abscedo :  abscedere, abscessi : se retirer ; action de se retirer.

Reduco : ere : ramener, faire revenir

Sors : c’est assez amusant de voir ce mot ici : « sors » ce mot veut dire ; hasard, le sort, action de tirer au sort.

« ipsi canamus gloriam »

nous chantions sa gloire. Voilà affirmer à la fin de cette hymne, la raison de nos journées : chanter la gloire de Dieu. Ce chant est la monnaie de la vertu.

« Deo Patri sit gloria, Eius que soli Filio, cum Spiritu Paraclito Nunc et per omne saeculum. Amen

Vous comprenez mieux maintenant combien cette hymne de Primes convient à notre prière du matin.

Après les trois strophes de l’hymne, nous invoquons la miséricorde du Christ et chantons aussi sa gloire.

Vient ensuit l’oraison :

«  Seigneur, Dieu tout puissant, qui nous avez conduits jusqu’au début de ce jour, sauvez-nous aujourd’hui par votre force ; afin qu’en ce jour, nous ne nous laissions pas aller à aucun péché, mais que toujours l’accomplissement de votre justice soit le terme de nos paroles, le but de nos pensées et de nos œuvres »

Là aussi, vous remarquerez la beauté de cette prière, une prière parfaitement matinale.

N’oubliez pas, non plus, que c’est l’Eglise qui a dans sa sagesse composé cet office divin pour les communautés…ecclésiastiques.

Et l’oraison finale est merveilleuse :

« Daignez aujourd’hui diriger et sanctifier, régir et gouverner, Seigneur Dieu, Roi du Ciel et de la terre, nos cœurs et nos corps, nos sentiments, nos paroles et nos actes, selon votre loi et dans les œuvres de vos commandements ; afin qu’ici-bas et pour l’éternité, avec votre secours, nous méritions d’être sauvés et libres, ô Sauveur du monde : Qui vivez et régnez dans les siècles des siècles.

J’apprécie les acclamations du Seigneur : il est Seigneur ; Il est Dieu, il est Roi du Ciel et de la terre ; il est Sauveur du Monde

Et à tous ces titres, il dirige, il sanctifie, il régit et gouverne.

Et tout particulièrement : nos cœurs, nos corps, nos sentiments, nos paroles et nos actes

Et à ce titre, j’aime cette finale merveilleuse : « …te auxiliante, salvi et liberi esse mereamur, Salvator mundi…. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’hymne à Tierce

 

« Nunc Sancte nobis, Spiritus, Unum Patri cum Filio, Dignare promptus ingeri  Nostro refusus pectori »

« A cette heure, Esprit Saint, qui ne faites qu’un avec le Père et le Fils, daignez venir en nous sans tarder, répandez-vous dans notre cœur »

Oh ! Quelle merveilleuse prière du disciple du Seigneur en ce début de cette petite heure, Tierce. C’est une  invocation au Saint Esprit, L’Eglise nous fait confesser la Sainte Trinité et l’unité des personnes divines. Tant il est vrai que l’Office divin est une véritable confession de foi. Un vrai Credo !

Mais ce qu’il faut surtout relever dans cette strophe, c’est l’appel pressant que le disciple fait de la venue en son âme du Saint Esprit.

Cette strophe me fait surtout penser, en effet, à la prière sacerdotale du Christ, le Jeudi saint, au cours de la Cène, de l’Institution de la sainte Eucharistie. Jésus parle de l’Esprit Saint à ses Apôtres et de sa venue en leurs âmes, de son envoi par son Père. Souvenez-vous de ces merveilleuses paroles du Christ en Saint Jean : ( Ch 14 16…25) Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu’il demeure toujours avec vous; C’est l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point: mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure au milieu de vous; et il sera en vous. Je ne vous laisserai point orphelins; je viendrai à vous…Je vous ai dit ces choses pendant que je demeure avec vous. Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint, que mon Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit…. »

Nous entendons la même doctrine dans les chapitres 15 et 16 : 26.Lorsque le Consolateur que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, sera venu, il rendra témoignage de moi. Et vous aussi, vous me rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi dès le commencement. »

(Jn 16….7-16) ».Cependant je vous dis la vérité: il vous est bon que je m’en aille; car, si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas en vous; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai.
.Et quand il sera venu, il convaincra le monde au sujet du péché, de la justice et du jugement:
9.Au sujet du péché, parce qu’ils n’ont pas cru en moi; Au sujet de la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus; Au sujet du jugement, parce que le Prince de ce monde est déjà jugé. J’ai encore beaucoup de choses à vous dire; mais vous ne pouvez les porter à présent. Quand le Consolateur, l’Esprit de vérité, sera venu, il vous guidera dans toute la vérité. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Celui-ci me glorifiera, parce qu’il recevra de ce qui est à moi, et il vous l’annoncera. Tout ce que le Père a, est à moi. C’est pourquoi j’ai dit qu’il recevra ce qui est à moi, et qu’il vous  l’annoncera. Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce  que je vais à mon Père. »

Et c’est ainsi que le jour de la Pentecôte, les disciples furent en effet remplis du Saint Esprit. Voilà le récit des Actes des Apôtres  au chapitre 2: 1 Comme le jour de la Pentecôte était arrivé, ils étaient tous ensemble au même (lieu). Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent,  qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent paraître des langues séparées, comme de feu; et il s’en posa
(une) sur chacun d’eux. Et tous furent remplis d’Esprit-Saint, et ils se mirent à parler en d’autres langues, selon ce que l’Esprit leur donnait de proférer ».

C’est donc bien à juste titre que le disciple qui récite son office peut demander dans sa prière la venue du Saint Esprit : « Dignare promptus ingeri  Nostro refusus pectori » « daignez venir en nous sans tarder, répandez-vous dans notre cœur »

« Promptus »  du verbe promo promere, prompsi promptum : tirer hors de de, faire sortir de…

« refusus » de refundo ere fudi, fusum, verbe qui veut dire verser, répandre

« Os, lingua, mens, sensus, vigor Confessionem personent, Flammescat igne caritas, Ascendat ardor proximos »

« Que bouche, langue, âme, sens, vigueur fassent retentir la louange, que la charité nous enflamme, que son ardeur embrase notre prochain »

C’est là aussi une merveilleuse prière ! Elle a pour objet Dieu, nous même, et notre prochain.

Dieu : l’officiant veut louer sa Puissance. Il veut y mettre tout son cœur, toute sa vigueur, toute sa force. « Vigor » : c’est la force vitale, c’est la force du corps, c’est la force de l’âme, c’est même l’éclat (pour les pierres précieuses). Et de fait, l’adorant invoque toutes ses puissances : la bouche, la langue, l’esprit, les sens…pour la louange de Dieu. C’est comme l’orgue qui a tiré tous ses jeux pour le plus grand  des effets.

Le verbe est particulièrement bien choisi ; « personare ». Il veut dire précisément : résonner, retentir de tous côtés, rendre un son éclatant ou prolongé. On le traduit également par faire résonner, faire retentir, frapper (oreille) et même crier, proclamer à haute voix. La réunion de « vigor » et de « personare » laisse entendre la force que l’âme veut mettre dans cette louange qui est aussi confession. « Confessionem ». On comprend que cette louange doit être énergique, sonore, viril.

« Flammescat igne caritas ». « Que la charité nous enflamme ». Cette partie de strophe va dans le même sens que la précédente. Elle exprime une intensité de sentiment : « Que la charité nous enflamme ». En lisant cela, j’ai pensé à la belle prière du prêtre lorsqu’il rend à l’enfant de chœur, l’encensoir après l’encensement de l’autel lors de l’offertoire : « Que le Seigneur allume (ascendat) en nous le feu de son amour (ignem sui amoris) et la flamme (flammam aeternae caritatis) de l’éternelle charité ».

« Ascendat ardor proximos » « Que son ardeur embrase notre prochain ».

C’est toujours la même intensité qui est ici manifeste. Le mot «  ardor » en témoigne si il était nécessaire d’en donner la preuve. On retrouve le verbe « Ascendere » de la prière de l’offertoire. C’est une belle prière qui exprime le dogme de la communion des Saints. On prie pour son prochain lui souhaitant le plus belle des choses : que la charité débordante du Christ soit en son âme. Que peut-on souhaiter de plus beau ! C’est une application concrète de la charité fraternelle que nous a enseignée NSJC. En Saint Jean, NSJC nous dit : « Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande….Ce que je vous ordonne, c’est de vous aimer les uns les autres » (Jn 15 12, 17) mais le don de sa vie est l’expression suprême de la charité !

Praesta, Pater piissime, Patrique compar unice, Cum Spiritu Paraclito regnans per omne saeculum. Amen »

« Exaucez- nous, Père Très bon et vous, L’unique égal au Père, avec l’Esprit Paraclet régnant dans tous les siècles. Amen ».

Et cette hymne se termine comme tous les hymnes à la gloire de la sainte Trinité en la priant d’exaucer notre prière.

Elle confesse que le Père est « piissime » c’est le superlatif de « pius »  que l’on traduit par « juste », « saint ». Nous retrouvons le « sanctus » de notre liturgie, répété trois fois, en l’honneur de la Trinité.

Elle confesse que le Fils est l’unique Fils  et l’égal du Père :  compar unice. C’est là l’affirmation de toutes les théophanies : « Voici mon Fils bien aimé en qui je me complait ». Et saint Jean, lui-aussi, dans son Evangile en son chapitre 3 16 confesse qu’il est l’unique Fils : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il envoya son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle ».

 

 

L’hymne de Laudes et des Vêpres de la fête de l’ascension.

« Salutis humanae sator, Jesu, voluptas cordium Orbis redempti Conditor et casta lux amantium de mondo » 

Auteur du salut des hommes, ô jésus, joie des cœurs, créateur du monde  racheté, et chaste lumière de ceux qui aiment

« Sator satoris : créateur, auteur. « Salutis humaniae sator » : cette apostrophe contemple le Christ dans son œuvre salvifique. « Auteur du salut des hommes ». C’est en effet la plus belle acclamation que l’on puisse adresser  au Christ : il est le Sauveur. Il est en effet au cœur du plan salvifique de Dieu prévu de toute éternité. C’est l’affirmation de saint Paul. Il ne cesse de la  répéter dans ses Epîtres.

Prenez par exemple 1 Tim 2 3-7 : « Cela est bon et agréable aux yeux de Dieu notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car un seul (est) Dieu; un seul aussi (est) médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus homme, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous : le témoignage (en est produit) au temps voulu, et c’est à cette fin que moi j’ai été établi prédicateur et apôtre, — je dis la vérité, je ne mens pas, — docteur des Gentils dans la foi et la vérité ».

Cette acclamation au Christ Sauveur, il est heureux que l’Eglise la fasse chanter ou réciter au prêtre pour qu’il garde une heureuse et vraie  connaissance de son ministère. Le prêtre, en effet, « du Dieu Sauveur » n’apporte pas aux hommes une  panacée de leurs maux physiques ou sociaux, ce qui serait une contradiction radicale avec la charte des Béatitudes évangéliques, mais il apporte  le salut de leur âme, l’accès du Royaume de Dieu. Or ces biens spirituels s’obtiennent par la foi au Christ Sauveur. « salutis humanae Sator »

Je vous dis que cette acclamation du Christ Sauveur est le tout de l’Evangile de Saint Paul. Voyez ce qu’il confesse aux Colossiens : «  Maintenant je suis plein de joie dans mes souffrances pour vous, et ce qui manque aux souffrances du Christ en ma propre chair, je l’achève pour son corps, qui est l’Eglise. J’en ai été fait ministre, en vue de la charge que Dieu m’a donnée auprès de vous, afin d’annoncer pleinement la parole de Dieu, le mystère caché aux siècles et aux générations passées, mais manifesté maintenant à ses saints, à qui Dieu a voulu faire connaître combien est grande pour les Gentils la gloire de ce mystère qui est le Christ, en qui vous avez l’espérance de la gloire.  C’est lui que nous annonçons, avertissant tous les hommes, les instruisant en toute sagesse, afin que nous rendions tout homme parfait dans le Christ Jésus.
C’est pour cela que je travaille, et que je lutte selon la force qu’il me
donne, et qui agit en moi avec puissance ».
(Col 1 25-27)

Tel est l’objet de la prédication évangélique. Que nos prêtres se le disent. Que nos diacres s’en inspirent totalement.

« Jesus » : du reste, le mot « Jésus » est bien placé ici puisqu’il signifie également « sauveur ». C’est l’enseignement de l’ange à saint Joseph lors de son songe : « l’enfant qu’elle a conçu vient de l’Esprit Saint. Elle va mettre au monde un fils, à qui vous donnerez le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1 21). C’est l’annonce également de l’ange aux bergers de la crèche

« Voluptas cordium »  C’est ici traduit par « joie » « joie des cœur ». C’est assez distingué. Mais « voluptas » veut dire exactement plaisir, volupté, satisfaction charme. Je traduirai volontiers par « charme des cœurs ». ce Jésus est tel qu’il charme nos cœurs !

Charme ou joie, peu importe…Ce sentiment est tout à fait évangélique ! Le Christ est bien la joie de nos cœurs parce qu’il est l’auteur de notre salut ! C’est clairement l’affirmation de l’ange de la nativité aux bergers.  L’ange leur annonce une grande joie. Souvenez-vous du récit de saint Luc : « Il y avait dans la même région des bergers qui vivaient aux champs et qui  veillaient la nuit sur leur troupeau.  Un ange du Seigneur parut auprès d’eux et la gloire du Seigneur les  enveloppa de clarté, et ils furent saisis d’une grande crainte. Mais l’ange leur dit :  » Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle  qui sera pour tout le peuple une grande joie : il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est le Christ Seigneur.
Et voici ce qui vous en sera le signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche.  » Tout à coup se joignit à l’ange une troupe de la milice céleste, louant Dieu et disant :  » Gloire, dans les hauteurs, à Dieu ! Et, sur terre, paix chez les hommes de bon vouloir !  »

Mais nous pouvons aussi nous souvenir de l’affirmation de saint Jean dans sa Première Epître : « Ce qui était dès le commencement ce que nous avons entendu,  ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé  et ce que nos mains ont touché, du Verbe de vie,  – car la Vie a été manifestée, et nous l’avons vue, et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la Vie éternelle, qui était dans le sein du Père et qui nous a été manifestée – ce que nous avons vu et entendu, nous nous l’annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous, et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Et nous vous écrivons ces choses, afin que votre joie soit complète ». 

« Orbis redempti Conditor » « Créateur du monde racheté » :

« Conditor » Fondateur  auteur, créateur « du monde racheté ».

Ce Sauveur a racheté le monde. C’est dire clairement que le salut, le salut du monde, notre salut est un rachat. « Redimere » veut dire racheter un captif, un objet. Ce verbe veut dire aussi délivrer, sauver, acquérir. Ainsi vous voyez que ce verbe désigne le rachat d’un esclave moyennant une rançon, un prix convenu. Ainsi Rédemption dit plus que réparation et restitution. Dieu aurait pou, il est vrai, sans exiger aucune satisfaction, rétablir l’homme dans toutes les prérogatives de l’état d’innocence, lui conférer même des privilèges plus insignes et d’un ordre supérieur : c’eut été une élévation nouvelle, non point une rédemption. Ce qui caractérise la rédemption, c’est le paiement du prix pour la dette contractée, la rançon pour le captif. « Dieu pouvait, nous dit saint Thomas, adopter un autre plan pour réparer le genre humain et s’il l’avait choisi, ce dessein eut été parfaitement convenable ; mais alors c’eut été une délivrance, non pas une rédemption, parce qu’il n’aurait pas eu la solution d’un prix » (III Sent 20 1 4). Notre strophe utilise le mot « redimere ». En l’occurrence, je veux dire, selon le salut réalisé de fait, c’est le bon mot puisque un prix a été payé et quel prix, rien d’autre que le sang du Christ ! Le rachat, la rédemption éveille donc une foule d’idée, l’idée de servitude, l’idée de rançon, l’idée de réintégration dans l’état de liberté. D’où l’expression redimere captivos ab hostie : racheter des prisonniers à l’ennemi. Voilà l’idée que sou tend le verbe « redimere ».

Quel sera donc le prix ? Pour qu’il y ait rédemption proprement dit, il faut une satisfaction égale à l’offense, par conséquent celle de l’Homme Dieu. « Il ne pouvait en tant que Dieu ni mériter  ni satisfaire car mérite et satisfaction s’adressent à un supérieur et un Dieu ne relève que de soi ; pur homme, la valeur limitée de ses actions aurait été bien vite épuisée, et, comme la malice de la faute est infinie, puisqu’elle s’adresse à Dieu d’une dignité infinie, il n’aurait jamais pu égaler la satisfaction à l’offense. L’incarnation a résolu la difficulté ; par sa nature humaine, le Christ est inférieur à Dieu ; à raison de sa personne divine, il a une dignité infinie, et tout ce qui procède de lui, œuvres et sacrifices, acquiert par la même une infinie valeur.

C’est là que l’on peut mesurer l’amour infini que nous porta le Christ. Dans le plan de Dieu qui voulut un rachat, Il fut la seule victime possible.

Enfin, l’état primitif dans lequel l’esclave est réintégré, c’est l’amitié divine, la grâce avec tous les droits qui en découlent pour le temps et l’éternité.

Ainsi dans la rédemption, l’idée première est celle de satisfaction proportionnée à l’offense et qui, en réparant la faute, apaise Dieu, et nous le rend propice. C’est dire qu’à l’idée de satisfaction est associée l’idée d’un sacrifice d’expiation, de propitiation, de réconciliation. Dieu pardonne parce qu’il voit un Homme-Dieu qui s’est substitué à nous pour mériter et satisfaire à notre place, Dieu est redevenu notre ami et notre père, nous sommes délivrés de la servitude, rétablis dans nos titres et nos droits d’enfants et d’héritiers.

Ainsi le concept de la Rédemption renferme ces notions multiples : par rapport à Dieu c’est une satisfaction et un sacrifice ; de la part de Jésus-Christ, c’est une substitution volontaire à la place de l’homme (subsitutio vicairia), acte très libre et cependant acte d’obéissance complète qui lui fait accepter pour nous la mort sur la croix ; «  Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père » et du côté de l’homme, c’est une délivrance de l’esclavage, une restauration dans les privilèges de l’état primordial.

Voilà ce que contient le verbe « redimere » très heureusement utilisé par l’ auteur de cette strophe. Que la théologie de cet hymne est riche ! Voilà tout ce que sou tend cette expression :  « Orbis redempti Conditor » »   « Créateur du monde racheté ». 

 

« et casta lux amantium »  « Chaste lumière de ceux qui aiment » 

Le Christ, de fait, est la lumière. C’est le prologue de saint Jean qui nous le présente ainsi : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu. Tout par lui a été fait, et sans lui n’a été fait rien de ce qui existe. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. Il y eut un homme, envoyé de Dieu; son nom était Jean. Celui-ci vint en témoignage, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui: non que celui-ci fût la lumière, mais il avait à rendre témoignage à la lumière. .La lumière, la vraie, celle qui éclaire tout homme, venait dans le monde. Il (le Verbe) était dans le monde, et le monde par lui a été fait, et le monde ne l’a pas connu. Il vint chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais quant à tous ceux qui l’ont reçu, Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui  croient en son nom, Qui non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu sont nés ». (Jn 1 1-9)

Sur ce sujet de la lumière, on ne peut pas ne pas citer les phrases de Jean en son chapitre 3 : « Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Or, voici quel est le jugement: c’est que la lumière est venue dans le monde, et que les hommes ont  mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises ».

Vous apprécierez le complément : « chaste lumière de ceux qui aiment ». En effet on ne peut choisir cette lumière que si l’on aime le bien et fuit le mal. Saint Jean le laisse clairement entendre toujours dans ce même passage, les quelques versets plus loin,  aux versets 19-21 : « Or, voici quel est le jugement: c’est que la lumière est venue dans le monde, et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Car quiconque fait le mal, hait la lumière, de peur que ses œuvres ne soient blâmées.
Mais celui qui accomplit la vérité vient à la lumière, de sorte que ses œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites en Dieu. »


« Qua victus es clementia ut nostra ferres crimina ?

« Quelle clémence vous a vaincu pour que vous portiez nos crimes »

« Mortem subires innocens, A morte nos ut tolleres »

« Qu’innocent vous subissiez la mort pour nous arracher à la mort »

C’est là encore un beau résumé d’un des aspects du mystère de la Rédemption. « Quelle clémence l’a vaincu », dites-moi ? Je réponds sa miséricorde, sa charité. « Sa clémence ». C’est en effet par pure miséricorde que le Christ Seigneur, c’est fait victime pour nos péchés. Le Concile de Trente est formel : « Lorsque nous étions ennemis de Dieu, à cause de l’immense charité dont il nous a aimés, nous a mérité la justification par sa très sainte passion sur l’arbre de la Croix et il a  offert une satisfaction pour nous à Dieu le Père : pro nobis Deo Patri satisfecit ».

Ainsi innocent, il accepte volontairement et librement de subir la mort afin de nous arracher à la mort que le péché avait introduit dans le monde.

C’est tout l’enseignement du « Serviteur Souffrant » d’Isaïe en son chapitre 53. Là, se trouve l’idée plénière de la substitution volontaire qui domine toute la théologie de la rédemption : le Messie meurt pour les péchés du peuple.

« Qui a cru ce que nous avons entendu, et à qui le bras de Yahweh a-t-il été révélé? Il s’est élevé devant lui comme un frêle arbrisseau ; comme un rejeton qui sort d’une terre desséchée;  il n’avait ni forme ni beauté pour attirer nos regards, ni apparence pour exciter notre amour. Il était méprise et abandonné des hommes, homme de douleurs et familier de la souffrance, comme un objet devant lequel on se voile la face; en butte au mépris, nous n’en faisions aucun cas. Vraiment c’était nos maladies qu’il portait, et nos douleurs dont il s’était chargé; et nous, nous le regardions comme un puni, frappé de Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.
Nous étions tous errants comme des brebis, chacun de nous suivait sa propre voie ; et Yahweh a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous.
On le maltraite, et lui se soumet et n’ouvre pas la bouche, semblable à l’agneau qu’on mène à la tuerie, et à la brebis muette devant ceux qui la tondent; il n’ouvre point la bouche. Il a été enlevé par l’oppression et le jugement, et, parmi ses contemporains, qui a pensé qu’il était retranché de la terre des vivants, que la plaie le frappait à cause des péchés de mon peuple?
On lui a donné son sépulcre avec les méchants, et dans sa mort il est avec le riche, alors qu’il n’a pas commis d’injustice, et qu’il n’y a pas de fraude dans sa bouche. Il a plu à Yahweh de le briser par la souffrance; mais quand son âme aura offert le sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et le dessein de Yahweh prospérera dans ses mains. A cause des souffrances de son âme, il verra et se rassasiera. Par sa connaissance le juste, mon Serviteur, justifiera beaucoup d’hommes, et lui-même se chargera de leurs iniquités.
C’est pourquoi je lui donnerai sa part parmi les grands; il partagera le butin avec les forts ».

Le Nouveau Testament reprendra la totalité de cet enseignement de la substitution vicaire par amour. Et tout d’abord comment ne pas citer les merveilleuses paroles de saint Jean Baptiste : « Voici l’Agneau de Dieu qui porte les péchés du monde » (Jn 1 29) C’est Lui, redira plus tard, saint Pierre qui a porté en son corps sur la croix nos propres péchés : 1 Pet 2 22. Lui, qui n’avait point de péché, ajoute Saint Jean, il est venu pour porter nos péchés ( 1 Jn 3 5). Qu’est-ce donc que porter nos péchés ? N’est-ce pas les prendre, pour ainsi dire, à son compte, pour nous en décharger nous-mêmes ? N’est-ce pas se substituer à  nous par amour ?

C’est parfaitement exprimé dans cette strophe :

« Qua victus es clementia ut nostra ferres crimina ?

« Quelle clémence vous a vaincu pour que vous portiez nos crimes » .

Vraiment le Christ a payé notre dette à notre place, dira Saint Athanase. Jésus-Christ a si bien pris notre place que sa vie est le prix de la nôtre, est donnée pour la nôtre. La raison théologique est claire : Avec le Christ, nous ne faisons qu’une seule personne mystique, ainsi que la tête et les membres. D’où il suit que les satisfactions du Sauveur peuvent se déverser sur ses fidèles et leur appartenir comme aux membres de son corps : « Caput et membra sunt quasi una persona mystica ; et ideo satisfactio Christi ad omnes fideles pertinet sicut ad sua membra » (III 48 2 ad 1). Ainsi ce n’est pas en vertu d’un droit personnel que nous recevons la justification, Mais en vertu de la charité immense de notre Sauveur. Justice et miséricorde, voilà la merveille de la Rédemption.

Perrumpis infernum chaos : vinctis catenas détrahis ; Victor triumpho nobili Ad desteram Patris sedes »

« Vous forcez l’abime des enfers, vous arrachez aux captifs leurs chaînes ; vainqueur d’un noble triomphe, vous trônez à la droite du Père »

« Perrumpis » de perrumpo ere ruptum : c’est un verbe très violent :  il veut faire irruption, envahir dans , pénétrer de force, forcer ; dans un sens transitif, il veut dire rompre entièrement , briser, ouvrir violemment, enfoncer, vaincre. On peut dire que le Christ, aux enfers, ne s’est pas annoncé. Il ne s’est pas fait annoncer, il a pénétré violemment en Maître Souverain.

En effet « il est venu arracher aux captifs leurs chaînes ».

« Detrahis » de detraho ere tractum : c’est également un verbe violent ; il se traduit par : tirer, ôter enlever à, arracher à…Il est venu arracher les chaines aux captifs. Ainsi manifeste-t-il sa toute Puissance. Il est le Maître de tout, au Ciel, sur terre, aux enfers. Et c’est par sa toute Puissance qu’il est monté aux cieux et qu’il est exalté à la droite du Père. C’est purement et simplement notre Credo : il est assis à la droite du Père. C’est  son triomphe, comme sera triomphale sa deuxième apparition. Elle sera cette fois glorieuse.

Voir le chapitre 7 du catéchisme du Concile de Trente.
« Tu cogat indulgentia, ut damna nostra sarcias, Tuique vultus compotes Dites beato lumine »

«  Que notre miséricorde vous pousse à réparer nos malheurs ; faites nous jouir de la bienheureuse lumière de votre visage »

« Cogat » de cogo : pousser devant soi

 

« Sarcias » de sarcio » : veut dire : remettre en bon état, raccommoder, rapiécer ou rétablir, réparer.

« dites » de dito : are enrichir

« Compotes » : de compos compotis : qui est en possession de , qui jouit de…

« Faites nous jouir de de la bienheureuse lumière de votre visage » « vultus tui »: cette conclusion est très heureuse. Elle nous rappelle la première strophe de l’hymne qui nous parle de la lumière qu’est le Christ. « Visage du Christ » que nous contemplerons dans la lumière de gloire pour l’éternité.

« Tu dux ad astra et semita, Sis meta nostris cordibus, Sis lacrimarum gaudium, Sis dulce vitae premium

Amen

« O vous guide et voie(chemin étroit) qui mènent aux cieux, soyez le but de nos cœurs, soyez la joie dans nos larmes, soyez la douce récompense de notre vie ».

Amen

Dux, semita, meta, gaudium, premium : que j’aime ces mots. Ils sont tous parfaitement évangélique. Ils décrivent à merveille l’œuvre du Christ.

« Dux » je pense à la prophétie de Michée « C’est à Bethléem de Judée, lui direbnt-ils : Voici l’oracle du prophète : « Toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es surement pas la moindre parmi les cités de Juda ; c’est de toi que va sortir le chef qui doit gouverner mon peuple, Israël » (Mich 5 1)

« Meta » : chemin : « Je suis la voie la vérité et la vie » Je pense au dialogue entre jésus et les disciples dans le chapitre 14 de saint Jean :  « Que votre cœur ne se trouble point. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père; s’il en était autrement, je vous l’aurais dit, car je vais vous y préparer une place. Et lorsque je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi »

Il est la récompense de notre amour : premium.

« Et là où je vais, vous en savez le chemin. » Thomas lui dit: « Seigneur, nous ne savons où vous allez; comment donc en saurions-nous le chemin? » Jésus lui dit: « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Meta, Via) ; «  nul ne vient au Père que par moi ».

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Le temps de la Pentecôte

Hymne de laudes

Beata nobis gaudia Anni reduxit orbita Cum Spiritus Paraclitus Illapsus est Apostolis

Le Cycle de l’année nous a ramené les joies bienheureuses du jour où l’esprit Paraclet a envahi les apôtres

Le cycle liturgique a été merveilleusement conçu par l’Eglise. Il nous fait parcourir, au fil du temps, tous les mystères de notre foi : le mystère de la l’Incarnation avec ces quatre dimanches préparatoires au mystère de la Nativité, temps liturgique qui culmine avec les grandes Antiennes, les antiennes O ; le temps de Noël avec la Nativité du Seigneur, et ses trois messes du jours de Noël suivie de la  merveilleuse fête de l’Epiphanie du Seigneur qui n’est rien d’autre que la manifestation de la Royauté du Christ aux nations païennes ; le temps après l’Epiphanie avec ses six dimanches ; puis suit la deuxième partie de l’année ecclésiastique qui va célébrer le mystère de la Rédemption avec son temps préparatoire, temps de la septuagésime et ses trois dimanches : septuagésime, sexagésime, quinquagésime, qui est suivi du temps du Carême avec ses quatre dimanches de Carême, en préparation aux grandes semaines de la Passion ; le dimanche de la Passion, le dimanche des Rameaux, suivie des trois jours saints, le Jeudi Saint, le Vendredi Saint, le Samedi Saint  qui sont illuminés du grand triomphe du Christ dans son mystère de la Résurrection. Ainsi s’ouvre le temps pascal, qui va nous réjouir du mystère de la Résurrection avec ses six dimanches après Pâques qui s’ouvrent sur le mystère de l’Ascension et le mystère de la Pentecôte. C’est alors que s’ouvre la dernière partie de l’année de liturgique : le temps après la Pentecôte avec ses 24 dimanches. Et dans ce cours liturgique que l’on appelle le «  temporal », l’Eglise, non seulement place des fêtes propres à NSJC, comme la fête de la sainte famille, l’exaltation de la sainte Croix, la fuite de NSJC en Egypte, le saint nom de Jésus, la Circoncision du Seigneur, la fête du précieux Sang, la Transfiguration du Seigneur, la fête du très Saint rédempteur, la fête de la Sainte Trinité, mais elle n’omettra pas de fêter aussi la Mère de NSJC qui sont très nombreuses et qui s’échelonnent tout au long de l’année. Enfin l’Eglise met sous nos yeux la fête des saints, vrais modèles du Christ. C’est ce qu’on appelle « le sanctoral ».

C’est ainsi que nous sommes arrivés au  mystère de la Pentecôte qui, comme tous les mystères de l’Eglise nous apporte son lot de joie surnaturelle : « beata nobis gaudia », une joie bienheureuse, nous dit l’auteur de l’hymne.

Joie bienheureuse « Cum Spiritus Paraclitus Illapsus est Apostolis » « alors que l’esprit Paraclet a envahi les Apôtres »

L’auteur fait évidemment allusion à la réalité du mystère de la Pentecôte: l’envoi de l’Esprit Saint sur les Apôtres

L’envoi avait tout d’abord été promis par le Christ Seigneur avant l’Ascension. Nous sommes le Jeudi Saint, Jésus donne ses dernières recommandations. C’est au Chapitre 16 de saint Jean, au verset 7 : « Cependant je vous dis la vérité: il vous est bon que je m’en aille; car, si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas en vous; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. Et quand il sera venu, il convaincra le monde au sujet du péché, de la justice et du jugement: Au sujet du péché, parce qu’ils n’ont pas cru en moi; Au sujet de la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus; Au sujet du jugement, parce que le Prince de ce monde est déjà jugé. J’ai encore beaucoup de choses à vous dire; mais vous ne pouvez les porter à présent. Quand le Consolateur, l’Esprit de vérité, sera venu, il vous guidera dans toute la vérité. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir.  Celui-ci me glorifiera, parce qu’il recevra de ce qui est à moi, et il vous l’annoncera. Tout ce que le Père a, est à moi. C’est pourquoi j’ai dit qu’il recevra ce qui est à moi, et qu’il vous  l’annoncera. » 

C’est aujourd’hui chose faite. Saint Luc le raconte dans ses Actes en son chapitre 2:

« Comme le jour de la Pentecôte était arrivé, ils étaient tous ensemble au
même (lieu). Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent paraître des langues séparées, comme de feu; et il s’en posa (une) sur chacun d’eux.
Et tous furent remplis d’Esprit-Saint, et ils se mirent à parler en d’autres
langues, selon ce que l’Esprit leur donnait de proférer.

Or il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs, hommes pieux de toutes
les nations qui sont sous le ciel. Ce bruit s’étant produit, la foule s’assembla et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler en sa propre langue. Ils étaient stupéfaits et s’étonnaient, disant :  » Tous ces gens qui parlent,
ne sont-ils pas des Galiléens? Comment donc les entendons-nous chacun dans notre propre langue maternelle? Partes, Mèdes, Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Egypte et des contrées de la Lybie
Cyrénaïque, Romains résidant (ici), tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans nos langues les merveilles de Dieu.  » Ils étaient tous stupéfaits et ne savaient que penser, se disant l’un à l’autre :  » Qu’est-ce que cela peut bien être?  » Mais d’autres disaient en se moquant :  » Ils sont pleins de vin doux.  » (Act 2 1 13)


« Illapsus est » : le verbe utilisé par l’auteur est « illapsus est » de illabor qui veut dire tomber sur, se glisser dans, pénétrer dans. Il donne un mot de la quatrième déclinaison : « illapsus us : action de tomber, de pénétrer dans, il se traduit par irruption : faire irruption. C’est donc un verbe qui montre une action puissante. C’est ainsi qu’il faut comprendre la venue de l’Esprit Saint sur les Apôtres. « Il a fait une véritable irruption sur les Apôtres ». D’où le grand bruit signalé par l’évangéliste Luc: « Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent… »

« Ignis vibrante lumine linguae figuram detulit,  verbis ut essent proflui et caritate fervidi »

«  Le feu à l’éclat vibrant a pris la forme de langue pour qu’ils fussent abondants en paroles et brulants de charité »

L’auteur de l’hymne est parfaitement fidèle au récit de Saint Luc. « Comme le jour de la Pentecôte était arrivé, ils étaient tous ensemble au
même (lieu). Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent paraître des langues séparées, comme de feu (et apparuerunt illis  dispertitae linguae tamquam ignis); et il s’en posa  (sedit supra singulos eorum)(une) sur chacun d’eux.
Et tous furent remplis d’Esprit-Saint, et ils se mirent à parler en d’autres
langues, selon ce que l’Esprit leur donnait de proférer ».

L’auteur s’inspirant de l’hymne parle lui aussi de  la manifestation de l’Esprit Saint : sous forme de langue de feu, comme des langues de feu, « sous la figure de langue », avec la note très juste ajoutée par l’auteur : « l’éclat » et la « fébrilité » du feu ; « Ignis vibrante lumine linguam figuram».

Detulit » : du verbe « defero ere detuli qui veut dire : porter, étaler, exposer…Le verbe est bien choisi puisque l’Esprit Saint s’étale, se manifeste  sur chaque apôtre.

(dans le récit des Actes nous avons le verbe dispertitae qui vient de dispergo ere qui veut dire répandre, jeter de côté et d’autre, disperser, éparpiller, distribuer)

« verbis ut essent proflui et caritate fervidi »

« pour qu’ils fussent abondants en paroles et brulants de charité »

Voilà les effets de la présence du Saint Esprit sur les Apôtres en ce jour de la Pentecôte. La crainte les abandonne, la charité les réchauffe. Tel est, du reste, le symbolisme de la langue de feu. La langue est l’organe de la parole. Le feu dans l’âtre est la chaleur, le symbole de la charité et de la lumière.

Et de fait Saint Pierre , avec les onze qui l’accompagnaient, sous l’effet du Saint Esprit prit la parole et leur adressa le premier discours chrétien avec un courage remarquable et farouche.

Le verbe latin est bien choisi : « proflui » de profluere qui veut dire « couler, sortir en abondance et même couler de source. C’est tout à fait le cas en l’occurrence : « verbis ut essent proflui », « pour qu’ils fussent abondants en paroles »

Et brulants de charité, « caritate fervidi » : par l’effet du Saint Esprit ils furent plein de charité. C’est cette charité pour Dieu, qui les firent affronter pleins de courages les juifs. « fervidi » fervidus :  chaud, bouillant, brulant, agité, bouillonnant, démonté (un ocean) Au fig. : vif, impétueux, véhément. Ce mot rend bien compte de l’état où se trouvaient les Apôtres sous l’emprise du saint Esprit. A-t-elle point qu’on les croyait ivres !

Voyez le texte de saint Luc :

« Or il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs, hommes pieux de toutes
les nations qui sont sous le ciel. Ce bruit s’étant produit, la foule s’assembla et fut bouleversée, parce que  chacun les entendait parler en sa propre langue.
Ils étaient stupéfaits et s’étonnaient, disant :  » Tous ces gens qui parlent, ne sont-ils pas des Galiléens? Comment donc les entendons-nous chacun dans notre propre langue
maternelle? Partes, Mèdes, Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Egypte et des contrées de la Lybie Cyrénaïque, Romains résidant (ici), tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans
nos langues les merveilles de Dieu.  » Ils étaient tous stupéfaits et ne savaient que penser, se disant l’un à l’autre :  » Qu’est-ce que cela peut bien être?  » Mais d’autres disaient en se moquant :  » Ils sont pleins de vin doux. « 

 Or Pierre, se présentant avec les Onze, éleva la voix (levavit vocem suam)et leur déclara :  » Juifs, et (vous) tous qui séjournez à Jérusalem, sachez bien ceci, et prêtez l’oreille à mes paroles.
Ces hommes en effet ne sont point ivres, comme vous le supposez, car
c’est la troisième heure du jour.
  Mais c’est ce qui a été dit par le prophète Joël : Il arrivera dans les derniers jours, dit Dieu, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes. Oui, en ces jours-là, je répandrai de mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes, et ils prophétiseront.  Et je ferai paraître des prodiges en haut dans le ciel, et des signes en bas sur la terre : du sang, du feu, de la fumée en éruption; le soleil se changera en ténèbres, et la lune en sang, avant que vienne le jour du Seigneur, le (jour) grand et éclatant.
Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Israélites, écoutez ces paroles : Jésus de Nazareth, homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, les prodiges et les signes que Dieu  a faits par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes; cet homme qui fut livré selon le dessein arrêté et la prescience de Dieu, que vous avez fait mourir en le crucifiant par la main des impies, Dieu l’a ressuscité, déliant les liens de la mort, parce qu’il n’était pas possible qu’elle le tînt en son pouvoir.
David, en effet, dit à son sujet : Je voyais, continuellement le Seigneur
devant moi, parce qu’il est à ma droite, afin que je ne sois point ébranlé.
C’est pour cela que mon cœur s’est réjoui, et que ma langue a été dans
l’allégresse, et qu’aussi même ma chair reposera dans l’espérance :
parce que vous n’abandonnerez pas mon âme dans le séjour des morts, et
vous ne permettrez pas que votre Saint voie la décomposition.
Vous m’avez fait connaître les chemins de la vie; vous me remplirez de joie
par (la vue de) votre face.
Mes frères, il est permis de vous dire avec assurance du patriarche
David, qu’il est mort, qu’il a été enterré et que son tombeau est encore
aujourd’hui parmi nous. Comme donc il était prophète et savait que Dieu lui avait juré par serment de faire asseoir sur son trône un fils de son sang,  voyant d’avance, il a parlé de la résurrection du Christ, (disant) et qu’il
n’a pas été abandonné dans le séjour des morts, et que sa chair n’a pas vu la
décomposition.
C’est ce Jésus que Dieu a ressuscité : nous en sommes tous témoins. Ayant donc été élevé par la droite de Dieu et ayant reçu du Père l’Esprit-Saint promis, il a répandu ce que vous voyez et entendez. Car, David n’est pas monté aux cieux, mais il dit lui-même : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que j’aie fait de vos ennemis un escabeau pour vos pieds.
Que toute la maison d’Israël sache donc avec certitude que Dieu l’a fait
et Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié. « 

Or, en entendant (cela), ils eurent le cœur transpercé, et ils dirent à
Pierre et aux autres apôtres :  » Frères, que ferons-nous?  »
Pierre leur dit :  » Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au
nom de Jésus-Christ pour la rémission de vos péchés, et vous recevrez le don
du Saint-Esprit, car la promesse est pour vous, et pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, autant qu’en appellera le Seigneur notre Dieu.  »  Et avec force autres paroles il donna son témoignage; et il les exhortait
en disant :  » Sauvez-vous de cette génération perverse !  »
Eux donc, ayant accueilli sa parole, furent baptisés; et ce jour-là
s’adjoignirent environ trois mille personnes.

Et ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et aux réunions
communes, à la fraction du pain et aux prières.

Or la crainte était dans toutes les âmes, et beaucoup de prodiges et de
miracles se faisaient par les apôtres ». 

 Linguis Loquuntur omnium ; Turbae pavent gentilium, Musto madere députant ; Quos Spiritus repleverat, patrata sunt haec mystice.

Ils parlent les langues de tous ; les foules des gentils sont dans la stupeur : ils croient pris de vin nouveau ceux que l’Esprit avait comblés

Ces remarques sont absolument fidèles au récit des Actes :

«  Ils parlent les langues de tous » « Linguis loquuntur omnium » « Turbae pavent gentilium » « les foules des gentils sont dans la stupeur,

« Pavent » de « paveo » : être vivement ému ; être effrayé, épouvanté (actuellement). Le texte de saint Luc utilise le verbe : « stupebant » de stupeo :  être frappé d’étonnement, d’admiration, demeurer interdit ; regarder avec étonnement, admirer. Et ce verbe est complété par le verbe « mirabantur » de mireor : s’étonner, être surpris, s’étonner de ou de ce que …, Il a aussi un sens d’admiration : voir avec admiration, admirer. Ce mot est particulièrement riche. Il donne « mirabilis » étonnant, merveilleux, admirable ; mirabiliter : étonnement, prodigieusement, extraordinairement ; mirabundus, émerveillé stupéfait ; de là viendra aussi le miracle : miraculum, chose étonnante,, merveille, prodige, mirandus, digne d’admiration ; mirifice adv :  étonnement.

 

« Les gentils » ceux qui sont présents le jour de la Pentecôte sont bien  des nations païennes

« Or il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs, hommes pieux de toutes
les nations qui sont sous le ciel. Ce bruit s’étant produit, la foule s’assembla et fut bouleversée, parce que  chacun les entendait parler en sa propre langue.
Ils étaient stupéfaits et s’étonnaient, disant :  » Tous ces gens qui parlent, ne sont-ils pas des Galiléens? Comment donc les entendons-nous chacun dans notre propre langue maternelle? Partes, Mèdes, Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Egypte et des contrées de la Lybie Cyrénaïque, Romains résidant (ici), tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans
nos langues les merveilles de Dieu.  » Ils étaient tous stupéfaits et ne savaient que penser, se disant l’un à l’autre
(stupebant autem omnes et mirabantur ad invicem dicentes…)  » Qu’est-ce que cela peut bien être?  » Mais d’autres disaient en se moquant :  » Ils sont pleins de vin doux. « 

« Musto madere députant ; Quos Spiritus repleverat

« ils croient pris de vin nouveau ceux (Mais d’autres disaient en se moquant :  » Ils sont pleins de vin doux. ) « que l’esprit avait comblés »

« Deputant » estimer, juger.

« Musto madere » Musto de mustum i : vin doux

« madere » être ivre, être cuit, être plein, regorger de

« ceux que l’esprit avait comblés »

« repleverat » : repleo, remplir, emplir, remplir, combler rassasier, gorger.

C’est le même  verbe qui est utilisé lors de la visite de Marie à sa cousine Elizabeth. « Dès qu’Elizabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein et elle fut elle-même remplie du Saint Esprit…Elevant la voix elle dit… «  et factum est ut audivit salutationem Mariae Elizabeth exultavit infans in  utero et repleta est Spiritu Sancto et exclamavit voce magna… » (Luc 1 41).

C’est encore le même verbe qui est utilisé à l’occasion de la naissance de saint Jean Baptiste : « …et Spiritu sancto replebitur adhuc in utero matris suae… »

Voir aussi les actes des Apôtres et saint Pierre : Act 4  8 : repletus Spiritu Sancto Petrus dixit… »

“Patrata sunt haec mystice, Paschae peracto tempore, Sacro dierum circulo quo lege fit remissio »

“Ces choses se sont accomplies selon le mystère, lorsque le temps de la Pâque fut achevé, dans le cycle sacré des jours où se fait légalement la remisse des dettes »

Te nunc Deus piissime, Vultu precamur cernuo ; Illapsa nobis caelitus largire dona Spiritus

C’est vous, maintenant, Dieu très bon, que nous prions, prosternés : accordez nous les dons de l’Esprit qui nous viennent du ciel »

Que nous prions « prosternés », « Vultu cernuo » « cernuo are : tomber la tête la première.  Cernuus a um : qui tombe la tête première, penché, incliné. Voilà l’attitude que l’Eglise nous demande d’avoir dans notre supplique des dons du Saint Esprit auprès du Dieu très bon « piissime ». C’est une attitude éminemment liturgique, une attitude d’adoration et de sujétion devant la grandeur du Dieu de majesté.

« Illapsa nobis caelitus largire dona Spiritus »

« accordez nous les dons de l’Esprit qui nous viennent du ciel » 

Vous remarquerez que le verbe utilisé ici : « Illapsa » est le même que celui que l’auteur utilisait dans la première strophe parlant de la venue de l’Esprit Saint dans le cœur des Apôtre..

« Dudum sacrata pectora tua replesti gratia : dimitte nostra crimina et da quieta tempora »

« Ces cœurs récemment consacrés, vous les avez remplis de votre grâce : remettez nous nos crimes et donnez-nous des jours paisibles »

« Dudum »  il y a quelques temps, depuis peu

Deo Patri sit gloria Et filio qui a mortuis Surrexit, ac Paraclito in saeculorum saecula Ameen

« A Dieu le Père soit la gloire et au Fils qui ressuscité des morts et au Paraclet, dans les siècles des siècles » Amen.

C’est la strophe finale tout à la gloire de Dieu. Et c’est ce chant de gloire qui unit notre prière à celles des anges de la cours céleste. La prière de l’Eglise qu’assurent les prêtres est une véritable « concélébration » avec l’Eglise céleste. « socia exultatione concelebrant » disons-nous dans la préface commune..

 

 

 

 

Le temps de la Pentecôte

Hymne des Vêpres

 

Veni creator Spiritus, Mentes tuorum visita, Imple superna gratia, Quae tu creasti pectora

Venez Esprit Créateur, visitez les âmes qui sont à vous, remplissez de grâce d’en-haut les cœurs que vous avez créés

 

« Veni creator Spiritus » : La dévotion au Saint Esprit ! Voilà une dévotion qui n’est pas commune, aujourd’hui. Heureusement que la fête de la Pentecôte est là pour nous la rappeler. « Le Saint- Esprit semble presque surérogatoire, inutile », nous disait un jour en 1975, Mgr Lefebvre dans une conférence, « On connaît Dieu le Père, créateur, on connaît Dieu le Fils, qui s’est incarné et qui par-là est plus proche de nous, d’autant plus qu’il se trouve présent dans la sainte Eucharistie. L’Esprit-Saint, par contre, on le définit mal, on ne voit pas très bien quelle est son action, puisque nous sommes créés et rachetés » par le Fils.

Que peut faire encore le Saint-Esprit ?

En  réalité, tout se fait par le Saint-Esprit. Le Père et le Fils n’agissent pas en dehors du Saint-Esprit. Pourquoi ? La raison en est bien simple. « Dieu est charité » (1 Jn 4, 8), nous dit saint Jean dans une de ses lettres. Donc Dieu ne peut pas agir autrement que par charité, il ne peut pas se passer de cette charité qui est sa nature propre, qui est son être propre. Et cette charité est précisément personnalisée par le Saint-Esprit. La personne même du Saint-Esprit est la charité du Père envers le Fils et du Fils envers le Père. Par conséquent, ni l’un ni l’autre ne peuvent faire quoi que ce soit si ce n’est à travers leur amour, c’est-à-dire à travers le Saint-Esprit ».

Voilà pourquoi l’Esprit Saint est dit « creator », puisque la création, comme la rédemption, est une œuvre de Charité.

Veni creator spiritus : ne méprisons pas cette dévotion au Saint-Esprit,

« Mentes tuorum visita, Imple superna gratia, Quae tu creasti pectora

« visitez les âmes qui sont à vous, remplissez de grâce d’en-haut les cœurs que vous avez créés »

 

« Implere » : veut dire, emplir, combler un vide, combler quelqu’un de présents ; mais aussi engraisser, saturer, rassasier. C’est le verbe utilisé par ND dans son Magnificat : « esurientes implevit bonis et divites dimisit inanes » « Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides ». On retrouve ce verbe également sous la plume de saint Paul à Timothée : « Tu vero vigila in omnibus labora, opus fac evangelistae, ministerium tuum imple » (2Tim 4 5). C’est le même verbe utilisé par saint Jean dans le miracle de Cana : « Dicit eis Jesus : implete hydrias aqua. Et impleverunt eas usque ad summum. Et dict eis Jesus : haurite nunc et ferte architiclino… ».

Mais de quoi le saint Esprit  remplit-il nos cœurs?

Au-delà des sept dons du Saint-Esprit, il nous remplit de ce que saint Paul appelle « les fruits du Saint- Esprit et les béatitudes ». Il les énumère  dans son épître aux Galates, au chapitre 5 :

« Je dis donc : Marchez selon l’esprit et vous n’accomplirez pas les convoitises de la chair. Car la chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit et l’esprit en a de contraires à ceux de la chair ; ils sont opposés l’un à l’autre de telle sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez. Mais si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes plus sous la Loi. Or les œuvres de la chair sont manifestes, ce sont impudicité, impureté, libertinage, idolâtrie, maléfices, inimitiés, contentions, jalousies, emportements, disputes, dissensions, sectes, envie, meurtres, ivrognerie, excès de table et autres choses semblables. Je vous préviens, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui commettent de telles choses n’hériteront pas du Royaume de Dieu. Les fruits de l’Esprit au contraire sont la charité, la joie, la paix, la patience, la mansuétude, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance. Contre de pareils fruits, il n’y a pas de loi. Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses convoitises. Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi par l’Esprit. » (Ga 5, 16-25)

Il ne s’agit [pas] ici des dons du Saint-Esprit, mais déjà du résultat de notre union avec Notre-Seigneur et avec son Esprit-Saint. On dit « fruits du Saint-Esprit » parce que nous cueillons déjà leur effet en nous. Les fruits permettent déjà une jouissance. Ils nous mettent dans un état de sérénité, de bonté, de douceur qui fait que nous jouissons déjà des grâces que le bon Dieu nous donne par la grâce sanctifiante, par les vertus et par les dons

« On juge l’arbre à ses fruits. » (D’après Mt 12, 33) On peut juger de l’Esprit-Saint qu’ont reçu les Apôtres et les disciples par les fruits du Saint- Esprit.

Quels sont ces fruits ? Saint Paul les énumère. J’en dénombre neuf (9). On peut les réunir en trois groupes.

Le premier groupe comprend la charité, la joie et la paix.

Ils sont ici, dans l’hymne, également énumérés :

« On vous appelle Paraclet, don de Dieu très haut, source vive, feu, amour et onction spirituelle »

« Qui diceris Paraclitus, Altissimi donum Dei, Fons vivus, ignis, caritas et spiritalis unctio »

Je vous ferai remarquer que par la charité, ce fruit de l’Esprit Saint, « C’est déjà le Ciel ! Qu’y aura-t-il d’autre au Ciel ? La charité nous unira à Dieu pour l’éternité. Elle produira dans nos cœurs une joie ineffable et une paix immortelle. Ainsi les fruits que les disciples ont goûtés au moment de la descente du Saint-Esprit sont déjà une participation à l’éternité. Ils ont eu un contact extraordinaire avec Dieu, un contact supérieur à celui qu’ils avaient eu jusqu’alors. Ils se rendirent compte que Dieu est tout, qu’ils avaient tout reçu de lui et que toute leur vie devait être orientée vers lui. Ce contact les a conduits à un don total d’eux-mêmes, définitif. Désormais plus rien ne pourra les détacher de Dieu. Mais s’ils ont approché Dieu d’une manière mystérieuse, profonde, extraordinaire, ils sont encore restés sur la terre.

Mais un autre fruit de l’Esprit Saint, c’est la Paix, Voilà pourquoi nous disons :

« Repoussez l’ennemi au loin et donnez la paix sans tarder ; ainsi guidés et précédés par vous, nous éviterons tout mal »

Hostem repellas longius, Pacemque dones protinus : Ductore sic te praevio Vitemus omne noxium

« Protinus » tout de suite, aussitôt, à l’instant sur le champ.

Et alors quels sont les fruits du deuxième groupe. Ils sont relatifs à cette vie terrestre, dans les événements quotidiens, aux prises avec les difficultés, les épreuves, les doutes, les hésitations, les angoisses ?

Saint Paul les énumère ainsi: la patience, la longanimité, la bonté, la bénignité, la mansuétude. Voilà les fruits de l’espérance. Les Apôtres ont eu les yeux fixés au Ciel, fixés sur Dieu, sur le bonheur éternel qu’ils attendaient à présent avec un espoir profond. « En vous, Seigneur, j’ai placé mon espoir, je ne serai pas confondu. » (Ps 70, 1) C’est bien ce qu’ils devaient se dire. Désormais les choses de la terre leur apparaissaient sous un autre jour. Ils n’y étaient plus attachés. Dans les difficultés, dans les souffrances, dans les angoisses, ils manifestaient ces dispositions de patience, de douceur, de longanimité. Et n’est-ce pas ce visage de douceur, de bonté, de patience, de longanimité que l’on rencontre chez les vrais catholiques dans les épreuves, dans les difficultés, dans les soucis quotidiens ? C’est ce que j’ai vu sur le visage de Mgr Lefebvre au milieu de mille difficcultés…

Et c’est pourquoi il est agréable de dire au milieu des obstacles :

« Allumez la lumière en nos esprits, répandez l’amour dans nos cœurs, vous qui affermissez d’une vertu indéfectible, les faiblesses dues à notre corps »

« Accende lumen sensibus : Infunde amorem cordibus : Infirma nostri corporis Virtute firmans perpéti ».

« Infunde amorem cordibus » « répandez l’amour dans nos cœurs » ; « Amor » que l’on peut bien spécifier par les fruits du deuxième groupe : la patience, la douleur, la longanimité.

Mais malgré ces fruits, les disciples « n’étaient pas nécessairement devenus des saints. Des tentations les guettaient encore. Il y a la tentation de l’orgueil humain qui ne veut pas se soumettre aux mystères que le bon Dieu nous révèle. C’est une épreuve très dure pour notre intelligence, pour notre raison, une épreuve d’humilité. (Cf l’histoire de La Rochelle, et de Montlerry dans la vie de saint Louis par Joinville)

Et puis il y a l’orgueil de la chair. Cette chair veut toujours se révolter contre l’esprit, veut satisfaire ses désirs désordonnés, sa volupté, son intempérance. Alors quels seront les fruits de l’Esprit-Saint [pour surmonter ces tentations] ? Devant cet orgueil, devant cette révolte qui couve toujours dans nos âmes, les fruits du Saint-Esprit seront la foi et la modestie.

La foi : Voilà ce que nous demandons à l’Esprit Saint, le plus beau des fruits de l’Esprit Saint :

Accordez-nous par vous de connaître aussi le Fils et qu’en vous, Esprit de l’un et de l’autre, nous croyons en tout temps »

«Per te  sciamus da Patrem , Noscamus atque Filium, Teque utriusque Spiritum credamus omni tempore »

La foi et la modestie s’unissent parfaitement. Nous devons faire preuve de modestie dans notre raison pour nous soumettre à la foi. Nous sommes de petites intelligences, nous sommes au bas de l’échelle des esprits. Si les anges sont soumis à l’intelligence de Dieu et à la vérité que Dieu leur enseigne, comment nous, pauvres humains, ne le serions-nous pas ? Nous devons être modestes devant Dieu qui nous révèle ses grandes vérités, ses grands mystères : mystère de la Trinité, mystère de l’Incarnation, de la Rédemption et mystères auxquels nous sommes confrontés rien que dans la nature, dans la création. Eh bien, notre esprit doit se soumettre à la vérité de Dieu et à la volonté de Dieu. Voilà les fruits du Saint-Esprit en nous : la foi, la modestie.

Et puis enfin, avec la foi et la modestie, la continence et la chasteté forment le dernier groupe des fruits du Saint-Esprit. Elles modèrent les désirs désordonnés de la chair qui veut se révolter contre l’esprit.

Voyez comment saint Paul, en décrivant les fruits de l’Esprit, nous donne une image admirable de ce que sont devenus les Apôtres en quelques instants le jour de la Pentecôte.

Mais en nous que deviennent les fruits du Saint esprit ?

« Nous aussi, nous avons été associés en quelque sorte aux Apôtres qui se trouvaient dans le Cénacle au moment de notre baptême et à celui de notre confirmation, sacrement qui n’est que le complément de l’effusion du Saint- Esprit reçu au baptême. Nous avons vraiment reçu l’Esprit-Saint.

En avons-nous reçu les fruits ? Examinons-nous. Avons-nous conscience d’avoir Dieu en nous ? Avons-nous conscience de la charité de Dieu envers nous, charité que décrit saint Paul dans sa magnifique épître aux Éphésiens, où il parle de la hauteur, de la profondeur, de l’immensité de la charité de Dieu ? (Ep 3, 18-19) Est-ce que nous vivons vraiment près de Dieu ? Par conséquent, est-ce que nous partageons la paix et la joie de Dieu par la présence du Saint-Esprit en nous ?

Est-ce que nous participons aussi aux fruits qui nous sont donnés pour marcher vers notre éternité, au milieu des difficultés, des tentations, des attraits du péché dans ce monde corrompu ? Est-ce que nous vivons vraiment des fruits du Saint-Esprit que sont la patience, la longanimité, la bonté, la douceur ?

Combien il nous est bon de nous rappeler ces choses !

Tous les jours, peut-être, nous avons à pratiquer ces vertus.

Nous souffrons aujourd’hui dans l’Église et par l’Église. Est-ce que nous sommes dans ces dispositions de patience, de douceur, de mansuétude dans les épreuves permises par Dieu, même de la part de nos frères ? Ou bien est-ce que nous nous révoltons ? Est-ce que nous nous opposons à la volonté de Dieu ?

Et puis, est-ce que nous réalisons vraiment, dans notre vie cette humilité de l’intelligence ?

« Ramener tous les esprits à l’obéissance à Notre Seigneur Jésus-Christ » (2 Co 10, 5), voilà la devise que nous donne saint Paul. Il s’agit de soumettre notre intelligence qui voudrait se révolter, cette Raison qui s’est fait adorer au moment de la Révolution française, contre la volonté de Dieu. Contre la foi qui demande à la raison de se plier, et d’obéir, et d’accepter la Révélation et les commandements de Dieu, l’homme se dresse dans son orgueil et il adore sa raison.

Enfin faisons-nous ce que nous pouvons pour que les fruits du Saint-Esprit nous aident à modérer les désirs de notre chair, qui elle aussi veut se révolter, qui elle aussi voudrait ne pas obéir aux commandements de Dieu ? Est-ce que les dons du Saint-Esprit agissent en nous de telle sorte que nous pratiquions la vertu de tempérance ?

Demandons tous ces fruits à l’Esprit-Saint, afin que désormais nous vivions vraiment en catholiques.

Puissent ces paroles si profondes de Mgr LEFEBVRE nous inciter à manifester dans notre vie ces si bons fruits que l’Esprit-Saint désire nous communiquer.

 

 

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Notes

2 – Somme théologique, I-II, q. 70, a. 1.

3 – Retraite pascale, Écône, 25 mars 1975.

4 – Somme théologique, I-II, q. 70, a. 3.

5 – Selon saint Thomas d’Aquin, la foi en tant que fruit du Saint-Esprit peut désigner aussi bien la vertu de foi que la fidélité (Somme théologique, I-II, q. 70, a. 3).

 

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