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Analyse du document de Paul VI : Intitutio generalis Missalis romani (2)

publié dans nouvelles de chrétienté le 22 juillet 2020


 

Les 50 ans de la nouvelle messe : l’Institutio generalis Missalis romani (2)

PROVENANCE: FSSPX.NEWS

Le 3 avril 1969, Paul VI publiait la Constitution apostolique Missale Romanum. Elle promulguait l’Institutio generalis Missalis Romani – Institution générale du Missel Romain (IGMR) – qui accompagnait la nouvelle messe, le Novus Ordo Missæ (NOM). Cet article poursuit l’examen de l’IGMR.

L’IGMR est un texte présentant la nouvelle messe, ses principes théologiques, ses normes pastorales et ses rubriques organisant sa célébration. Ce document présente des lacunes profondes quant à la transsubstantiation et la définition même de la messe (cf. article précédent).

Le sacrifice dans l’Institutio de 1969

Le terme de « sacrifice » apparaît dix fois dans l’IGMR, mais il n’est jamais présenté comme satisfactoire. Un constat à rapprocher de l’anathème du concile de Trente : « Si quelqu’un dit que le sacrifice de la messe n’est qu’un sacrifice de louange et d’action de grâces, ou simple commémoration du sacrifice accompli sur la croix, mais n’est pas un sacrifice propitiatoire : qu’il soit anathème » (DzS 1753).

Dans le détail, on trouve cinq fois « sacrifice » (54, 56h, 60, 62 et 153), trois fois « sacrifice eucharistique » (2, 335, 339), une fois « sacrifice pascal » (48) et une fois « sacrifice de la croix » (259).

N° 2. Ce paragraphe parle des fruits de la messe ou mémorial du Seigneur « pour l’obtention desquels le Christ Seigneur a institué le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang, et l’a confié à l’Eglise, son Epouse bien-aimée, comme le mémorial de sa passion et de sa résurrection ».

N° 48. « La dernière Cène, où le Christ institué le mémorial de sa mort et de sa résurrection, est sans cesse rendue présente dans l’Eglise lorsque le prêtre, représentant le Christ Seigneur, fait cela même que le Seigneur lui-même a fait et qu’il a confié à ses disciples pour qu’ils le fassent en mémoire de lui, instituant ainsi le sacrifice et le banquet pascal ». Ce n°48 explique que la liturgie est organisée selon les paroles et les actes du Christ : préparation des dons, Prière eucharistique d’action de grâce où les dons deviennent Corps et Sang du Christ, communion à l’imitation des Apôtres.

N° 54. « C’est le centre et le sommet de toute la célébration : la prière eucharistique, prière d’action de grâce et de sanctification. (…) Le sens de cette prière est que toute l’assemblée des fidèles s’unisse au Christ dans la confession des hauts faits de Dieu et dans l’offrande du sacrifice ». Le sacrifice est mis en rapport avec l’action de grâces, la sanctification, l’offrande, la confession des hauts faits de Dieu, mais la propitiation reste absente.

N° 259. « L’autel, où le sacrifice de la croix est rendu présent sous les signes sacramentels, est aussi la table du Seigneur à laquelle, dans la messe, le peuple de Dieu est invité à participer ; il est aussi le centre de l’action de grâce qui s’accomplit pleinement par l’Eucharistie. » C’est le seul article qui mentionne le « sacrifice de la croix », pour aussitôt le relier au banquet eucharistique et à l’action de grâces.

Ces aspects sont vrais, mais doivent être rattachés à l’aspect propitiatoire et sacrificatoire pour que la doctrine proposée et mise en action liturgique se distingue de la doctrine protestante. Autrement ils pourraient encourir cet autre anathème du concile de Trente : « Si quelqu’un dit que, dans la messe, n’est pas offert à Dieu un véritable et authentique sacrifice ou “qu’être offert” ne signifie pas autre chose que le fait que le Christ nous est donné en nourriture : qu’il soit anathème. » (DzS 1751).

En fait, l’Institutio met l’accent de la célébration sur la dimension de banquet. Même le préambule de 1970, destiné à rectifier les erreurs et donner un semblant d’orthodoxie, ne parvient pas à corriger cette propension. Son n° 1 stipule en effet : « Alors qu’il allait célébrer avec ses disciples le repas pascal, au cours duquel il institua le sacrifice de son Corps et de son Sang, le Christ Seigneur ordonna que soit préparée une grande salle garnie de coussins (Lc 22, 12) ».

Un commentateur, d’autant plus autorisé qu’il fut consulteur au Consilium, le père jésuite Patino, a pu affirmer : « Cette idée d’une réunion chrétienne doit être à la racine de toutes les structures d’une église : une assemblée de Jésus-Christ et de ses frères pour entendre la parole de Dieu, pour répondre à cette parole par leur gratitude, leurs chants et leurs supplications, et aussi pour s’affirmer entre eux l’amour que le Christ, lors du repas, a recommandé comme le signe distinctif de ses disciples. (…) En fait, l’autel est surtout, comme le texte de l’Institutio lui-même le dit à diverses reprises, la table du Seigneur, et cela doit apparaître dans son ornementation, par les nappes, par la forme de sa construction (…). Si plus tard, avec le temps, l’autel a aussi pris le caractère d’un sépulcre de martyrs et d’un autel de sacrifice, ces aspects peuvent être complémentaires, mais ils ne doivent d’aucune façon l’emporter dans l’esprit des gens qui se réunissent pour célébrer le mémorial du Seigneur 1 ».

C’est oublier que la messe est d’abord le renouvellement non-sanglant du sacrifice de la Croix, sacrifice propitiatoire et satisfactoire. Elle réalise d’abord la consécration de la sainte Eucharistie, qui permet au prêtre et aux fidèles de communier au Christ dans sa Passion, laquelle est premièrement et directement représentée. Secondairement et concomitamment, elle permet de recevoir les fruits de tous les mystères du Christ, spécialement de sa résurrection.

Le « récit de l’institution »

L’article 55 d, qui traite ex professo de la consécration, est particulièrement suspect. Il débute par les mots : « Récit de l’institution » – sous-entendu de la messe et de l’eucharistie.

Selon les protestants, à la consécration, le ministre ne fait que redire les mots des Evangiles ; il répète les paroles du Christ. Pour eux, ce récit suffit car il n’est ni nécessaire ni possible que les paroles du Christ soient prononcées de manière affirmative et impérative par le prêtre.

Pour le catholique, il en est tout différemment. Le canon n’est pas un récit, il est un renouvellement, une réactualisation ; c’est pourquoi il est fait mention dans les missels traditionnels, au début du canon : infra actionem ou « début de l’action ». C’est la raison pour laquelle le prêtre prend un ton intimatif ou impératif lorsqu’il prononce les paroles de la consécration. Il ne répète pas, il ne récite pas, il renouvelle, il rend à nouveau l’action du Christ présente.

Ce qui apparaît dans l’IGMR, ce n’est pas le sacrifice de la croix, mais la dernière Cène.

Le président de l’assemblée

Il se trouve quelques passages recourant à un vocabulaire traditionnel pour parler du rôle du prêtre : « se comportant en la personne du Christ (n° 10) », « présidant dans la personne du Christ (n° 60) », ou encore « représentant le Christ Seigneur (n° 48) ». Mais le contexte ne permet pas de déterminer clairement le sens de ces termes, et surtout de nombreux passages de l’Institutio réduisent le célébrant à un simple président de l’assemblée, et insinuent que sa principale fonction au cours de la messe consiste à représenter les fidèles réunis.

Cette présentation favorise la compréhension d’une « représentation » du Christ au sens large, c’est-à-dire par toute l’assemblée, et non au sens strict et précis par un sacerdoce hiérarchique et visible. Ainsi le n° 7 qualifiait le prêtre de simple président de l’« assemblée du peuple de Dieu ». Au n° 10, s’il est affirmé que le prêtre préside l’assemblée comme représentant du Christ, le texte ajoute aussitôt que la prière eucharistique constitue une prière présidentielle. Or le même article affirme que les « prières présidentielles sont adressés à Dieu au nom de tout le peuple saint et de tous ceux qui sont présents ». Le rôle du prêtre et la nature du sacerdoce sont ignorés ou déformés.

Sans doute est-il vrai que certaines parties du canon sont adressées à Dieu au nom des fidèles ; mais la consécration est prononcée au nom du Seigneur par le prêtre seul.

Le récit du canon

Au n° 12 il est dit que « la nature des parties présidentielles exige qu’elles soient prononcées à haute et intelligible voix, et écoutées par tous avec attention ». Il en résulte que les paroles de la consécration doivent être prononcées elles aussi à haute voix, comme si le prêtre agissait spécifiquement comme délégué du peuple. Cette prescription se heurte à l’anathème du concile de Trente : « Si quelqu’un dit que le rite de l’Eglise romaine, selon lequel une partie du canon et les paroles de la consécration sont prononcées à voix basse, doit être condamné : qu’il soit anathème » (DzS 1759).

En effet, si la « nature » des parties présidentielles exige qu’elles soient prononcées à haute et intelligible voix, cela revient à poser un principe toujours valable quelles que soient les époques. Le concile de Trente se trouve donc implicitement rejeté par cette disposition.

Par cet ensemble d’explications, l’Institutio introduit une doctrine erronée sur le sacerdoce en entretenant la confusion entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun des fidèles.

 

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